Sur le chemin du retour [Seren]

Le départ de Sybrondil avait été organisé rapidement après le petit entretien du trio à l’auberge. Les premiers jours Kathleen partageait volontiers le carrosse avec Seren, papotant de tout et de rien. Ces trajets en tête à tête ne faisaient que la conforter dans son choix. Cette jeune fille était agréable, toujours l’oreille attentive et toujours souriante. La présence du nourrisson dans le véhicule était tout aussi plaisante tant il était sage. Certes au début Kathleen ressentait toujours un petit pincement au cœur de le voir si petit, pareil à son Armand qu’elle avait perdu trop tôt. Mais au fil du voyage elle apprenait à le différencier totalement de son fils pour ne plus ressentir ce tiraillement. Lorsqu’ils furent qu’à deux jours de Missède, Kathleen commença à ressentir la lassitude du voyage en carrosse et abandonna quelques heures Seren pour monter à cheval. C’était décidemment l’activité qu’elle appréciait le plus. Rien ne la rendait plus heureuse que de monter Fureur, de sentir ses muscles sous ses mollets, de vibrer avec lui à chaque saut d’obstacle et de partager son bonheur après une folle chevauchée. Ceux qui appréciaient le moins ces escapades s’étaient les membres de sa garde. Merryll était constamment en train de la sommer d’être prudente, d’éviter de lancer trop vite son cheval, de ne pas sauter ce tronc d’arbre mort, ni de franchir cette rivière… blablabla. Kathleen profitait de ses moments puis revenait bien sagement dans son carrosse.

Merryll venait de lui annoncer qu’ils seraient en vue de Missède avant la nuit et qu’elle devait retourner dans le carrosse sans tarder. Ce qu’elle fit sans broncher. Une fois à l’intérieur de l’habitacle elle se tourna toute souriante vers Seren.

« - Grands Dieux vous auriez vu la tête de Merryll ! Le pauvre, je lui en fais voir de toutes les couleurs ! Oh mais je vois que notre petit compagnon de route est tout réveillé ! Avez-vous besoin de quelque chose ? »

Toute à sa joie d’avoir encore fait enrager Merryll, Kathleen paraissait toute pétillante. En fait on retrouvait la jeune Kathleen de la Roseraie, celle qui adorait faire hurler ces nourrices et ces précepteurs lorsqu’elle était plus jeune.
Se tournant vers la fenêtre Kathleen rabattit les deux petits morceaux de toiles pour occulter les fenêtres. Avant leur arrivée à Missède il fallait qu’elles se changent. La tenue de cavalière qu’elle portait actuellement aurait fait jaser les dames de la Cour pendant des mois. Dans un coin du carrosse, on avait posé un gros sac de voyage contenant sa toilette et celle qu’elle avait fait demander pour Seren.
Elle sortit le tissu orangé de sa propre robe et celui d’un bleu sombre pour Seren.

« - Notre départ un peu brusque nous a empêché de faire quelques emplettes mais j’ai demandé à la femme de l’aubergiste hier qui est fine couturière d’après ses dires, de rajouter une ceintures en dentelle sur cette robe. Elle est à moi mais je pense qu’elle sera un peu trop ample pour vous. Vous pourrez la serrer à votre taille. Elle fera l’affaire pour aujourd’hui, demain nous irons voir Myriam et ses doigts de fée ! »

Et bien oui, il était tout de même hors de question que la demoiselle de compagnie de la Baronne de Missède apparaisse vêtu avec sa tenue de servante. Oubliant la pudeur qu’elle aurait pu éprouver avec les autres membres de son escorte, Kathleen envoya voler ses vêtements de cavalière et enfila le mieux qu’elle put son ample robe de baronne. Encore une fois elle pesta contre les tenues Missédoises qui imposaient une superposition de tissu. Quand ce fut fait elle observa Seren qui bataillait avec sa propre robe. Un éclat de rire lui échappa alors qu’elle se rendait compte qu’elles avaient l’air de deux gamines jouant dans les armoires de leurs mères. Kathleen aida Seren à fermer sa robe et la jeune fille en fit autant. Une fois vêtue il ne manquait plus que la coiffure et là c’était autre chose…. Kathleen avait de long, long long cheveux blond dont les boucles d’or, même attachées, avaient peu apprécié chevauchée. Il fallut du plus d’une heure pour que la baronne parvienne à démêler chaque mèche de cheveux. Tellement fatiguée par cette tâche elle fit simplement une longue tresse qu’elle passa sur son épaule.

C’était tout de même peu courant de voir une Baronne s’occupait toute seule d’elle, pourtant Kathleen préférait mille fois ça que la batterie de domestique qu’elle aurait le lendemain matin au réveil.

« - Nous arriverons dans une heure tout au plus, avez-vous des questions ? Souhaitez-vous quelque chose en particulier ? N’hésitez surtout pas à me le demander, si c’est en mon pouvoir je me ferais un plaisir de vous aider ! »

Le voyage avait été paisible. Alors qu'Ewen avait choisi de chevaucher avec les gardes, Kathleen et Seren avaient passé de longues heures à discuter de tout et de rien ou à jouer avec Léandre. Il grandissait si vite... Il avait déjà un mois. Il tenait assis, appréhendait de mieux en mieux ce qui l'entourait, faisait de grand sourire, "parlait" de plus en plus... Les deux femmes ne s'étaient pas lassées de s'en occuper.
Après plusieurs jours, la baronne abandonna régulièrement la jeune femme seule dans le carrosse tandis qu'elle allait monter à cheval. Elle ne pouvait s'empêcher de penser qu'elle avait beaucoup de chance... Son père l'avait sévèrement puni lorsqu'elle avait essayé d'apprendre l'équitation. Certes, elle avait agi en cachette et avec la complicité de son frère mais s'ils avaient accepté lors de ses précédentes requêtes, jamais elle n'aurait eu à agir ainsi. Au moins, le Baron de Missède lui laissait ce privilège. Seren ne pouvait s'empêcher de penser qu'il devait l'aimer... Elle enviait beaucoup Kathleen d'avoir trouvé un tel homme. Au moins ne s'était-il pas joué d'elle dans le seul but de se distraire.

La jeune demoiselle se sentait déjà très complice avec la baronne, pourtant son aînée de plusieurs années. Aussi, lorsqu'elle revint dans le carrosse en lui parlant de la tête de Merryll, elle ne put s'empêcher de rire. Elle semblait avoir retrouvé sa joie de vivre depuis leur départ de Sybrondil.
Kathleen lui sortit une robe. Elle était trop ample mais la facture était excellente et la douce de Milahn n'eut de cesse de la remercier.

Vous être trop bonne avec moi ma Dame.

Les deux femmes s'habillèrent ensuite, s'aidant mutuellement tandis que Léandre attendait patiemment de son couffin d'osier. Il faudrait qu'elle le jette d'ailleurs... (le couffin, pas le bébé !!)
Une fois vêtue, Seren se coiffa. Elle avait toujours été douée pour se coiffer seule. Une brosse à cheveux, quelques pinces et on n'aurait pu dire qu'elle avait œuvrer dans un carrosse en marche. Lorsqu'elle eut fini, elle rougit un peu de se retrouver mieux coiffer que la Baronne... Mais peut-être pouvait-elle arranger cela ?

Puis-je ?

Encore une heure de route. Elle aurait largement le temps de faire son office.

Comment pensez-vous que votre époux et la Cour vont prendre la nouvelle ? Je veux dire... Pour moi ?

Il était vrai que la Dame de Missède n'avait pas choisi la personne la plus indiquée pour l'accompagner. Sa réputation n'était pas encore faite qu'elle l'avait détruite et il était à parier que tous étaient déjà au courant. Si une bonne réputation met du temps à se forger, une mauvaise se faisait en un clin d'oeil.
Soudain, une terrible pensée lui vint à l'esprit : tout le monde allait la dévisager à la Cour ! Elle n'avait pas songé à cela en acceptant...

Seren avait un don indéniable pour se coiffer. Ses doigts voletaient au-dessus de sa tête et épinglaient boucles et mèche rebelles. Kathleen observa le résultat sans jalousie et lui adressa un sourire ainsi qu’un compliment. Il fallait dire que cette coiffure lui allait à ravir et lui donnait une élégance raffinée. La jeune femme croisa son regard, sembla rougir une seconde et lui proposa de l’aider avec sa propre coiffure. La Baronne avait eu si longtemps ses cheveux noués et serrés en chignon qu’elle répugnait presque à les attacher maintenant qu’elle n’était plus en deuil. Elle hésita une seconde, puis fini par s’asseoir près de sa nouvelle demoiselle de compagnie en lui tournant le dos.
« - Je veux bien, merci. Mais faites quelque chose qui les laisse voleter. Je n’aime plus les avoir relevé. Viktor non plus d’ailleurs ! »
Concluant sa phrase par un petit rire amusé, Kathleen sentit néanmoins son ventre se nouer. Le souvenir de leur dernière rencontre était mitigé, elle avait hâte de le revoir, mais où en était réellement leur relation à présent ? Il ne voulait pas la répudier, il lui avait dit qu’il l’aimait… mais il y avait une telle distance entre eux. Un mur qui semblait parfois infranchissable.
La question de Seren tomba en plein dans ses réflexions. Un instant Kathleen se demanda pourquoi la jeune femme lui posait une telle question et puis elle se rappela sa situation, la raison de son exil et la crainte qu’elle devait ressentir à l’idée d’être dévisager par la Cour de Missède.

« - Mon époux m’a conseillé de revenir avec un souvenir de mon Sud natal. Vous êtes ce souvenir, si je lui dis que votre présence m’est un vrai réconfort je suis certaine qu’il vous fera bon accueil. Pour la Cour en revanche… vous savez comment sont toutes ces commères. Elles jacassent sans arrêt. Mais ne vous en faites pas… Je serais bien plus épiée que vous… Tout le monde attend de me voir répudié… Je suis certaine qu’ils attendent tous la nouvelle, mon retour imminent a dû mettre leurs langues acerbes en ébullition. »

Kathleen se pencha légèrement en avant et écarta le rideau pour voir le paysage. Ils n’étaient plus très loin de la cité. Bientôt elle se retrouverait à nouveau au milieu de ce monde de menteur… Elle détestait ses gens qui se pavanaient devant elle, qui feignaient de s’intéresser à elle pour être bien vu. Elle avait tant souffert là-bas… et en même temps elle ne pouvait pas se résoudre à tout abandonner. Cela aurait signifié qu’elle devait quitter Viktor… et Armand.

Les doigts de Seren avaient cessé de s’activer dans ses cheveux, elle regagna sa place sur le siège en face et resta silencieuse, les regards dans le vague. La jeune mère s’occupa de son fils sans rien dire, respectant visiblement son silence.

« - Vous savez, si vous ne supportez pas la vie à Missède, je ne vous en voudrais pas. Vous êtes libre de partir quand vous le souhaitez. N’hésitez surtout pas à profiter de cette liberté que je n’ai plus. »

Sentant qu’elle retombait dans la morosité, Kathleen se força à sourire.

« - Je suis navrée… Je ne suis pas toujours d’agréable compagnie. J’ai souvent l’impression que ma vie n’a été qu’une succession de malheur… Aujourd’hui je peux nous éviter les affres de la Cour en prétextant être fatiguée par notre voyage. Mais demain j’aurais besoin de vous à la première heure. »

Seren s'appliqua à coiffer la Dame de Missède tout en réfléchissant à ses paroles. Elle serait certes moins dévisagée que la Baronne mais elles auraient toutes deux droit aux regards et aux remarques. La jeune fille savait qu'elle devrait se montrer irréprochable et encore... Elle ne serait pas acceptée pour autant. Sa mésaventure la poursuivrait à jamais hélas.

Seren avait bien sûr entendu parler d'Armand de Missède mort durant les premiers temps de sa vie. En revanche, elle n'était pas informée de la stérilité de la Dame, aussi fut-elle très surprise de l’entendre parler de répudiation. Elle n’osa toutefois pas lui poser la question. Sans doute comprendrait-elle une fois arrivée.

Alors que le carrosse avançait toujours, Seren glissa un petit regard par la fenêtre, juste le temps d’apercevoir son frère. Assurée qu’il était trop loin pour que le bruit de la carriole ne soit pas suffisant pour couvrir sa voix, elle se risqua à s’adresser à Kathleen. Elle devait l’informer avant d’arriver.

Je voulais vous dire… Vous n’aurez pas à vous soucier de mon frère. Il peut rentrer quant il le souhaite.

La jeune enfant tourna son regard vers la Baronne et hésita un instant, juste le temps de trouver ses mots, avant de reprendre.

Vous le savez peut-être… Ewen n’a pas été déshérité. Il a été impossible de lui faire renoncer à m’accompagner, ce qui n’était pas condamnable. Aux yeux de la noblesse, il s’assure simplement de ma protection, le temps de me mettre à l’abri du besoin.

Mon père et moi ne lui avons rien dit. Il veut me protéger, certes, mais je crois que son désir d’aventure a tout autant motivé sa décision. Il aurait été déçu de savoir une telle chose… et le sera bientôt. Car moi à l’abri et lui au milieu de la Cour de Missède, il saura bien vite et il vaut mieux qu’il l’apprenne de ma bouche.

J’ignore toutefois comment je vais bien pouvoir aborder la question…

HRP:

» Chemin du retour. [PV Alanya]
» ¤ Seren Lir Riss ¤ [Duelliste]
» Du poison pour l'héritier ... [Seren et Viktor]
» C'est a ça que ça ressemble un château ? [Pv:Seren]
» Seren de Milahn - Vagabonde

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