L'encombrant parent [pv Arsinoé]

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Aedán de Vercombe
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MessageSujet: L'encombrant parent [pv Arsinoé]   L'encombrant parent [pv Arsinoé] I_icon_minitimeSam 10 Aoû 2013 - 15:12

Monté sur splendide palefroi alezan, Aedán avait troqué tunique de voyage et maille pour une tenue non moins magnifique : une coûteuse robe damassée à dessins mordorés du Langehack surmontant de gaillardes chausses de daim eraciennes. Dame! C'est que le jouteur allait s'escrimer face à un tout autre genre d'adversaire que ceux qui faisaient d'ordinaire sa renommée. En effet, contrairement aux légendes, les créatures cauchemardesques ne vivaient que fort rarement sur un tas d'or. Le plus souvent, ce qui était d'ailleurs tu dans les contes, ils se reposaient sur d'infâmes gourbis de ramas. Ainsi, ce n'était guère par ce biais que l'on s'enrichissait ou, tout du moins, pas à cette étape. Le chevalier de Vercombe, lui, escomptait bien passer à une autre étape.

Après l'enterrement du régent et des enfants royaux, le ferrailleur avait fait l'inventaire de ses parents présents dans les environs de la capitale. De la branche Ancenis, Blanche de Hautval avait pris la route de Diantra, mais il restait sans nouvelle de son cousin, Aemon. Quant aux Olyssea, fidèles à leur habitude, ils connaissaient une période d'ascension après de sombres années. Enfin, les Heinster, eux, n'avaient pas été repérés mais il ne fallait pas exclure que certains cousins éloignés aient échappé à sa vigilance. Toujours est-il que le choix, bien que mince, présentait un visage encourageant. Fichtre! Point de petits nobliaux sans le sou! Elles figuraient parmi les femmes les plus puissantes du Royaume!

Aussi, comment pourraient-elles se montrer pouacres à son égard? D'autant plus envers un parent - et quel parent ! - qui, par ses gestes, assuraient la renommée de la famille. Sûr de son bon droit, Aedán avait opté pour la route d'Edelys où Arsinoé s'était retirée avec sa cour, avec la ferme intention d'obtenir son patronage. Bientôt, à la faveur de quelque bonace, il reprendrait la route de l'Orient, afin d'ajouter de nouveaux chapitres à sa légende. Toutefois, ces aventures se révélaient coûteuses et le beau sire avait un rang à tenir. Il escomptait bien s'y rendre en armure niellée d'or, coiffé d'un heaume au panache royal et armé d'une belle lame au pommeau orfévré, rien de moins! L'idée de passer, en lieu et place de paladin, pour un vulgaire reître le faisait frissonner.

Ce fut donc accaparé par l'élaboration mentale de son héroïque tenue que le chevalier entreprit l'ascension, indifférent aux rafales de vent qui suivaient la Garnaad. Déjà, en-contrebas, l'automne accrochait ses premiers reflets d'or rouge dans les halliers dont les derniers fruits attiraient des ribambelles de gamins. L'ensemble dégageait un charme champêtre qui jurait singulièrement avec le grouillement citadin de l'industrieuse Diantra dont, par temps clair, on pouvait apercevoir les tours, dans le lointain.

Arrivé au pertuis, il fut alpagué par les sergents de faction, qui lui en barrèrent l'accès. Outré, le chevalier fit savoir, à cor et à cri, qu'il s'agissait là d'une bien singulière conception de l'hospitalité, d'autant plus à l'égard d'un parent. Ses doléances finirent par attirer le capitaine de la garde, un vétéran au museau couturé, qui lui fit remarquer que si la dame ne lésinait pas sur l'hospitalité, elle n'ouvrait pas pour autant sa porte aux inconnus. Après quelques échanges de paroles et avoir remis armes et bagages à quelque valet, lui enjoignant de bouchonner les chevaux, Aedán fut introduit dans l'aile la plus récente de l'édifice. Originellement prévue pour que l'Ivrey puisse y tenir une cour rivale de celle du roy aux yeux débiles, elle avait désormais été récupérée par sa veuve qui, ici, régnait de manière plus sereine qu'au milieu des surins de Diantra.

Dans l'attente de pouvoir l'introduire auprès de la dame, on fit patienter le Preux dans une sorte d'antichambre dont on avait changé la jonchée récemment et où petits pains, venaisons et hypocras lui furent servis. Le sire en profita pour se délasser du voyage, s'asseyant sur la cascade de fourrures qui dissimulaient un coussiège, étirant ses membres endoloris par la route. De là, par les fenêtres à meneaux, il observa de jeunes écuyers courir la quintaine, fanfaronnant à qui mieux mieux. Combien de temps resta-t-il ainsi? Il ne saurait le dire. Néanmoins, lorsqu'on lui fit savoir qu'Arsinoé d'Olyssea l'attendait, les rodomonts avaient fini par quitter le bayle.

Suivant un chambellan dans un inextricable dédale de corridors et portes dérobées, le chevalier se trouva, finalement, face à la marquise dont le visage en amande ne trahissait rien de sa douleur. Là, affectant un air lourd de chagrin, Aedán déclara : "Aaah, belle parente! Lorsque la funeste nouvelle de votre deuil me fut parvenue j'ai couru, chevauché à travers des landes hostiles, ne prenant pas même le temps de m'arrêter pour me reposer, afin de voler à votre secours! Mon pauvre Aetius nous a décidemment quitté bien trop tôt, je n'ose imaginer votre peine, ma dame! Quelle noblesse de votre part de savoir, si bien, garder votre chagrin en dedans! Combien seraient, à votre place, abattue!" lui adressant un sourire rassurant, quoique teinté de condescendance, il reprit "Mais n'ayez nulle crainte : je suis là."
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MessageSujet: Re: L'encombrant parent [pv Arsinoé]   L'encombrant parent [pv Arsinoé] I_icon_minitimeDim 11 Aoû 2013 - 9:09

Si la dame tint aussi longtemps la dragée haute à l'impromptu galantin de Vercombe, ce fut loin de toute malséance et pleine de contrition, une vulgaire affaire de chausse à vrai dire : recluse dans le garde-robe qui lui servait de chambre à coucher, elle peinait en effet à enfiler ne serait-ce qu'une de ses précieuses bottines ocres doublées en fourrure de bébé lyngre et importées par riche coutance de sa terre d’exil. Car la dame, non satisfaite de patienter béatement, était aujourd'hui de sortie ! Ce ne fut donc qu'à grand'peine et ayant fait appel à sa dame de retrait qu'Arsinoé put issir enfin de la mansarde, investissant la chambre de parement attenante et mandant que son hôte y soit mené, animée sans doute d'une volonté de repentir. Car la salle, bien tendue de lambris et où trônait un grand lit tout environné de délicates soieries, était d'usage réservée aux seuls compagnons moult privés de la dame, au nombre desquels ce lointain cousin ne comptait certainement pas. Et donc après avoir traversé une coursive haut perchée reliant la salle d'apparat au donjon, grimpé cette même tour jusqu'à atteindre le solier, le nobliau se présenta enfin, accompagné de la virago aux airs de haquenée qu'était la chanoine Hérrade d'Olyssea, et du chambellan Artaud aux mains trémulantes bonnes à sucrer les fraises.

Drapée d'un camaïeu de vair, d'armeline posée sur une ample houppelande aux manches évasées révélant ses avants-bras, elle dissimulait derrière son œil brasillant et sa douce aménité une curiosité bien teintée de méfiance. Se gargarisant d'une mémoire plantureuse, l'intéressante n'ignorait en effet rien de la parenté étroite liant Aedán au clan Ancenis, clan qu'elle avait par force d'amalgames et raccourcis réduit à la seule personne de la ménade de Hautval. Et s'il n'était qu'un greluchon, chargé par sa cousine et amante de faire amende honorable pour la bile qu'elle avait - par cœur enfiellé - cru bon de déverser à l'occasion de la sainte solennité ? Aussi ce fut l'air avenante mais le cœur se voulant fermé qu'elle reçut son exorde pleine de pétulance. Mais prise de court par sa belle loquèle et ne souhaitant se fendre de son habituelle cantilène, elle préféra l'accoler et baiser le chevalier au faciès velu ; n'étaient-ils points parents ?

Le prenant au mot, elle répondit enfin : « L'affliction, d'abord comme une braise ardente enclose en le cœur, se mue assez vite en une dolence sourde dont il faut bien s’accommoder. Et puis, un chagrin partagé est un demi chagrin, et si certains s'en défilent votre mansuétude n'en est que plus louable. Ainsi c'est liément que je vous reçois mon cousin, aussi longtemps qu'il vous plaira de m'appuyer dans cette œuvre qui fut toujours celle de l'Ivrey. »

En avait-il escompté tant ? Savait-il que la dame d'Olyssea, privée de sa proche parentèle par les terreurs de l'ère, se plaisait à s'enticher de tout ce que la prêtrise marquait du sceau du cousinage ? Les liant par autant de liens que son intelligence en conjurait, elle avait pour commensaux pas moins de quatre de ces Olyssea de Sharas et trois des Saint-Aimé de la Toranne. Quoi alors de plus à même de l'exciter que ce brave sigisbée aux héroides ayant même effleurée ses nobles oreilles pourtant avides de récits de fol'amor ? S’égayant jusqu'à en oublier ses premières réserves, elle enfila avec préciosité une paire d'admirables gants en cuir de Tatzelworm, expliquant d'une moue mutine bien peu idoine à la chose que : « Je crains bel ami qu'il me faille déjà imposer à votre sollicitude. On me dit que maître Ascilin, démonolâtre goétique que je tiens pour responsable de toutes mes affres, est enfiévré d'une vive volonté de confession. Il me viendrait à grande aisance de vous savoir à mes cotés le temps de ce dur labeur, et ce sera là l'occasion de me faire part de vos projets que je pressens fabuleux. »

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MessageSujet: Re: L'encombrant parent [pv Arsinoé]   L'encombrant parent [pv Arsinoé] I_icon_minitimeDim 11 Aoû 2013 - 15:55

Doucement! Doucement danselete! Voila bien ce que le doux sire se retint, de justesse, d'admonester à sa parente. C'est que cette dernière allait bien vite en besogne! Sous ses traits de caille fragile se mussait en vérité une virago. Nonobstant le fait qu'Aedán s'attendait à rencontrer quelque madrée marquise, sa rouerie l'avait pris de court. En effet, sans même lui laisser le temps de prendre ses quartiers dans le castel la dame l'enjoignait à rejoindre Diantra la Torve afin d'en visiter les ergastules punais. Le faraud senti la nasse se refermer sur lui, avant même qu'il n'eut l'occasion de livrer un honnête duel. A la réflexion, il aurait peut-être mieux valu qu'il s'adressa à sa cousine Blanche d'Ancenis qui, plutôt que le pousser au milieu des surins, lui aurait demandé quelques contes en échange de ses largesses.

Intérieurement, le jouteur se promit alors de faire montre de la plus grande vigilance à l'égard des sollicitudes d'Arsinoé. L'honneur passait pour un vain mot, à Diantra. Tout n'y était que mensonges, duperies et scélératesses! Oubliées, les ordalies et les dettes de sang réglées en présence d'honorables témoins. Mises au ban, les promesses sur l'honneur. Moquée, enfin, la droiture! Que pouvait-on espérer tirer de cette cupide hétaïre? Et voila que sa parente s'enorgueillissait de jouer les entremetteuses, de lui soutirer un baiser vénéneux de la belle. Dame!...et pourtant. Qui sait ce qui pourrait être découvert? Les alliciantes impudicités de Diantra lui fourniraient, peut-être, le moyen de s'asseoir à nouveau à la table des Grands.

Ainsi, adoptant l'air de celui sur qui on peut compter, il déposa sa main sur celle, élégamment gantée, de sa parente en déclarant d'une voix douce : " Belle amie, je me révélerais bien indigne de mon sang si je ne me trouvais à vos côtés lors de cette épreuve! Il va se soi que je vous soutiendrai lorsque ce nigromancien déliera sans langue pour révéler ses diableries."

Là-dessus, ils abandonnèrent la forteresse, accompagnés d'une solide escorte. Sombre époque que celle où une dame ne peut plus voyager sereinement en son pays! Attristé par ce fait, Aedán se fit fort de la divertir lors du trajet. A cet effet, il porta son cheval à hauteur de celui d'Arsinoé avant d'extirper son luth à la marqueterie délicate de ses fontes. Là, il en tira quelques airs tantôt joyeux, tantôt mélancoliques, qui emmenèrent l'auditoire bien loin de la boue noire des routes. Tantôt ils parcouraient les terres ocres, à l'est, dans les gorges aux parois sculptées et embaumant la myrrhe, tantôt ils percevaient presque, contre leur visage, les embruns frapper l'Inessique Extravagance, au sud.

Le vent froid le sens des mots emportait
Mes promesses ainsi s'en allaient
Dans tes yeux je vois de la nostalgie,
Qu'y puis-je c'est ainsi


Ce fut alors qu'il prononçait ces vers qu'ils atteignirent les faubourgs de la capitale. L'effervescence provoqué par le drame n'était pas encore retombée et moult négociants profitaient indument de la clientèle fortunée réunie dans les murs de la cité. Ainsi, il n'était pas rare que l'une des artères se révèle obstruée par une foule compacte ou une charrette ayant chu sur le flanc. De là découla le fait qu'il leur fallut un certain temps avant de parvenir, enfin, à la citadelle où le Traître se trouvait embastillé.

Déjà, des gens d'armes se pressaient auprès d'eux afin de les conduire auprès des tourmenteurs royaux qui, depuis probablement trop longtemps au goût de l'intéressé, interrogeaient Ascilin le sorcier. Prévenant, Aedán se fendit d'une pièce de tissu sur laquelle il avait énergiquement frotté des feuilles de menthe, cueillies sur le chemin, et la remit à sa parente en lui soufflant ces quelques mots : "Ma douce parente, c'est atmosphère bien indigne de vos délicates narines que celle d'une geôle infecte. Prenez donc ceci, que cela vous protège de l'inconfort qui menace!"
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MessageSujet: Re: L'encombrant parent [pv Arsinoé]   L'encombrant parent [pv Arsinoé] I_icon_minitimeVen 30 Aoû 2013 - 11:57

S'emparant du tissu et flairant goulûment ses bonnes senteurs, elle regracia la douce intention de son compagnon d'un sourire aux dents rendues opalines de zeste de citron. Offrant d'abord à son âme dolente le baume de ses virelais, la transportant loin du sinistre spectacle qu'était celui de cette cité deux fois violée, voilà qu'il la gâtait de petits riens dans la plus pure tradition courtoise. Sentant son âme – sujette au despotisme des plus troublantes sensations – monter à fleur de peau et s'épanouir sur sa figure, elle s'empressa de poursuivre son chemin dans l'espoir d'occulter son érubescence. Était-ce là sa fatalité que de s'enticher de fougueux gentilshommes, bâti à chaux et à sable et luisant de santé dans la veine de l'Ivrey qu'on lui avait dérobé ?

On s’enfonçait ainsi dans les entrailles du chastel, la dame qui ne manquait pas d'air semblant déjà à tu et à toi avec ce sigisbée qu'elle avait de cousin. Elle en profita pour lui conter le triste récit qu'avaient été ces deux dernières ennéades, du cataclysme magnicide aux funérailles entachées par les jérémiades impudiques du chœur des pleureuses ; jusqu'à ce qu'une larmette mutine ne se libère de son étau et ne vienne l’embarrasser. On s’arrêta assez vite toutefois, la vieille baderne de baudrier qui leur avait servi de cicérone assurant que le mage défroqué se trouvait derrière la porte de bois, prêt à battre son coulpe aux yeux des hommes et des dieux.

La salle, bien que profondément enfouie, n'avait rien d'une fangeuse oubliette et était avant tout vouée aux procès verbaux. Richement éclairée de torches et luminaires, nombres de hauts prélats et dignitaires s'y pressaient déjà, témoignant de la légitimité de la confession. L'air non plus n'était pas vicié, si ce n'était par le stupre qu’exsudait Ascilin, qui assis en bout de salle scrutait le vélin et la plume qu'on avait posé devant lui. Hâve et languide, plus émacié qu'elle n'en gardait souvenance, cet infâme qui n'était qu'un Nakor à la manque était d'une stupeur blême, laissant deviner les inénarrables sévices que dissimulaient sa coule de lin. Car si le juge et inquisiteur était de ces prédicateurs des ordres mendiants, sa charge était ici séculière et ne dissuadait en rien à la torture. Cruelles exactions qu'Arsinoé ne cherchait guère à aviser. Elle se vautrait plutôt dans l'assurance que s'il n'y avait pas de difficultés quand le crime est clair et appert, il en était tout autrement lorsque confronté à une sombre cabale et leur rhétorique fuligineuse. Il n'existe lors de plus fiable recours que la question sous ses moyens divers et variés. L'intéressante se pencha vers Aedán, lui susurrant quelques bons mots :

« Voyez comme un misérable peut avoir raison d'un à si fort honneur que votre cousin. N'est-ce pas là un songe des plus affligeants ? Et désormais, le complot régicide bon teint et de haute volée dont il fut l'ilote accomplit, il se voit abandonné sans recours par toutes les puissances du mal dont il fut le serviteur. »


Le tortionnaire faisant signe, Ascilin s'empara de la plume et, à la lumière d'un cierge, entreprit de griffonner son aveu sur le parchemin ; une scène sans doute maintes fois répétée. Prise par l'émotion et avec cette assurance qui sied le haut parage, la dame d'Olyssea serra la main rude du sire de Vercombe, lui soufflant à nouveau dans l'oreille :

« S'il ne confesse pas de vive voix, je crains que ce ne soit la faute des zélateurs de la chancellerie, qui lui auraient scié la langue au même titre qu'il scia la branche sur laquelle il était assis. Non-pas comme moyen de coercition, mais plutôt afin de se prévenir de mauvaises féeries. »


Posant enfin la penne et se fendant d'un odieux borborygme, celui qui fut jadis l'Intendant de l'Arcanum s'affala, drainé. Le haut prélat Gorman de Sales se saisit adonc du feuillet qui fleurait bon l'authenticité et le lut pour tous de sa voix graveleuse, récit saccadé par la phlegme de son arrière-gorge et la piètre graphie de maître Ascilin. On apprit ainsi comment l'homme n'avait eu de cesse de trahir les intérêts de la couronne auprès de l'hérésiarque Nakor, condamné par contumace, dont il était devenu le fantoche par veule pagnoterie et appétence pour le lucre. Comment ledit Nakor lui avait fait part de sa volonté par de sombres goéties ou par le truchement de ses séides, aux nombres desquels comptaient les seigneurs Nimmio et Asdrubal. Comment il usa de son art pour tisser un vénéfice qui alita le jeune roy égrotant, et, lorsque son état devint critique, profita de la confiance que lui vouait le prince régent Aetius pour l'inciter à se rendre lui et ses neveux à l'Arcanum, où ils trouveraient un sortilège salvateur qu'il avait corrompu au préalable. Il faisait abjuration de son plein gré, se soumettant à n'importe quelle forme de repentance, livrant avec entrain les noms de tous ses affidés.

Lorsque le silence revint, le coupable pleurait déjà à chaudes larmes de sa vilenie, alors que chacun des prud'hommes assemblés s’avançaient tour à tour pour inscrire leurs noms en bas du vélin. De sa belle main, Arsinoé posa non seulement le sien mais - avec son assentiment – celui de son parent improviste. Son humeur guillerette s'étant entièrement dissipée devant ce triste spectacle, elle donna voix à l’interrogation qui alors l'assaillait :

« Quel sort gagez-vous que la justice lui réserve mon ami ? Je confesse l'ignorer, ayant depuis trop longtemps laissé la charge de cette triste affaire au chancelier Cléophas. Comment ne pas s'éprendre de pitié pour ce misérable...Et pourtant, n'est-il pas vrai que les vices de l'esprit peuvent se corriger ; mais quand le cœur est mauvais, rien ne peut le changer ? »
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MessageSujet: Re: L'encombrant parent [pv Arsinoé]   L'encombrant parent [pv Arsinoé] I_icon_minitimeMer 4 Sep 2013 - 21:25

L'infâme, l'abjecte, l'odieuse, diablerie! Le chevalier de Vercombe, abasourdi, accusait durement le coup. Tant de nobles sires aux origines remontant à la fondation même du Royaume se vautrant ainsi dans le parjure, la félonie et la nigromancie même. Tant de bassesse, ce n'était plus une cabale mais une vulgaire jacquerie, un comportement digne de coquins! Toutefois, la présence du démonolâtre Nakor au rang des conjurés expliquait peut-être la chose. En effet, en homme de bien, Aedán se gardait de la sorcellerie, la considérant avec une hostilité à peine voilée. Ainsi, il n'aurait guère été surpris d'apprendre que cette liche jésuitique s'était immiscée dans l'esprit des conspirateurs afin d'y insuffler ses idées vénéneuses. A grand mal, il se retint de supplier sa parente de le laisser défier l'ingromant afin de percer d'un pal son cœur noir.

Noir, comme le regard que le sigisbée adressa à la turpide araignée qui venait de s'épancher devant témoins. "Ah, perfide vipère! Vois où t'ont conduit tes vilains pensements!". Puis, laissant sa colère retomber, le jouteur se retourna vers la marquise à qui il déclara, d'une voix bien plus posée :"Douce dame, vos paroles sont d'or et votre mansuétude vous honore, néanmoins je crains que votre candeur ne vous abuse. Certes, les vices de l'esprit peuvent se corriger, même ceux d'un esprit aussi tourmenté que celui-là, mais le coût en est élevé. Cependant, oui cependant votre compatissance est un exemple pour nous tous! Il est de notre devoir de sauver ce qui peut encore l'être, vous avez mille fois raison. Ainsi, comme l'exige la tradition sacrée, le régicide doit être émasculé, écorché vif puis enfin seulement étêté. Nous ne pouvons plus rien pour cette...enveloppe, elle ne peut être sauvée. Sauvons ce qui peut l'être!"

On eut pu s'étonner de l'ingénuité du chevalier, ne remettant pas en cause la parole d'Arsinoé, supportée seulement par un homme brisé. Toutefois, c'eût été négligé de la considération qu'un de Vercombe pétri de gestes épiques avait pour les membres du beau sexe. Tout du moins ceux de belle lignée. C'est pourquoi, prévenant, il offrit son bras à la faible danselete en l'enjoignant de quitter cette pièce souillée par le vice. Là, se muant tantôt en un chambellan, tantôt en un propriétaire, il commanda qu'on leur apporte son luth ainsi que du vin framboisé dans l'un des petits salons.

Chemin faisant, il assura la dame de son plein et entier soutien lors de cette cruelle épreuve, se reprochant de ne l'avoir visitée plus tôt : il n'aurait pas manqué de déjouer les plans du vil Ascilin. Tout en poursuivant ses forfanteries, le chevalier finit par débusquer l'un des dits salons. C'était une haute pièce aux murs lambrissés qui la rapetissaient. En d'autres circonstances, le spadassin aurait pris le temps de s'émerveiller des sublimes chambranles armoriées, des délicats vitraux ou encore des colonnes d'ornements chantournées mais l'atmosphère ne s'y prêtait guère. Ne venaient-ils pas de recevoir de bien sombres nouvelles? Le Mal rôdait encore!

Alors, lorsqu'un quelconque échanson se présenta, Aedán le renvoya un peu rudement - les murs avaient des oreilles ! - non sans l'avoir au préalable délesté de son chargement. D'une main sûre, il servit un verre d'une indéniable générosité à sa parente avant de se frapper le front, paraissant se remémorer un fait d'importance, et de déclarer : "Triste journée que voila en vérité, ma dame! Ce nonobstant, je me refuse à voir notre rencontre ainsi souillée, que ma présence ne soit pas assimilée à tant d'horreurs! Vous me combleriez de joie en me laissant vous distraire!"
Là-dessus, il entreprit de tirer de son luth les premiers airs élégiaques d'une chanson si vieille qu'on en avait oublié les origines exactes mais d'une délicatesse toujours appréciée.

Ô bielle despot escoultey vostre sirvent
que pour vous s'en va combatuer hardiment.

Doulce princess, de vostr' biautour, je suys captif!
Par dyeux, vo mendie, un bayser devant l'esquif,
Si dou Levant je ne revyans serai-je mort
dans un triste oublie ou pour vostre amor?

De presente vous m'avey couvert sans pareil,
Mais nul gran demeine ne désire, exceptey
le regnement de vostre cueret, mon orgueil
a vos pieds jetés, vostre tirande imposey!

Ô bielle despot escoultey vostre sirvent
que pour vous s'en va combatuer hardiment.
...


D'une clairvoyance quelque peu tardive, Aedán ne remarqua, qu'après coup, qu'il eût été plus astucieux de trouver un chant sur les devoirs familiaux. A titre de rappel, le beau se bichait d'avance de profiter de la bonne fortune de ses parentes mais les choses avaient rapidement pris une tournure toute autre. Ah! Cruelle Fortuna! Une famille déchirée, des renardises jusque dans les antichambres du palais et...malgré cela, un délicieux public. Quel héros tournerait le dos à une femme apeurée? Isolée, cernée par les traîtres? Penaud, le chevalier de Vercombe réalisa qu'il s'en était fallu de peu qu'il n'abandonne la marquise comme un vulgaire condottiere tourne le dos à un employeur désargenté. Alors, se fendant d'un sourire chaleureux, il déclara :"Souriez, souriez belle amie! Ne laissez pas les méchantes gens vous dérober cela. Sachez que chacun de vos rires, chacun de vos chants sont autant de coups mortels que vous leur portez. Venez : j'ai la certitude que votre voix est exquise, faites-moi le plaisir de me laisser vous accompagner au luth."
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MessageSujet: Re: L'encombrant parent [pv Arsinoé]   L'encombrant parent [pv Arsinoé] I_icon_minitimeVen 6 Sep 2013 - 11:40

Le fumoir coquet et intime qu'ils avaient investi personnifiait la lascivité atavique du sang Fiiram. Du moins, c'était là ce que se ressassait la jeune veuve délurée, qui peinait à lui imaginer un autre usage que celui d'assouvir les pulsions lubriques des dancelons et danseletes de la cour. Elle jugeait qu'ils se trouvaient quelque part au dessus de la divine Chambrevert aux relents d'elfie ; si loin du caveau où Ascilin et ses semblables attendaient leur supplice qu'on se sentait comme délesté d'un lourd faix. Les rays du soleil irradiaient la salle de lueurs teintées coralline et bleu aldego, à la manière des vitraux transfixant la roche de toutes parts. Une antique carpette Thaari tapissait le cœur de la salle, aux motifs floraux jaspés d'une douzaine de nuances que l’œil peinait à définir, si délicate qu'elle ressoignait à y apposer ses bottine souillées.

Adossée pensive à sa chaire moelleuse, la dame se laissait bercer et mignoter des virelais fleurs bleues que tant lui cantait suavement son compagnon, scrutant le levant et la gaillarde ferté d'Edelys. Se délectant de la liqueur sirupeuse et melliflue, elle se serait temprement glissée dans une pernicieuse asthénie si, hélas !, le guilleret de Vercombe ne s'était pas fendu de la riche idée que de la faire chanter. Ne souhaitant démériter aux yeux de son beau parent, elle fut contrainte d'accéder timidement à cette voluptueuse cruauté. Mais cette brave fille, pourtant bien nourrie dans le sérail et portant en gésine nombres de gentilles villanelles, les écartait une à une par prude réserve. Aussi resta t-elle coi assez longtemps, assise sur le bord de sa chaise, les jambes serrées, la gorge sèche et les mains immobiles sur ses genoux. Mais la plaisantine triompha enfin de la pudibonde, si bien que sûre de son choix - et après avoir délicatement ôtée une boule giroflée nichée en dessous de sa langue – elle entama une ballade qu'elle connaissait trop bien.

Vous allégiez être d'un amer bien fort,
Bien fort, bien fort, et ainsi je l'ai cru,
Mais tôt après vous fîtes votre effort
D'en dire autant en un lieu que j'ai vu :
Bien fort, bien fort, vous l'aimez, je l'ai su.
Il vous faut trop de forces pour deux lieux
Si fort aimer, mais prenez pour le mieux
Deux bons ciseaux coupent notre amitié,
Et retenez l'autre, qui a vos yeux,
Forces et coeur : tant de double et gracieux
Satisfera trop bien de la moitié.


Ne souhaitant toutefois déconfire son bon cousin, elle fit alors preuve d'une plus grande aménité, et mi-figue mi-raisin confessa même son angoisse à le suivre en se domaine où il était si ferré à glace, à se confronter à une loquèle digne d'un trouvère là où elle ne saurait fredonner que de vieux refrains. Fine comme l'ambre, elle se lança adonc dans un de ces chants de nourrice d'un autre âge.

Les doulours, dont me sens tel somme,
Font mon penser tout assommer,
Et si ne m'en puis dessommer,
Dont j'ai souvent mal jour et somme.

Et, sans cesser, je compte et somme,
Pensant toujours les assommer.
Mais elles me somment nonobstant et,
Font mon penser tout doulousant.

Mais moy mesmes du coup m'assomme;
Et, se Mort me devoit sommer
Et de sa massue assommer,
Si ne les puis je mettre en somme.
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Aedán de Vercombe
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MessageSujet: Re: L'encombrant parent [pv Arsinoé]   L'encombrant parent [pv Arsinoé] I_icon_minitimeSam 7 Sep 2013 - 9:13

Triste sort que celui du preux dont la fidélité se voit disputée sans que liberté ne lui soit donnée de se défendre! Ainsi, le sigisbée demeura marmoréen lorsque la belle se fit devoir de répondre à son chant, grattant presque à contrecœur le luth marqueté. Pour peu, il en aurait même manqué d'apprécier le timbre délicieux de sa voix, qui gagnait en grâce à mesure que la timide roseur de ses joues se voyait contenue. Néanmoins, lorsqu'elle entama un autre refrain, le brave trouva la force de se regimber. A ce titre, une petite poésie d'un certain Alain lui revenait à l'esprit et, tandis que la mutine achevait son chant, Aedán la félicita chaudement avant de déclamer :

Près de ma dame et loing de mon vouloir,
Plain de desir et crainte tout ensemble,
Le cueur me fault et le parler me tremble,
Quant dire doy ce que me fault vouloir.

Je dis : Belle, vous me faites douloir,
Mais au besoing crainte mon propos m'emble
Pres de ma dame et loing de mon vouloir.

Or ay je mis toutes a nonchaloir
Pour une seule a qui tout bien s'assemble.
Oseray je me desbucher du tremble,
Pour requerir ce qui me pretes valoir
Pres de ma dame et loing de mon vouloir ?


Il faut dire qu'en d'autres circonstances, il n'aurait pas manqué d'être stupéfait, voire de réagir hardiment, au fait de voir sa parentèle douter de lui. Toutefois, c'était sans compter les larmes de la marquise que, le chevalier de Vercombe en était persuadé, elle gardait en dedans. Alors, compatissant, il posa sa main sur celle de la jeune femme et partit en quête d'un compliment à lui adresser. Hélas, mille fois hélas! Etait-ce la fatigue de la route? Le vin qui lui montait à la tête ou encore l'or en cascade qui s'épanchait sur les épaules d'Arsinoé? Aucune parole ne lui vint à l'esprit, pas le moindre blandice. Pris de panique, le jouteur laissa son regard s'enfuir sur le parquet, comme cela est de coutume lorsque l'on est embarrassé, et avisa la carpette thaari à semis floral. Ma foi, saurait-on, en toute circonstance, se montrer exigeant?

"Belle amie, je constate, avec plaisir, que ce tapis n'est pas l'unique merveille que vous avez ramené de l'Orient lointain. A dire vrai, je doute même que les nymphées mussés au plus profond des vertes forêts n'aient jamais résonné de voix aussi belles que la votre ! Ah mais me voila bien malheureux maintenant : comment pourrais-je désormais espérer apprécier d'autres chants après cela?". Songeur, il emplit à nouveau le verre de son vis-à-vis en lui adressant un sourire discret, comme en proie à quelque réflexion.

Quand, enfin, il sembla parvenir à un compromis avec lui-même, le sigisbée se pencha vers la dame et reprit : "Douce Arsinoé, belle parente! Nous vivons une époque où, trop souvent, l'acier fait entendre son chant. Ce n'est pas là une activité digne d'une noble dame comme vous. Alors, permettez-moi, ma dame, d'être votre champion, de porter vos couleurs! Une si accorte princesse ne saurait se concevoir sans ses héros prêts à mourir pour ses beaux yeux marrons!" Dit-il en soutenant son regard. "D'aucun prétendent que je tire grande gloire des adversaires valeureux que j'ai abattu mais cette gloriole ne serait rien au regard de l'honneur d'être votre serviteur. Nouez votre ruban à ma lance, donnez la plus noble des causes à mes prouesses!"
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MessageSujet: Re: L'encombrant parent [pv Arsinoé]   L'encombrant parent [pv Arsinoé] I_icon_minitimeDim 8 Sep 2013 - 20:21

Ragaillardit des habiles compliments du sire de Vercombe, elle savoura son chant bien trouvé et l'applaudit une fois fini avec l'entrain de sa verdeur naturelle, s'inclinant devant sa faconde par un délicat « Bien assailly, bien deffendu messire ! ». Excitée de l’âpre chaleur d’un sang fouetté jusqu’à l’écume par la présence de ce preux chevalier, elle en fut d'autant plus lorsque icelui posa sa guiterne et se rapprocha d'elle, entendant s'exprimer sans détours mélodieux.

S'extasiant et s'émotionnant d'une si parfaite prévenance, elle sentait l'émoi transir ses nerfs et les muscles de son visage. Paupières mi-closes et lèvres entrouvertes, elle frissonnait de l'ardente et douce étreinte d'un regard qu'elle soutint tant qu'elle le put, jusqu'à fondre soudainement en pleurs. Piteuse, elle se détourna du brave rodomont, ne supportant pas d’être vue ainsi. Mussant sa tête tantôt au creux de son bras replié tantôt dans l'étoffe fleurant bon la menthe sauvage, elle s'assura d'avoir repris ses esprits et d'avoir chassée de sa peau toutes les humeurs moites dont elle s'était épandue avant de se montrer à nouveau, l’œil larmoyant et rougi. D'une voix encore trémulante d'émotions, elle se fendit d'un petit rire incertain et reboutant à grand'peine la mijaurée déclama :

« Et voilà que je m'éplore telle une sotte et nice jouvencelle. Vous seriez en droit de vous en gaudir mon ami, bien que je prie qu'il en soit autrement. Posant sa main sur sa gonne aux écailles ferrées, elle poursuivit son acte de contrition, N'y voyez nul malivolence, votre doux vœu ne ferait pas se mélancolier la plus cruelle ménade qu'il soit, et ne saurait éliciter nuls pleurs sinon ceux de joies ; là où mes larmoiements sont plutôt de honte, honte et épouvante à l'idée de ce plus spontané, capricant et injuste des mouvements de l'esprit qui fut pourtant le mien. Cupide et sans-cœur, j'aurais abusé de votre tendre sollicitude et vaillantes inclinations pour combler mes propres affres. Non-pas une noble cause en terres orientales, mais une périlleuse vindicte tout droit sortie de mes tourmentes oniriques. Car je ne rêve plus que de cette forteresse impie de l'autre côté de l'Olienne, viciant les grèves ombragées de cocotiers et desséchant les cèdres séculaires loin de tout regard épiant. Temple hérésiarque où s'agitent nuitamment d'inexpiables sabbats, où des nigromanciens centenaires s'accouplent aux néréides et hamadryades, subsistant de la pulpe de jeunes et gentils enfants dérobés à leurs couches, horribile visu, le tout sous l’œil mortifère de cette momie régicide. Je vous aurais confié cette tache sisyphesque que de les combattre à la vanvole et par veule espérance...Est-ce là comment une dame doit-être de son parent sigisbée ? »

Reprenant son souffle, elle se remit à sa diatribe imprécatoire avant qu'Aedán ne puisse placer deux mots: « Non, je m'y refuse, je ne puis me résoudre à vous perdre ainsi et à la malheure. C'est à moi qu'il incombe de protéger mon enfançon et combattre ce mal qui infecte notre royaume, vérolant jusqu'à nos cousins et parents et réunissant idolectes et satrapes de la luxure sous le gonfalon de déshérence et démonerie...leurs crimes sont innumérables, et je crains que la révélation d'Ascilin ne soit que la plus récente et moins subtile de leurs menées. Que dire de l'état de votre hardi cousin - qui aussitôt réconcilié à son frère se retrouvait alité d'un sombre mal - lorsque nous savons que ces empoisonneurs ne renâclèrent pas à s'en prendre à Eliam...Simple nostalgie du règne myope du roy aveugle, est-ce là ce qui enfielle Nakor? , le menant à désirer la perte l'Arcanum et du royaume car il ne put les façonner à son image... Ou est-ce un dessein plus abscons et terrible encore qu'il fit sien au gré de son errance dans l'épave maudite de Nisétis ? Quels secrets de la fabrique du monde crut-il y entrapercevoir, entre tous les lémures et mirages de ce désert ? »

Prise de vertige, elle draina son hanap et s’accola à son cousin, entonnant un triste cantilène qui, curieusement, la revigora quelque peu :

Qu'est devenue leaulté?
Hélas, elle s'en est fuyée.
Tandis qu'à leurs œuvres perverses,
Les hommes courent sans détresse. 

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MessageSujet: Re: L'encombrant parent [pv Arsinoé]   L'encombrant parent [pv Arsinoé] I_icon_minitimeLun 9 Sep 2013 - 17:26

Le cœur du chevalier se serra en réponse aux chaudes larmes versées par la vénuste marquise tant et si bien que, lorsqu'elle vint à s'accoler à lui, il n'y tint plus. Aussi, saisissant ses délicates menottes, il les baisa tendrement et les tint tout contre son corps avant de déclarer : "Pour vous, belle enfant, sade amie, j'appareillerais sur l'heure! Nulle mer agitée, nulle tourmente ne saurait s'imaginer m'arrêter! Alors, d'un glaive anobli par votre cause, j'écurerais cette noire forteresse de son mal, jetterais au feu leurs codex blasphématoires, passerais au fil de l'épée les goules qui la hantent et la livrerais aux flammes rédemptrices! Quant à ma vie, soyez sans crainte, gentille Arsinoé, car quel qu'en soit le résultat j'aurais connu le beau des honneurs :  gagner pour vous ou périr en essayant! Peut-on rêver meilleur destinée?" Ah, quelle fougue brillait dans le regard du beau sire de Vercombe! On se le figurait, sans mal, revêtu d'un blanc harnois et brandissant quelque lame légendaire, pourfendant les démons en agitant bien haut les couleurs de la dame.

Toutefois, il parut se rembrunir. L'espace d'un instant, Aedán sembla se demander si quelqu'un d'autre se mussait dans cette pièce pourtant intimiste. Son regard, inquisiteur, passa sur les méridiennes recouvertes de soie, le jeu de Kjall posé sur une table basse incrustée d'ivoire, l'imposant poêle en céramique qui trônait dans l'un des coins et les agréables kilims. Ce ne fut qu'une fois rassuré sur leur thébaïde qu'il reprit la parole, se rapprochant encore, comme s'il craignait qu'on entende ce qu'il allait dire : "Dame de mon cœur, je ne puis, pourtant, me résoudre à vous abandonner à nouveau. Une fois encore, vous avez énoncé la redoutable vérité : mon bon Aetius et les enfants royaux ne furent probablement pas les seuls à souffrir l'ire du mamamouchi du Firmament! Ce démon, jamais repu, ne s'arrêtera qu'une fois renvoyé aux enfers. En embarquant maintenant, je craindrais de vous laisser entre leurs mains malintentionnées! Voyez ce que mon absence a déjà permis à ce sycophante d'Ascilin d'effectuer!" l'homme paraissait en proie à de grands regrets, une douleur certaine se lisait même sur son noble visage "Tendre cousine, ne tremblez pas car tant qu'il me restera un souffle de vie je vous garderai de ces méchantes gens, soyez en assurée!"

Là-dessus, comme emporté par quelque foucade, il se leva sans attendre de réponse de son interlocutrice et, sans respect aucun pour le tapis à semis floral, gagna les fenêtres géminées qui éclairaient cette pièce. Qu'espérait-il voir depuis là? Bien avisé celui qui saurait le dire car les vitraux se révélaient fort opaques, le meilleur des argus aurait été bien en peine d'épier le couple depuis là. Néanmoins, cela ne l'empêcha pas de s'y appuyer, comme en proie à quelque réflexion. L'affaire semblait si sérieuse qu'on ne l'aurait interrompu qu'en se faisant douleur, lui laisser du temps devenait nécessité!

Puis, après ce qui parut une éternité, il donna l'impression de prendre une décision. Revenant auprès de sa parente, il annonça : "Pour vous, entièrement parfaite, je resterai encore à Diantra. Après tout, ce palais est à l'image de cette pièce : grande mais pourtant l'on si sent à l'étroit, réputée mais déserte et, mis à part nos proches, on ne sait vers qui s'y tourner. Tant que je serai avec vous, vous ne risquerez rien, je serai à la fois votre épée et votre bouclier." il ponctua sa tirade d'un sourire qui se voulait encourageant.

Tendant sa main à l'adresse de la marquise aux joues empourprées par le vin, afin de l'aider à s'extraire de la chaire, le sigisbée s'exclama : "Cela est donc entendu. Je me tiendrai à vos côtés et le lâche sommeil qui doit, par inquiétude, vous fuir depuis quelques temps s'offrira, à nouveau, à vous." Tenant toujours la main de la dame dans la sienne, il a jouta, songeur "Je réalise à l'instant que je n'ai encore jamais eu l'occasion de visiter la légendaire Chambrevert! on prétend que sa voûte incrustée de gemmes est remarquable, sont-ce aujourd'hui vos appartements?" toutefois, avisant le jeu oublié sur la table, il reprit "Mais quel effronté je fais, je vous ennuie en vous demandant de jouer la cicérone! J'aperçois ici un jeu de Kjall, ah cela fait si longtemps que je n'ai eu le plaisir de faire rouler les dés, me feriez-vous l'honneur d'une partie, Arsinoé?"
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MessageSujet: Re: L'encombrant parent [pv Arsinoé]   L'encombrant parent [pv Arsinoé] I_icon_minitimeDim 15 Sep 2013 - 12:41

Alliant l'esprit à la sapience, la dame aux larmes séchées assura qu'il lui viendrait à grand'plaisir de révéler à son intrépide plastron chacune des courbures fantasques et extravagantes de l’idyllique Chambrevert ; lui assurant que sa voûte défiant les dogmes de la maçonnerie serait bien mieux servie à mirer leur ludisme plein d'esprit que les conciles de prud'hommes qui d'usage la hantaient. La chose avisée, on héla dans les coursives jusqu'à ce qu'un estafier ne se présente, qu'il porte les instruments de leur jouissance : liqueurs, jeux et guiterne ; à leur nouvelle retraite. Nos deux inconstants s'y présentèrent à l'enfilade quelques secondes plus tard et au gré d'un délicat escalier en colimaçon qui parcourait Tour de la Librairie. Pleins de superbe, ils s'attablèrent à-même l'autel de bois poli qui trônait au cœur du nef pélasgique, et disposèrent entre eux les pièces de ce jeu à la fois subtil et robuste qu'était le Kjall.

Nous réfutons l'hypothèse chimérique qu'il y est d'esprit laissé si longtemps en friche qu'il ignore tout des formidables principes le régissant ; aussi, et forts de cette leste et légitime assurance, nous nous contenterons de remarquer que les deux duellistes, que la fortune ne semblait vouloir départager, ne déméritaient ni l'un ni l'autre de fougue ou d'inspiration. On eut pu s'étonner de l'adresse nonchalante de l'Olyssea, s'imaginant avec une certaine candeur qu'il n'était rien qu'une dame de si haut parage puisse partager avec les bélîtres et arsouilles de Sharas. Nenni, et dans la juste lignée de Semoras celle dame avait su tirer parti de son exil pour parfaire son éducation, côtoyant à Thaar nombres de riches Olysseans en escale qui la prirent en grande pitié.

Mais tout autant qu'elle jouait et ergotait, derrière ses yeux pleins du plus teindre intérêt se ruminaient quelques dernières incertitudes pyrrhoniennes. Car la marque de son esprit bien formé était d'osciller perpétuellement entre fine cautèle et la plus sensible volupté, et cette première semblait prendre l'ascendant à mesure qu'elle dégrisait. Or l'imprudence est la compagne du malheur ; et connaissant trop bien toutes les nuances de l'infortune, la marquise qui se remémorait à l'instant ses préceptes les plus profondément enfouis - que les plaisirs de la bienfaisance ne sont que délices de l’orgueil - se trouvait à regarder à la dérobée son doux commensal, questionnant jusqu'à ses premières intentions. Si bien que la tête d'icelle, fertile en tours de cette espèce, s'en était vivement allumée et augurait déjà les cruelles réalisations dont il serait l'acteur. Pourquoi sinon pour gagner sa fiance se démenait-il ainsi à la séduire, papillonnant et folâtrant avec toute la pétulance des plus beaux gestes ? Mais n'était-il pas écrit dans le ciel qu'à la déveine succédait la fortune, et que tout autant qu'il était périlleux de se laisser aller en pâmoison, une défiance invétérée ne pouvait elle que la condamner à un funeste isolisme ? Ou n'étaient-ce que primitifs sophismes, et qu'il n'est aucune fatalité qui dicte que l'infortune soit vengée : elle l'attend, parce qu'elle le désire ; elle s'en flatte, parce qu'elle le veut.

Et hypnotisée par ces subtils mouvements de l’âme et profondes réflexions sur la méchanceté de l'homme, elle perdait de sa loquèle et se révélait de bien piètre compagnie. Cela ne put durer trop longtemps, et assez vite les sens chassaient la raison, la passion reprenait ses droits. La dame se résolut d'accepter sans réserves ni détours ce qu'Aedán avait de plus précieux à offrir : à savoir sa propre lame et tous les recours de son zèle. Elle entrouvrait son cœur aux sentiments de reconnaissance, dans l'espoir qu'un bienfait doit lier celui qui le reçoit à celle de qui il provient, et enfin s’élança :

« Par ma foi bel ami, ores que nous sommes dans un lieu si pur et propre aux belles émotions, je puis entreprendre de te dépeindre les étendues de ma reconnaissance, qui seront pour toi comme infinies. Tu m'offres par seule sollicitude la jouissance de ta compagnie, et seras pour moi comme un rempart de tempérance et vertu ; aussi accéderai-je légèrement à la moindre de tes requêtes : demande de moi ce qu'il te plaira, rien ne me viendrait à plus grande aisance que de combler un parent si méritant. Et si il te plaît, nous pourrons ce surlendemain chevaucher ensemble devers la bonne cité de Port-Royal, où m'attendent certaines affaires ainsi que l'auguste baron de Sybrondil. »
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MessageSujet: Re: L'encombrant parent [pv Arsinoé]   L'encombrant parent [pv Arsinoé] I_icon_minitimeMer 18 Sep 2013 - 18:42

Isolés au milieu de ce bosquet de pierre qu'inondait une lumière aux accents de sous-bois méridionaux, le couple offrait un visage pittoresque. Elle, ravissante princesse de quelque royaume en perdition, lui, parangon de vertu, prêt à affronter les Enfers eux-mêmes pour un doux baiser de la dame. Si l'intimité de leur ancienne thébaïde invitait aux confessions coupables, celle-ci invitait aux rêveries. Etait-on seulement encore dans le Monde connu ou cette pièce était-elle la porte d'un paradis perdu? Sous cette voûte gemmée, l'onirisme prenait le pas sur la réalité.

Aussi, les pensées d'Aedán voguèrent-elles bien loin des austères conseils qui se tenaient usuellement en ce lieu et ce n'était guère en juge de ces soporifiques séances qu'il se figurait sa parente. En conséquence, on ne vit briller nulle cupidité dans son regard lorsque proposition lui fut faite d'énoncer sa requête. Ce fut, au contraire, une indignation certaine qui se dessina sur son visage. Voila qu'on se le figurait en solliciteur! Certes, la marquise voyait juste, c'était indiscutablement sous ce manteau que le chevalier avait frappé à son huis. Néanmoins, ce n'était guère ainsi que les choses se déroulaient. Jamais le beau sire ne s'abaisserait à jouer le mendigot, à réclamer humblement de quoi s'offrir de nouveaux destriers. Malgré cela, il se trouvait qu'une récompense éveillait, tout de même, sa convoitise et, pour celle-là, de Vercombe était prêt à aller plus loin.

De la belle voix qu'on lui connaît, il entreprit alors de répondre à sa madrée compagne : "Belle Arsinoé, il n'est nul besoin de me combler de présents. Quel ami serait celui que l'on doit stipendier comme le dernier des condottiere? Autour de toi, les meschantes gens s'agitent, te réclamant moult faveurs en échange de leur discutable amitié. De grâce, tendre amie, ne me compare pas à ces coquins là, je crains moins la lance de mes ennemis que le déplaisir de te désappointer!" saisissant l'aristocratique dextre de son vis-à-vis, le chevalier la posa sur sa poitrine, contre son cœur, et demanda : "Vois par toi-même! Sont-ce de vilains pensements que tu sens battre ou de nobles sentiments?"

Puis, baissant les yeux, il confessa : "Je l'admets, ô charmante Arsinoé, avant de te rencontrer je me trouvais en proie au doute. Qui allais-je découvrir à Edelys? Il m'est arrivé, parfois, d'être fort déçu par des gens pourtant bien nés, piétinant l'honneur et négligeant leurs devoirs sacrés. Si tel avait été le cas...comment aurais-je réagi?" plongeant son regard dans celui de la belle, il reprit "Puis, je t'ai vue. Sublime, une étoile étincelante que l'on suivrait aveuglement...mais également en péril" laissant s'immiscer un instant de silence, Aedán finit par ajouter "Pour toi, je danserai avec la Camarde, heureux de le faire en ton nom. Cependant, comme le chantait le poète, Ou mon desir m'assouvira, Ou ma tristesse m'occira. Je te le demande, à tes beaux yeux, ne serai-je qu'une lame de plus parmi tes légions ou un bon ami? Puisque tu désires connaître ma requête la voici : Un tendre baiser de la plus estimable des princesses. Voila la récompense que je convoite et la seule à pouvoir m'emplir de joie."
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MessageSujet: Re: L'encombrant parent [pv Arsinoé]   L'encombrant parent [pv Arsinoé] I_icon_minitimeDim 29 Sep 2013 - 13:42


« À la fois tant et si peu ? » eut-elle été tentée de répondre. Mais le moment, soudain rendu comme chimérique tant la requête s’accordait au lieu, se prêtait aux actes, et non aux dires. Aussi elle se leva hiératique, ne daignant accorder une seule œillade à son sigisbée mais balayant plutôt la salle du regard, s’assurant qu’ils étaient bien seuls entre les piliers artistiquement disposés ; et impavide fit mine de l’abandonner, laissant le dos de sa blanche main s'échoir sur son épaule au dernier instant, y glissant langoureusement et promettant bien plus encore.

Elle le guida jusqu’à un recoin bien enclot de colonnades, tamisé des quelques lueurs anisées qui en cette fin de journée perçaient encore les vitraux. Se retournant, elle ne put réprimer un sourire gai et sincère qui tranchait avec sa figure presque lascive : elle se maintenait mollement contre le mur, ses mains juchées contre la rebord de la rosace qui encadrait joliment sa tête dorée. Ses membres étaient devenus faibles et vains ; son âme voulut, d’un fort désir, s’arracher de son corps et se mêler à tous les sentiments de passion qui l’envoutaient, et qui chassaient toute peur et rancœur contre ceux qui encachottés ou courant encore le royaume la haïssaient de male haine.

Il lui semblait qu’un lierre rampant, aux griffes aiguës, à la tige vivace, poussait ses racines dans le sang de con cœur et par de robustes attaches enlaçait tout son corps et toute sa pensée au sire de Vercombe. Ce vin framboisé n’aurait-il été que philtre d’amour ? Ses virelais des charmements d’Arcamenel ? Et après tout, pourquoi pas ? Que de merveilles en la vie d’Aedán ! La raison pouvait-elle encore voirement douter qu’il fut un enchanteur, domptant les cœurs par puissance et charme de sorcellerie ? Son épée fée et pareillement sa harpe qui tour à tour enjôlait vierge des sylves, roine de sylphides et ore sa propre personne, qui n'était en rien une Messaline.

Puis ils s’embrassèrent, heureux, et se pâmèrent longuement.
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