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| Contemplation | Farren | |
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Le Vaisseau de la Voilée
Ancien
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| Sujet: Contemplation | Farren Dim 16 Juin 2013 - 19:17 | |
| « Meavh ! Meavh ! » Tout en sachant pertinemment sa tentative vaine, Meavh garda les yeux résolument fermés, souhaitant ainsi mimer un sommeil de plomb. L'enfant était une petite bête bien étrange qui semblait ne jamais connaître le découragement. Souvent, Meavh se demandait si, jadis, elle avait été aussi pleine de bonne volonté. Une petite main saisit son épaule et commença à la secouer. Doucement d'abord, puis de plus en plus fort, jusqu'à finalement faire mal à son infortunée victime qui rendit grâce par la même occasion. « Là, là... » marmonna-t-elle sans savoir si elle était de mauvaise humeur ou non. Force était de constater que Meavh aimait bien la petite. Elle était souvent de bonne humeur et semblait baigner dans un perpétuel émerveillement. Aussi, elle ne s'arrêtait jamais de parler, décrivant à son aîné tout ce qui l'entourait sans que cette dernière ne lui eut jamais demandé. Meavh ne l'avait jamais remerciée, il n'empêchait qu'elle avait trouvé dans ces monologues juvénile une source d'apaisement. Elle était arrivée à Rive plusieurs ennéades auparavant. Si l'hiver n'avait pas encore fait siennes les terres de Miradelphia, cela ne saurait tarder. Le temps avait rafraichi et les plus anciens prédisaient l'arrivée des premières neiges, déjà. Meavh n'aimait pas la neiges, elle rendait ses trajets plus périlleux encore que la moyenne. Le bâton était un fidèle compagnon, mais malgré les années, ils ne parlaient toujours pas la même langue et il peinait encore à la prévenir quand une plaque de glace se glissait sous ses pas. Fort heureusement, Meavh n'était plus de ces personnes qui passaient leur vie sur les grands chemins. Elle avait tourné la page de cette période de sa vie, sans regret, loin s'en fallait. « Ne te lasseras-tu donc jamais, Aislinn ? » demanda l'aveugle avec une voix faussement plaintive alors qu'elle se redressait. La suite releverait de la routine : l'enfant l'aida à s'habiller, lui servit à manger, passa plusieurs dizaines de minutes à apprivoiser son impressionnante chevelure et la conduisit à l'extérieur du temple de Lwar. Elle l'accompagna jusqu'au Temple de Wagyl et lui souhaita une bonne journée avant de s'éclipser, la laissant aux bons soins de prêtres hostiles et méprisants. Après tout, Meavh était une étrangère, ignorante de leurs coutumes et il voyait dans chacune de ses paroles une nouvelle preuve de son arrogance. Elle n'était pas rivoise et c'était son plus grand crime. Ça et le fait d'être née femme. C'était d'ailleurs pour cela qu'elle résidait dans le Temple de Lwar et non dans la demeure du Grand Serpent : elle portait le Wagyl sur son dos et cela lui donnait le droit de méditer en son Temple, mais d'y vivre, jamais. Comme chaque jour, un prêtre l'accueillit sans chaleur, se contentant de la saluer d'un discret et neutre « Bonjour, Andall. » Andall signifiait l'Aveugle et, la plupart du temps, ils ne s'embarrassaient pas de l'appeler autrement. Après l'avoir conduite dans une salle de méditation, il lui passa un bandeau de tissu sur les yeux ; une autre preuve de l'hostilité contenue à son égard. La raison invoquée avait été que son regard aveugle dérangeait les fidèles, qui ne savait jamais sur quel pied danser avec elle. Elle se laissa faire, comme tous les jours avant celui la. L'heure n'était plus à la rébellion, ni même à l'action. Meavh ne s'en sentait plus la force. Elle était revenue à Rive pour commencer une nouvelle vie, faite de méditation et de contemplation. Pas de combat.
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Ancien
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| Sujet: Re: Contemplation | Farren Dim 25 Aoû 2013 - 16:58 | |
| Un à un, les vieux démons de Meavh s'effaçaient. Ils la laissaient écocrchée vive, mais enfin libre de guérir, de se reconstruire. Loin de Sainte-Berthilde. Loin de Tyra. Loin de Plume et de Katyaline. Dormir redevenait naturel, de même que manger et sourire. Aislinn y était pour beaucoup, la petite était comme un petit miracle ambulant qui ne se lassait jamais d'arracher son aînée à ses idées noires. L'aveugle lui devait beaucoup et si elle ne l'avait jamais remercié de vive voix, elle s'en sentait responsable. La fillette savait se débrouiller seule, elle l'avait plus d'une fois prouvée, et Meavh n'avait pas la prétention à incarner une quelconque figure maternelle — Tyra seule savait combien elle s'était révélée très mauvaise « mère » quand elle avait eu la charge de Plume... — mais il n'empêchait que, pour sa cadette, l'aveugle faisait de son mieux en tout, tentant par la même occasion d'être le modèle qu'elle ne pensait jamais avoir été. Chaque jour qui passait la voyait devenir un peu plus rivoise. Elle maîtrisait de mieux en mieux la langue locale : si elle peinait toujours à comprendre une conversation entre deux commères sur le marché de Loqriv, au moins parvenait-elle désormais à se faire comprendre et, quand on l'aidait un peu en faisant attention à son élocution, à comprendre ce qu'on lui disait. L'entendre tenter d'effacer son accent amusait beaucoup Aislinn qui faisait de son mieux pour l'aider. Une fois, Aislinn avait expliqué à Meavh qu'elle venait d'Alckari, une ville à l'Est du Rocher bordant le Lyron et beaucoup plus ouverte sur le « monde extérieur. » L'aveugle avait lentement opiné du chef, alors qu'elle découvrait un nouveau fragment de l'histoire de Rive. Plus elle en apprenait sur la région, plus elle en venait à l'apprécier. Elle se découvrait d'ailleurs passionnée par ses légendes, ses héros et ses mythes. Ses Dieux, aussi, si différents des Cinq. Deux particulièrement attiraient toute son attention : Lwar et Wagyl. La première parce que ses prêtresses semblaient en savoir plus sur elle qu'elles ne l'auraient dû. Elles l'avaient trouvée, alors qu'elle errait dans les rues de Nefir, elles l'avaient accueillie sans rien demander en échange mais plus le temps passait, plus Meavh avait la conviction qu'elles avaient leurs propres raisons d'agir ainsi. Quant à Wagyl, la bête ne lui était tout simplement pas inconnue. Du port de Meca jusqu'au pont de ce qui était appelé à devenir l'Alkhâg, pareils monstres avaient jailli des flots pour venir à son secour. Dès lors, le Dieu serpent, gardien du temps et du monde d'En-Bas, la fascinait plus qu'aucun autre, au contraire de ses prêtres pour lesquels elle n'avait aucune sympathie et beaucoup de méfiance. L'aveugle partageait son temps entre les deux temples. Si c'était sous le toit de Lwar qu'elle se sentait le plus « chez elle, » c'était dans la demeure du dieu Serpent qu'elle trouvait la paix. L'air chargé d'encens apaisait son esprit et il lui semblait qu'elle y réfléchissait plus clairement. Parfois, quand elle en trouvait le courage, elle jetait un regard par dessus son épaule et contemplait le long chemin qui avait été le sien. Elle avait ainsi pu faire la paix avec elle-même sur plusieurs événements douloureux de son existence et cela avait aidé, au moins autant que la bonne volonté d'Aislinn. Ainsi avait passé l'automne et ainsi naquit l'hiver : la nuit était froide et noire, c'était comme si les étoiles avaient déserté la voûte et Qoqmar courait seul sur son domaine, sous le regard brillant de la lune, que l'on disait être l'œil de Lwar. Les pieds nus, comme à son habitude, Aislinn vint rejoindre Andall Meavh, comme on l'appelait désormais sans se souvenir qu'elle avait un jour porté un autre nom, et la tira de son sommeil. Ce n'était pas inhabituel, c'était même l'un des rares défauts de la petite qui ne semblait pas réussir à comprendre que le sommeil de son aîné était d'autant plus précieux qu'il avait été terriblement rare. Pour autant, Meavh ne se plaignit pas. Elle tendit les bras, habituée au rituel de la rivoise, mais comprit que quelque chose n'allait pas quand l'enfant ne vint pas se blottir contre elle. « Lwar t'appelle, Meavh. Tu dois venir, c'est important, » la pressa-t-elle avant de saisir l'une de ses mains et de la tirer vers elle. Il fallut les protestations de l'aveugle et sa promesse de la suivre pour la calmer un petit peu. Le ventre noué, la Gardienne déchue se laissa guider par sa protégée et remarqua bien vite qu'elle était conduite dans des parties du temple qu'elle n'avait encore jamais visité. La bâtisse était petite, mais les règles interdisaient à quiconque n'était pas fille et servante de Lwar de pénétrer certaines de ses dépendances et Meavh n'avait jamais tenté de lutter contre cet interdit. Elle essaya bien d'interroger Aislinn, mais cette dernière se refusa à parler, ne cessant d'invoquer la Lune et la Déesse. Finalement, une porte se referma derrière elles et elles cessèrent de marcher. « L'heure est venue. Lwar appelle à elle l'étrangère et l'étrangère vient répondre à l'appel, » clama une voix que Meavh ne connaissait que trop bien, même si elle ne l'avait entendue qu'une fois. C'était la voix par laquelle tout avait commencé. La vieille du marché de Nefir. La vieille et ses chouettes de bois et sa chouette d'argent. L'aveugle porta sa main à son cou et y trouva le colifichet, froid comme au premier jour. Des mains se saisirent de ses bras et la tirèrent doucement en avant. Elle lutta contre le besoin instinctif de se libérer et se força au calme. Aislinn l'avait conduite ici, elle ne risquait rien. Elle se laissa donc entraîner tandis qu'on lui faisait gravir quelques marches et s'asseoir à même le sol. Les deux femmes — elles devaient l'être — l'imitèrent et se placèrent à ses côtés, tandis que la vieille devait lui faire face, déduisit-elle en les entendant parler. Elle même préféra garder le silence : elle avait décidé d'accepter ce qui était en train de se jouer mais ne savait toujours pas de quoi il en retournait et était bien décidée à demeurer muette le temps que durerait son ignorance. La voix de la vieille n'avait pas changé, elle demeurait rocailleuse et, aux oreilles de Meavh au moins, incroyablement désagréable. Elle transpirait toujours l'autorité et, dans une certaine mesure, l'assurance de celle qui sait ce que d'autres ignorent. « L'heure est venue, répéta-t-elle, tu es prête. Lwar te voit et sous son regard, tu verras toi aussi. » Ce que l'aveugle ne pouvait deviner, c'était qu'elle était baignée de la lumière de la lune. La pièce était la plus froide du temple pour une bonne raison : on avait dessiné un cercle parfait dans son toit, un cercle qui, une fois par cycle lunaire, laissait la lumière de l'astre nocturne frapper le cercle dans lequel Meavh était assise. Pendant qu'on avait installée l'ancienne Gardienne, Aislinn s'était saisie de trois baguettes de bois et les avait enflammées avec la torche de l'entrée. Elle en tendit une à chacune des prêtresses et, avec un dernier regard plein d'admiration pour Meavh, s’éclipsa. L'une après l'autres, les filles de Lwar posèrent leur baguette sur un petit pot d'encens, psalmodiant par la même occasion un hommage et une demande à leur Déesse. L'odeur, âcre et forte, saisit la gorge de la serramiroise et elle toussa plusieurs fois, inhalant d'autant plus la fumée lorsqu'elle tentait de reprendre sa respiration. Elle commença ensuite à trembler, avant de lâcher un cri de surprise et de lever son regard aveugle vers la lune.
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Ancien
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| Sujet: Re: Contemplation | Farren Dim 6 Oct 2013 - 16:42 | |
| Le bandeau rêche, trop serré, frottait sa peau sous ses yeux et laisseraient de vilaines marques rougies à la fin de la journée. Au moins lui offrait-on de le retirer quand, le soir venu, on la conduisait de la salle de méditation à sa cellule, une modeste pièce aux murs nus où la seule fantaisie résidait dans le fait qu’on avait agrémenté la paillasse dure d’un oreiller rembourré avec du foin. L’odeur entêtante s’était rapidement nichée dans ses cheveux, si bien qu’elle ne la quittait plus peu importait où elle se rendait. On lui avait ordonné de délaisser la robe blanche de Lwar pour revêtir une autre, aux couleurs plus bleutées rappelant le céruléen de la marque qui lui barrait légèrement le dos. Cette dernière se rappelait souvent à son bon souvenir, ces derniers temps ; chaque fois qu’elle reprenait conscience de l’imposante sculpture de Wagyl à laquelle elle faisait face toutes heures de la journée, elle sentait les anneaux de sa propre représentation serrer son épiderme fragile. L’entrave lui coupait chaque fois le souffle et elle et la laissait chaque fois tremblante et haletante. Dans ses moments-là, elle tâtonnait à la recherche de son bâton et s’y agrippait dès qu’elle l’effleurait. Ses doigts partaient à l’assaut des arabesques qu’elle y avait gravées, suivant les déliés jusqu’à retrouver un peu de paix. Qu’il lui semblait loin, le repos ! et perdue à jamais, la paix ardemment retrouvée ! Les manigances de la vieille avaient détruits son havre tranquille, jeté à bas ses maigres progrès. Ses nuits redevenaient le chaos de son Gardiennage, son appétit fondait comme neige au soleil, jusqu’à ne devenir plus que peau de chagrin. Elle croyait le sentir à nouveau, son œil sur elle, à épier le moindre de ses mouvements, à entendre la moindre de ses pensées. Elle s’était réveillé plus d’une fois, en sueur, hurlant alors qu’elle pensait s’arracher aux limbes du Royaume. Au petit matin, plus épuisée qu’au moment de s’endormir la veille, elle n’était plus en mesure de dire s’il s’agissait bien de rêves ou si la Voilée avait changé d’avis et cherchait à l’attirer jusqu’à elle, pour mieux en refaire son Vaisseau. C’était possible, après tout. Qu’est-ce qui l’empêchait ? Elle ne croyait pas une seule seconde avoir été choisie ou élue ou désignée d’une quelconque façon par une déité dont elle doutait toujours de l’existence. À moins que ce ne fussent tout simplement les herbes, les véritables auteurs de sa vision. Elle s’en souvenait parfaitement, comme si chaque couleur demeurait à jamais fixée dans son imaginaire en une magnifique toile de maître. Le soleil. Le corbeau géant. Et l’homme. La vieille avait ordonné qu’on n’en dît rien à personne, arguant qu’il s’agissait là d’un don de Lwar qu’il convenait d’user avec sagesse. Le lendemain pourtant, des bruits avaient commencé à circuler. On parlait d’une bénédiction, on parlait d’un miracle, sans jamais rien nommer. Pour autant, toute aveugle qu’elle fut, elle sentait les regards converger vers elle et les conversations mourir et les chuchotements fleurir. Tout en même temps. Alors, la maison de Lwar était devenue une prison dans laquelle, quoique libre de ses mouvements, elle ne décidait plus de rien. Quand elle avait cherché à s’extirper à ce miasme d’espoirs malsains, la vieille lui avait fait durement comprendre que ses excursions dans l’Antre du Wagyl étaient terminées, qu’elle était porteuse d’un devoir et qu’elle devrait désormais lui obéir, au doigt et à l’œil. C’était sans compter la gentillesse d’Aislinn qui, la voyant dépérir, s’était arrangée pour lui offrir une porte de sortie. Une après-midi à l’air libre. Ce que l’enfant n’avait pas anticipé, c’était que l’aveugle n’avait qu’un endroit où se réfugier, qu’un regard sous lequel se placer, fusse-t-il de bois. Le Wagyl avait été son protecteur. Il l’avait sauvée par trois fois, sans jamais rien lui demander en échange et il avait bien été le seul dans ce cas alors. Qu’il fut lié à la Voilée n’avait aucune importance, il demeurait, avec le bâton, le seul rocher de son existence. Agités par les rumeurs qui foisonnaient de la maisonnée de la Mère, les servants du Dieu-Serpent avait vu dans son arrivée impromptue une bénédiction. Il n’était pas si rares que des cultes s’arrogeassent le droit de désigner un élu de droit divin ; souvent un pauvre hère que l’on présentait comme récepteur des messages de la déité. Le peuple de Rive était habitué à ces figures aussi fugaces qu’un souvenir emporté par le temps, mais qu’elle fût une étrangère était inédit. Or les prêtres n’aimaient guère la nouveauté, surtout que l’on se murmurait que la vielle avait dans l’idée de se servir d’elle pour mieux renforcer son clergé. Alors ils avaient réclamé leur dû, bravant la colère des servantes blanches. Le Wagyl l’avait choisie, avait marqué son dos et il leur revenait donc d’observer et respecter sa volonté. Trois ennéades avaient passé depuis, sans qu’elle ne fût jamais autorisée à s’égarer ailleurs que sous l’œil du Dieu ou sa cellule. Trois ennéades durant lesquelles le ton s’était durci. À Rive, on ne parlait plus que de cela : comment, pour une étrangère, Lwar et Wagyl étaient entrés en guerre. Oh, le mot était fort et nul sang n’avait encore été versé. Mais les harangues populaires se multipliaient et les autres temples prenaient peu à peu parti. La fracture rappelait les vieilles querelles et l’on trouvait derrière le Serpent ses frères du règne animal tandis qu’avec Lwar luttait ceux qui marchaient à l’image du peuple de Loqriv. Et puis un jour, la vieille entourée de ses fidèles parmi les fidèles se présenta aux portes de son seigneur et plutôt que de demander son aide, elle parla pour la première fois des promesses de Lwar, de son devoir envers la Mère et du devoir de Farren de Loqriv. Le nom de Meavh fut prononcé plusieurs fois.
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| | | Farren de Lockrive
Humain
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| Sujet: Re: Contemplation | Farren Jeu 19 Déc 2013 - 17:30 | |
| Loqriv. Douce Loqriv.
Tendre mais cruel refuge. Loin des flots tumultueux d’esprits de Nefir. Là, seul, dans son château émergeant de l’océan rageur, là, enveloppé par les tourbillons des vents d’occident, là il se sentait chez lui. Ses fonctions l’obligeaient à nombre de voyages et ses séjours en sa demeure se faisaient toujours plus rares. Pourtant, même ici, dans ce qui devenait la capitale religieuse d’une Riv renaissante, il n’était pas plus au repos. Les nouvelles fusaient en éclairs et un orage de tourments venaient l’accabler de choix. Une triste cohorte de ses gens s’était bientôt présentée devant lui, guidée par un Drogon sombre et mélancolique. Ainsi le Nord pleurait d’une tragique perte. Disparition d’un Sanglier qui voulait être Lion. De ces hommes, Farren en fît des héros. Héros d’une Riv glorieuse qui avait su porter leur rage, leur bravoure, au delà des monts, des forêts et des plaines du Nord. Au grand dam d’un Mèstre Giovanni toujours plus esseulé et affaibli, le seigneur plaça à sa droite le furieux hanglyose, se constituant alors une véritable cour recentrée autour de figures fortes des grands hommes libres de Riv. Et les tavernes et autres auberges de ce coin de monde résonnèrent alors de chants et d’histoires contant leurs prouesses, louant leurs exploits. S’il en était ainsi de Drogon, son jeune cousin, quant à lui, se vit affublé d’un destin tout autre. Les morsures sournoises de l’hiver avaient eu raison du cœur vaillant mais fragile du vieux Thénédor, ne laissant à l’Arhelm endeuillé que la morne absence d’un père. De leur père. Aussi l’on vint placé la couronne seigneuriale sur un front lisse. Si depuis les années le jeune seigneur s’était fait homme, il demeurait encore des vestiges de l’enfant. Cet éclat de curiosité juvénile qui s’imprimait toujours dans son œil, malgré le voile de la guerre et du sang qui l’avait assombrit. Plus tout à fait naïf, Guéric avait prit sa charge avec honneur et sérieux, empreint de l’image idéalisé de la figure de l’Elu solaire. Si les affaires temporelles avaient occupé une place d’importance dans les préoccupations lockrivoise, Farren n’avait pour autant pas délaisser celles de l’immortel.
Ainsi, depuis sept années déjà, les théologues bouillonnaient de questions essentielles. Un nouvel astre tentait le ciel d’ambre et, si personne ne pouvait prétendre en avoir l’explication exacte, nombre était ceux qui s’épanchait en théories plus ou moins fantasques. La plus communément admise voulait qu’il était l’incarnation de l’union de Selei et Lwar, en ce mois d’obscurité, nouveau dieu trônant parmi l’éther, immobile, constant. Bien vite divinité de l’équilibre, de la maîtrise, puisque impassible à la course de ses pères, partagé entre le fureur éblouissante du soleil et la bienveillance maternelle lunaire. Loin était l’ère de l’obscurantisme, de doutes, de peurs, loin derrière la prétendu fin des mondes. Loin, s’élevait des cendres des anciens l’ère nouvelle. Un age d’or, espérait-on dans les prières muettes. Les plus audacieux, rattachant la maison de Loqriv à son histoire mythique, et y associant le franchement élu de Selei, avait placé sous la protection du jeune dieu le pieux Farren, nouveau poids sur des épaules qui ne demandaient pas tant.
Autre histoire. Et c’était la furie lwarienne qui apostrophait le descendant du Colosse, vieillesse sage qui ne manquait pas, dans une verve encore tonitruante, d’appeler son talmeor à son légitime arbitrage. Il était question d’une étrangère, réceptacle du don des dieux, dont les deux cultes majeurs de la citée revendiquaient la propriété. Pittoresque. Se remémorant quelques brèves rencontre et un fameux tatouage, Farren décréta qu’il devait donc voir de ses yeux l’objet de la querelle. Ainsi le voilà parti pour le temple de son antique ennemi, talonné par la vieille prêtresse bien vite rejoint du prélat du Wagyl. Arrêtés dans l’antichambre du temple, le bon seigneur et ses acolytes observaient le théâtre d’une pièce où seules quelques âmes erraient dans les affres de la méditation.
Un visage de marbre blanc, comme neige brillante sous l’éclat lunaire, se tournait à présent vers lui. Immobile, il se sentait presque engloutir dans cette teinte d’albâtre, tranchant avec ces fils de charbon qui l’encadraient, tombant en cascade de pluie sèche, pareil à la nuit elle-même. Deux traits à peine rosés dessinait une bouche fine à la racine d’un nez discret, presque effacé face à la puissance évocatrice d’un regard pourtant éteint. Si la première fois, la lueur étouffé des flammes avait peint tout un décors d’ombres mouvantes et d’oranges dansants, si la pénombre de ses propres préoccupations lui avait dissimulé son visage pour le seul souvenir d’une voix, d’une vague silhouette, le spectacle d’un jour éclatant lui révélait à présent toute l’étendu de ce paysage de chair. Ses monts, ses creux, ses lignes, ses courbes, ses teintes et ses profondeurs, tout évoquait l’exotisme sévère d’un voyage sec mais non dénué d’un charme froid. Il était loin, pourtant il se sentait happé, si proche. Peut être se dégageait là, en ces quelques bribes de mots, toute la force de ces pupilles aveugles, deux yeux noir qui perçaient sans voir, comme pour mieux rétrécir le monde à sa véritable taille, grain de poussière entouré d’eau morte. Elle semblait distante, ailleurs, déstabilisante de la simple présence. Étrange étrangère.
La Mère prêtresse parlait dans un brouhaha de sons grinçant, presque agressif, mais Farren n’y prêtait guère plus d’attention, comme un tissus sonore d’une vieille leçon radotée de mystique quasi inaudible. L’objet de ses regards n’esquissait que peu de gestes, plongée dans une litanie silencieuse, comme balancée sous la récitation du flot de ses pensées.
« Ainsi, elle voit les dieux dans ses songes… » Arracha-t-il, presque comme un murmure dans la langue du royaume.
A ces mots la dispute repris de plus belle, fracas de mots aux timbres multiples, tantôt masculin, tantôt féminin, dont on ne pouvait plus percevoir le propriétaire, le propos ou le sens. Comme deux loups cupides, les « grands » prêtres s’arrachaient, dans une bataille d’arguments, la carcasse encore fraîche d’une malheureuse biche. Farren amorça alors le pas, lentement, laissant derrière lui les deux intercesseurs des dieux, un simple mouvement de la main les ayant stoppé là, dans l’expectative. Pour autant, le premier des lockrivois perçu dans son dos un son, le grand prêtre du Serpent n’ayant pas retenu un soupir de mépris, ponctuant alors le départ de ce seigneur maudit. Traversant la pièce sans bruit, il attrapa l’épaule d’un des disciples vendeur d’icônes. Un peu d’or contre du bois et bien vite crépitait dans l’autel l’anneau serpentin, lancé négligemment dans le feu sacré. Lorsqu’il s’assit à côté d’elle, elle n’esquissa aucun mouvement, trop plongée, semblait-il, dans ses propres introspections.
Il demeura là un temps, pensif et silencieux, plongé dans la contemplation du pavement mosaïqué de carreaux géométriques et polychromes. Puis dans un souffle, presque lâché à lui-même, comme s’il n’eut voulu être entendu que par les oreilles indifférentes des démiurges, il lança une cocasse parole.
« Vous êtes finalement un bien étrange personnage. »
Brisant ainsi le silence, il poursuivit.
« Mon sang me fait haï du dieu des Temps, je n’ai guère votre chance, l’autre vie ne semble être qu’une promesse de douleurs. Pourtant, vous arrivez à conjuguer la bienveillance de divins ennemis. Peut être en voilà votre malheur. » Un moment.
« Dois-je vous tendre dans les mains de l’un ou de l’autre ? »
Et un sourire amusé s’esquissa sur sa face. |
| | | Le Vaisseau de la Voilée
Ancien
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| Sujet: Re: Contemplation | Farren Lun 17 Fév 2014 - 23:00 | |
| Cette voix ! Meavh ne pensait pas l’avoir jamais entendu — la souvenance brumeuse de sa rencontre avec le jeune seigneur de Loqriv s’était depuis longtemps dissipé — mais elle savait la connaître. L’espace d’un instant qui s’étira et s’étiola à l’infini, elle revit ce gigantesque soleil bientôt masqué par un corbeau plus imposant encore ; elle contempla le visage de celui qu’elle avait vu en songe. La vieille lui avait arraché cette vision, enivrant ses sens de ses mystérieuses décoctions. Manquant d’air, l’étrangère voulut en prendre une grande goulée ; elle ne parvint qu’à emplir ses poumons d’encens. La tête lui tourna et elle ferma les yeux, posant une main gourde sur le banc frais. Elle avait dû pâlir, son visage empruntant à sa robe son teint blafard. Face à elle, le feu crépitait et elle entendait la supplique d’une statuette en proie aux flammes. Le bois se tordait et se contorsionnait, comme s’il eut la moindre chance d’échapper à son sinistre destin. Meavh se sentait tel ce faux Wagyl, cernée de tous côtés. Les braises calcinaient sa trachée et elle se recroquevilla légèrement sous le regard de ce guerrier fantasmé. Il semblait si proche, tant qu’il lui eût suffi de tendre légèrement les doigts pour le toucher. Avec l’impression de s’abandonner au vide de la falaise contre laquelle se lovait sa cité d’adoption, elle s’exécuta, cédant à ce sentiment impérieux que c’était là la seule chose qu’elle pût faire. La barbe sous sa peau était chaude et rêche. Son échine voûtée fut prise d’un frisson si violent qu’elle manqua s’écrouler contre lui. Bientôt, sa paume épousait la forme de sa joue. Les yeux désormais écarquillés sous la toile qui cachait ses iris, elle murmura quelques paroles dont il fut impossible pour quiconque d’en saisir le sens, tant il n’était pas certain qu’ils en avaient réellement un. Elle resta ensuite ainsi quelques longues secondes, figée hors du temps, devenue pareille aux statuettes qu’elle abandonnait aux flammes à longueur de journée. Ce qu’elle vit, elle se promit de ne jamais en toucher le moindre mot. Laissant tomber son bras, elle entrouvrit la bouche, mais seulement pour reprendre sa respiration ; émergeant lentement de sa transe, elle devinait le jeune homme aussi étourdi qu’elle, sinon plus encore, car lui ne savait rien de ce qui venait de se passer. Ses dernières paroles lui revinrent alors en mémoire avec la force d’une vague mourant avec fracas sur la jetée. « Je m’abandonnerai aux tiennes, seigneur… » murmura-t-elle avec douceur. Ses cheveux tombaient de part et d’autre de son visage, cascadant sur son dos jusqu’à se déposer sur ses genoux serrés. Ainsi enrubannée, elle offrait une vision surréelle. « Si tu le veux, je t’accompagnerai. Et si d’aventure, tu venais à refuser, alors rends-moi ma liberté. Laisse-moi quitter Riv pour ne plus jamais y revenir. » Dans son dos, elle remarqua enfin la présence de la vieille quand cette dernière lâcha, non sans un apparent triomphe : « Lwar l’a voulu ainsi, » comme si elle détenait toutes les réponses. Subrepticement, Meavh redressa la tête en direction de l’Ouroboros géant qui trônait au-dessus de leurs destinées à tous. Pas Lwar... pensa-t-elle ; elle ne brisa pourtant pas le silence et reporta son attention sur le maître de Riv. Elle attendit. |
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Humain
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| Sujet: Re: Contemplation | Farren Mar 20 Mai 2014 - 13:12 | |
| Ses doigts s’approchèrent de sa peau. De ce geste, esquissé comme un murmure, Farren resta là, comme interdit, immobile statue de sel balayé par l’embrun de l’Eris. Le contact avec sa peau, sa barbe, ne lui laissant que l’empreinte fantôme de la glace, comme un rêve, son Rêve. Qaot sonj… Souviens-toi, pauvre mortel, de cette trace d’éther marqué dans l’Histoire, souviens-toi du Destin écrit par les Dieux.
Elle changeait l’air en parfum.
Si le sang ne montait pas à ses joues, restait la surprise pataude et coite qui enserrait depuis toujours sa gorge. Il n’avait, pour ainsi dire, pas perdu dans les limbes de son ancienne vie, sa nature profonde. Nature peu héroïque d’un homme désarmé par les interactions humaines, et particulièrement les femmes. Muet devant les avances bien cavalières de cette étonnante créature, il ne pu que laisser échapper un bruit de gorge surpris et débile. Pourtant il était pris dans la toile de l’hypnose de ce visage ciselé dans la roche lunaire. Ses mots s’écoulaient en filet d’énigmes cristallin, plus pure encore que les larmes d’Aeliz. A présent libre de toutes pensées, de tout tracas, il fût frappé par la voix douce, étouffée, de la Sibylle qui résonnait contre son oreille d’une vibrante mélodie, jusqu’à creuser son âme même, diapason de sentiments obscurs qu’il peinait à démêler. L’arrogance vaguement amusé s’était craquelé, laissant entrapercevoir derrière la couche brillante de l’apparence, la fragilité d’un être tout simplement humain.
Avec une timidité presque infantile, hagard et hésitant petit aventurier, il approcha un doigt tremblant du mur qui barrait sa face, bande de tissus pâle qui contrastait de terne et de gris avec la peau de sa captive. D’un mouvement délicat il fit tomber le masque. Contemplant ainsi la statue pleine et entière, portrait aux milles nuances, aux milles subtilités, il figea son geste, comme suspendu dans ce sursaut de temps, ce sursaut d’histoire. De ce visage, un brillant artiste n’aurait pu qu’en retranscrire l’ombre, l’esquisse fade et molle sans parvenir à s’approcher de sa sublime tristesse. Derrière cet iris, le néant, l’absolue, derrière cet iris, l’abysse insondable d’une âme complexe et mystérieuse. Qu’y avait-il vraiment derrière cet iris ? Peut être ne fallait-il pas de réponse.
Une vague d’air s’engouffra subitement parmi les prières silencieuses, ébouriffant les âmes pieuses d’une fraîcheur aussi soudaine que désagréable. Le feu sacré du sacrifice frissonna, naviguant en spasmes tremblants sur le bois. Danse morbide d’un brasier luttant contre la fragilité de sa consistance. Une braise crépita, dernier soupir lancé face à la lenteur du destin. L’œil du seigneur se raviva alors, foyer d’étoiles et de rêveries, et, comme tiré de la torpeur d’un songe, il sembla échapper à l'envoûtement mystique du moment. Ramenant contre lui sa main maladroite, il plongea son regard vers les flammes. Ses lèvres tremblèrent une réponse muette, peu être trop hâtive, comme s’il répétait le texte de sa propre vie. Prophète malgré lui de son propre avenir.
Ainsi, à l’abri du monde, les entrelacs des volontés divines se tissaient dans une étonnante complexité. Si dehors, derrière les pierres grises, rugissaient le chaos du présent, ici ne régnait que le silence d’un instant suspendu, échappant presque aux crocs du temps. Dans un écho si lointain, la sagesse mystique se rappela de sa présence. Oui, nulle échappatoire, nulle esquive aux regards implacables des Dieux. D’un soupir, comme étranger à lui-même, vulgaire pantin aux fils d’or et de lumière, simple spectateur de sa propre destinée, il lui répondit.
« Si fait, tu sera mienne. » |
| | | Le Vaisseau de la Voilée
Ancien
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| Sujet: Re: Contemplation | Farren Ven 30 Mai 2014 - 21:58 | |
| « Ses ailes immenses embrasaient le ciel même, léchaient la terre et ne laissaient derrière elles qu’un tapis de cendres. Je le vis rejoindre la montagne qui avale les hommes. Il s’engouffra dans sa gueule sombre et ceux qui ne croyaient pas devinrent prisonniers de son brasier. » Meavh se tut quelques secondes ; son visage extatique trahissait son émoi, alors que ses souvenances prenaient le pas sur la réalité. « Cette nuit-là, après tant de lunes à marcher dans les ténèbres, j’ai revu selei. » La voix était faible et Farren, pour entendre cette étonnante confession, dût tendre l’oreille. Dans l’âtre, les braises agonisaient et leur rougeoiement fébrile n’éclairait aucunement ; ils étaient plongés dans l’obscurité depuis une bonne heure déjà et s’y étaient enfermé trois autres avant cela. Ils avaient été silencieux jusque là, tourmentés par leurs démons respectifs, mais après qu’ils avaient été surpris le croassement funèbre d’un corbeau, l’étrangère avait commencé à conter son rêve. « Jadis, je croyais en d’autres dieux, murmura-t-elle encore dans un rivois maîtrisé. Aujourd’hui, je ne sais plus. Tout ici paraît si différent et pourtant, rien ne me surprend. » À la cour du Talmeor, elle était l’Étrangère. Comme une âme torturée, elle hantait le château sur la falaise de ses robes blanches et de son visage fermé. Souvent, elle cachait ses yeux morts sous son bandeau trop rêche et certains murmuraient qu’elle agissait ainsi parce qu’elle avait trop vu. Toujours armée de son bâton de marche, couvert de runes et de glyphes, elle attirait la suspicion et la peur, d’autant que le lien qu’elle semblait partager avec le maître de céans ne faisait plus aucun doute. D’aucuns craignaient que la sorcière influençât le maître, déjà tiraillé entre la vraie foi et les enseignements mensongers de ses clercs. Enrubannée de mystères, elle se cachait derrière un silence que seule Aislinn, la petite novice de Lwar, était en mesure de briser. Meavh avait arraché l’orpheline d’Alckari aux ergots avides de la Vieille. Elle n’avait pu supporter l’idée de la perdre, mais depuis la chouette d’argent pesait plus lourd à son cou. Avec lenteur, la gardienne déchue sortit un ourobouros grossièrement sculpté. Ses doigts coururent sur les traits imparfaits qui dessinaient les écailles du Wagyl ; elle avait voulu imiter les moines du grand serpent, après avoir tant scruté leur travail. Les fines entailles qui constellaient sa peau claire témoignaient de la difficulté qu’elle avait rencontrée. D’un geste ample, elle lâcha son œuvre en direction de l’âtre, avide du crépitement du bois qui avait bercé ses méditations des ennéades durant. Seul le bruit étouffé du charbon froid qui se tasse parvint à ses oreilles. Elle porta son regard mort sur Farren, apparemment désemparée. Ils restèrent ainsi quelques secondes, puis Meavh poussa un léger soupir. « L’heure est venue de s’abandonner aux caprices de Qoqmar, » murmura-t-elle en guise de salutation. Déjà, elle avait retrouvé son bâton et s’éloignait, sans un mot de plus, laissant un rivois troublé derrière elle. Quand même le bruit du bois frappant la pierre se fut évanoui, il se dirigea vers l’âtre et, s’accroupissant, récupéra la statuette de Meavh. « La montagne qui avale les hommes… » lâcha-t-il, fasciné par un ouvrage que la nuit l’empêchait de réellement discerner. |
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