~ Un autre regard ~

Note pour moi-même : Cet évènement se déroule après la formation de Lysia au poste d'espionne pour la Lignée.

Si belle et délicate qu'était cette cité, et ce depuis des millénaires, Lysia ne s'y plaisait point. Trop animée, et très peu souvent par des gens bien intentionnés. Les brigands et mercenaires s’y trouvaient en trop grand nombre, et la compagnie de ces personnes là n’intéressait pas la jeune femme. Outre le peuple de Diantra, même ses ruelles étaient lugubres à ses yeux bien trop observateurs. Un chien errant par là, un vieux mendiant agonisant dans une marre de sang par ci, n’y avait-il nulle part ailleurs que chez les elfes une cité propre et bien entretenue ? La jeune femme hocha le menton, retenant un grognement dégouté en jetant un coup d’œil au mendiant étendu au sol. Elle frôla son poignet ; il n’était plus. Son regard s’attarda sur sa bourse ; elle était à moitié déchirée, et plus aucune pièce n’en substituait. Un voleur. Lysia jeta la couverture du pauvre homme sur son corps nauséabond, puis s’éloigna, marmonnant des prières.

- Fichtre ! Un aveugle qu’fait pas moins d’trois fois ma taille que j’te dis ! déclara un homme à sa femme ; ils semblaient tout deux agités, et se tenaient devant leur palier, comme deux chiens de garde qui gardait leur pitance.
Leur modeste maison semblait en mauvais état ; elle ne tarderait certainement pas à s’écrouler, à en observer les frêles piliers qui la soutenaient. Lysia leur jeta un coup d’œil, tout en prenant la parole :

- De qui donc parlez-vous ?

La femme l’observa d’un œil méfiant, avant de répondre :

- Un homme entouré d’quatre gardes dans la rue voisine !

Comme ci il s'agissat d'un évènement incontournable, elle ajouta :

- V’devriez aller voir, mais soyez prudente mad’moiselle, il a l’air féroce.

Lysia se mordit les lèvres, tentant de s’empêchez d’éclater de rire. Mais cette déclaration l’intrigua réellement ; elle se détourna du couple, et se dirigea doucement vers le coin de la prochaine rue. Si il y avait vraiment un homme –aveugle ou pas- entouré de quatre gardes, alors ce serait divertissant. Songeuse, elle ne semblait pas s’intéresser à la route. Elle percuta de plein fouet un homme plutôt grand, les cheveux d’un blond couleur des blés, au regard grisâtre. Ses mains se crispèrent -pour se rattraper- sur les bras de l’homme qui la tenait; geste qu’elle regretta aussitôt en balbutiant : « Pardonnez-moi… » Elle n’eut franchement pas à réfléchir pour se rendre compte que c’était l’aveugle dont parlait l’homme et sa femme. Mais elle fut tout de même surprise ; il était… imposant.

« Veuillez m'excuser gente dame, je ne vous avais pas sentit venir »

Lysia écarquilla les yeux, tout en reculant de quelques pas. Son regard se posa sur les quatre hommes qui l’entouraient solennellement. La jeune femme frôla sa petite dague, mais arrêta son geste. Ce n’étaient pas des gardes ; ils avaient plutôt l’air de fières diplomates que de dangereux soldats. Elle leva à nouveau les yeux sur l’homme, et prit la parole à son tour :

- Ne vous excusez point messire, je n’ai pas fait attention en sortant de la rue adjacente, c’est de ma faute.

Elle marqua une courte pause, puis haussa les sourcils :

- Vous faites impression dans le quartier, les gens parlent de vous, elle marqua une courte pause, et ajouta en souriant, ils sont effrayés.

Elle se rendit compte qu’elle devait lever la tête pour le regarder dans les yeux. Il était vraiment grand ; un bon mètre quatre-vingt-dix, c’était évident. Il atteignait même peut-être les deux mètres ? Elle ne dit plus rien, l’observant avec interêt.

Effectivement le peuple de Diantra était habitué à voir les nobles se promener dans les ruelles de la cité -quoi que dans celles les moins miteuses- mais jamais entourés de quatre « gardes » comme ils disaient. Des chuchotements s’élevèrent rapidement et en nombre incalculable, mais Lysia n’y prêta pas attention. Elle sourit lorsqu’il déclara que c’était la faute de la jeune femme comme la sienne. Son regard s’attarda un instant sur ses yeux, puis elle descendit sur ses vêtements. Ils confirmaient aisément qu’il n’était pas un simple aveugle ; il était un aveugle noble, d’où ces quatre personnes qui semblaient ne pas le quitter d'une semelle.

« Veuillez m'excuser une seconde fois, je manque à toutes les politesses, je ne me suis pas présenté, je me nomme Adal, Adal Ingel »

Lysia acquiesça d’un signe de tête, tout en sachant que c’était inutile, puisqu’il ne voyait pas. Adal Ingel… Il n’ajouta aucune marque de noblesse ; la jeune femme jeta un coup d’œil aux quatre hommes qui semblaient impassibles. Elle se contenta donc de déclarer :

- Alors nous sommes tous deux impolis, messire. Je me nomme Lysia Wicalia.

Elle hésita un instant à dire qu’elle faisait partie de la Lignée de l’Arbre Blanc, mais elle n’en vit pas l’utilité. Et Nakor prônait la discrétion, alors pourquoi crier sous tout les toit qu’elle faisait partie de cette guilde, si animée de bonnes intentions soit-elle ? Adal était aveugle, mais ne voyait-il pas ne serait-ce que les ombres, les contours ? Ce genre de questions animaient toujours la jeune fille. C’était une sorte de curiosité qui ne la quittait jamais. Elle espérait même avoir le loisir de le les lui poser.

« Connaissez-vous bien cette ville gente dame ? »

La question d’Adal la fit sourire. N’avait-il pas assez de monde autour de lui pour lui indiquer le chemin ? Elle posa à nouveau le regard sur les quatre hommes qui ne bronchaient toujours pas. Sans doute n’étaient-ils pas d’ici ; ils ne devaient donc pas connaitre la cité. A Diantra, il était dangereux de s’aventurer dans les ruelles sans savoir un minimum où l’on se rendait. C’est à cet instant que l’esprit de Sereine, la jument terriblement liée à Lysia, frôla celui de la jeune fille. Celle-ci ferma les yeux un court instant, tentant de se concentrer sur sa réponse mentale : « Reste à l’écart Sereine, je ne reviendrais pas de sitôt » Elle ne savait pas elle-même combien de temps elle allait s’absenter, mais elle espérait le plus longtemps possible. Elle s’approcha donc d’Adal, et tendit sa main vers son poignet. Elle le toucha avec délicatesse, et glissa son bras sous le sien. Puis elle déclara, souriante :

- Oui, je connais la ville, et je vais vous la montrer. Elle marqua une courte pause, et ajouta, pardonnez mon manque de gêne, mais ainsi ce sera plus facile.

Elle espérait simplement qu’il ne la prendrait pas pour une pauvre idiote qui osait toucher un noble de son importance. Si c’était le cas, alors elle se retirerait. Sa capacité à faire confiance était une marque de faiblesse pour elle. Et pourtant, elle s’y abandonnait très régulièrement. Cet instant était un exemple tout à fait pertinent de son imprudence. Mais elle n’avait aucune envie de jouer les raisonnables. Tout ce qu’elle désirait à cet instant, c’était le calme et la paix. Et elle savait qu’avec cet homme, elle trouverait tout ceci. De plus, une ballade tranquille ne lui ferait aucun mal. Elle toucha de la main sa petite dague ; une habitude, sans doute. Mais cela la rassurait de la savoir tout proche d’elle. Si elle devait se battre, elle l’avait pour se défendre. Son esprit s’égara un instant pour vérifier que Sereine allait bien ; cette dernière broutait tranquillement. Tout allait bien. Elle leva les yeux vers Adal, et déclara en souriant :

- Prochaine destination ?