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 Il rentrait chez lui, là-haut, vers le brouillard

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Aymeric de Brochant
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MessageSujet: Il rentrait chez lui, là-haut, vers le brouillard   Il rentrait chez lui, là-haut, vers le brouillard I_icon_minitimeLun 8 Sep 2014 - 17:04

Dernière énéade de Favriüs, 8ème année du 11ème cycle.

Dans le campement du marquis, la vie menait son train. Aux travaux des premiers jours s'étaient succédé des journées de villégiature. Lorsque les hommes n'étaient affectés à la corvée ou à la patrouille, on pouvait les voir s'adonner aux menus plaisirs d'une vie en campagne. La plupart des piétons jouaient leur solde au Kjall, ou en pariant sur des combats de dogues - le premier faisant parfois intervenir le second. Pour les guerriers au sang bleu, il n'était pas rare d'organiser des après midi de joute, au beau milieu de la plaine. Ces moment enhardissaient les hommes, et faisaient par là même une singulière impression sur les bourgeois de l'hasseroyale.

Les baraquements s'étaient dressés sur une petite butte, non loin des faubourgs. Ne sachant si l'armée s'y tiendrait pour une courte durée ou une longue, Aymeric jugea préférable d'organiser un campement en bon ordre, aussi dès les premiers jours, c'en fut fait des bivouacs chaotiques, au bord des rivières et des lisières de forêt. Le lieu fut quadrillé, chaque parcelle échéant à une bannière ou une compagnie. On creusa en premier lieu des rigoles à même le sol, de manière à évacuer la pluie, puis, jouissant de la proximité d'une forêt, on dressa des fortifications. Ces murs rudimentaires, faits de rondins retenant un talus en terre, transformèrent le bivouac en un véritable petit fortin. Le marquis se félicita une fois les travaux terminés d'avoir sous ses ordres ces deux mille soldats d'ordonnance, dont l'obéissance ne s’embarrassait de l'orgueil nobiliaire, à la différence de cette chevalerie, qui comptant autant d'hommes, avait abattu un travail bien moindre, sang bleu oblige.

Le ravitaillement n'avait été perturbé significativement, malgré l'écho de quelques pillages impromptus dus aux brigands, vites réprimés avec zèle par la milice restée à Serramire. Sauf en cas d'une invasion étrangère, Aymeric savait qu'il pouvait compter sur ses capitaines, auxquels il avait remis les clefs des villes et des châteaux. Il se dédiait par conséquent sans anxiété aux affaires guerrière oesgardiennes. Ses journées étaient rythmées par les inspections du camp, quelques patrouilles aux alentours, en compagnie de Montsoupir, et bien évidemment des sempiternels conseils de guerre, où l'on passait en revue chaque nouvelle, chaque information qui entrainerait un mouvement.

Plus que les silences d'Oësgard, c'était ceux de Haurse-Porc qui inquiétaient Aymeric. Depuis que le baron d'Etherna s'était emparé du Sud de l'Oësgardie, on n'avait fait état d'un mouvement de sa part. Le marquis en conclut rapidement que de sa position, Jérôme ne pouvait emporter la ville d'Amblère, point de passage nécessaire, par le biais d'un siège. Le bourg était à cheval sur la Siriliya, et les forces du Maréchal n'en contrôlaient qu'une rive, ce qui réduisait à néant tout encerclement. Par conséquent, l'homme devrait s'emparer de la ville en un seul assaut, voila pourquoi il devait probablement amasser des vivres et de l'équipement, avant l'heure fatidique.

Ce soir là, le marquis et son conseil s'entretenaient de la vraisemblance de cette hypothèse, sous la grand'tente de commandement, bien au chaud derrières les tentures et les fourrures quand sévissait le froid de la nuit oësgardienne. La discussion fut interrompue par l'irruption d'un héraut, lequel annonça l'arrivée du seigneur du Lys, l'envoyé du baron d'Etherna. On fit entrer le plénipotentiaire sous la tente, où, entouré par l'ensemble des vassaux et capitaines, juchés sur leurs sièges de campagne, il fut accueilli par la voix claire du marquis :

"Bienvenue sous mon toit, sire du Lys. J'ai grand hâte que vous m'entretinssiez de ce que votre maître vous a chargé de me dire."

Pour sûr, l'homme serait écouté attentivement.

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MessageSujet: Re: Il rentrait chez lui, là-haut, vers le brouillard   Il rentrait chez lui, là-haut, vers le brouillard I_icon_minitimeMar 9 Sep 2014 - 8:41

Le sieur du Lys n’avoit pu reprocher à la fortune de s’être opposée à sa personne. Le périple dans lequel le mignon s’étoit engagé n’auroit pu connaître de meilleur dénouement et déroulement, bercé dans la sécurité d’une quiétude parfois morne. L’entretien et la rencontre – non fortuite, que cela se sache – avec le bon sieur de Melasinir avait tôt fait de délaisser l’esprit du Lys, tourmenté par l’approche du campement de Monsieur le Marquis, dont les bannières finirent par se laisser entrevoir à l’extrême horizon d’une longue plaine, surplombée par une butte où se dressaient moult tentes et divers indices laissant penser à des fortifications de fortune. La bannière de paix, arborée par le sieur du Lys, ne fut point ignorée, et dans les normes de la chevalerie et des loys de bonne guerre, il fut invité à rejoindre Monsieur le Marquis, escorté par sa garde. Parvenu à l’orée de la tente dudit seigneur, sa garde demeura à l’extérieur, et ôtant de son chemin les pans de tissu, il se présenta devant Monsieur le Marquis et les siens, qui l’accueillirent avec toute la courtoisie qu’il eut été possible de recevoir. Le Lys reçut les convenances en s’inclinant bien bas, comme il se devoit de le faire devant un marquis et ses seigneurs qui, somme toute, devaient occuper un titre bien plus élevé que celui de Duncan.

« Monsieur le Marquis, mes seigneurs. Permettez-moi de vous présenter mes respects ainsi que ceux de mon seigneur et maître, Monsieur le Baron d’Etherna, Jérôme de Clairssac. La traversée des temps sombres actuels appelle à la paix et à l’amitié, non à la joute et à la division. En cela, mandé par Monsieur le Baron, je serais ici sa voix et son représentant afin de faire valoir un message de paix. »

Souriant, il se releva, et posa sans attention mesquine, sa main gauche gantée sur sa garde, afin d’être à l’aise. Ainsi, son plastron, couleur safran luisant sous une aurore nisétienne, n’auroit aucune peine à éblouir les présents par les détails de sa confection. La cape carmin eut tôt fait d’être balayée afin de ne point entraver les bras du mignon ; quand à sa crinière d’or, elle fut recoiffée prestement. Il entama les cents pas, lentement, ainsi que sa tirade et le sourire qu’il armait souvent dans ces circonstances-là.

« Doux Marquis, dans la fureur qu’engendre une guerre, je crains que la brume de la mal-compréhension n’ait embourbé nos esprits déjà obstrués par des événements plus anciens mais tout aussi obscurs et effroyables. Vous le savez, Monsieur le Marquis, notre genre noit avec le mal d’être aisément manipulable. Un esprit peut être obscurci et corrompu, même celui qui voit l’aurore de la vie pur et immaculé. Avec l’aide des Cinq – grâce leur en soit rendu – mon esprit espère avoir entrevu l’once d’une paix équitable, qui, j’en suis persuadé, Doux Marquis, saura vous rassurer sur de nombreux points ainsi que l’apport de quelques informations qui ne sauroient vous déplaire. Monsieur le Marquis, si guerre il doit y avoir, je ne saurois assez vous encourager à ouïr mes dires et la proposition de mon maître et seigneur. Je crains néanmoins que mes paroles pourroient déplaire, et en cela je prie Votre Grandeur et les Cinq de me pardonner. »

La demande était implicite, mais le Marquis n’étoit point dupe : le trop grand comité déplaisoit au mignon, qui le prioit de bien vouloir congédier ceux dont la présence ne sauroit être remarquée. Les sujets amenés dans la conversation à venir méritoient ce qui ne se pourroit être de plus confidentiel. Les prochaines minutes s’avéreraient décisives pour la paix…et pour la guerre.


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MessageSujet: Re: Il rentrait chez lui, là-haut, vers le brouillard   Il rentrait chez lui, là-haut, vers le brouillard I_icon_minitimeMar 9 Sep 2014 - 12:04

Écoutant les premiers mots de l'envoyé, Aymeric se remémora la lettre que Jérôme lui avait adressé au début de cette guerre, et dont la lecture lui avait causé une étrange impression. À nouveau, le baron venait, par l'intermédiaire de Duncan, lui parler de paix et d'amour œcuménique. Oubliait il sa trahison, et l'invasion d'Alonna ? Après avoir profité de la bénédiction royale, il semblait que Jérôme souhaitât regagner les faveurs du marquis.

Ce dernier examinait donc sans relâche le plénipotentiaire, espérant sonder de cet examen les volontés du baron. Le constat était sans appel : on lui avait envoyé un gandin. L'homme exhibait à qui de droit son sourire altier et sa sémillante crinière, ses quenottes campées bien droites dans leurs bottes. L’attirail du bellâtre rutilait d'un baroque si singulier, que certains ne se demandèrent même s'il n'avait pas lustré sa cuirasse avant d'entrer. Voir l'homme se pavaner en armure, la main au pommeau, fit une certaine impression auprès du marquis, lequel ne rata par la suite aucun mot du discours à venir.

Malheureusement, ce dernier ne vint pas, happé dans sa course par les atermoiements du plénipotentiaire. Se pouvait il que le drôle impute au marquis et à sa suite un esprit "obscurci et corrompu" ? Voila qui était bien maladroit. L'assemblée ne manqua de relever ces billevesées, certains les prenant plus à cœur que d'autres, mais tous se tournant vers le marquis, dans l'esprit qu'il éconduise l'arrogant mignon. Aymeric, pourtant, riait sous cape de ces bévues, offrant à l'assemblée le visage d'un homme trop honnête - ou trop ingénu - pour envisager que son interlocuteur ait pu penser à mal. Derrière ce masque, il se régalait des errements du mignon, dont les politesses seules lui avaient acquises l'inimité de la coterie.

Aussi, quand l'envoyé espérait que sa déférence lui obtinsse un entretient privé, Aymeric, lui, joua le simplet. Faisant mine de n'avoir saisi le sous-entendu, il répondit d'un ton bonhomme, presque flatteur, à son interlocuteur : "Allons, allons, n'ayez crainte ! Je ne saurais porter atteinte quelqu'un autant épris de paix comme vous semblez l'être, et ces gens que vous voyez sont tous de vertueux prud'homme dont je réponds. Parlez sereinement, doux sire, je vous écoute."

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MessageSujet: Re: Il rentrait chez lui, là-haut, vers le brouillard   Il rentrait chez lui, là-haut, vers le brouillard I_icon_minitimeMar 9 Sep 2014 - 13:04

La perche était si aisée, et pourtant le Marquis fut dupe. En laissant les siens assister à l'entrevue, aucun des vassaux ne sauroit manquer la moindre parcelle du discours de Duncan. En demandant leur départ, en réalité il ne souhaitoit que leur présence ! A cela, Monsieur le Marquis eut tôt fait de l'inviter à parler, qui plus est en présence des siens. Après une courte révérence en guise de remerciement, le mignon entama sa tirade :

« Monsieur le Marquis, l'homme de paix que je suis vient à vous pour vous faire part de bien des choses, certains plaisantes et d'autres pas. Mon seigneur m'a envoyé en son nom, car il eût été difficile pour une armée de se déplacer au vu de sa condition, prônant la paix, alors que plus de neuf milles reîtres l'accompagneroient, vous ne trouvez point ? Qui plus est, renforcé par les troupes de Madame de Broissieux, nous n'aurions pu être cohérents et vouloir des pourparlers si nous venions avec notre armée. Néanmoins, Monsieur le Marquis, si j'ai exhorté mon seigneur à m'envoyer, ce n'est pas que pour cette raison.

Monsieur de Clairssac est bon, mais naïf, seigneur. Encore avant mon départ, je ne saurois assez décrire ma surprise de devoir lui affirmer qu'il avoit été trompé par sa propre personne, en se promettant écu et fourreau de la couronne. Comment ! Mon seigneur, objet d'une maladive vilenie, s'est vu obligé de prêter un nouveau serment, et en sa qualité d'homme loyal, de s'y plier. Mais ses yeux et son esprit n'ont su percer à jour le voile de l'illusion, ôtant de la vue du simple d'esprit une intention fourbe : celle de vous renverser. Mon Sire n'a point souhaité votre perte, Marquis, ni avant ni jamais, et encore moins à présent qu'il sait, grâce à mon menu concours, qu'il fut le jouet de Madame la Régente. L'homme de paix que je suis ne sauroit supporter plus encore une guerre fratricide, au bon gré de la capitale, voyant ses ennemis s'entre-déchirer. Vous, Seigneur, êtes moins naïf que le mien : vous avez su percer cette tromperie, mais il fut trop tard. Qui plus est, j'ose soupçonner non loin d'ici des vilains de la couronne qui, renseignés par les soins d'un homme jouissant d'une position dont on ne sauroit remettre en cause la tranche confort, épient faits et gestes de Votre Grandeur.

Les renforts d'Alonna ont assis la supériorité de mon seigneur, et c'est à présent, au coeur de l'instant le plus critique de notre guerre, que je choisis de plaider la paix, car je ne saurois envisager une issue pacifique à un conflit si une autre bataille sanglante, emmenant son lot de vies innombrables sacrifiées n'ait lieue. Dorénavant, mon seigneur sait qu'il a été dupé, et il ne souhaite plus la guerre - si tant est qu'il l'ait réellement souhaité un jour, ce que je doute grandement, avec votre bénédiction. C'est pourquoi, avec son approbation et son concours, je viens en son nom apporter les points essentiels d'un traité. Afin de prier Votre Grandeur de lui pardonner son ignorance, le baron s'engage à prendre l'intégralité des frais de la reconstruction d'Oësgard la Baronnie, et d'en tenir le titre de baron. Un serment de jure entre Votre Grandeur et mon seigneur sera de mise, incluant des clauses de jure, ainsi qu'une alliance défensive d'une durée de deux ans, durant lesquels vos murs seront les siens, et les siens les vôtres. En assurant la bonne position d'Oësgard, et la reconstruction intégrale de sa baronnie aux frais de Monsieur de Clairssac, vous n'auriez à souffrir des frais qu'engendrerait ces procédures. Monsieur le Baron s'engage également à remettre Madame de Broissieux, baronne d'Alonna, dans le giron de votre marquisat.

En effet, au vu de la paix, il n'y aurait aucune raison pour Madame de Broissieux de ne point prêter serment à Votre Grandeur. Ces points, seigneur, ne sont ni les clauses d'une reddition ou d'une paix évasive : Ni mon seigneur, ni vous, Monsieur le Marquis, ne sauroient ainsi souffrir de la perte de vies innocentes dans l'odieuse machination de la couronne. Vous siégeriez ainsi sur un marquisat on ne pourroit plus serein, bercé par l'air monotone des vicissitudes d'un après-guerre. »    


Ayant fini de parler, le mignon accomplit à nouveau une révérence du visage, attendant patiemment la réponse de Monsieur le Marquis, ainsi que la moindre de ses réactions.

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MessageSujet: Re: Il rentrait chez lui, là-haut, vers le brouillard   Il rentrait chez lui, là-haut, vers le brouillard I_icon_minitimeMar 9 Sep 2014 - 14:11

Engoncé dans son siège de campagne, Aymeric jaugeait son invité tandis que ce dernier prononçait son discours. Fort éloquent, l'homme ne cessa de parler qu'après une longue tirade, où il fustigea tour à tour la naïveté de son seigneur, la malveillance de la régente, et offrit de faire amende honorable, contre rétribution. L'agacement naquit chez plusieurs seigneurs, estimant que les gens d'Etherna bouffaient décidément à tous les râteliers. Aymeric, lui, se félicitait de cette audace, car elle traduisait le désespoir d'un parti aux abois.

La manière dont Duncan avait décrit la simplicité de son maître trahissait un orgueil patent chez le serviteur. Voila un homme qui régulièrement devait se maudire d'être né d'une petite noblesse, et d'être condamné au service d'un puissant dont il s'estimait pourtant supérieur. Un seigneur devait bien se garder d'un vassal comme celui-ci, car s'il était aisé de s'en remettre à son habileté, il demeurait compliqué de s'en défier. Tant que la situation était confortable, Jérôme n'avait guère de soucis à se faire, mais si elle devenait critique, son acolyte pourrait cacher un traitre en puissance.

Il était singulier de voir le diplomate vanter la supériorité de son maître, après qu'il eut avoué ce dernier être dans l'impuissance de se rendre en personne. Car plus que l'effroi causé par une armée en mouvement, c'était l'incapacité physique qui avait empêché les étherniens de se rendre si haut dans le Nord. Si forte soit elle, la cohorte de Jérôme demeurait sise dans le Sud de l'Oësgardie, bloquée par la ville d'Amblère. Aussi, en vantant la force des siens, Duncan confessait leur faiblesse. En venant offrir son amitié au marquis, le baron l'appelait véritablement à l'aide. Ce qui n'était pas pour déplaire au courtisé, loin s'en faut.

"Tout cela est bel et bon, cher ami, mais ne pensez vous aller un peu vite en besogne ?
- C'est vrai, le baron peut promettre ce qu'il veut, lui qui s'est contenté de petites victoires faciles ! emboita Evrard, le frère du marquis
- Je sais Jérôme être un preux, mais offrir ainsi Oesgard sans en effleurer les portes, quelle audace ! renchérit Nestor, de la maison de Versmilia.
- D'autant qu'il ne pourra compter sur quelques traitres ensauvagés, cette fois, l'infâme. ajouta avec amertune Geoffrey de Clairsséant, à qui les affres du siège de Serramire étaient restés en travers de la gorge.
- Le Baron vient une fois de plus implorer notre aide, sa hargne l'ayant emporté dans une guerre dont il ne contrôle plus rien. conclut le seigneur de la Verse, dont l'inimité envers les Clairssac n'avait décru depuis leur dernières altercations.
- Là, là. Vous avez tous raison, mes bons seigneurs. Mais avant tout ! la première chose que j'aimerais entendre du Maréchal, ce ne sont pas des offres, ce sont des excuses."

La chose, élémentaire et pourtant oubliée de tous, fit irruption dans l'assemblée avec une clarté limpide. Quel culot de venir ainsi tracter d'égal à égal, quand on avait trahi son maître de la plus odieuse des manières ! "Qu'il s'excuse !" reprirent en chœur les bannerets du marquis. La légitime demande devint un aboiement, voire ! un cri de bataille. D'aucun frappèrent la table de leur poings, les autres pointaient l'envoyé du doigt comme si le baron s'y trouvât à la place. Le chahut s'estompant, Aymeric s'apprêta à reprendre la parole, roulant les yeux innocemment, avant de déclarer, d'un ton badin : "N'est il pas d'usage, pour qui a fauté, d'offrir à l'offensé un cadeau à la hauteur du préjudice ? Je m'étonne que le baron ne m'ait rien envoyé."

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MessageSujet: Re: Il rentrait chez lui, là-haut, vers le brouillard   Il rentrait chez lui, là-haut, vers le brouillard I_icon_minitimeMar 9 Sep 2014 - 17:51

Duncan ne se contentoit que de polis sourires à l'adresse des seigneurs ayant prit la parole. Il attendit la prompte et courte réponse de Monsieur le Marquis, qui ne se fit point attendre. Sa demande était simple, ce qui surprit quelque peu le mignon bien qu'il ne laissa rien paraître. Le Lys reprit la parole, parfaitement conscient de la situation.

« Monsieur le Marquis, mes seigneurs, il est bien entendu admis que mon seigneur devra présenter ses excuses pour avoir été dupé, que les Cinq lui pardonnent son insouciance, et qu'ils vous bénissent pour l'avoir mise en avant.

Néanmoins, mes seigneurs, je ne saurois faire silence plus longtemps sur le point suivant : Il n'est pas ici question de menus sujets, ou de légitimité acquise par une guerre. D'ailleurs, trouveriez vous plus légitime une revendication de mon seigneur s'il étoit victorieux ? N'a-t-il point terrassé Alonna avec une grande simplicité ? Mais il n'en a pas demandé le trône, nenni, mes seigneurs. Monsieur le Baron demande Oësgard car il s'agit en réalité du meilleur moyen de pouvoir unir le Nord contre son réel ennemi : la couronne.

N'oublions pas, mes doux sires, que pour l'instant, le soutien de la régence appartient à l'Ethernien. Serramire serait-elle en mesure d'endurer les vils et durs assauts de la couronne, en sachant que tout marquisat sous sa tutelle, Sainte Berthilde, se trouve à vos portes ? La guerre - car guerre il y aura, qui vous opposera, Monsieur le Marquis, à Madame la Régente, vous ne pourrez la gagner seul. Le Nord est désuni et en proie aux guerres, le Médian a ses propres guerres intestines, et le Sud ne sauroit détourner les yeux des Anoszia. Où trouverez-vous des alliés pour vous appuyer, si ce n'est en mon seigneur ?

Doux Sire, vous tenez de nombreux reproches envers mon seigneur, mais vous qui le connaissez si bien, pensez vous qu'il aurait réellement agi de la sorte s'il n'avait été dupé ? Inculpe-t-on la lame de l'assassin pour avoir été guidée par la main du malfrat ? Reproche-t-on à un goulot d'avoir soûlé l'ivrogne ? Je n'ai pas traversé le plat-pays pour venir offrir notre reddition, bon sire du Nord, mais un traité dont ni votre armée, ni vos finances ne se verraient amputer de leur contenu. Il est ici question d'opportunités, mes seigneurs. Nous vous offrons la possibilité de voir Oësgard reconstruite, de voir ses ressources exploitées par le Nord dans un élan de communion fraternelle, et non gaspillée par les ribaudes et les vagabonds. Nous vous proposons nos côtes, dont les marchandises des Terres Libres affluent. Nous vous ramenons votre vassale, Madame de Broissieux, qui s'est rangée aux côtés de l'Ethernien. Nous vous proposons,
et il accentua très longuement sur ce nombre et les mots qui suivirent dix milles hommes en guise d'alliés contre les machinations de la capitale. Qui, mes bons sires, dans toute la Péninsule, sauroit en offrir tant ? Que l'on me nomme un nom qui sauroit vous accueillir, Monsieur le Marquis, comme mon seigneur le feroit si cette guerre devait s'achever en bons termes.

Voilà le présent que mon seigneur vous fait pour se faire pardonner de sa faute, Monsieur le Marquis. Dix milles hommes alliés, des côtes, votre vassale, et son soutien pour la prochaine guerre à venir. »






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MessageSujet: Re: Il rentrait chez lui, là-haut, vers le brouillard   Il rentrait chez lui, là-haut, vers le brouillard I_icon_minitimeMar 9 Sep 2014 - 21:48

L’intérêt du marquis allait croissant avec la logorrhée de son interlocuteur. L'homme dispensait ses sermons irraisonnés à qui mieux-mieux, offrant de combattre la couronne tout en s'en réclamant le soutient ; évoquant une guerre future tout en ignorant celle présente. Il semblait au marquis qu'on lui avait envoyé un fat, un beau parleur plus habile aux bons mots des cours langecines qu'aux discours sensés. L'honneur ne semblait en tout cas l'étouffer. Curieuse habitude chez des gens d'Etherna, que de prostituer leur hommage au plus offrant. L'homme ignorait il donc que la parole du baron ne valait guère plus que des clous ?

À la réflexion, il apparaissait que le plénipotentiaire ne parlait non pas comme un courtisan suderon, mais bel et bien tel les plus mercantiles maquignons que comptait le port de Sharas. L'art de l'ambassade semblait être pour ce triste sire à l'image du négoce : une gigantesque balance, dont on tâcherait d'équilibrer les bras au cours d'un grotesque spectacle. Vous avez un parjure à laver ? Je vous l'échange contre une alliance, un bout de plage et cent péquins. Emballez, c'est pesé ! Tout ceci était fort navrant.

"Si ce dangereux ennemi du Nord n'est autre que la régente, votre suzeraine, pourquoi Jérôme n'a-t-il rendu son bâton de Maréchal ? Pire encore, pourquoi l'a-t-il accepté ? J'ai même ouï-dire que le baron s'était proposé de plein gré pour la conquête les marches au nom du roy." glissa innocemment le marquis, déclenchant l'ire de ses vassaux.
Et la coterie d'emboiter le pas ! "Il me faut le reconnaître, bien que cela m'attriste : Jérôme a conspiré contre nous, de concert avec la dame Arsinoé.
- Vos couteaux et votre goulot ont bon dos ! Le Maréchal a renié consciemment ses hommages ! C'est un traître !
- Dire que notre seigneur lui avait accordé son pardon et son amitié, même après le saccage de Serramire !
- Sans parler du Marquis d'Odelian, son mentor, dont il a trahi la veuve dès que le mari eut gagné la tombe !
- Il s'esquiva bien vite au moment de prêter hommage à notre roy, mais revint aussitôt qu'on lui promit un titre !
- Qui ne nous dit que flairant une alliance plus alléchante, il ne tournera pas casaque à nouveau ?
- On ne peut pas s'y fier, c'est chose sûre !"

Aymeric se délectait de ce réquisitoire à l'unisson. La liste des forfaitures du maréchal était en effet éloquente. Derrière les bons sentiments que relatait Duncan, se cachait une série de félonies sordides, et de manquements flagrants à l'honneur. Dès lors comment accorder quelque crédit aux paroles du diplomate ? Pour chaque promesse prononcée, dix parjures pouvaient être rétorqués. C'est une chose bien aisé à détruire, que la parole d'un homme, mais hélas fort longue à restaurer. Le seigneur du Lys en faisait l'amère expérience.

"Voyez, doux sire, le juste courroux qui s'empare de mes vassaux au seul nom de votre seigneur. Ses offres sont bien généreuses, mais elle s'abîment dans les brumes de la défiance. Tant que le sire de Clairssac n'aura rétabli son honneur, ne jugez vous légitime que le doute m'habite ?"

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MessageSujet: Re: Il rentrait chez lui, là-haut, vers le brouillard   Il rentrait chez lui, là-haut, vers le brouillard I_icon_minitimeMar 9 Sep 2014 - 23:32

Duncan conservoit le sourire. A dire vrai, cette situation l'amusoit au plus haut point. Monsieur le Marquis ne se rendoit pas compte, aveuglé par une chimérique cicatrice, que l'étau de la régence se refermait sur lui. N'était-il donc pas capable de comprendre que seulement sept jours les séparaient de la prise de conscience de Jérôme. Il n'auroit pu être sot à ce point, alors il évitait donc le point, persuadé d'être dans son droit.

« Si mes seigneurs ne sont point en mesure d'ouïr mes paroles, je ne saurois imaginer d'issue cohérente à cette discussion, Monsieur le Marquis. Vous et les vôtres ne semblez pas entendre mes dires, ne serait-ce prendre la peine d'en sonder le sens. L'adage dit qu'il est aisé de faire le brave, protégé par la rassurante hauteur des murailles : Alonna eût tôt fait de ne plus piper mot.

Je me garderais bien, Monsieur le Marquis, de dispenser des leçons sur l'honneur, à vous ou aux vôtres. Ami et homme de foi que vous vous affirmez être, je vous trouve bien prompt à vous limiter au sens premier des événements, et à ne point en interpréter les véritables intentions. Homme de paix que vous désirez paraître, nous avons longuement attendu votre venue à notre campement, malgré les éclatantes victoires dont aucun autre belligérant de cette guerre ne pourroit se vanter d'avoir remporté. Mon seigneur n'étoit-il point venu à votre chevet - ou du moins l'eût-il souhaité, mais fut renvoyé - lorsque votre santé déclinait ?

Votre désir premier ne semble que de vouloir une guerre - ou alors est-ce celui de vos vassaux ? Je ne saurois imaginer, qu'en cas de victoire, le plus preux et le plus loyal recevra ô combien mérite et distinctions pour sa bravoure...une baronnie, peut-être. Toutefois, doux sire, au vu de cette ire manifeste dont je ne ressens que profonde détresse, je me pose toutefois une interrogation qui subsiste, et qui - du moins je l'espère, sera bientôt la vôtre : Vers qui vous tournerez-vous, Monsieur le Marquis, lorsque les troupes de la régence marcheront sur vous ?

Il est aisé de mener la guerre pour instaurer la paix, et d'autant plus facile de préparer la guerre en temps de paix. Menez rixe à mon seigneur, si le cœur vous en dit. Que les Cinq l'appellent, si telle est leur volonté. Mais sachez que les pertes qu'il vous infligera sonneront le glas de votre destinée, car sitôt parvenue la nouvelle de la bataille, les troupes de Sainte Berthilde marcheront sur vous. Et que ferez-vous d'une armée éreintée et balafrée ? Songez un instant à mes paroles, et si mon nom vous connaissez, sachez que je ne suis point homme à laisser voguer vaines paroles volatiles. Odélian est délaissée, et sa marquise au sud. Mais le Berthildois est dirigé par un pantin de la couronne, qui sitôt le moment opportun venu, rasera l'Odélian, plaçant Madame la Marquise dans une position plus qu'inconfortable. Je vous laisse deviner quelle sera sa prochaine destination.

Le courroux qui semble régner en maître dans cette tente est compréhensible, voir légitime ou fondé, mais n'en est pas pour le moins erroné. Cette ire est solide, profondément ancrée dans vos cœurs. Mais il n'est point fructueux de s'attaquer au pantin, alors que le marionnettiste est à portée. Le baron fut aveuglé par ce qu'il croyait être son sens du devoir. Je lui ai ouverts les yeux quand à la réalité des faits, et je vous enjoins à faire de même. A vouloir être trop prompt, on se précipite souvent dans un harnais dont il est difficile de se défaire. Vous demandez à mon seigneur de rendre son bâton de maréchal, sans lui assurer votre soutien. Il est bien aisé à l'apparent immaculé de promettre au trompé et faux trompeur un soutien indéfectible, puis de maintenir ses reproches et de lui asséner une vilaine taillade dans le dos. N'était-ce pas vous, messire, qui parliez de couteaux dans le dos ? Vous lui demandez d'en réitérer un, sans lui fournir la garantie qu'il ne souffrira pas d'un de votre part.

Quand à la légitimité de vos doutes, Monsieur le Marquis, je ne la remets nullement en question. Mais il est curieux de demander à un homme de restaurer son honneur en commettant un nouveau parjure. Toutefois, comment qualifier de parjure ce qui manque à sa source à l'honneur ? Mon seigneur n'a jamais prétendu refuser une entrevue avec vous, c'est d'ailleurs pour cela qu'il me mande en son nom. Comment ! Vous demandez à Monsieur le Baron de rétablir son honneur, sans même lui laisser le loisir de le faire, et même pis, mes paroles ne semblent parvenir qu'à moitié dans les oreilles de Votre Grandeur. Monsieur le Baron vous propose de reconstruire le Nord, mais vous demeurez figé sur une erreur passée - qui, je le conçois, demeure un acte abominable que je qualifierais bien de naïf. Mais doux Sire du Nord, il n'est plus ici sujet du passé, mais bel et bien de l'avenir. Le choix vous appartient, Seigneur. Vous avez connaissance de nos clauses, et je remarque que jusqu'à l'instant présent, vous n'y avez point porté de réponse quelconque. Ma présence ici n'est pas destinée à tenir discours sur la conduite de mon baron, mais bien pour décider quelle sera-t-elle dans les temps à venir, ainsi que la vôtre. »


Duncan garda le silence passée cette bien longue tirade, réajustant légèrement son fourreau qui le gênait à la jambe. Il n'avoit point mouvé depuis le début de l'entretien, et bien qu'une prime sensation laisseroit à désirer sur sa situation, il n'étoit point désappointé de cette entrevue plus qu'enrichissante sur bien des points que nul ici ne sembloit interpréter.



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Aymeric de Brochant
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MessageSujet: Re: Il rentrait chez lui, là-haut, vers le brouillard   Il rentrait chez lui, là-haut, vers le brouillard I_icon_minitimeMer 10 Sep 2014 - 19:17

Plus les monologues s'ensuivaient dans la bouche du diplomate, plus les esprits s'échauffaient. D'abord placide, Aymeric lui même s’agaça de ces longues diatribes. Chaque parole de l'envoyé sonnait pour tous ceux présents céans comme un affront supplémentaire au marquis. Non content de l'avoir trahi de la plus odieuse manière qui soit, le baron répandait du sel sur les plaies, à travers la personne de Duncan. Avait on vu, de mémoire d'homme, plus malhabile plénipotentiaire ? Incapable de comprendre l'ampleur du grief commis à l'égard de son interlocuteur, le seigneur du Lys se payait le luxe de chatouiller l'honneur de ce dernier.

Tandis que le gandin pérorait, Aymeric tâcha d'apaiser l'ire qui montait en lui. Par l'entremise de cet irritant diplomate, Jérôme ne lui adressait il pas un message ? Le marquis avait cru un temps qu'il serait possible de faire entendre raison à son ancien vassal, et s'était figuré l'espoir que l'homme mesure sa faute, avant de faire amende honorable. L'arrogance du négociateur mettait à mal ce ténu désir, l'écrasant de son culot éhonté. À la lumière de cet entretient, Aymeric se demanda si ce n'était justement le but recherché. Il aurait fallu être un sot de premier ordre pour envoyer ainsi quelqu'un narguer le marquis sous son propre toit. Jérôme, s'il n'était un foudre de clairvoyance, gardait la sagesse nécessaire pour ne commettre une pareille bévue. L'envoi était donc délibéré.

Levant le voile sur cette manœuvre, le marquis reprit empire sur lui même, se promettant de ne perdre son sang-froid. Tandis que Duncan sermonnait une fois de plus la coterie sur l'imminence d'une vengeance royale, Aymeric pensa deviner les menées de son interlocuteur. Ce dernier menait un jeu de dupe ; il n'avait de cesser d'invoquer la menace de la régence, sachant son mettre pris entre plusieurs feux. La légèreté avec laquelle il évoquait l'hommage envers la Dame de Sainte-Berthilde trahissait la fragilité de celui-ci. Qui sait ? Peut-être la suzeraine tenait elle de gros doutes envers son récent - et pas si probe - vassal. Il n'appartenait au marquis de l'avancer, et tout au plus conjecturait il l'aboi du camp d'Etherna. Les rodomontades de leur plénipotentiaire confessaient une situation critique. N'était il d'usage, à la guerre, de placer le plus d'hommes sur son point faible ? Duncan dévoilait la défaillance éthernienne sans s'en rendre compte.

Il offrait par là même l'image d'un piètre négociateur, d'un boutefeu agité, et somme toute, un grossier petit personnage.

Bien décidé à couper la chique du drôle, Aymeric prit au vol les derniers mots de celui-ci, répondant sans ambages : "Ma conduite est fermement établie. J'entends accomplir ce que votre seigneur tremble de faire : soumettre Oësgard pour de bon." L'attaque n'était guère savante, mais à quoi bon louvoyer désormais ?

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MessageSujet: Re: Il rentrait chez lui, là-haut, vers le brouillard   Il rentrait chez lui, là-haut, vers le brouillard I_icon_minitimeJeu 11 Sep 2014 - 7:50

Autant s'adresser à un sourd !

Duncan ne put s'empêcher d'élargir doucement son sourire, voir de passer un timide et vif coup de langue sur sa lèvre supérieure, presque à l'orée du divertissement, luttant pour ne point en montrer les indices. Que l'on ne se le cache point, mais le mignon trouvoit la situation fort distrayante - pour ne pas dire cocasse. Durant un court instant, le Lys regarda la tente, et ce qu'elle abritait sous ses pans de commandement. Puis, reposant ses mirettes sur Monsieur le Marquis, il lui adressa le plus radieux de ses sourires, et reprit d'une voix claire.

« Dans le cours de cette guerre, doux Marquis, s'il vous est venu à l'esprit que mon seigneur tremble, c'est que manifestement vous ne l'avez guère connu aussi bien que vous vous plaisez à le dire. Peut-être est-ce l'un de ces abus, voilant des intentions bien prétentieuses. Merci de m'avoir reçu, Monsieur le Marquis. Je ferais part de votre inexistante réponse aux clauses proposées par mon maître - car vous n'y avez, malheureusement, toujours pas répondu ni apporter de quelconques commentaires.

Au vu du caractère Ô combien instructif de Votre Grandeur, je vais dès à présent faire part à mon seigneur votre réponse. Comme le veut l'usage de la matière, je laisse à vos soins la procédure pour me fournir l'une de vos bannières, afin de pouvoir, sous les auspices de la sûreté, traverser votre territoire sans risquer une flèche malencontreusement tirée. »



Le mignon s'inclina, guidé par la courtoisie qu'il se devoit d'afficher. Si les coutumes des pourparlers n'avoient point été respectées de la part du Marquis sur aucun des points jusqu'à présent, peut-être montreroit-il du respect pour l'après-séance ? Qui sauroit le dire. Un cruel manque d'éducation, couplé par une peur maladive de l'ennemi, à en juger par la présence de tous ses vassaux - ou était-ce de la faiblesse ? Monsieur le Marquis se devoit-il de consulter les siens avant chaque mot ? Peut-être la peur ou la honte le tenoit là où cela causoit grands maux, et pour cela il se pavanait d'un voile de sûreté, cachant le véritable visage d'un marmot venant de commettre grande sottise.
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MessageSujet: Re: Il rentrait chez lui, là-haut, vers le brouillard   Il rentrait chez lui, là-haut, vers le brouillard I_icon_minitimeJeu 11 Sep 2014 - 11:41

Le plénipotentiaire semblait être résolu à se montrer toujours plus effronté dans ses interventions. Sentait il qu'il n'arriverait à charmer le marquis, et de dépit, désirait se l'aliéner ? L'homme affichait désormais ouvertement son mépris à l'adresse de l'hôte, et après avoir péroré de longs instants, reprochait à celui-ci sa suffisance. Le butor se roulait dans la goujaterie la plus infâme. Se remémorant les premières réflexions qu'il avait entretenu au sujet de Duncan, Aymeric pensa alors que cette gabegie diplomatique pouvait aisément être imputée au seigneur du Lys.

À l'évidence, le drôle s'était attendu à une ovation. Il devait espérer que ses interlocuteurs s'abreuvassent de ses paroles comme d'une rivière de lait et de miel. N'avait il pas offert plus que quiconque pouvait offrir ? Voila ce qui expliquait la hargne du coquin : sûr de ses arguments, il n'avait su comprendre les motivations de son interlocuteur, et la déconvenue n'en avait été que plus douloureuse. Car l'échec était patent ! Venu proposer une alliance, Duncan avortait les pourparlers sèchement, presque boudeur. Le ladre venait d'offrir au marquis une arme de plus, car lorsque viendrait le moment de parlementer avec Jérôme directement, ce dernier devrait répondre d'un affront supplémentaire.

Maroufle rare par l'inconséquence, Duncan paracheva son cirque d'une avanie supplémentaire. Après avoir une heure durant répandu sa méchanceté à la figure du marquis et de ses hommes, il se fendit d'une ultime bravade, chatouillant le maître des lieux sur son sens de l'hospitalité. Insinuait il que le marquis était homme à suriner un émissaire ? La provocation était de taille. À l'évidence, le bélître ne mesurait pas l'ampleur de ses paroles, tout comme il n'avait su sentir la limite qu'incombait la bienséance, depuis longtemps déjà. Il avait tour à tour écarté les griefs de son maître envers Aymeric comme s'il s'était agit d'une guigne, tâché de convaincre celui-ci par des biens matériels lorsque le différend relevait de l'honneur, puis échouant, menacé le marquis, saupoudrant le tout de reproches envers la coterie, qui selon lui n'avait l'esprit nécessaire pour comprendre ses idées lumineuses.

Mais que Duncan se rassure ! On l'avait très bien compris, au contraire, et seules les lois de l'ambassade, dont le maroufle se permettait de douter, gardaient sa vilaine personne d'une dizaine de duels. Il aurait été fort juste et fort plaisant de voir la tête de ce drôle rouler, se dit Aymeric, avant de juger qu'un si mauvais serviteur causerait plus de mal aux côtés de son maître, et qu'en décollant sa nuque de ses épaules, il ferait un cadeau à Jérôme. Plus le ladre avait ouvert sa bouche, plus les méchancetés s'en étaient issues. Encore quelques paroles, et le marquis pourrait bien le pendre par les pieds. D'une curiosité mesquine, celui-ci décida de pousser l'exercice jusqu'au bout : "Insulteriez vous mon sens de l'honneur, doux sire ?" lança-t-il l'air de ne pas y toucher.

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MessageSujet: Re: Il rentrait chez lui, là-haut, vers le brouillard   Il rentrait chez lui, là-haut, vers le brouillard I_icon_minitimeJeu 11 Sep 2014 - 13:01

La question du Marquis, dont la brièveté, égalée uniquement par son inutilité, témoignait fortement de cet immense ravin sommeillant dans l'esprit du bon Bronchant entre la raison et la folie. Le mignon du Lys, amusé par la tournure des événements, ne fit point disparaître son sourire. Au contraire, celui-ci s'élargit, et, avec toute la douceur du monde, Duncan répondit par ces quelques mots bien choisis :

« Je ne pourrois envisager un seul instant, doux sire, qu'après notre entretien fort riche en fond qu'en forme, vous puissiez douter du caractère immaculé de votre honneur. N'est-il pas ? Dans cette guerre, vous êtes l'assailli, et le vaillant écu du Nord. Pourquoi remettre en cause cela ? »

Que le Marquis acquiesce les dires du mignon, et il reconnaîtrait lui même être en position de faiblesse, ne comptant aucune victoire à son actif, contrairement à Clairssac. Qu'il réfute les paroles du Lys, et il reconnaîtrait avoir une part de responsabilité dans le déclenchement de cette guerre, ce dont jusqu'à maintenant il s'était vigoureusement défendu. Fier de son jouet, et avec le sentiment du bienfait accompli, Duncan s'inclina une nouvelle fois, affirmant d'une voix claire un « Monsieur le Marquis, mes seigneurs. » avant de sortir de la tente, toujours révérenciel à l'adresse de son hôte. Il sortit de la tente, regardant quelques instants le campement, puis tourna le regard vers ses hommes, leur souriant, et parlant assez bas pour que le raffut des baraquements couvre leur voix.

« Nous en avons terminé ici, messieurs. J'aime penser que la suite des événements sera du goût de Monsieur de Brochant. Allons, fiers guerriers, rentrons chez nous. »

Si le calcul de Duncan était bon, l'homme qu'il avait dépêché, le soir de sa rencontre avec Arthur avait dû accomplir sa tâche. Et il ne pouvait s'empêcher de sourire quand à ce qui se passait à des lieues d'ici, en Alonna.



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MessageSujet: Re: Il rentrait chez lui, là-haut, vers le brouillard   Il rentrait chez lui, là-haut, vers le brouillard I_icon_minitimeSam 27 Sep 2014 - 10:35

Excédé par l'insolence du drôle, Aymeric salua son départ d'un revers de la main, comme on chasse une mouche de son assiette. Qu'on me débarrasse de cet homme, pensa le marquis. Toutefois, il du bientôt retenir le mignon, ne serait-ce le temps de rédiger une missive à l'adresse de son suzerain. D'aucun avaient attesté du souhait de ce dernier de nouer avec une alliance avec Aymeric, et celui-ci avait tantôt pu croire à une pareille perspective. L'entretient venait de doucher cet espoir, on se jouait de lui !

Le rouleau scellé du corbin des Brochant fut remis au plénipotentiaire, avec l'ordre formel de retourner auprès de son maître sans détours aucun. La demande dont s'était fendue le gandin, afin de rejoindre l'ost du Maréchal en passant par Serramire, fut écartée céans, et on congédia avec une certaine rudesse l'ambassade.

Voila ce qui pourrait être lu par le baron d'Etherna, une fois le vélin décacheté :

Citation :
À son Honneur Jérôme, baron d'Etherna et Maréchal du Nord,

En la 7ème journée de la 9ème énéade de Favrius, à la 8ème année de notre cycle,

Bon sire, l'avanie de votre serviteur a su réveiller en moi le souvenir de votre indignité. Ce gandin rare par la grossièreté s'est diligemment employé à traiter les choses graves comme d'une guigne, et les peccadilles comme primordiales. Je ne peux ignorer vos ordres derrières ses paroles vulgaires, hâbleuses, boutefeux, et faisant fi de l'honneur. Je puis vous assurer que vos offres, ce vulgaire marchandage de maquignon, ne sauraient éveiller chez moi nulle réaction sinon le mépris, tant que vous n'aurez confessé et expié vos fautes à mon endroit.

Tenez vous résolu ou hostile à cette perspective, mais ne me faites perdre mon temps par l'intermède de si mauvaises personnes.

Que la Damedieu vous garde,

Aymeric de Brochant, Marquis de Serramire.
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MessageSujet: Re: Il rentrait chez lui, là-haut, vers le brouillard   Il rentrait chez lui, là-haut, vers le brouillard I_icon_minitimeVen 3 Oct 2014 - 13:41

Duncan était revenu et les nouvelles n'avaient pas du tout été bonnes. Au contraire, elles étaient catastrophiques. Le conseiller avait commencé par relater ce qu'il s'était passé, appuyant sur le fait que le marquis n'avait jamais voulu répondre à ses demandes et avait constamment détourné la discussion à son avantage et demander des choses. Au final, il n'y avait eu aucun accord de trouvé et aucune compréhension entre les deux hommes. C'était donc un véritable fiasco.

Duncan avait également expliqué qu'il avait envoyé un document à la baronne d'Alonna afin de discréditer le marquis et s'assurer du soutien d'Alanya. Le document était un faux mais il permettait de monter les deux nobles l'un contre l'autre. Jérôme n'avait pas du tout apprécié cet écart et prise d'initiative. Les complots et les intrigues sont monnaies courantes au sein de la noblesse et si Jérôme parvenait à se hisser, peut être qu'il devrait en passer par la, ou du moins s'en méfier comme de la peste. Toutefois, malgré les nombreux détracteurs sur son honneur, il était un homme droit et il n'avait pas encore succombé aux attraits de tels stratagèmes. Il avait donc demandé à Duncan de rectifier le tir et de ne pas continuer dans cette voie qui n'était pas celle qu'il désirait emprunter.

Son conseiller lui avait également remit un courrier du marquis de Serramire qu'il s'empressa d'ouvrir pour en parcourir les lignes. Les mots étaient très fort, limite insultant, tout comme l'intéressé le pensait à son égard. Le torchon avait brûlé entre le marquis et le conseiller et il était évident qu'il ne faudrait pas qu'ils se recroisent dans un avenir proche et tendu. Jérôme se demandait comment les choses avaient pu en arriver la mais il n'était pas d'un naturel défaitiste même si la déprime pouvait le prendre par moment. Au contraire, il croyait en ses rêves, même s'ils avaient été douché dernièrement et il était utopiste. Au fond de lui, il croyait encore en ses actes et il ne désespérait pas de trouver un accord avec le marquis, surtout que les deux hommes, au fond, avaient les mêmes envies et attentes. Il prit donc sa plume et y coucha quelques mots

Jérôme a écrit:


Au marquis de Serramire et seigneur de Brochant, Aymeric de Brochant

Messire, j'ai appris le désastre qu'avait été l'ambassade que je vous ai envoyé et cela me chagrine. En vous lisant, vous semblez croire qu'il s'agissait d'une insulte à votre personne, je vous assure que ce n'était pas mon intention. Je vous présente toutes mes excuses pour les maladresses qui vous ont amené à penser ceci. Aux vus de toute cela, il semble indispensable que nous nous rencontrions enfin afin de mettre un terme à tous les malentendus qu'il y a entre nous et pouvoir discuter.

Je ne saurais croire que nous devenions ennemi alors que nos buts sont les mêmes et je prie Néera afin qu'elle me donne les bons mots pour vous convaincre de ma bonne foi. Je prie également pour que vous conserviez le bénéfice du doute à mon égard, du moins, le temps que nous nous trouvions réunis pour parler de tout cela.

Puisse Néera vous protéger ainsi que votre famille

Jérôme de Clairssac, baron d'Etherna et seigneur de Bastylle


Il n'était pas temps d'écrire encore trop de choses pouvant être mal interprétés. Jérôme espérait rencontrer le marquis rapidement et voir ce que cela donnerait.
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