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 Qui sème le vin récolte la grande fête [Aëlys]

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Arnaud de Brochant
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MessageSujet: Qui sème le vin récolte la grande fête [Aëlys]   Qui sème le vin récolte la grande fête [Aëlys] I_icon_minitimeMar 5 Nov 2019 - 13:29


17ème année du 11ème cycle,
Troisième ennéade de Favrius - automne,
Le septième jour...


A la tombée de la nuit, la cité de Diantra, exubérante du matin jusqu'au soir, n'était pas plus encline à jouer les belles endormies. A l'heure de troquer une intense journée de labeur contre quelques heures de détente, les citadins les plus braves s'en allaient engorger les tavernes et les bordels ; ils s'enivraient de chansons et musiques autant que d'alcool et de stupre, et se réveilleraient le lendemain, hagards, délestés de leurs économies et de leur dignité. Puis ils recommenceraient.

Dans la ville haute, c'étaient des fêtes d'un autre genre qu'on donnait dans les manoirs des nobles. Parce qu'elle accueillait la cour du roi et toute son administration, ainsi que la cathédrale Sainte-Deina, Diantra attirait à elle tout ce que la péninsule comptait de fils cadets sans héritage, désireux de se trouver une place dans un monde où tout semblait réservé aux aînés. Certains avaient la chance d'intégrer la maison du roi, occupant des charges plus ou moins prestigieuses ; d'autres rejoignaient les temples, rêvant déjà à la Haute-Prêtrise. Ici, les nordiens côtoyaient les suderons et les médianais ; et parce que tout le monde était cousin de tout le monde, on se plaisait à organiser les fameuses cousinades, ces fêtes où, sous les apparences fraternelles, chacun s'évertuait à vouloir briller plus que les autres.

Arnaud de Brochant n'était pas familier de Diantra. Parce qu'il était l'aîné de sa propre fratrie, le jeune homme ne se sentait pas concerné par les préoccupations de tous ces benjamins en quête de fortune. Qu'à cela ne tienne : Faramond, un nobliau qui s'était trouvé un lien de parenté avec lui - cousin éloigné par alliance de la nièce, ou quelque chose dans ce goût-là - avait sauté sur l'occasion de sa venue dans la capitale pour lui proposer l'hospitalité. Arnaud, considérant le beau manoir que possédait son lointain parent, s'était laissé tenter. Depuis lors, Faramond n'avait de cesse de se targuer de la présence sous son toit d'un prestigieux invité : le duc de Serramire, c'était quand même pas Jo le Clodo !

Adoncques, ce soir-là, Faramond donnait une petite réception dans son manoir, et il avait convié du beau monde. Des lumières chaudes éclairaient une vaste salle dans-laquelle allaient et venaient les convives par petits groupes. Il flottait dans toute la maison une bonne odeur de viande cuite, et le vin - du grand cru de Hautval - coulait à flot. Entre le murmure des conversations et le tintement métallique des coupes et des plats, un barde s'était mis à jouer de son luth tout en chantant la ballade du roi Unvan - oeuvre fameuse qui cherchait à faire passer un antique chef tribal païen pour un héros chevaleresque pentien, mais qui s'en souciait, tant qu'on pouvait aimer la chanson ?

Arnaud s'était peu mêlé aux invités. En fait, il s'était évertué, ce soir-là, à éviter son encombrant cousin. Le raseur n'avait pourtant eu de cesse de revenir à la charge, mais force était de se rendre à l'évidence : le duc faisait la gueule. La raison n'était pas à chercher bien loin : le père d'Arnaud avait rendu l'âme quelques ennéades auparavant, et il était principalement venu à Diantra pour en faire son deuil. Or, l'esprit festif de la soirée cadrait mal avec l'ambiance requise.

Qu'à cela ne tienne ! Plutôt que d'échanger de vaines palabres avec des gens dont il se moquait bien, Arnaud avait rejoint une table à l'écart, où des chevaliers jouaient à la prime miradelphienne - un jeu de cartes où il fallait faire des combinaisons particulières. Au moins avait-il, ici, un semblant de tranquillité. Tandis qu'un valet lui remplissait une coupe de vin, il hésitait à augmenter la mise. Une paire de Princes-Marchands de Thaar, cela pourrait ne pas suffire, pensait-t-il, craignant que l'un de ses adversaires n'exhibe une combinaison semblable d'Obok Sengers.

« Et alors, sire Arnaud, vous comptez jouer votre tour ce soir ? railla l'un des joueurs, un fort en gueul pour qui le plaisir de chambrer l'adversaire méritait bien qu'on outrepasse la différence de rang.
- Pardonnez-moi, j'hésitais entre deux façons de vous plumer, rétorqua Arnaud. Je suis.
- Ouais, suivez, beau sire, suivez. C'est qu'il me tarde de vous plumer.
- C'est ce que nous allons voir, rodomont ! »
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Aëlys de Cythan
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MessageSujet: Re: Qui sème le vin récolte la grande fête [Aëlys]   Qui sème le vin récolte la grande fête [Aëlys] I_icon_minitimeMar 5 Nov 2019 - 22:41

Que la ville de Diantra était vaste ! Après quatre jours de route éreintants, ils étaient enfin arrivés au terme de leur périple. Gwyneira, pleine de ferveur tout comme leur mère, n’avait qu’une hâte : se rendre sur le champ à la cathédrale de Sainte-Deina. Ce n’était absolument pas le cas d’Aëlys. Celle-ci gardait son ire contenue, mais sacrebleu, ce n’était pas aisé ! Seuls les visages réjouis de son entourage la retenaient de prononcer un quelconque mot à l’encontre de ces dieux et déesses dont elle ne voyait aucunement l’utilité. Malgré l’empressement de sa jumelle, elle obtint de se dégourdir un peu les jambes avant de gagner le lieu saint. Diantra lui apparaissait à la fois immense et étriquée. Sans doute à cause de la foule qui la parcourait. C’en était étourdissant.

Les quelques pas que fit la jeune fille ne lui permirent pas d’explorer les lieux plus avant, il fallait repartir. Déjà, des regards indiscrets scrutaient les arrivantes. La ressemblance entre les deux damoiselles surprenait les passants, mais, plus encore que leurs traits similaires, la grande taille d’Aëlys et les mèches grises de son sosie les donnaient à voir comme d’étranges créatures. Rabattant vivement leur capuchon, les trois femmes quittèrent la place.
Des heures passées dans la cathédrale, la rosière ne retint qu’un ennui profond, à peine égayé par la splendeur du monument. Les murs de pierre se dressaient trop haut selon elle, et donnaient un air austère et froid à l’ensemble de l’architecture, jugée également trop rigide. Si elle avait eu à dessiner Sainte-Deina, c’aurait été avec des arabesques, des matériaux plus chaleureux, des couleurs plus éclatantes… Plus de fantaisie en somme. Rien de tapageur, seulement de la vie, de la joie. Même leur rosace était lugubre ! Toute cette solennité, ce sérieux qui se voulait grandiose, étouffait les hommes et les cœurs.

Le retour à la lumière du jour, ou plus exactement à la clarté lunaire, fut comme une résurrection pour Aëlys. Adieu l’ambiance feutrée de la cathédrale ! Elle ferma un instant ses paupières pour mieux apprécier la brise fraiche du soir et réveiller son esprit. Ce pèlerinage annuel ne lui plaisait décidément point. Elle qui avait espéré visiter un peu la ville, c’était manqué ; il se faisait tard, elles allaient devoir aller passer la nuitée chez cet olibrius d’oncle éloigné.

Pourtant, leur mère ne les pressa pas et, son doux sourire aux lèvres, sortit de sous son manteau un parchemin dont le sceau était déjà décacheté.

- Qu’est-ce donc mère ? ne put s’empêcher de s’écrier Aëlys Une missive de votre cousin, Godefroy ?  

Un rire cristallin jaillit de la poitrine de Moirah à la vue de l’expression teintée d’inquiétude de sa fille. Il est vrai que cette dernière, figée sur place, craignait de rencontrer le fils dudit cousin qui semblait avoir jeté son dévolu sur elle… Malheureusement pour lui, ses sentiments n’étaient pas le moins du monde partagés.

Non pas, répondit Moirah en reprenant son sérieux, Nous ne verrons point Firmin cette fois-ci… J’imagine que cela vous déçoit grandement… ajouta-t-elle avec une pointe de malice En revanche, nous sommes conviées toutes les trois à une réception. Je me suis dit qu’il était temps de vous initier à ce genre de soirées que vous serez habilitées à fréquenter régulièrement, adoncques j’ai accepté l’invitation d’un seigneur connu de ma famille.

Les soies, les pierreries et les parures multiples foisonnaient dans un chatoiement époustouflant. Les jeunes nobles en étaient tout esbaudies. Moirah, quant à elle, semblait à l’aise entourée de tous ces gens de haute naissance, elle retrouvait la vie qu’elle menait avant d’épouser Drogan. Mais, une fois passé le premier instant d’éblouissement, les perles, et les parfums capiteux se mirent à oppresser Aëlys. La musique d’un joueur de luth était presque recouverte par le brouhaha des conversations. Soudainement perdue, la fille du seigneur de Cythan chercha sa sœur des yeux, sans y arriver cependant. Probablement jouait-elle à la perfection son rôle de jeune noble, elle avait toujours eu un don pour cela. Réservée sans être rigide, ses paroles mesurées charmaient quiconque l'écoutait.
Aëlys au contraire ne savait comment se tenir en société. Telle un animal apeurée, elle recula dans le coin le plus calme de la pièce. Le plus loin possible du lustre aux milles éclats de lumière, des discussions diverses, de la foule clinquante. Une fois plus au calme, elle retrouva ses esprits et put porter un nouvel œil à cette fête. Avec un peu de recul, son esprit d’artiste se réveilla. Cette robe azurée aux légères vagues, n’était-ce pas comme une fontaine qui bruissait doucement ? Et ce collier doré, on eut dit qu’il avait capturé des rayons de soleil à son zénith…

Tiens, elle ne les avait pas remarqués eux. Des hommes étaient attablés près d’elle, s’adonnant à un jeu de cartes. Ils n’avaient pas l’air d’un grande intelligence, mais elle s’approcha d’eux pour tenter de comprendre de quoi il retournait. Elle n’avait jamais vu son père jouer, il préférait régaler ses convives de mets et de musique. Visiblement, ce jeu requérait de l’argent. Et l’un des joueurs n’avait pas l’air d’en manquer… Ses habits reflétaient une richesse bien supérieure à celle de tous les autres invités. Etait-ce un baron, un comte ? Elle se mit à l’examiner plus attentivement. Quel fier tableau il ferait… Si seulement elle avait ses couleurs, elle utiliserait même sa toile ! Il lui faudrait d’abord effacer le portrait de Gwyneira, mais qu’importe, elle le referait. Inconsciemment, elle peignit par la pensée cet étrange personnage qui dénotait entre tous les hommes présents.
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Arnaud de Brochant
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MessageSujet: Re: Qui sème le vin récolte la grande fête [Aëlys]   Qui sème le vin récolte la grande fête [Aëlys] I_icon_minitimeJeu 7 Nov 2019 - 23:27


« Vous perdez, sire ! railla le chevalier goguenard en abattant ses cartes.
- Mortyra ! Vous ne perdez rien pour attendre. »

Tandis qu'on redistribuait les cartes, Arnaud remarqua par hasard la rosière qui les dévisageait avec insistance. Il n'y prêta guère attention au premier abord ; la jeune fille s'était sans doute entichée d'un de ses partenaires de jeu. Il préférait se concentrer sur la partie, bien décidé qu'il était à refaire ses gains.

Toutefois, alors qu'il levait les yeux vers ses camarades, la vision de leurs ganaches lui fit penser qu'il était bien improbable que la damoiselle se soit amourachée d'un de ces mufles-là. La fanfaron avait les traits burinés et une large cicatrice sur tout un coin de la gueule ; l'autre eut pu passer pour avenant sans l'affreux bec de lièvre qui lui déformait la face. Arnaud ramassa ses cartes, et, tout en se cachant derrière elles, risqua un œil vers la rosière en question ; elle avait un visage fin et harmonieux, le teint rose et les lèvres purpurines, et ses yeux verts, étonnamment clairs, brillaient autant de malice que d'innocence. Non, difficile d'imaginer que ce joyau de candeur se soit épris de l'un de ces matamores. Son expression n'avait rien, d'ailleurs, de l'amoureuse transie, et alors qu'il la déshabillait du regard, il comprit, troublé, que c'était lui qu'elle fixait de la sorte. Et elle semblait concentrée, plongée dans une réflexion profonde ; elle ne l'admirait pas, non, elle l'étudiait. Mais pourquoi faire ?

« Sire, on vous attend encore, grogna le balafré.
- Qui est la jeune fille, là-bas ? demanda distraitement Arnaud.
- Laquelle ?
- Celle avec les grands yeux verts.
- Elle ? C'est Aëlys de Cythan
, affirma l'homme au bec de lièvre. C'est la fille de Drogan, un seigneur de l'Ancenois.
- Vous jouez, maintenant ? »
s'impatientait le balafré.

Arnaud considéra encore quelques instants la jeune Ancenoise, avant qu'une nouvelle défaite ne l'oblige à se concentrer plus avant sur la partie. Le jeu se poursuivit quelques tours, sans d'ailleurs qu'Arnaud ne parvienne à se refaire. Lorsqu'il finit par quitter la table, la rosière avait disparu.

Las, avant même qu'il ait pu se demander où elle avait pu passer, Arnaud eut la malchance de voir fondre sur lui Faramond. Le cousin souriait jusqu'aux oreilles, et, sans faire de manières, se mit en tête de présenter au jeune duc une brochette d'invités tous plus rasants les uns que les autres. Arnaud déploya des trésors de diplomatie pour feindre de s'intéresser à leurs assommantes conversations. Bringuebalé d'un groupe à l'autre par Faramond, il espérait bien réussir à s'esquiver à un moment ou un autre ; c'est alors que son hôte eut la riche idée de suggérer que l'on se mette à danser une tarentelle.

Foutrequinte, songea Arnaud, horrifié. Mais avant même qu'il ait pu bredouiller une excuse, les convives lancèrent le mouvement, entraînant avec eux le malheureux duc. Voilà que tout le monde s'était placé sur deux lignes face à face, hommes d'un côté, femmes de l'autres ; à peine le barde avait-il joué les premières notes que tout le monde se mit au diapason. Arnaud, qui ignorait tout des danses suderonnes, eut tout le mal du monde à suivre le mouvement ; un coup il fallait partir à gauche, un coup à droite, un coup tourner sur soi-même et taper dans les mains, pour finalement s'avancer de manière à ce que les deux lignes se rejoignent - puis qu'elles se séparent de nouveau. Le duc, qu'on imaginait déjà passablement gêné, se trouva d'autant plus troublé lorsqu'il apparut que la jeune fille en face de lui n'était autre que la rosière de tout à l'heure. Cachant son trouble du mieux qu'il pouvait, il adressa à l'Ancenoise son sourire le plus charmeur - espérant, en vain, que cela suffirait à éclipser toutes ses maladresses.
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Aëlys de Cythan
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MessageSujet: Re: Qui sème le vin récolte la grande fête [Aëlys]   Qui sème le vin récolte la grande fête [Aëlys] I_icon_minitimeSam 9 Nov 2019 - 16:03

Sur un portrait, ce sont les yeux qui donnent le ton, avait appris Aëlys de son précepteur. C’est donc l’élément à ne pas manquer. Aussi, elle le gardait toujours pour la fin, après avoir jugé des proportions du visage, esquissé les contours, dessiné plus précisément les traits saillants, ombré et éclairci…  Mais là, pourquoi diable respecter le protocole ? Son dessin n’était de toute façon que pure abstraction. Elle passa ainsi directement à ce qui l’intéressait le plus : les pupilles du duc de Brochant, dont elle ne savait pas même le titre. Sa première intention d’étudier la partie était reléguée aux oubliettes.
Les yeux sont le reflet de l’âme dit-on. En ce cas, quelle âme ce devait être ! On eut dit qu’un morceau de ciel s’était niché dans ce visage, absorbé par un aimant invisible. Mais ce n’était pas le ciel doux de la rêverie des poètes, qui fait vagabonder l’esprit à de divins enchantements. Bien qu’il soit clair, ce bleu était vif, presque dur, et d’une intensité sans pareille —quoiqu’en ce moment son éclat semblait quelque peu terni.

- Aëlys, entonna une voix bien connue de la rosière mère te mande.

Soupirant, la jeune damoiselle détacha son regard de l’inconnu pour retourner dans la foule mondaine. A nouveau, elle se sentit mal et voulut fuir. Mais la vue de sa mère, en grande discussion avec je ne sais quel barbon, la rassura. Elle avait cette aura qu’ont certaines personnes et qui vous apaise en un instant tant ils sont bienveillants.

- Ah ! Voici l’une de mes deux filles dont je vous ai parlé. Aëlys, je te présente le Seigneur de Merétide, qui connaît bien notre hôte Faramond.

Pas honorée pour un écu, la jouvencelle se contenta du minimum de politesse nécessaire. Une très légère révérence, ce n’était qu’un baron après tout, et quelques mots conventionnels. La conversation s’annonçait d’un ennui incommensurable. Brusquement, lui vint une question, qu’elle s’empressa de poser.

- Connaissez-vous le nom de l’homme assis à la table de jeu, tout à droite ?
- Bien évidemment ! C’est le duc de Brochant ! Un glorieux personnage qui nous fait l’honneur infini de sa présence dans la demeure de cher Faramond…

Allons donc ! Encore un de ces nobles fat qui aurait vendu corps et âme pour être considéré par ses pairs. Il lui inspirait un dégoût prononcé. En revanche, que l’homme aux yeux bleus soit un duc était une information étourdissante. Elle avait examiné un duc sans vergogne ! Elle ne le réalisait qu’à présent, mais toute à ses songes, elle s’était laissé aller à une grande irrévérence… Habituellement, les titres pompeux n’avaient guère d’emprise sur elle. Pourtant, ici, sans savoir précisément pourquoi, elle trouvait que ce nom de duc convenait assez à la personne.
Gênée par sa maladresse, elle ne se rendit pas compte qu’elle se faisait emporter par une vague de convives dans une danse. Fichtre ! Elle n’avait pas anticipé la chose. La tarentelle suderonne demandait plus d’entrain que ce qu’elle avait l’habitude de danser, sans pour autant perdre son ridicule. Tout était si codifié que c’en devenait presque niait. Sa culture lui permettait de suivre sans difficulté le rythme, sans pour autant qu’elle en tire du plaisir ou de la fierté.

Soudain, elle se retrouva face au fameux duc. Alors que le rouge recommençait à lui monter aux joues, elle s’aperçut des difficultés qu’il avait à tenir la cadence et qui lui enlevait toute sa superbe. « Ne pas rire. Ne pas rire. Ne. Pas. Rire. se sermonnait-elle mentalement » Elle tint bon, jusqu’à ce qu’il la voit et lui adresse un sourire qu’il devait trouver charmant, mais qu’elle jugea fort cocasse. Un léger rire lui échappa, qu’elle tenta de cacher en baissant les yeux. Le haussement de ses épaules et le plissement de ses lèvres devait néanmoins l’avoir trahie.

Heureusement pour eux deux, la tarentelle prenait fin. Aëlys voulut s’éclipser le plus lestement possible. Mais, horreur ! Le Seigneur de Merétide s’avançait dans sa direction, et elle n’avait nulle envie de poursuivre la discussion entamée auparavant. Ces gens ne savaient-ils donc pas ce qu’était le silence ! Pivotant sur elle-même avec une promptitude inégalée dans cette salle de mollesse, elle se heurta à un homme, renversant par là-même tout le contenu de son gobelet. Atterrée, elle leva les yeux pour voir sa victime, dont le pourpoint brodé était à présent maculé de rouge. C’était le duc de Brochant.

- Pardon ! Je… Je suis désolée Monseigneur… Je… bredouilla-t-elle terrorisée

Paralysée, elle attendit la réaction de son interlocuteur sans oser bouger. Etait-ce une impression ? Elle sentait que tous les regards s’étaient fixés sur elle et la jugeaient avec mépris. Jamais elle ne s’était sentie aussi mal de toute sa vie. Tout son corps criait son malaise. Si elle avait pu, elle se serait enfuie.
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MessageSujet: Re: Qui sème le vin récolte la grande fête [Aëlys]   Qui sème le vin récolte la grande fête [Aëlys] I_icon_minitimeLun 11 Nov 2019 - 9:10


Arnaud contempla, l'air interdit, son pourpoint en brocart bleu azur, désormais maculé d'une large tâche de vin rouge. Il est foutu, pensa le duc, un brin amer, avant de lever les yeux vers la fautive. Et de reconnaître avec stupeur la jeune Ancenoise. Encore elle. Il l'avait vue rire tout à l'heure alors qu'ils dansaient - il s'en était trouvé un brin vexé. Il avait beau ne pas pouvoir blairer la danse, le duc avait son amour propre.

Là, maintenant, elle ne riait plus, et ce qu'Arnaud lisait dans son regard était plus que du remords. Ses beaux yeux verts brillaient d'une peur panique ; il faut dire que tout le monde dans la salle s'était mis à dévisager la pauvresse. Et elle était effrayée, la petite ! On eut dit qu'elle imaginait déjà le duc de Serramire réclamer le prix du sang. Pour un pourpoint ? Allons donc. On n'en était pas là.

« Ce n'est rien ! Lança le duc d'un ton jovial tout en haussant les épaules. Ce n'est pas grave ! Que la fête continue ! Musique ! »

La fête reprit de plus belle, et tandis que, peu à peu, les regards se détournaient d'eux, Arnaud confia à la jeune Ancenoise d'un ton badin :

« Figurez-vous que ce pourpoint était un cadeau de ma bonne cousine Constance. C'est la DameDieu qui guida votre bras, damoiselle Aëlys ; je déteste cette bonne femme, mais gare à vous si vous le lui répétez. »
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Aëlys de Cythan
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MessageSujet: Re: Qui sème le vin récolte la grande fête [Aëlys]   Qui sème le vin récolte la grande fête [Aëlys] I_icon_minitimeJeu 5 Déc 2019 - 19:56

La fillette sentit de l'irritation poindre chez le duc, avant de s'apaiser brusquement dès qu'il croisa ses grands yeux verts. Il alla même jusqu'à la rassurer par quelques mots rieurs. Aurait-il eu pitié d'elle ? C'était bien nouveau comme réaction. Habituellement, elle était regardée comme une pestiférée.
Mais voulait-elle de la pitié de cet homme ? Un sursaut de fierté lui revint, elle hésita à répondre au duc qu'il était bien aimable, mais qu'elle ne voulait pas de ses bons sentiments. Seulement, dit-on cela à un duc quand on a quatorze jeunes année ? Le doute s'empara étonnamment de son esprit sur cette épineuse question...

Elle n'eut pas bien le temps d'y réfléchir, déjà la fête reprenait. Le duc lui glissa alors une anecdote qui se voulait humoristique, et réussit cette fois son effet. Aëlys étouffa un rire discret avec ce naturel encore enfantin qui la caractérisait tant. Si elle grandissait, sans doute garderait-elle cette clarté cristalline de voix, un peu naïve, comme une envolée de pierreries scintillantes jetées au vent d'un geste insouciant.

- Ravie d'avoir pu vous débarrasser d'un cadeau déplaisant ! Et n'ayez crainte, je ne suis pas de celles qui révèlent les secrets des autres sans vergogne... 

La seconde phrase avait été prononcée avec plus de sérieux et de lenteur, tout en jetant un regard mi-figue mi-raisin sur la foule entassée et dont elle devinait les commérages.

Monseigneur... Cela vous dérange-t-il de nous éloigner des autres ? Je... Je ne suis pas très à l'aise en société...

Sa timidité reparaissait soudain avec une vigueur nouvelle. Mais avant même qu'il n'ait pu répondre, une pensée fulgurante lui traversa l'esprit et lui fit retrouver une certaine contenance bien que la surprise se lise clairement sur son visage à la bouche très légèrement ouverte et aux pupilles dilatées..

- Au fait, Monseigneur, vous connaissez mon prénom ?
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MessageSujet: Re: Qui sème le vin récolte la grande fête [Aëlys]   Qui sème le vin récolte la grande fête [Aëlys] I_icon_minitimeDim 8 Déc 2019 - 11:24


Si Arnaud avait voulu détendre la rosière avec son trait d'esprit, il en eut pour son argent. Les lippes de la jeune fille s'étaient étirées en un doux sourire, et sa jolie voix chantante ne laissait plus guère transparaître la moindre crainte. Elle le craignait d'autant moins qu'elle lui proposa, avec une candeur touchante, d'aller s'isoler avec elle, soi-disant pour fuir la présence oppressante des convives. Si elle semblait sincère, Arnaud flairait la supercherie ; ce ne serait pas la première fois qu'on lui ferait le coup. Il devinait, cachée parmi les invités, la mère de l'adolescente probablement occupée à les épier, espérant voir sa fille mettre le grappin sur le gros poisson qu'il était. C'était un brin sordide, mais, parbleu ! Pour une famille de la petite noblesse, un jeune duc de vingt-trois ans, pas encore marié, ça représentait une sacrée aubaine ; c'était ça ou la refourguer à un vieux châtelain grabataire.

Eut-il eu quelques années de moins, Arnaud serait probablement entré dans son jeu, faisant fi des conséquences, quitte à profiter de la naïveté de la rosière. Aujourd'hui, il savait ce jeu dangereux ; ce n'était guère le moment de déclencher un incident, qui plus est avec une famille de la noblesse ancenoise. Il allait décliner l'invitation, en arguant que ce ne serait pas convenable, que cela ferait forcément jaser, que ce serait mettre à mal la réputation de la jeune fille - et probablement un peu la sienne. Mais avant qu'il n'ait ouvert la bouche, la jeune Ancenoise se rappela d'un détail : le duc avait prononcé son prénom. Il le connaissait donc, et ce alors même qu'elle ne s'était pas présentée.

« On me l'a dit tout à l'heure, commença Arnaud, c'était quand... euh... »

Devait-il lui révéler qu'il avait lui-même posé la question à un partenaire de jeu, plus tôt dans la soirée ? C'était gênant. Ce serait admettre que, d'une certaine manière, elle lui avait suffisamment tapé dans l'œil pour qu'il ait eu besoin de demander.

« Faramond m'avait dit qui viendrait, mentit-il, et je connais presque tout le monde, en-dehors de votre famille. Par élimination, ce n'était pas très dur de deviner. » Il esquissa un sourire, sachant très bien que son mensonge éhonté n'était pas des plus convaincants.

A quelques mètres d'eux, la voix de Faramond retentit de nouveau, s'adressant à l'ensemble des convives : « Et maintenant, je propose que nous dansions une pavane ! » Misère de misère, songea Arnaud, qui ne tenait pour rien au monde à s'infliger de nouveau un tel supplice. Il plongea son regard dans celui d'Aëlys, et la perspective de s'isoler avec elle lui parut plus tentante que jamais. Rien que pour fuir la clique des danseurs, se dit-il, comme pour se convaincre lui-même de la pureté de ses intentions.

« Retrouvez-moi dans les jardins, dans cinq minutes », glissa-t-il à l'intéressée, avant de s'éloigner.
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