Qui sème le vent, récolte un oeuf

Il avait senti sa présence à des kilomètres, s’émanait d’elle un halo qu’il ressentait et reconnaissait bien. Il l’avait donc suivi, à distance, sans jamais vraiment oser la rencontrer. Cette femme avait l’air pourtant si simple, comment une puissance divine pouvait se cacher sous cette enveloppe charnelle. Le Seigneur de l’Orage n’attendait que le moment propice pour pouvoir la rencontrer, en toute discrétion sans être menacé par d’autres enfants de la damedieu. Il virevoltait dans les cieux, à hauteur vertigineuse pour un humain.   Quand l'occasion se présenta, il appela à lui les puissances de l'ether, il fit tomber une douce brume autour de la jeune femme, ainsi il serait hors de vues, hors de danger. Il ne désirait se montrer qu'à ses yeux. Elle possédait un lien avec la Déesse du vent, il pouvait le sentir et cela le rendait heureux. Il piqua en suite dans le nuage qu'il venait de crée et se posa avec une grâce féline sur le sol, presque sans bruit. Il tendit légèrement le cou, surprenant la jeune femme. Très peu d’Homme l’avait vu jusque là, il avait été surpris que par deux hommes d’acier un peu plus au nord, et le voilà surprenant cette humaine à présent. Son corps resta immobile, il n’y avait que son cou qui balançait sa tête d’un côté puis d’un autre, son bec claqua dans le vent. Il devait attirer son attention. Une fois qu'il capta son regard, ce qu’il crut du moins, il laissa défiler le temps, jugeant chacun de ses mouvements tel une bête à l'affût. Puis, son expression changea, il distingua une pureté peu commune dans ce frêle corps. Il voulait en savoir plus, lui était le Grand Vent.
Il plaça une patte en avant et s'approcha de la jeune femme qui semblait paralyser par son apparition. Il la jaugea encore un long moment, huma son odeur et soutient son regard,  puis il fléchit le crâne en arquant le cou. Le Roi des Airs chercher le contact. Mais quelque chose n’allait pas, la femme le voyait sans le voir, son regard était vite et si inoffensif mais pourtant, il lui mordilla une main…

N’ai crainte.

Il s’approcha d’avantage, son bec lui caressa une joue. Il n’avait pas établi un lien quelconque depuis des millénaires avec la race humaine, mais il se sentait en confiance. Il est l’Orage et l’Eclair, aucune race inférieure ne le verra se soumettre, mais en ce moment, il avait besoin de ce lien pour être libre. Les paroles avaient retentit dans la tête de l’humaine avec une douceur peu commune, comme s’il avait toujours été là, quelque part.

Sais-tu ce que je suis Femelle Qui Voit Sans les Yeux ?

Il fit un bon en arrière, fouetta de sa queue l’air près de la tête de l’humaine et s’approcha de nouveau pour lui caresser une joue de son bec, un grésillement d’éclair picota la femelle ce qui aurait fait sourire la créature si elle le pouvait.

J’ai besoin de ta coopération.

Jamais on ne l'entendra demander de l'aide.

Une pause s’imposait.
Deux heures que nous chevauchions. Il était temps de s’arrêter quelques minutes pour souffler un peu et se dégourdir les jambes. Mon fils calait sur ma hanche, je fis quelques pas pour m’éloigner un peu du groupe. Cela faisait plusieurs jours que je n’avais plus entendu la voix de Néera. Elle devait être occupée ailleurs. Elle reviendrait probablement lorsque j’aurais atteint Beltrod. Après tout quel était son intérêt de suivre mon cheminement. Cela n’avait rien d’amusant.
Seulement depuis quelques kilomètres je sentais une étrange présence au dessus de moi. Je sentais sa puissance, son énergie flotter au dessus de moi mais j’étais incapable de dire de quoi il s’agissait. Je fis un pas de plus et presque aussitôt je sentis un vent frais m’entourer. Même si je ne pouvais pas le voir, je savais qu’une épaisse brume s’était levée. Elyan se mit à gémir, prêt à éclater en sanglot au moindre signe. Mais lorsque la créature se posa à quelques pas de nous, il resta silencieux. Ses yeux de bébé ne comprenait pas ce qu’il voyait, en revanche je savais maintenant parfaitement ce que j’avais devant moi. Un dragon.
Malgré le voile sombre qui masquait ma vue, la créature qui approchait lentement avait une aura toute particulière, comme lorsque Néera m’apparaissait. Je pouvais repérer sa présence, presque le « voir », c’était très troublant d’ailleurs.
Il approcha sa tête de moi et son bec vint doucement mordiller ma main libre. Je ne fis aucun geste, autant parce que j’étais terrifiée que parce que je ne savais pas comment réagir face à lui.

Quelques secondes plus tard j’entendis sa voix, dans mon esprit, comme s’il s’agissait de la Déesse. Décidemment il se passait beaucoup trop de chose dans ma tête, si je finissais l’année sans devenir folle alors cela tiendrait du miracle…
Malgré sa corpulence il caressa ma joue de son bec et à nouveau je retins mon souffle. Certes il me murmurait de ne pas le craindre mais peut-être qu’il disait cela à toutes les créatures qu’il choisissait pour son repas.

Encore une fois sa voix, claire et caressante comme la brise. Il savait que je ne voyais pas. Sûrement mon regard voilait qui le lui avait soufflé. A moins qu’il sache précisément qui j’étais…
Je ne savais pas qui Il était mais je savais ce qu’il était. Pouvais-je me permettre de lui répondre ça ?

Le dragon blanc.

Cette pensée m’avait été soufflé par Néera j’en étais certaine, mais cela ne m’avançait à rien. Je savais seulement que cette créature, rare et puissante, méritait le respect car à ses yeux je n’étais qu’une simple humaine. J’inclinais donc ma tête pour le saluer. Un léger crépitement accompagna sa dernière caresse. Je levais alors le visage vers lui et mes yeux fixèrent l’endroit où devait se trouver ses yeux.

- Je sais seulement que tu es celui que l’on nomme Le Dragon Blanc. Qu’attends-tu de moi Noble Dragon ?

Je ne voulais ni servir de repas, ni retarder mon voyage, cependant il m’était tout aussi impossible de refuser mon aide à cette puissante créature.
Mon fils contemplait la créature de ses grands yeux bleus mais ne faisait pas un bruit. Peut-être sentait-il déjà que malgré la beauté de ce dragon, le danger n’était pas loin.

Le marmot semblait appétissant, mais assurément sous la protection de la damedieu. Le Seigneur de l’Orage balaya les airs de sa queue pour signifier qu’il approuvait les dires de la femme, ses ailes envoyèrent quelques bourrasques ce qui fit sourire le nourrisson qui émit ce qui ressemblait à un cri de piaf heureux. La race humaine était si étrange, ce qui lui rappela quelques souvenirs d’une autre époque.

J’ai connu une gardienne autrefois. Aussi belle qu’une brise d’Arkan, et d’une pureté d’âme sans pareille. Elle eut la folie de tomber amoureuse, s’écartant du chemin que sa déesse mère avait choisi pour elle. Elle copula comme un Myrn Delth et eut douze marmots, j’en ai d’ailleurs croqué un quelques décennies plus tard. Mais on n’échappe pas à son destin Dame de la Mère, et ce que la déesse veut, la déesse prend. Elle s’éloigna de sa famille, et ses douze descendants la renièrent.

L’Orage n’arrivait pas à tenir en place, il fit un bond en avant, passant à droite de Jena avant de s’élancer dans les airs après cette petite anecdote que la jeune femme pouvait prendre comme elle le souhaitait, volant en cercle au dessus des têtes des deux humains, toujours dans cette brume les entourant.

Miradelphia doit se préparer Jena Kastelord. Elle ne lui avait jamais donné son nom de vive voix. Cette terre a été la notre avant d’être la votre, certains Delth sont réticent à vous la laisser. Les Cieux, les Mers, les Montagnes, les Champs de Batailles, les Volcans et les Forêts sont nos royaumes petite humaine, tes semblables ne doivent pas l’oublier ou tes descendants ont paieront le prix.

Les mots chantant du dragon n’assourdissait pas la tête de la gardienne, ils s’imbriquaient comme si cette voix était naturelle. Un souffle frais fit tourbillonner les cheveux de la jeune femme, tandis que le Delth se posa à nouveau près de la mère et du fils.

Les Enfants de Néera sont plein de vices Jena, et les Cinq sont capricieux. On a volé un œuf au Myrn dans les hautes montagnes, je ne sais pas encore quelles conséquences cela aura sur notre monde mais le mien doit être protégé. Je suis le Maitre des Cieux, et je ne peux être entravé par ce qui ne m’appartient pas.

Ses pattes s’affaissèrent et il s’allongea au sol sur le ventre, léchant son épaule de sa langue.

Trouve des hommes d’aciers au cœur pur, à la foi intact. J’ai confiance en ton jugement. Que ces hommes portent le symbole du Foen Delth, et qu’ils promettent de préserver l’héritage de mes ancêtres. Ses yeux captèrent ceux du nourrisson. Là où les Cieux rejoignent la Terre, sur les Cimes peuplées de choucas, là où né l’Eau, se trouve un œuf. Qu’il soit protégé.

Le dragon se redressa et fit un pas en avant vers Jena, son regard se posa sur la blessure qu’il lui avait infligé à la main, il n’avait aucune idée de la douleur que cela avait pu provoquer, mais le sang qui en perlé avait quelque chose de fascinant.

En contrepartie, je t’accorderais un service.  

La petite histoire que me raconta l’incroyable créature me surprit mais je ne fis aucun commentaire. Pourquoi me parlait-il de cette gardienne ? Souhaitait-il me faire peur ? Me prouver qu’il n’était pas un gentil petit dragon ? Cela je le savais déjà, il me suffisait de sentir la puissance de son aura. Je restais silencieuse attendant qu’il m’expose sa demande.
Il me parla alors d’un œuf qui avait été volé dans les montagnes mais rien n’aurait pu me préparer à ce qui allait suivre…. Il souhaitait que je trouve son œuf et que je le garde en sécurité… Par Néera mais comment voulait-il que je fasse une chose pareille ?
Trouver des hommes à la foi intacte semblait déjà une tâche bien complexe… Je restai silencieuse quelques secondes, espérant presque l’intervention de la Déesse, mais elle ne se manifesta à aucun moment. Je poussais un soupir et inclinais à nouveau la tête devant le Dragon.

- Ce que tu me demandes ne pourra pas être accompli dans les jours qui viennent. Il me faudra rencontrer chaque homme, chaque femme qui voudra se joindre à l’expédition que tu me demandes de rassembler. C’est seulement comme ça que je trouverai les hommes dignes de la quête que tu me confies.

Cependant j’avais besoin de plus d’information, je devais poser plusieurs questions à la créature et je craignais qu’il n’ait guère la patience de me répondre. Je ne connaissais pas son caractère et il me fallait reconnaître que je n’étais pas du tout rassurée par sa présence. Ma main me picotait légèrement à l’endroit où il m’avait mordu mais je ne pouvais pas voir avec précision comment était cette blessure.
Mon fils gesticulait, tendant ses petits bras vers le dragon comme s’il le considérait comme un jeu ou un animal tout à fait inoffensif. Je le gardais serré contre moi, essayant de calmer son agitation en le berçant doucement.

- Une fois l’œuf retrouvé, à qui dois-je le confier ? Et y’a-t-il des précautions à prendre pour prendre soin de lui ?

Je ne posais aucune question sur le service qu’il souhaitait me rendre. Qu’aurait pu faire un dragon contre les désirs d’une Déesse. Je n’avais qu’un souhait : retourner auprès de ma famille et pour l’heure Néera avait de tout autre projet pour moi.
J’avais noté plus tôt la menace qu’il m’avait glissé en parlant du futur de Miradelphia. Si les dragons souhaitaient reprendre leurs terres, nous ne pourrions pas faire grand-chose pour lutter contre leurs pouvoirs.

- Comment pourrais-je te parler si j’ai besoin de ton aide pour trouver ton précieux descendant ?

Je sentis alors dans mon esprit une troisième présence. Néera venait pointer son nez après plusieurs jours d’absence. Une conversation silencieuse sembla occuper les deux êtres puis la petite voix fluette de Néera raisonna à mes oreilles.

« - Cette quête sera ta priorité après ton passage sur les fondations du Monastère. Je te guiderai jusqu’à sa progéniture. »

Ainsi donc Néera me donnait son accord pour venir en aide au Dragon Blanc. Qu’il en soit ainsi.

L’humaine poser beaucoup de question, le dragon continua de l’observer longuement, allant même jusqu’à se demander pourquoi tant de doute ? C’était un défaut récurrent du peuple des Derniers nées. Il se redressa alors de toute ça hauteur ne quittant pas la dite Jena. Son esprit toucha une nouvelle fois le siens, ses paroles se voulaient des plus rassurantes.

« Prend le temps qu’il te faudra petit humaine, celui-ci n’à pas autant d’emprise qu’il n’en à sur toi. Suis ton instinct, il te guidera vers celui qui sera digne de porter se poids, j’ai confiance en toi Jena Kastelord, ton cœur est pur. »

Le dragon toisait en effet son aura, elle était d’un blanc immaculé et le Seigneur des Airs et de l’Orage ne doutait pas qu’une grande puissance avait posé se son regard sur se frêle corps. Elle trouverait, il en était sûr.
Il avança encore un peu plus prêt d’elle posant son immense gueule à coté de la sienne, son souffle délogeant quelques unes de ses mèches de cheveux à chaque respiration, son regard d’améthyste était plongé dans le sien.

« Je garderais un œil sur toi petite humaine, ma vue est perçante, mon ouïe fine et mon vol rapide, si tu as besoin d’aide tu n’auras qu’a m’appeler la dans la lande, la ou l’écho porte loin et je serais prêt de toi. »

Le dragon esquissa ce qui ressemblait à un sourire, mais ses longues dents  pointues lui donnait un air de carnassier ailé. Il redressa en suite la tête, s’ébroua et fit demi-tour, prêt à prendre son envol. Il arqua une dernière fois le coup vers Jena.

« Maintenant vas,  Jena Kastelord »

L’air ambiant crépita brusquement et  dégagea une forte odeur d’ozone. Les ailes membraneuses du dragon s’ouvrir produisant de petit arc électrique de couleur bleue. Puis, d’un bond vif, le dragon prit son envol tel un oiseau de proie et fonça vers les cieux. Il décrit une figure en forme de huit avant de stabiliser son vol en l’air, puis il lâcha une décharge d’énergie pur qui fendit la brume tel un éclair aveuglant la jeune femme.
Quand elle retrouva la vue, la brume avait disparut, tout était redevenu normal, le dragon n’était plus la.