Embuscade et sauvetage inespéré [Romuald]

Jérôme était sur sa monture qui était lancée au galop sous la pluie battante. Il était entouré d'à peine sept hommes de sa garde, nombre très limité mais il avait décidé de partir rapidement et il avait prit uniquement ceux qui était autour de lui. En avoir plus n'aurait pas pris énormément de temps mais ce jour il avait fait un petit caprice typique de la noblesse et n'avait pas l'envie de patienter plus que nécessaire. Il se trouvait dans les plaines de Bastylle, allant de sa châtellenie à un autre château afin de discuter avec le seigneur local. La troupe allait donc bon train, alternant le galop et le trot afin de ménager leurs montures. Le baron appréciait le vent sur son visage et il perdit sa concentration, se laissant aller au moment présent. Deux des cavaliers s'étaient portés à l'avant et les cinq autres se trouvaient auprès de leur seigneur.

Au passage proche d'une forêt, quelle ne fut pas la surprise de voir juste un peu plus loin les deux montures trébucher et jeter au sol leur cavalier réciproque. La chute à peine terminée et la troupe arrêtant leur chevauchée, quatre hommes sortirent rapidement de l'orée toute proche et sautèrent sur les pauvres cavaliers au sol, les tuant en passant à travers les jonctions de leurs armures. il était étonnant de voir des brigands s'attaquer à des chevaliers mais une embuscade aidait à en diminuer le nombre et ils n'étaient donc plus que six en comptant le baron. La "troupe" des bandits sortit des fourrés et il se trouvait au nombre approximatif d'une petite dizaine. Ne leur laissant plus l'initiative et se méfiant du terrain, les gardes et leur seigneur reculèrent d'abord, étant certain que le sol derrière eux était fiable vu qu'ils venaient de le fouler. Aussitôt, cinq autres hommes sortirent du bois derrière eux, les empêchant de tourner leurs montures. ils étaient armés de piques et empêchaient une charge.

Perdant l'avantage d'être monté, Jérôme descendit aussi rapidement que possible de sa monture. Il ne portait pas son armure de plate mais un haubert de maille. Il dégagea espérance, sa flamberge et il fit des moulinets dans ses deux mains afin de s'échauffer tout en avançant rapidement vers les cinq hommes, cible moins nombreuse. La situation n'était pas idéale, ils étaient en infériorité. Heureusement qu'ils étaient chevaliers et donc plus aguerrit et entrainés mais cela suffirait il ?

Le combat s'engagea, Jérôme appréciait les duels et il savait manier son arme comme il le fallait. Un premier brigand se retrouva raccourci d'un bras avant d'être éventré, se vidant dès lors de ses tripes tombants sur le sol et tentant de les rattraper de ses mains rougis par le sang qui coulait à flot. Les gardes avaient sortit leurs épées et ils étaient porteur de boucliers. Ils tentaient de former un cercle autour de leur seigneur afin de le protéger mais celui-ci avançait toujours, faisant face et n'aimant pas rester inactif et compter sur les autres. Les cinq malheureux brigands ne firent pas long feu devant les armes des vétérans qui ne reçurent aucune blessure lors de l'escarmouche. Malheureusement, bien que l'échange fut rapide et sanglant, les autres brigands s'étaient rapprochés. La chance était toutefois du côté du baron, il pleuvait et les arcs n'étaient donc pas trop utilisable, les cordes étant détrempées. Toujours est il que la menace n'était pas écartée, preuve fut faite lorsqu'un garde se fit transpercer la jambe par une pique. Il eut à peine le temps de crier car alors qu'il baissait son bouclier en répercussion de la douleur, un deuxième bandits lui enfonça une épée dans l'ouverture de son casque, la lame ressortant par l'arrière de son crane..

Ils étaient donc maintenant cinq contre une dizaine. Jérôme ferraillait avec deux protagoniste. Il trancha la jambe du premier et profita que le second bute dessus et tombe pour lui enfoncer sa lame dans le ventre. Il eut tout juste le temps de retirer sa lame pour bloquer un coup venant d'un troisième homme, soutenu pour deux autres. Le voila donc à se défendre, ayant perdu l'initiative et parant les attaques de ses adversaires. Deux gardes se génèrent et aussitôt l'un des deux tomba, acculé par quatre autre bandits. Leur tactique était simplissime, certains tentaient de monopoliser l'attention a deux contre un, voir en face à face, ne cherchant pas l'attaque mais faisant tout pour ne pas se faire occire pendant que les autres se mettaient en nombre sur un seul homme pour le défaire. Un deuxième garde tomba, une hache s'étant plantée dans son bouclier et profitant de son avantage, fit un mouvement brusque, écartant le bouclier qui protégeait le chevalier. Un autre bandit en profita pour transpercer le pauvre de toute part.

La donne venait de changer, cette fois, c'était deux protecteurs qui étaient tombés sans que les adversaires n'en perdent. ils étaient donc plus que trois en comptant le baron contre huit ennemis. Jérôme regarda les hommes qui lui restaient, ce moment de déconcentration lui valu une estafilade au bras droit. La question était de savoir comment faire pour s'en sortir. Il serait ridicule pour Jérôme, après avoir fait autant de campagne, de périr de la main de brigands

L'utilisation d'une flamberge était difficile à une main, hors la blessure que Jérôme avait subit au bras, le gênait particulièrement. Certes elle était superficielle et il pouvait toujours se servir de son bras pour se servir de son arme mais ses mouvements étaient devenus moins fluides et vu les circonstances actuelles, tout ce qui vous empêchait d'être au meilleur de votre forme pouvait vite devenir un réel handicap et diminuer fortement votre durée de vie. Les deux gardes étaient parvenus à se poster devant leur seigneur et ils faisaient barrage de leurs boucliers mais ils étaient sur la défensive et ne parvenaient pas à reprendre l'initiative. Le baron, quand à lui, cherchait un point faible dans ses adversaires, une faille à exploiter afin de renverser la situation. Il était calme malgré la situation et l'adrénaline qui s'était bien entendu emparée de lui. Coup d'estoc et de taille, bouclier haut ou bas, les coups échangés étaient brutaux, aucun ne voulant lâcher vu les pertes enregistrées et la possibilité de butin pour les bandits qui avaient bien compris qu'ils avaient face à eux quelqu'un d'importance et non juste une troupe de soldats. Les corps de ceux qui avaient succombés gisaient sur le sol, morts ou agonisants et les râles qui montaient de leurs gosiers ajoutaient à l'ambiance lugubre du tableau. La pluie continuait de tomber, fluidifiant le sang qui s'écoulait par terre et s'abattant sur les hommes qui se faisaient face.

La situation semblait désespérée lorsqu'il se passa un retournement. Un homme surgit de nul part, criant à gorge déployée et brandissant une épée. Jérôme se demanda s'il venait appuyer les brigands ou se porter à son secours, question qui ne dura pas longtemps puisqu'il enfonça rapidement sa lame dans le dos d'un adversaire du baron. La surprise de se voir attaquer dans le dos par une force inconnue fit aussitôt se retourner les brigands. Cet instant de relâchement fut immédiatement exploité par les vétérans qu'étaient les protecteurs du baron et deux épées sifflèrent, fauchant les ennemis qui leur offraient dorénavant leur dos. La tête du premier, coupée de moitié, penchait du côté ou la peau la retenait. Quand au deuxième, vu le bruit d'os qui résultat du coup qu'il reçu et la quantité de sang qui se déversa de sa blessure, nul doute qu'il allait trépasser, si ce n'était pas fait sur le coup.

Il n'en fallu pas plus pour que le reste de la bande ne prenne la fuite. Jérôme retint ses hommes de les poursuivre. De toute façon, ils n'étaient plus très nombreux et il serait bien en peine d'attaquer le campement des infortunés. Le baron avait offert la paix aux bandits, comprenant la nécessité de certains à nourrir leur famille. Il avait promit le pardon pour ceux qui reviendraient dans le droit chemin et chercheraient travail honnête. Il n'avait donc aucune considération pour la vermine qui continuait de brigander, étant sans aucun doute des hommes qui aimaient ce qu'ils faisaient. Les gardes se précipitèrent vers leurs compagnons pour voir s'il était possible de les secourir ou s'ils avaient été proprement occis. Il fallait également quitter rapidement les lieux au cas ou ils reviendraient avec du renfort. Jérôme, quand à lui, s'approcha de celui qui lui avait sans aucun doute sauvé la vie. Les hommes, tout comme leurs lames, dégoulinaient du sang, preuve que la bataille avait été sanglante.

"Messire, je vous remercie de votre intervention salvatrice. Nul doute que ces bougres ne nous auraient pas fait quartier et qu'ils nous auraient laissé sur le bord de la route. Je me présente, Jérôme de Clairssac, baron d'Etherna et seigneur de Bastylle. Puis je connaitre le nom de mon sauveur ?"

Se faisant, il essuya sa lame sur le vêtement sale d'un des brigands au sol et il la rangea dans son dos.

L'homme qui lui faisait face semblait en transe, il avait les yeux fermés et il méditait sans doute. Une fois que Jérôme lui eut parlé, il ouvrit ses yeux et inclina la tête avant de prendre la parole. Il parla de destin et il se présenta ainsi que son origine oësgadienne, dans les montagnes au nord de la région. Il essuya sa lame sur sa veste et un silence s'installa. Jérôme s'empressa de le rompre

"Je suis enchanté de vous rencontrer sire Romuald Vertamna. C'est sans aucun doute Néera qui vous a mit sur la route que mes hommes et moi avons empruntés. Vous venez donc d'Oësgard, ses fils sont réputés pour leur bravoure et vous avez fait honneur à cet état de fait. Votre bras à permis de mettre en déroute ces faquins immondes qui pillent les pauvres paysans de cette région."

Il s'approcha encore de son sauveur et lui tendit sa main afin d'appuyer sa reconnaissance. Ce faisant il le détailla, il était jeune, les cheveux noirs, dégoulinants en raison de la pluie qui tombait sans relâche, Jérôme n'avait d'ailleurs rien à lui envier sous ce déluge. Son allure le faisait paraitre comme un aventurier, un écumeur des routes à la recherche de quelque chose dont ils ne savaient parfois pas ce que c'était. Il était à peu près de la même taille que le baron et tout dans sa carrure démontrait une puissance latente, surement acquise de par son métier. Ses possessions étaient sommaires et ajoutaient à sa crédibilité de guerrier. Une brigantine comme seule protection et une épée pour faire la besogne, voila tout ce dont il semblait avoir besoin. C'était bien peu pour cette profession des plus dangereuses.

"Vous m'avez sauvé la vie et je suis dorénavant votre débiteur. Si vous avez besoin de quoi que ce soit et si cela est en mon pouvoir bien entendu, je me ferais une joie de vous l'accorder. Dans tous les cas, vous avez déjà ma reconnaissance éternelle pour votre geste, j'avais vu ma fin arriver à grand pas et sans votre intervention, j'aurais rejoins le royaume de Tyra sans aucun doute et j'avoue que je n'y suis pas encore préparé."

La vie n'avait pas de prix, c'était une certitude, aussi il aurait été bien ingrat de repartir sans offrir une récompense à cet homme qui permettait au baron de revoir sa famille et de continuer sa tâche.

Romuald posa sa main sur son menton et il commença à réfléchir, il semblait prendre en considération l'offre que lui avait fait le baron et il méditait sans doute sur ce qu'il voulait réclamer. Jérôme sourit intérieurement et extérieurement, il ne reviendrait pas sur sa parole donnée et il en était à se demander ce qu'un homme comme celui qui lui faisait face pourrait demander et surtout si c'était dans ses possibilités que d'y accéder. Au bout d'un moment il prit la parole et parla d'un naturel surprenant. Il expliqua qu'il était un vagabond qui errait sans but précis mais que bien qu'appréciant ce style de vie, les ennuis qui ne arrivaient inévitablement le lassaient et qu'il s'en passerait bien. Dès lors, si le baron n'y voyait pas d'inconvénient, il se mettrait bien à son service afin de garantir sa protection.

Le sourire de Jérôme se fit encore plus grand, l'homme avait de la prestance et il ne manquait pas de bravoure, ainsi que de culot mais le seigneur de Bastylle appréciait cela. La garde rapprochée n'était pas n'importe quoi et il en découlait un prestige pas des plus désagréables et passer du statut de vagabond à protecteur d'un seigneur était une sacré montée en grade. Enfin, il venait de lui sauver la vie et donc il avait prouvé sa valeur même si le combat était déjà bien entamé. Il aurait été incompréhensible de lui refuser sa requête à celui qui l'avait aidé. Il s'approcha de Romuald et il posa ses deux mains sur ses épaules et parla, ayant perdu son parlé noble

"Et bien mon gaillard, si ça c'est pas une demande qui est dans mes possibilités, je pense qu'il y en aura pas d'autre."

Il se recula et regarda dans les yeux l'homme qui voulait se mettre à son service

"Tu dis que tu veux de la tranquillité et tu veux rentrer dans ma garde" il rit ouvertement "tu as vu ce qu'il vient de se passer ? je ne suis pas certain que ce soit un travail de toute tranquillité."

Il marqua une courte pause avant de reprendre

"Si la guerre ne te dérange pas ainsi que la protection de celui qui sera le premier visé, je ne vois aucun inconvénient à ce que tu fasse partie de ma garde rapprochée."

N'attendant pas la réponse mais restant tout prêt car il n'allait pas non plus interrompre la conversation de façon aussi malpolie, il se tourna vers l'un des gardes survivants

"Il faut une monture pour mon nouvel ami !" puis se tournant de nouveau vers Romuald "Au fait tu sais monter à cheval ?"

En effet, les hommes étaient descendus des montures afin de batailler et celle-ci n'étaient donc pas morte. De plus vu le nombre de morts, il y en avait forcément une qui permettrait à Romuald de monter le temps d'arriver en ville et de pouvoir lui en procurer une. Il était certain que pour suivre le baron dans ses déplacements et pouvoir faire son office, la pratique de l'équitation serait vitale

Romuald n'eut aucune honte à annoncer qu'il ne savait pas monter à cheval, voila qui était bien embêtant. Pourtant il ne s'avoua pas vaincu et il expliqua qu'il apprendrait afin de pouvoir faire son nouvel office

"C'est un handicap que de ne pas savoir monter à cheval, je parcours bien des lieux et c'est le moyen le plus rapide afin de me rendre d'un endroit à un autre. Heureusement, vous faites preuve de bonne volonté et c'est un état d'esprit que j'apprécie beaucoup. Si vous êtes d'accord, nous trouverons bien un écuyer ou un palefrenier qui vous enseignera toutes les ficelles."

Ne se démontant pas, Romuald s'approcha de la monture le temps que le baron lui réponde. Il se débrouilla plutôt bien en posant sa main pour apaiser le cheval et lui indiquer sa présence et sa volonté de le monter. Les chevaux étaient dressés comme il le fallait afin de ne pas bouger sur un champ de bataille, ils étaient donc aussi docile que fougueux lorsqu'une charge était lancée. Le nouveau garde du corps se lança, faisant un saut afin de se hisser en selle. Sa tentative fut maladroite et il manqua de tomber mais il y parvint, s'armant du sourire d'une personne qui venait de réussir un défi. Jérôme lui rendit son sourire tout en lui répondant

"Voila une première victoire mais attendez qu'il bouge et vous verrez que ce n'est pas si facile que cela. Toutefois, au vu de votre tempérament, je ne doute pas que vous y parviendrez rapidement. Une fois rentré, nous verrons avec la famille s'ils sont d'accord pour vous céder la monture."

En effet, le cheval appartenait au défunt et par conséquence à sa famille et une monture coutait son prix. Jérôme l'offrirait bien entendu si son nouvel "ami" n'en avait pas les moyens. Il se tourna vers les hommes restants

"A cheval ! il faut partir avant qu'ils se regroupent. Montez les corps sur les montures restantes et aidez les blessés, nous n'abandonnons personne et leurs familles voudront leur procurer des obsèques dignes."

La troupe hissa les corps des malheureux en travers des selles. Ils aidèrent à monter ceux qui n'étaient que blessés puis ils grimpèrent à leur tour sur leurs montures.

"En avant, rentrons à Bastylle, il nous faut panser nos plaies. Rappelons nous cet endroit, les vauriens seront pourchassés jusqu'à ce qu'il n'en reste plus"

C'était illusoire que de penser éradiquer tous les brigands mais limiter leur prolifération en montrant une poigne de fer et une endurance démontrant qu'on ne les laisserait pas faire était une bonne chose. si les bandits se contentaient ensuite de menus larcins, ce serait déjà une avancée pour les fermes alentours. Jérôme prenait très à cœur les responsabilités qui lui incombaient, ce qui ne déplaisait pas au peuple qui voyait enfin un seigneur, et pas un petit, qui se préoccupait de leur condition.