En Prévision du Printemps...

Il avait neigé toute la journée de la veille, la nuit encore et le jour également, tant et si bien que la couche de neige qui était à l'origine fondante s'était fait très dense en regard de la situation méridionale du campement. La neige était quelque chose de fascinant, si léger, si pure et en même temps si froid, si rude et capable de faire s'effondrer les arbres affaiblis ou aux ramure trop fournie. Il se souvenait l'avoir regardée tomber un nombre incalculable de fois sur le lac. Qu'il fut tumultueux suite à l'automne pluvieux, rider par le vent glacial venu du septentrion ou bien entièrement gelé par les rigueurs d'un hiver parfois trop long, elle avait toujours été au rendez vous. Et la retrouver si loin au Sud ne pouvait qu'augurer un manteau épais recouvrement sa propre terre, sa propre cité.

Mais il n'y avait plus de belle dame au long cheveux noir pour danser dans la poudreuse. Il n'y avait plus de rire étouffer par la blancheur de l'hiver. Il n'y avait plus de longue et lente mélodie s'élevant de l'Anaëh endormie. Seule demeurait la neige. Et sur elle passait désormais les armées. Elle n'avait plus que pour seul destin de terminer en bouillie de sang, de terre et de glace. Et la mélodie s'était fait lourde, pesante, mêlée de haine et de tristesse, elle commençait à se faire dissonante. Il pouvait déjà entendre les notes qui sortait de l'harmonie. Même si il ne pouvait vraiment juger de la fréquence à laquelle cela commençait à se produire, heure, jour, ennéade, après tout, toutes semblaient si brèves, cela ne lui plaisait pas.

C'était bien pour cela qu'il souhaitait partir. Il voulait quitter cette ambiance horrible et détestable. Mais avant, il fallait qu'il expose une dernière idée à ce conseil de guerre rassembler en urgence. Les humains auraient ri à l'emploie de ce mot alors que cela faisait trois jours qu'il avait été convoqué. Mais les humains était une vermine qui s'agitaient bien trop pour si peu de choses. Eux levaient des pitoyables hordes de gueux à l'assaut de grossières constructions aussi massives que pitoyables, ici se menait un bras de fer qui serait peut-être millénaire. Et c'est bien parce que ce conseil était essentiel qu'il avait fait l'effort de sortir du flux du temps, du souvenir et des murmures de la forêt.

L’œil vague se fit vif comme le Seigneur Protecteur revenait dans l'instant. Ils étaient dans une tente aux lourds battants de laines blanches, camouflées dans ce décor hivernal. Une table centrale était dressée et noyée sous les cartes et les rapports, sur le pourtour de la construction provisoire, des tréteaux avaient été installés en renfort pour drainer la quantité de notes qui encombrait le poste de commandement. La guerre générait beaucoup de paperasse. L'éclairage était absent, la nuit était clair et le fin croissant de la lune luisait comme un phare dans le ciel gelé. La vue des elfes assemblés était suffisamment bonne que pour s'accommoder de cette luminosité.

"Merci d'avoir répondu à cet appel un peu précipité. Comme je vous en ai informé dans ma missive, mes troupes et moi-même quittons en grande majorité le Front pour la suite de l'hiver au moins. L'air devient malsain ici, et il m'apparaît sage d'éviter à nos enfants d'être trop longtemps sujet à l'influence des avancées de l'Anaëh. La forêt devient malade de ces conflits et il était de mon devoir d'éviter qu'elle ne transmette son mal à ceux que j'ai mission de protéger.

Si j'ai demandé ce rassemblement, vous pouvez certainement entrevoir qu'il y a à cela une raison qui m'aurait poussé à laisser partir en avant mes hommes et moi-même à rester derrière pour tenir conseil. Avant de faire part ici de ce qui m'a retenu, je souhaite d'abord écouter ce qui vous à motiver à me rejoindre. Parce qu'il arrive assez souvent que l'on vienne autant pour parler que pour écouter. De plus, la sagesse et la tradition me font laisser la parole de bon cœur à mon aîné, Daenor Thorandrion..."

Il n'avait pas quitté des yeux son homologue. Le plus vieux mage et le plus vieux guerrier d'Anaëh réunis au même endroit. une situation pour le moins exceptionnelle et qui n'avait pas été souvent répétée. Un vague souvenir d'un temps lointain où un jeune elfe souhaitait rejoindre l'armée pour égaler les hauts faits de ce Seigneur qui lui faisait aujourd'hui face remonta malgré lui à la surface. Mais il le fit taire aussi rapidement qu'il surgit parce que les réminiscences de la jeunesse menaient inévitablement au même fil d'image. Elles menaient toutes aux lieux où les rêves s'étaient brisés.

Dehors, il entendit le manteau d'un des gardes d'Ebène claquer. Ce devait être la relève. Parce que ses Elfes ne bougeaient jamais quand c'était leur tour de veiller, à moins que cela n'en vaille la peine. Timérion restait calme, contre son siège, son bouclier en forme de feuille d'or et d'argent réfléchissait un rayon de lune qui filtrait de l'ouverture entre deux battants de toile. La puissance de son don avait encore décru, bientôt, elle serait presque nulle. Après cela, il le sentirait à nouveau croître, le Solstice était toujours un moment délicat. Mais il était encore loin...