Prière à Deina

Tout ceci prend place non loin de l'autel de Deina, dans son temple de Diantra. Bertram des Coquelets, fils d'une puissante famille odéliane, se glisse à l'intérieur du lieu sacré et, après avoir jeté un long coup d'œil, dit ceci.

"Deina, protectrice de Deïoxim, me voici, ton humble serviteur,
Devant ton effigie, qui te salue et qui embrasse les vases qui portent
La présence de tes mânes, les agents farouches de tes commandements.
Prête l'oreille, gardienne des hommes de Diantra, à ma prière,

Car, vois, les Estrelins viennent par devant toi sans glaive ni sang,
Ils entrent entre tes murs au nom du roi, de la paix et la Charte !
Les meilleurs hommes des plaines odélianes, les fils des seigneurs de la Marche,
Ont rejoint ta cité, Génie de Diantra, pour se livrer à la merci de dame Arsinoé,

Cette intrigante suzeraine qui eut le mauvais avis d'exciter l'ire de mes pères,
En réveillant les tumultes de l'Etherne et les ambitions de Jérôme, ce sire patibulaire !
Voulut se rendre, pour la race d'Odélian et l'instant d'une nuit,
La plus insoutenable des ennemis, en conjurant contre la marquise
Madeleyne, femme de notre seigneur, feu Grégoire des Berdevins,
Mère de notre seigneur et pieuse veuve s'il en est.

Mais que les dieux et les déesses immortelles soient loués,
Et Néera, ta dame, qui a posé la céleste Fortune entre les mains de ceux
Qui sont les défendeurs de ses Lois : Nous prîmes la place forte,
Libérâmes une marquise et en enlevâmes une seconde.

L'affaire s'ensuit comme tu sais, gardienne de Deïoxim, car tu présidais,
Auprès de Néera, ta suzeraine, des barons des Marches et les gens du roi,
Aux palabres qui enfantèrent la Charte, le Plaid et les troisièmes noces d'Arsinoé,
Ainsi réconciliant Odélian et Diantra et remettant l'Olysséenne en lit ancenois.

Ainsi se conclut le voyage de Madeleyne la veuve,
A Edelis, où deux armées virent le mariage d'Arsinoé
Et l'ascension d'Aedan le Chevalier. La Charte avait là ses gages,
Tandis que les barons y ajoutèrent comme un cadeau de mariage,
Certains de leur fils, dont je suis capitaine, donnés à la régence en otages.
On leur rendit la pareille, et les deux camps se promirent mille choses, dont des filles,
Si bien que j'ignore si nous fûmes envoyés en captifs ou comme partis.

Mais hélas l'heure n'est pas aux badineries, et à peine arrivés nous sommes assignés,
Par le Berdevin notre sénéchal, à tous les arrangements en vue de quelque guerre,
J'accomplis mon devoir, j'inspecte, je trame, prévois, tisse et noue, mais je te prie,
Ô Deina, protectrice de la cité du roi, écoute la complainte du royaume,
Ces dissonances stridentes qui transpercent l'harmonie. Aide une nouvelle fois
Ceux qui veulent restaurer la mesure de Néera, celle qui ne parle pas.

Vois, de toutes parts et depuis que tu abandonnas ton autel ensanglanté,
Ton absence annonça la venue de notre crépuscule, de nos querelles et de nos malheurs,
Aie pitié de nous, car nous venons purs de malice protester de notre loyauté
Et t'annonçons être les champions de l'aube nouvelle, de la renaissance de l'ordre et de l'humanité.