Lucrèce d'Uberwald
Humain
Nombre de messages : 704 Âge : 39 Date d'inscription : 08/11/2009
Personnage :.: MANUSCRIT :.: Âge : 21 Taille : Niveau Magique : Non-Initié
| Sujet: Le fruit d'une union défendue [Aetius] Sam 15 Sep 2012 - 16:07 | |
| Une femme d'âge mur arriva devant les portes du chateau de Scylla. Elle portait une cape qui lui cachait le visage et dans ses bras, un enfant endormi. Elle montra aux gardes une lettre cachetée. Le sceau en question était celui d'une dame. On la laissa alors entrer. On vint l'accueillir, ce ne fut pas le comte mais un de ses intendants certainement. Camille regarda l'envoyé qui désirait prendre le message mais cette dernière refusa de le lui donner.
Je vous prie de m'excuser mais j'ai ordre de remettre cette missive au comte de Scylla en personne. C'est de la plus haute importance.
Devant cette demande, l'intendant alla s'enquérir auprès de l'Ivrey de ce qu'il devait faire. Camille attendit avec le bambin dans ses bras, effleurant sa joue pour l'eveiller doucement.
Réveille toi, on est arrivé.
Le petit garçon se réveilla et elle le déposa délicatement sur le sol. L'enfant était blond comme les blés et un regard vert qui vous transperçait l'âme. L'intendant finit par revenir et fit signe à la servante de le suivre. Traversant en long, en large et en diagonal le chateau du comte, ils finirent par arriver devant une lourde porte. Le seigneur devait se trouvait derrière.
Tu vas rester ici bien sagement. Je dois parler à une personne...
A ces mots, le jeune garçon acquiesça et l'intendant frappa à la porte. Devant les paroles qui les invitaient à entrer, Camille poussa la porte qui se referma derrière elle. Avançant un peu, elle s'inclina respectueusement devant le comte et lui tendit la lettre. Elle savait que c'était lui car elle l'avait croisé au chateau de Norman la veille du mariage de sa défunte maitresse. La lettre portait le sceau de la dame d'Uberwald, jadis de Hetalia. Beaucoup de noms pour une jeune femme que le destin n'a pas épargnait. Une fois décachetée, l'Ivrey put y voir une jolie calligraphie et la signature de la dame ainsi qu'une feuille pliée, il s'agissait d'un acte de naissance. Voici ce que disait la lettre adressée au comte.
Mon seigneur,
J'ignore si vous vous souvenez de moi mais si en ce jour vous avez cette lettre entre vos mains c'est que je dois être morte. Je ne vais pas revenir sur le passé ni sur nos rencontres mais sachez qu'il n'y a jamais eu d'autres hommes que vous sur la période de ma répudiation. Je ne pensais pas que cela serait possible mais j'ai donné naissance à un enfant de vous. Un petit garçon dont je n'ai pu avoir le plaisir de voir et d'aimer. Pour sa sécurité, il me fut arraché et caché. Seule ma camériste en qui j'ai toute confiance sait que l'enfant est toujours vivant car c'est elle qui en secret a pris soin de lui durant toutes ces années. A présent que j'ai disparu, j'aimerai que vous preniez sous votre aile, cet enfant pour lui offrir protection et une vie qui sied à sa noble naissance. Je ne vous demande pas de le reconnaitre comme votre héritier mais simplement comme étant un enfant de vous. Ainsi je pourrai reposer en paix.
Votre dévouée... Lucrèce d'Adamantine, Dame d'Uberwald et Baronne d'Oesgard. |
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Aetius d'Ivrey
Ancien
Nombre de messages : 1466 Âge : 34 Date d'inscription : 07/02/2010
Personnage :.: MANUSCRIT :.: Âge : La vingtaine (25+) Taille : Niveau Magique : Arcaniste.
| Sujet: Re: Le fruit d'une union défendue [Aetius] Ven 14 Déc 2012 - 13:15 | |
| Les portes du « château » avaient caché une bien triste réalité à la servante à la faible-vue. Aux yeux débiles, devrais-je même dire, tant cette réalité sautait à la figure dès que l’on posait un pied aux alentours de la cité de Pharembourg. Au loin, qu’on arrive par la mer et l’on aperçoit au loin, sur l’éminence abrupte et rocailleuse qui surplombe les tuiles rougeâtres de la cité libre, le château comtal ruiné, une tache de pierre grise sur le promontoire d’un blanc crayeux. Par le fleuve, on passait une porte en piétinant sur une terre sèche et craquelée, accompagné de dizaines d’autres pieds poudreux, des badauds venant à la ville y vendre leur pêche suspendue contre leur épaule dénudée, tannée par le soleil du sud, des gens importants , des jeunes nobles s’exilant pour l’été dans les villas familiales mais retournant à la ville pour leur maîtresse et leurs parties de Tone’Tone’ (un jeu barbare venu du nord, paraît-il, et que des chevaliers du comte comme lui-même avaient tôt fait de populariser). Et lorsqu’on eut passé le pont qui dépassait la fosse naturelle du fleuve, lorsqu’on put lever un regard vers un bout de ciel que le rongeaient pas les toits des auberges et des temples, on apercevait, encore, le château de Bordefente, effondré, éventré.
Quelques bâtiments, cependant, avaient survécu à la catastrophe. Tout au nord, là où le piton rocheux rencontrait la double-muraille de la cité et jouxtait le fleuve, un lourd bastion demeurait. L’aile militaire, sa salle des gardes, ses armureries, construite plus récemment, plus solidement, s’élevait à l’ombre de l’éminence, esseulée, abandonné par l’ancien palais. Celui-ci était, comme on s’en doute, une juxtaposition d’ailes, d’appartements, de cours et de jardins. Il avait été temple, mine, carrière, hôtel particulier, caserne, grenier, entrepôt, repaire de brigands, et de tout temps symbole. Les prêtres des dieux étrangers y avaient sacrifié en abondance, les seigneurs de la Mer vinrent déposer au pied des idoles de bois précieux et habillé des soies les plus fines, des perles les plus pures, le fruit de leur butin, aimable offrande faite à la mer et la mort, au feu et à la guerre. Fussent des rois de la côte ou des chevaliers de Langehack qui les premiers s’étaient arrogé cette bâtisse dominant toute la ville ? Qui fut le pionnier dont la fortune politique fut assez grande pour qu’il ait le pouvoir de s’asseoir parmi les dieux pharétans ?
Tout cela était oublié depuis des Eons, mais le lieu n’avait rien perdu de sa sacralité, et tout Pharembourg y alla de son interprétation sur la cause de la destruction de Bordefente. C’était, entendait-on sur la place de l’Arsenal les jours de foire, le comte Guillaume, ou du moins son fantôme, qui avait, après des décennies d’errance sur la terre mortelle, d’emporter dans les Enfers son château, où il avait péri de la main de son fils Fabio. Pas du tout, répliquait, aigre, le chaland happé dans la conversation. Ce sont les nains, ces centaines de nains qu’Aetius avait invité dans les souterrains des Balmes, du nom de le l’éperon rocheux obombrant la cité. Peuplant les infinis souterrains des anciennes mines de sel, ils auraient provoqué un vaste effondrement en s’adonnant à leur obsession de creuser des trous. Un dévot ajoutait alors que c’était Mogar, qui frappait le comte ou ses nains comme il avait frappé le royaume de Nanie. Les explications, mâtinées d’une bonne dose de métaphysique bricolée, allaient bon train et étaient devenues une mode partagée par toutes les classes sociales pharembourgeoises. Des mystiques qui arguaient une explication à base de dragons, comme c’était le cas à Diantra, aux misogynes accusant Blanche de quelque sorcellerie à l’égard de son nouvel ancien mari, le maudissant d’avoir rompu leur alliance sacrée ; il y en avait pour tous les goûts.
La diversité des rumeurs avait cependant un dénominateur irréductible : elles étaient toutes de mauvais augures. Toutes avaient un goût de sacrilège, portaient en elles quelque chose de la colère divine, du déclin annoncé de cette mauvaise herbe étrangère qu’était l’Ivrey. Pour tenace qu’elle soit, l’adventice était rejetée par les dieux de la côte de Sel. Et d’aucuns avaient essayé de se servir de cette impression superstitieuse. La réponse comtale avait été sans appel : la sédition d’Ocèbe, timide tentative de ronger les prérogatives d’Aetius, s’était soldée par son arrestation, son procès, son exécution. On avait rappelé à la cité la coriacité du comte, et les factions s’étaient dispersées, comme si elles s’étaient réveillées d’un rêve, pantoises.
Mais arracher ne suffisait pas, il fallait replanter. Qu’importe le nombre de reîtres qui tuaient pour Aetius dans les rues du port pharétan, le nombre de propriétés qu’il confisquait, tant que le palais des comtes restait un amas de pierres disloquées, la populace continuerait à susurrer, excitée par la faiblesse que projetait symboliquement la ruine sur l’autorité d’Aetius. Le jeune comte avait-il compris ces subtilités politiques ? Le très-récent régent avait-il même pris le temps de penser à ses domaines du sud, occupé qu’il était aux affaires du royaume ? L’homme était Ancenois, il avait, comme tout Ancenois, connu le ravissement de contempler, au loin, dans la plaine qui l’encercle, le Temple de Primeprestre, ce bâtiment sacré et vénérable qui dominait Vielmot et la bourgade d’Ancenis, insufflant aux chalands comme aux chevaliers du pays une bouffée d’orgueil quasi-patriotique à voir s’élever au centre d’Ancenis, sans rival, le symbole du règne de la Néera triomphale. Mais avait-il jamais compris ce sentiment de fierté, avait-il, ce bâtard, saisi les arcanes d’un pouvoir qui partout s’exprime, se montre, se glorifie ?
On l’ignore et l’ignorera sûrement toujours. Ce que l’on sait, c’est qu’un édit comtal déclara la construction, après purification, d’un nouveau palais sur l’éminence des Balmes, là où se trouvait le château de Bordefente. Allait s’ériger un symbole plus imposant, plus fort, le symbole d’une nouvelle dynastie qui promettait, par la grandeur des tours, des murs qui allaient être bâtis, une ère de puissance et de prospérité. Celui qu’on avait autrefois appelé le désargenté, poussé par ses instincts les plus aristocratiques, avait peut-être décidé de dépenser les amendes, les rançons et le butin que ses guerres en érigeant une grande construction crachant hautainement sur les concepts méprisables de « finances saines », « économie » et autres « modération ». Peut-être l’habile Hubert, qui depuis les débuts de l’Ivrey veille au grain, avait-il suggéré cette construction gargantuesque en caressant dans le sens du poil l’orgueil de son maître. Encore une fois, on l’ignore.
La digression n’ayant que trop duré, revenons aux choses plus concrètes, c’est-à-dire la cité libre de Pharembourg. L’été déclinait, on était dans cette période molle où marins et marchands étaient encore dans la mer ou les colonies. En temps normal, il faisait chaud et silence. Les ruelles étaient vite désertées pour les solariums et les jardins, car on s’ennuyait ferme. Mais c’était sans compter sur le flot d’artisans, d’ouvriers, d’ingénieurs et de toute une horde de portefaix qui avait envahi la cité et sa campagne alentour. Le chantier de la reconstruction n’avait même pas commencé que s’entassaient troncs et vanniers, forgerons et putains, cochons et maîtres d’œuvre nains. Les tailleurs de pierre et les essarteurs, qui avaient souvent travaillé pour le comte dans les terres royales, s’étaient amassés avec leurs familles, se concentrant dans une ville de fortune jonchées de huttes, d’auvents de tissu, au milieu des troupeaux et des citernes, invivable fourmilière aux portes de la riche ville marchande. Peu flânaient, ils s’activaient tous à leur besogne. Ces grandes constructions, toujours retardées, étaient bien souvent des monstres d’inertie, mais tous croyaient le comte trop riche pour ne pas construire immédiatement, comme si la démarche était, pour un prince, aussi naturelle que d’uriner.
Ainsi, quand Camille se hissa jusqu’aux portes du « château » de Pharembourg, évitant maladroitement les troupes d’esclaves zurthans, nus et stoïques, qu’on emmenait dans les Balmes extraire le calcaire qu’il fallait ou concasser la pierre ou aplanir la roche, elle fut accueillie par un intendant occupé à de menues affaires. Ce dernier, quand il sut la raison de sa présence ici, eut une moue embarrassée et hocha la tête en direction du port, où résidait à présent le pouvoir. « Temporairement » ajouta-t-il, empressé. Il fit venir une demi-douzaine de reîtres qui, du haut de leur monture, ouvrir un chemin, bousculant le badaud et le porteur de la hampe de leur lance tout en criant « Au compte du comte. Laissez passer, laissez passer, » d’une voix lymphatique, « Au nom du seigneur, allez on bouge ». Mais à mesure que l’on s’enfonçait vers l’Arsenal, la foule se faisait plus compacte et l’avancée toujours plus lente. La place était bondée et puante. Devant le Palais des Conciliaires, on se pressait vers la loggia, où d’inépuisables scribes et clercs enregistraient, sous l’œil rapace des viguiers et des maîtres des changes, le lumpenprolétariat, les saisonniers, les marchands de bois et de chanvre, venus enregistrer ce qu’ils apportaient avec eux, que ce soient leurs devises étrangères ou leurs bras. Une fois entré dans le Palais, un valet mena la femme et l’enfant dans une galerie et les abandonna à leur sort sans leur jeter un seul regard. Là, au milieu de ce grand couloir habillée de mosaïques dépeignant les combats mythiques de la cité, les deux étrangers attendaient. |
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