Marchandages et autre

Le temps s'était quelque peu assombri à la sortie de la bâtisse où se déroulèrent les négociations, le ciel gris annonçait la venue certaine de pluies qui menaçaient d'arroser copieusement la région. La météo semblait à l'image du moral des deux elfes, maussade, depuis les difficultés auxquelles elles étaient maintenant confrontées. Dans l'attente de la réponse de l'héritier du Roy de Sgarde, elles avaient prit congé du capitaine et se rendaient vers leur bâtiment qui les attendait toujours sur les quais. Dès que les cousines eurent quitté la confortable pièce où elles furent questionnées sur leurs activités, elles décidèrent d'un commun accord de rejoindre le bateau avant de visiter la place du marché non loin de là.

La ville était toujours calme, silencieuse, les mêmes gens qu'elles avaient croisé lors de leur venue s'afféraient aux mêmes besognes, sans même leur accorder le moindre regard, ce qui était d'autant mieux. Le désintérêt faisait suite à la curiosité. Entouré de quelques gardes qui faisaient les cent pas, l'embarcation ne semblait pas avoir subi quelconque visite, principale inquiétude d'Hellenwën. En effet toutes leurs marchandises se trouvaient à bord et cela aurait été le pire cas de figure que de se faire voler leurs effets. Soulagée, Hellen grimpa d'un pas vif et léger sur le pont, invitant au passage les hommes chargé de la surveillance à quitter la zone, elles n'avaient plus besoin de leur présence.

Une fois seules, L'elfe proposa à sa cousine de rester un peu sur place, avant de rejoindre la place commerçante, de préparer leurs frets et d'en faire l'inventaire, les affaires n'allaient pas être aisées ici à Oësgard. Songeuse, Hellenwën plongea son attention dans le verre de vin qu'elle venait de se servir.

Les négociations n'avaient pas été aussi cordiales et le résultat que les deux cousines avaient obtenu n'était pas de la bonne augure qu'elles espéraient. Elles avaient obtenu une autorisation brève et devait attendre l'accord final de Roy qui se faisait attendre et ardemment désirer. Elruwiel n'était pas d'une nature patiente, elle briguait toutes les aventures et les chemins qui se profilaient devant elle. Seulement comment espérer des affaires fructueuses et un long voyage si on leur fermait la première et essentielle porte au nez ? Quelques épais nuages avaient couvert le ciel déjà pâle et les deux elfes s'étaient résignées à rejoindre leur navire. C'est avec amertume que la jeune femme rousse suivit Hellenwën sur le pont, chassant d'un regard peu aimable les humains assignés à la surveillance du Castamir. Bizarrement, elle ne ressentait aucune amitié à leur égard à cet instant précis sinon une rancoeur tenace qu'on les fasse patienter de la sorte sans même le gage d'une issue favorable. Elle refuse poliment le verre de vin que sa cousine s'offrit malgré tout puis s'accouda au pont du navire. Elle détailla de ses yeux émeraude la populace qui vaquait à leurs occupations comme si de rien n'était. Certains avaient fini par se lasser des deux curiosités qui avaient débarqué sur le quai, de longues minutes plus tôt. D'autres regardaient de temps en temps par-dessus leur épaule, épiant les faits et gestes des elfes avec la méfiance de l'inconnu.
« Ils sont devenus coriaces. Je crains que nous n'ayons affaire à davantage de difficultés au-delà d'Öesgard. »
La baronnie frontalière n'était que la triste représentation des inquiétudes d'Elruwiel. Elle avait sorti une flèche de son carquois et en tripotait la pointe luisante de l'index quand une voix féminine les interpella. Cherchait-on des elfes ? Aux alertes, elle se pencha davantage vers une demoiselle élégamment dressée qui accourait jusqu'à leur embarcation maritime. Sans qu'elle ne puisse l'expliquer, cette dame lui inspira une agréable surprise. Elle sourit à Hellen, persuadée qu'il s'agissait là du salut de leur feu réputation, puis elle rejoignit le quai d'un pas lent mais confiant. L'humaine, qui se présenta comme Alice, n'attendit pas la confirmation des cousines et leur tendit un petit paquet qui semble-t-il, retenait son attention. Elle pensait son bien d'une facture elfique et en souhaitait la confirmation. Curieuse, Elruwiel posa des yeux avides sur la chose. L'ivoire dans laquelle ce masque avait été taillé était d'une brillance nacrée intacte. Il paraissait précieux alors qu'au premier coup d'oeil, elle était incapable de lui répondre.
« Aucune trace, marbrure ou brûlure ? »
C'était fort incongru. Elruwiel posa un regard interrogateur vers Hellen qui était à présent à ses côtés. Le pouvoir elfique était tout à fait capable de protéger n'importe quel objet des marques du temps ou des nuisances éventuelles. Seulement les elfes n'étaient pas les seuls à hériter d'une telle possibilité. La magie, qu'elle soit pratiquée par n'importe quelle race, qu'elle soit bienfaitrice ou plus obscure, pouvait tout autant en être responsable. L'elfe glissa deux doigts sur le masque, en traçant les contours du nez. Fallait-il facturer leurs connaissances afin de faire reconnaître leur savoir ? C'était une question que son acolyte maîtrisait bien plus qu'elle. Elle s'écarta légèrement.
« Qu'en penses-tu Hellenwën ? »