Ambassade pluvieuse [Jérôme de Clairssac]

Sujet: Ambassade pluvieuse [Jérôme de Clairssac] Mar 6 Jan 2015 - 15:35

L'An Huit du onzième cycle
Troisième ennéade de Barkios
Le deuxième jour...

Les mains jointes sur le rebord de la fenêtre, le seigneur de Wenden se perdait dans la contemplation du bourg. Il n'y avait aucune beauté dans ce fouillis de toits d'ardoises, de rues crasseuses et de murs de vieille pierre grise, cernés par d'imposants remparts. Mais il procurait un sentiment de sécurité - ce qui était bien la moindre des choses pour une ville de garnison bâtie à la frontière de la malelande, protégeant la trouée vers Serramire. Les relations avec le voisin serramirois paraissaient détendues, mais en ces temps troublés, la prudence était de mise ; si la plupart des hommes avaient reprit le chemin de leurs fermes ou de leurs élevages, Wenden restait gardée nuit et jour par une garnison restreinte mais suffisante.

Wenden gardait ses sens en alerte ; car si le temps paraissait comme suspendu dans la péninsule, les événements pouvaient à tout moment s'enchaîner et donner lieu à quelque dénouement dramatique. Roderik n'était pas un homme très optimiste. Une chose l'obsédait ces jours-ci : l'information. Il avait passé une ennéade à parcourir la malelande, à rendre visite à d'autres seigneurs arétans, et échanger les rumeurs qui étaient parvenues ici ou là, cherchant à démêler le vrai du faux. Et à plus d'une reprise, il s'était rendu à Arétria-la-capitale, afin de s'entretenir avec le comte Alwin. Son zèle ne manquait pas d'étonner autour de lui ; on l'avait rarement vu s'impliquer autant dans ses devoirs de vassal. Le sujet de leurs conversations était jusque là demeuré confidentiel, et Roderik ne semblait pas disposé à en parler, même au sein de son petit cercle de confiance.

Il faisait constamment surveiller ses terres, et même au-delà. Nuit et jour, des cavaliers prenaient discrètement la route afin de sonder le pays, puis venaient lui rapporter tout ce qu'ils avaient vu et entendu. On ne pouvait lâcher un pet dans l'est de la malelande, si discret fut-il, sans que le seigneur de Wenden n'en soit informé.
Et pourtant, impossible de prévoir quelle tournure prendraient les choses. Les rumeurs étaient chaque jour plus alarmantes. Le Sud et le Médian jouaient leur petit jeu, et l'on ignorait à quoi s'en tenir avec Sainte-Berthilde. Arsinoé d'Olyssea était portée disparue, laissant les arétans dans le doute en l'absence de véritable suzerain.
Le doute... il n'y a rien de pire pour un seigneur, lorsqu'une guerre menace.

- Seigneur Roderik.

Le chevalier se tenait sur le seuil de la porte, les cheveux trempés, les vêtements boueux et cet air las qu'ont les hommes qui viennent de parcourir une longue distance à cheval.

- Wulfric. Quelles sont les nouvelles ?

- Nous avons repéré un groupe de cavaliers se dirigeant par ici.

- Combien d'hommes ?

- Une dizaine. Aucune bannière, on a pensé à des pillards mais il semble qu'ils traversent le pays sans causer de dégâts. Enfin bon, le fait est qu'ils arrivent du sud.

Velteroc, pensa aussitôt Roderik.

- Bien. Je vais demander à Athaulf de seller mon cheval. Essaie de trouver Brimberne et Karrof. Nous partons immédiatement.

~~ ~~

Il pleuvait à verse, et les chemins poussiéreux s'étaient transformés en une boue infecte. Leurs armures dégoulinantes, Roderik de Wenden, Wulfric de La Fosse, Beirand de Pisfroid et Leudaste le Jeune ainsi qu'une dizaine de reîtres de la garnison de Wenden chevauchaient à la rencontre des cavaliers provenant du sud.

Les deux groupes ne mirent pas longtemps à se trouver dans la grande plaine. Roderik ralentit l'allure et aucun de ses hommes ne dégaina l'épée ; on déploya la bannière de Wenden, de gueules au cheval cabré d'argent. Ainsi ils sauraient en face que l'intention première du seigneur était de parler. Toutefois, le fourreau restait à portée de main si leurs intentions étaient hostiles.

Roderik s'arrêta à distance suffisante pour être entendu, et, d'une voix forte, lança :

- Vous vous trouvez sur les terres de Roderik de Wenden. Quelles affaires vous mènent dans la mal...

Il s'interrompit en reconnaissant celui qui devait commander en face. Jérôme de Clairssac, le maréchal du Nord. Aucune confusion n'était possible ; Roderik avait prit part aux conseils de guerre lors de la campagne d'Oësgardie, son précédent suzerain ayant fait cause commune avec Clairssac. Et lorsque Wenceslas était tombé malade, c'était Roderik lui-même qui avait annoncé à l'état-major le retrait des troupes arétanes.
Mais ce n'était là que leur rencontre la plus récente. Roderik avait déjà vu le baron d'Etherna avant cela, des années plus tôt...

- Maréchal de Clairssac, je dois avouer que c'est pour moi une grande surprise de vous voir ici. Et une chance. Sachez que mon suzerain Alwin de Karlsburg, qui vous tient en haute estime, comptait s'entretenir avec vous.

Et qu'il serait fort surpris d'apprendre que vous venez du sud, alors que nous vous croyions en Oësgardie... inutile de réfléchir bien longtemps pour comprendre.
Roderik esquissa une grimace, qu'il réprima rapidement, mais cela aurait aussi bien pu passer pour de la gêne par rapport aux intempéries. La pluie lui martelait le visage, bien que ce fut en vérité le cadet de ses soucis. Si ce que je crains se confirme, cela pourrait ruiner nos projets.

- Si vous daignez retarder votre voyage d'une journée, nous pourrions tous gagner du temps, maréchal. J'aimerais vous inviter à Wenden, où nous pourrons converser à l'abri. Le comte d'Arétria est d'avis que le Nord ne peut souffrir de la discorde qui ruine actuellement le reste de la péninsule, et je partage cette opinion.

Sujet: Re: Ambassade pluvieuse [Jérôme de Clairssac] Mar 13 Jan 2015 - 11:10

Jérôme avait chevauché en bien des endroits ces derniers temps. Il avait trouvé une entente avec son ami Nimmio, puis il avait chevauché sur Diantra ou il avait trouvé la ville en piteux état, un nombre conséquent de soldats et de citoyens l'ayant quitté pour on ne savait ou. Bien des habitants étaient restés car ils n'avaient nul par ou aller et préféraient rester la ou leurs ancêtres avaient vécu et étaient enterrés. La régente n'était bien entendu plus la comme l'avait apprit le réseau d'espionnage du nouveau duc du médian. Jérôme était alors partit vers Port royal et discrètement il avait alors reçu l'information que la dame régente était partit en bateau avec beaucoup de bagage et son fils, Bohémond en direction de Sharas. Le baron était alors remonté et cette fois-ci il avait apprit qu'un bateau s'était échoué mais qu'il n'y avait aucune trace de la régente ou de sa suite, bien qu'un autre bateau, n'ayant apparemment rien à voir avec la couronne, avait accosté. De plusieurs solutions se présentaient, soit son bateau avait également chaviré et elle était morte en mer avec sa suite et la roi, soit ils avaient accosté ailleurs, mais allez savoir ou, soit ils étaient toujours en route mais c'était plus qu'improbable. Dans tous les cas, des questions resteraient sans réponse et cela préoccupait beaucoup. Il prit donc la route du nord pour tenter de rencontrer ENFIN le marquis de Serramire et mettre à plat leur querelle qui, aux yeux de Jérôme, n'en était pas une.

Les jours se succédèrent et ils passèrent la frontière d'Aretria, toujours sans bannière et s'arrêtant le minimum vital, forçant les montures juste assez pour dévorer les lieux sans les fatiguer et en garder sous le sabot pour une chevauchée endiablée au cas ou ils seraient interceptés. Les relations entre Jérôme et le comte étaient au bonnes même si les deux hommes ne semblaient pas pouvoir devenir amis, loin de la mais le baron préférait la discrétion tout de même, ne sachant pas ce qu'il retournait des nouvelles allégeances d'Aretria suite au décès du comte. Le comté n'avait jamais des plus plaisants, ni les terres riches et fertiles mais le courage était dans leur cœur.

Ce jour, il pleuvait à verse, Jérôme et sa garde étaient trempés et transi jusqu'aux os, ainsi que crottés par la boue qui faisait office de chemin. Les montures aussi était dans un piètre état malgré leur réservation, la durée de la cavalcade commençait à peser. Elles auraient mérité les soins qui leur seraient prodigués lorsque tout cela serait terminé. Ils se trouvaient dans une plaine des plus plates et sans aucun endroit pour se dissimuler ou se retrancher en cas de bataille. Un garde leva le bras, montrant au loin un autre groupe de cavaliers qui venaient d’apparaître. La vision était mauvaise avec ce temps et les deux troupes étaient relativement proche lorsqu'elles se virent mutuellement. Jérôme leva la main et sa garde s'arrêta à ses côtés, prêt à en découdre s'il le fallait et à protéger leur baron. Une bannière fit son apparition avec un cheval cabré en argent. Jérôme connaissait cette bannière qui l'avait accompagné dans ses dernières campagnes auprès du comte de Karlsbourg, il s'agissait de la famille Wenden. Le baron reconnut l'homme qu'il avait aperçu dans les conseils mais lui même ne reconnu pas Jérôme, n'ayant pas sa bannière déployée et avec la pluie rendant tout cela plus compliqué.

Rodérick se présenta, puis alors qu'il continuait sa phrase, il s'arrêta soudainement, semblant reconnaître son interlocuteur qui avait les cheveux qui lui collaient sur le crane. Jérôme nota que lorsqu'il reprit, il lui donna du maréchal, ce qui n'était pas une mauvaise chose, leurs relations étaient sans doute toujours identiques. Il releva aussi les mots employés, le fait que leur rencontre était une chance, preuve qu'ils n'étaient pas hostile, de même que le fait que le nouveau comte l'avait en estime, ce qui était parfait. Il n'y avait donc apparemment pas de danger, sauf s'il y avait une fourberie en préparation. Apparemment, Alwin comptait s'entretenir avec Jérôme mais ce dernier ne savait pas de quoi il retournait. Peut être qu'il allait redonner son aide au baron, qui sait, de plus qu'en ces temps troublés, les alliés ne couraient pas forcément les rues. Roderick semblait vouloir retenir Jérôme et converser avec lui de choses importantes. Le baron s'avança, écartant les gardes qui l'avaient encerclés pour mieux le protéger, afin de se porter aux devants du seigneur de Wenden

"Je vous présente mes salutations Roderick, si vous permettez que je vous appelle ainsi ?"

La bataille et les camps ont tendance à rapprocher les hommes et Jérôme était de ceux qui aimaient gagner la confiance de ses hommes. De ce fait, plutôt que de rester dans sa tente, isolé de tous, il préférait arpenter le campement pour discuter avec ses soldats et tisser des liens. Roderick faisait partit des hommes d'Aretria mais ce n'était pas grave, ils avaient combattu de concert en Alonna. Jérôme leva les yeux pour regarder la pluie tomber

"J'accepte votre invitation avec joie, il sera bon de se sécher et d'éviter que le mal ne nous prenne. De plus, je partage la même opinion que vous et ce retard ne me semble pas si malavisé que cela."

Jérôme suivit alors le seigneur de Wenden qui amena sa suite dans son château. Il semblait que certains enjeux allaient voir le jour sous peu, il fallait maintenant savoir jusqu'où Rodérick pouvait aller en parlant au nom de son comte.

Sujet: Re: Ambassade pluvieuse [Jérôme de Clairssac] Mar 13 Jan 2015 - 12:35

Par bonheur, le baron accepta son invitation sans hésiter une seconde. Roderik aurait cru que les choses seraient plus compliquées ; mais peut-être était-il devenu un peu trop pessimiste ces temps derniers. Clairssac, à première vue, était un homme affable et conciliant. Il n'avait pas eu beaucoup d'occasions de parler avec lui à Alonna, ni en Oësgardie, le baron s'étant d'abord concerté avec le comte Wenceslas. De près, il ne ressemblait pourtant pas au seigneur de guerre que l'on décrivait parfois ; Clairssac s'était illustré dans de nombreuses campagnes dans le Nord. Serramire, Alonna, Oësgard... et même la guerre de Sainte-Berthilde, se rappela-t-il avec un certain pincement au cœur.

Ils parvinrent rapidement à Wenden. L'avantage pour Jérôme de Clairssac était que cette entrevue ne lui ferait faire aucun détour, Wenden étant sur la route vers Serramire. Et, lorsque le seigneur, le baron et leurs escortes respectives entrèrent au trot dans le bourg, Roderik lança, un drôle de sourire aux lèvres :

- Voici la ville de Wenden, maréchal de Clairssac. Mais je crois qu'il ne s'agit pas là de votre première visite, n'est-ce pas ?

Lorsqu'ils furent dans la cour du château, le seigneur mit pied à terre. Aussitôt le jeune Athaulf accourut pour s'occuper de sa jument, et d'autres palefreniers se présentèrent aux chevaliers qui accompagnaient le baron. Roderik congédia ses propres hommes et, s'avançant vers Clairssac, indifférent aux grosses gouttes de pluie qui continuaient à lui cingler le visage, il désigna de la main tout ce qui les entourait.

- Mon père a organisé un tournoi ici-même, il y a quelques années. Peu de temps avant la désastreuse campagne de Sainte-Berthilde. C'est ce jour-ci que je vous ai aperçu la première fois. Vous étiez en compagnie du comte Anseric de la Rochepont et de son épouse.

Un bref silence s'installa, comme si, l'espace d'un instant, Roderik réfléchissait à ce qu'il devait faire, fixant le baron d'un regard dans-lequel brillait une lueur accusatrice. Puis subitement il se détendit, et reprit avec entrain :

- Je vous ai vu jouter et désarçonner un de ces chevaliers Lünestenais. Vous avez même tenu tête au comte Anseric, et si vous n'avez su lui faire mordre la poussière, il n'a pas davantage réussi avec vous. Peu d'hommes étaient capables d'un tel exploit, Anseric était un grand guerrier.

Il évoquait toujours le comte Anseric avec un certain respect, et ce même s'il avait ployé le genou devant son successeur, un homme fort différent. Mais le monde n'est peuplé que de ça : des êtres fort différents. Il y a les forts, les faibles, les courageux, les lâches, les loyaux et les traîtres. Les beaux et les laids. La propreté et la merde.

Il invita enfin le baron d'Etherna à le suivre, et ils pénétrèrent dans le château, accompagnés d'une rafale de pluie s'engouffrant par la porte ouverte et crépitant sur le sol de pierre. Roderik aimait cette demeure familiale, dure et austère, où se succédaient depuis la nuit des temps des hommes solides et sans faux-semblants. Dans une petite pièce isolée, il invita Clairssac à prendre place sur l'un des fauteuils qui faisaient face à la cheminée. L'âtre répandait une chaleur fort bienvenue après une chevauchée sous l'averse. On leur servit du vin. Le seigneur se mit à l'aise, jetant sa cape à un page avant de s'asseoir.

- Le royaume est au bord du gouffre, lança-t-il soudain de but en blanc. Les choses vont mal depuis des années, mais ces dernières ennéades ont été marquées par des événements des plus accablants.

Il resta pensif un bref instant, les yeux mi-clos comme s'il était en plein recueillement. Puis il reprit :

- Dites-moi, maréchal de Clairssac, comment se déroule la courageuse reconquête que vous menez au Nord contre les... ennemis du royaume ?

Sujet: Re: Ambassade pluvieuse [Jérôme de Clairssac] Mer 14 Jan 2015 - 11:21

Jérôme avait facilement accepté pour plusieurs raisons. La première étant qu'il ne connaissait pas la position du nouveau comte et que toute information était maintenant précieuse, surtout si on l'avait avant les autres. La seconde parce qu'en effet, il fallait bien discuter de tout cela et que le fait de passer sur les terres permettaient, sans perdre trop de temps, de parler à bâton rompu (du moins il l'espérait) des événements récents et dramatiques. Enfin, la pluie incessante et la perspective d'un lit et d'un toit sur la tête ainsi qu'un bon repas n'était pas du luxe.

La troupe et les deux nobles arrivèrent en vue de Wenden, une ville que le baron connaissait. Roderik souleva d'ailleurs cela mais Jérôme ne répondit que d'un signe de tête, le regard sombre, non pas envers le seigneur mais en raison de tout ce qu'il se passait dernièrement. Ils pénétrèrent dans la cours du château et leurs montures furent prises pas les palefreniers. Jérôme donna une tape amicale à sa fidèle monture avant qu'elle ne soit emmenée, il espérait qu'elle recevrait un bon traitement, elle l'avait bien mérité. Roderik congédia sa troupe et Jérôme en fit de même avec ses gardes même si l'un d'eux resta présent pour sa protection. Roderik revint sur la joute qui avait eut lieu et sur la victoire du baron jusqu'en final et au fait qu'il avait tenu tête au comte en personne

"Je me souviens très bien de ce moment, c'était la première fois que je voyais le comte et je l'avais pris en sympathique. Les obligations des serments m'ont amené à me retrouver malheureusement contre lui lors de la campagne de Sainte Berthilde, c'était funeste et je n'ai pris aucun plaisir dans cette campagne. En voyant les résultats sur le long terme, je me dis qu'il aurait été sans doute mieux pour le royaume que nous soyons les perdants."

Il croyait ce qu'il disait et ce n'était pas un jeu de politique pour s'attirer les bonnes grâces du seigneur. Jérôme aurait même pu se trouver du côté du comte s'il lui avait demandé et si Grégoire n'avait prit cause pour la marquise.

"Pour tout vous dire, sire Roderik, j'ai surtout eu de la chance. Je n'ai été un brillant jouteur et je ne remet nullement en compte les compétences aguerries du comte de La Rochepont mais c'est à la seule chance que je dois d'être resté sur ma monture lorsque je l'ai affronté. Un peu d’opiniâtreté et d'orgueil également sans doute pour être franc."

Perdu dans ses pensées, Jérôme n'avait pas relevé le ton respectueux de Roderik lorsqu'il parlait de l'ancien comte. La mort de Wenceslas devait être un coup dur pour le comté qui avait perdu deux comtes en peu de temps. La stabilité du royaume n'existait plus, il serait dommageable d'avoir des troubles à l'intérieur même de ses terres au moment ou l'on avait le plus besoin d'unité pour affronter les jours à venir.

Le seigneur de Wenden invita le baron à entrer, ce qu'ils firent, appréciant sans doute le fait que la pluie ne leur tombe plus dessus. Jérôme du moins l'appréciait après avoir chevauché sous le mauvais temps depuis quelques jours. Lorsqu'ils pénétrèrent dans la pièce ou Roderik invitait Jérôme à entrer, ce dernier fit signe à son garde de rester dehors, ce qui ne plut pas à celui-ci mais le baron n'était certainement pas un homme sans défense alors qu'il était un duelliste accomplit. Jérôme entra dans la pièce et vit immédiatement le feu qui ronflait dans son âtre, promesse de chaleur. Il défit sa flamberge qui pendait dans son dos, trop grosse et longue pour tenir à ses côtés et il la posa au sol contre l'accoudoir du fauteuil ou il prit place. Le vin fut servit et le silence fut rompu par Roderik qui n'y alla pas par quatre chemins. Il parla de l'état déplorable du royaume et demanda des nouvelles du front qu'il avait quitté voila quelques temps.

La surprise était visible sur les traits du baron qui se ressaisit rapidement, il ne pensait pas qu'on parlerait aussi ouvertement et aussi rapidement. Lui qui adorait la franchise, il était comblé, à moins que ce ne soit un subterfuge. Il se décida à enfoncer la porte ouverte tout en débutant par un test

"Et bien, je vois qu'on ne s'encombre pas avec des ronds de jambes et des courbettes, voila qui me satisfait. Vous avez foutrement raison, le royaume est au bord du précipice et il semble que les seigneurs se précipitent pour savoir lequel va plonger le premier.

La campagne de Sgarde est un bourbier maintenant que le marquis de Serramire y a mit les pieds et que les sombres y ont fait leur entrée"

Jérôme marqua une courte pause avant de lancer son test

"Dites moi, puisqu'on ne s'enconbre pas avec la politesse et les faux semblants, je me doute que vous ne m'avez pas fait venir ici pour juste discuter du front ? qu'elle est la véritable raison ? et surtout quelle est la position du nouveau comte suite aux événements ? si vous continuez à me répondre franchement, je vous promet d'en faire de même."

Voila une discussion qui s'annonçait sans détour, Jérôme espérait que ce serait toujours le cas et qu'il n'y aurait pas de tentative de fuite ou de mensonges entre les deux hommes

Sujet: Re: Ambassade pluvieuse [Jérôme de Clairssac] Mer 14 Jan 2015 - 23:49

Roderik avait eu vent que le marquis de Serramire s'était mêlé à la guerre d'Oësgardie, et Clairssac venait de le confirmer. La chose, du reste, n'avait rien d'étonnant. Oësgard et Alonna étaient historiquement des terres vassales de Serramire, et il allait sans dire que le marquis voyait dans le chaos ambiant l'occasion inespérée de restaurer sa suzeraineté. La tâche serait néanmoins ardue, d'autant plus que le maréchal de Clairssac, fort concerné, avait visé de tout autres projets. Et la nouvelle baronne d'Alonna, cette intrigante Alanya de Broissieux, obscurcit davantage encore le tableau. Le Nord est le terrain d'une multitude d'enjeux pour de multiples acteurs aux visées divergentes. Pas évident, dans ces conditions, de l'imaginer uni face aux nouveaux périls qui s'annonçaient.

C'était pourtant le pari que tentait Roderik en s'entretenant avec Clairssac. Et il s'était fait toute une montagne de cette entrevue, l'imaginant plus comme une confrontation qu'une discussion. Contre toute attente, son interlocuteur montrait une certaine préférence pour la franchise. Roderik en vint à croire qu'il s'était trompé à son sujet, et qu'il l'avait fort mal jugé au cours de la campagne d'Oësgardie. En même temps, Clairssac était entouré d'alliés en qui il ne pouvait avoir confiance au cours de ces conseils. Les Broissieux... ce capitaine royal, qui fut le premier à quitter le navire... et Wenceslas, aussi. Il n'aurait jamais trahi le baron, mais les deux hommes ne s'entendaient pas. Guère étonnant, du coup, que Clairssac m'ait paru si distant. Bien, puisqu'il veut de la franchise, je vais lui en donner.

- Vous parlez un langage qui me plaît, maréchal, répondit-il en souriant.

Il continuait encore à lui donner du "maréchal", ce qui n'était pas innocent ; le titre avait été conféré à Clairssac par la régente Arsinoé. Une manière de rappeler au baron quel parti il défendait - du moins jusqu'à présent.

- Parlons sans détour alors. Vous arrivez du sud, vous devez donc savoir mieux que moi ce qui s'y passe. On dit que le comte de Velteroc a prit Diantra. Que, dans le Médian, il s'est approprié un nouveau titre que nous ne lui reconnaîtrons pas. Que la régente Arsinoé aurait disparu, et que notre roi Bohémond aurait subi le même sort. Ces informations nous viennent de Velteroc en personne, qui nous a invité... il s'interrompit quelques instants, cherchant ses mots, une sorte de faire-part, dira-t-on, lança-t-il avec un rictus amer. Nous invitant à nous joindre à sa célébration de charognards, pour apporter notre part de légitimité au royaume qu'il entend fonder sur les ruines de celui qu'il a détruit.

Il laissa le temps à Jérôme de digérer ses paroles, pendant qu'il buvait une gorgée de vin. C'était de la piquette, malheureusement. Mais il ne pouvait plus supporter les grands crus de Hautval, ceux-ci lui donnaient curieusement des aigreurs d'estomac. Pour une raison toute autre que leur goût.
Puis il enfonça le clou.

- Enfin bref, pour la faire courte, nous les arétans nous considérons que Velteroc est une belle petite salope. Là-dessus, Clairssac ne pourrait l'accuser de manquer de franchise, encore moins d'user de la langue-de-bois. Non content de s'en être prit par le passé à notre comte Wenceslas, il a révélé sa duplicité au grand jour... prendre les armes contre les armées du roi, maréchal. Contre le roi. Organiser sa destitution. S'accaparer le Médian, bravant l'autorité de son suzerain légitime Léandre d'Erac. Il pourrait déambuler avec une pancarte indiquant "traître" que ce ne serait pas plus clair. Nimmio de Velteroc dit sauver le royaume, alors qu'il vient de le détruire.

A mesure qu'il prononçait ces mots son sourire s'était peu à peu effacé, comme si en énonçant la vérité il prenait du même coup conscience de toute sa gravité. Une espèce de colère, même, animait ses paroles, vibrant dans chaque syllabe. L'on n'est jamais plus convaincant que lorsque l'on est soi-même convaincu de quelque chose. Puis, se radoucissant, il ajouta d'un ton presque innocent :

- Mais comme je le disais plus tôt, vous arrivez du sud. Peut-être avez-vous eu vent de nouvelles qui ne nous seraient pas encore parvenues, maréchal.

Sujet: Re: Ambassade pluvieuse [Jérôme de Clairssac] Mar 20 Jan 2015 - 12:23

Apparemment, Roderik semblait apprécier le langage franc et direct, voila une conversation qui allait peut être devenir intéressante si les deux nobles continuaient ainsi. Le seigneur des lieux releva donc cette franchise et il continua, donnant les informations qu'il avait en sa possession. Effectivement, il n'avait rien à apprendre au baron qui savait déjà tout cela. De plus il semblait qu'il ne portait pas le comte de Velteroc dans son cœur, parlant d'un heurt par le passé entre Nimmio et Wenceslas. Voila une nouvelle que Jérôme ne connaissait pas

"Vos informations sont justes. Je viens du sud et je me suis entretenu avec le comte de Velteroc, de même que j'ai de mes yeux et appris certaines choses. Les armées royales ont bien été défaite devant la ville de Christabel, un véritable désastre, entre les morts, les blessés, les capturés et les fuyards, l'armée royale n'existe tout simplement plus. Elle était appuyée par Odélian qui eut son lot de perte, ce fut une victoire éclatante et très net du comte, cela est un fait.

Il m'a annoncé la disparition de la régente et sous couvert de servir d'intermédiaire, je me suis rendu à Diantra. Non seulement, la régente et son fils n'y sont pas, ayant fuit vers Port Royal mais pire, la ville a été déserté par le chancelier qui a emmené avec lui une partie des habitants et de la garnison. La ville éteignait encore les incendies allumés par le chancelier quand j'y suis entrée. Elle est donc belle et bien entre les mains de Nimmio de Velteroc, ou du moins entre celle de l'un de ses alliés, le nouveau baron de Missède."

Jérôme ne savait pas si Roderik connaissait les alliés du comte

"En effet Langehack s'est allié au comte et l'a renforcé de ses troupes, ou du moins celle de son duché et de Missède, ils font cause commune et leur avancée est indéniable, les terres royales se rendent au fur et à mesure de l'avancée des troupes."

Voila pour la situation militaire et l'avancée au moment ou Jérôme l'avait vu

"Le comte s'est fait nommer grand duc du médian, je ne sais pas comment il a fait avec Erac, ni si le duchés s'est effectivement rendu ou si c'est juste un titre qu'il s'est donné en attendant la chute de ce dernier. Mais dites moi, vous ne semblez pas apprécier le comte et pas seulement en raison de sa prise d'arme contre la couronne, que s'est il donc passé entre le comte de Karlsbourg et celui de Velteroc ? je ne suis pas au courant"

Il attendit la réponse avant de continuer

"Concernant la régente, j'ai suivis sa piste donc à Diantra, puis à Port Royal ou il apparaît qu'elle a embarqué sur des bateaux en catastrophe, prenant pour direction Olyssea et le port de Sharas. Je m'y suis rendu mais elle n'a jamais débarqué. De la plusieurs suppositions ont été faites; La première, après avoir vu la carcasse d'un bateau échoué sur les plages est qu'elle est morte avec son fils. Le soucis est que lorsqu'elle a fuit, il y avait plusieurs bateaux et il n'y en a eu qu'un seul qui s'est échoué, s'il faisait partie de la flotte, ce qui n'est pas certain. Elle peut donc être effectivement morte ou alors se trouver n'importe ou ou elle a demandé à son bateau d'accoster, comment le savoir ? En tout cas, il n'y a plus aucune nouvelle d'elle et de son fils depuis son départ de Port Royal, ce qui amène nombre de gens à la considérée comme morte car il est illusoire qu'elle débarque à quelques endroit sans qu'on la remarque."

Jérôme s’arrêta un bref instant pour faire digérer les informations à Roderik, du moins s'il n'avait pas connaissance de celles-ci. Le baron s'approcha du bord de son fauteuil pour être plus près de l'âtre et il but une gorgée avant de reprendre

"Vous savez, le comte de Velteroc n'a pas prêté serment le jour des funérailles de notre bon roi Eliam et il a faillit tomber dans une embuscade tendue par la régente pour le capturer, rompant les règles de l'hospitalité. Leur confrontation était inévitable. Je pense, pour ma part, que le royaume à volé en éclat plus à ce moment que ces derniers temps. Le comte semble vouloir la paix maintenant qu'il réglé ses comptes avec la régence. Je vous redemande donc si le comte d'Aretria à une position claire et définie ? quelles sont ses attentes avec tout ce qu'il se passe ? Et qu'attendez vous de moi puisque vous avez tenu à vous entretenir chez vous ?"

Sujet: Re: Ambassade pluvieuse [Jérôme de Clairssac] Mar 20 Jan 2015 - 17:59

Comme il le craignait, les informations que le baron d'Etherna pouvaient lui fournir n'étaient pas réjouissantes, loin de là. Il confirmait la percée de Velteroc dans les domaines royaux, une percée que nul ne semblait pouvoir arrêter pour le moment. Depuis la débâcle de Christabel, les volontaires pour se faire piétiner manquent étrangement à l'appel. Clairssac confirmait aussi la disparition d'Arsinoé d'Olyssea. Autant le dire, le tableau était assez noir.

Des nouvelles qui avaient dû préoccuper Clairssac tout autant que lui, si bien que le baron d'Etherna avait prit les devants en partant rencontrer l'homme fort du moment. Il ne s'en cachait pas, et Roderik devait lui reconnaître cette franchise ; mais il n'approuvait pas. Après tout, Clairssac avait prit le parti de la régente, tenait d'elle son titre de maréchal du Nord et, de là, sa légitimité pour prendre Oësgard. Il n'aurait pas rencontré Velteroc s'il n'avait pas envisagé de tourner casaque. Qu'il embrasse le parti des vainqueurs, cela se conçoit... mais tout n'est pas joué. Nous avons encore des cartes à abattre.

- Le comte Wenceslas, au tout début de son règne, avait été enlevé par Velteroc alors qu'il passait par le Médian en revenant de Diantra. Velteroc aurait sans doute été dans son droit si Wenceslas s'était déplacé avec une armée ; mais il n'était accompagné que de quelques hommes et ne menaçait personne.

Roderik grossissait quelque peu les traits ; il omettait de préciser que Velteroc avait libéré le comte par la suite sans exiger de rançon - rançon qu'il n'aurait, du reste, pas perçue puisque Wenceslas n'était à l'époque pas encore reconnu par la majorité de ses vassaux, pas même par Roderik. Il n'en demeurait pas moins que ce fâcheux épisode ne fut pas oublié. Roderik n'avait jamais eu une grande affection pour Wenceslas, mais c'était tout de même le comte d'Arétria, et on ne s'en prend pas impunément au maître de la malelande ; il en allait de leur réputation. Les malelandois sont des gens rancuniers, et les odieux forfaits de Velteroc à Diantra ne faisaient que le salir un peu plus.

Clairssac ne partageait pas la même aversion, de toute évidence. Et lorsqu'il évoqua sa vision de la chose, il fut clair qu'ils n'avaient pas exactement la même lecture des faits.

- Vous me dites que Velteroc n'a pas prêté serment à la couronne, mais nul ne le lui demandait. Seuls les grands vassaux sont appelés à le faire. C'était au duc d'Erac de reconnaître le roi Bohémond et la régente Arsinoé, et il l'a fait.

Et Velteroc semble l'en avoir grassement récompensé... songea-t-il avec une pointe d'ironie.

- Je vais être honnête avec vous, Jérôme. Je n'avais aucune envie de voir le rejeton d'Arsinoé d'Olyssea à la tête de ce royaume. Mon père Ganelon et moi-même nous nous sommes battus contre l'armée de cette garce pendant la guerre de Sainte-Berthilde. Mon père est mort, j'ai survécu. Lorsque Wenceslas de Karlsburg est devenu mon suzerain, il a prit le parti de suivre Arsinoé. Il ne m'a pas demandé mon avis... mais en même temps, il n'avait pas à le faire.

Il se souvenait pourtant avoir rechigné à suivre un homme qu'Arsinoé d'Olyssea avait placé à la tête de la malelande comme un pion sur un échiquier. Mais il avait prêté serment malgré tout. Et un serment est un serment. Les Wenden respectent leurs serments jusqu'au bout. Il n'est pire crime que le parjure.

- Ce royaume va mal parce que n'importe quel parvenu aujourd'hui se pense légitime à prendre les armes et à parler au nom de tous dès lors que quelque chose ne lui convient pas. Velteroc appelle à la paix ? On ne demande pas mieux. Mais vouloir la paix n'implique pas nécessairement d'accepter ses conditions. Velteroc a détruit le royaume et entend en ramasser les miettes. Qu'il règne sur les ruines de Diantra, si nous ne pouvons l'en empêcher. Mais plutôt mourir que de voir l'ensemble du Nord cautionner ça. Nous ne devons pas applaudir cet homme. Nous ne devons pas lui apporter une once de légitimité.

A mesure qu'il poursuivait son plaidoyer, Roderik tapait parfois du poing sur l'accoudoir de son fauteuil, comme pour mieux appuyer ses paroles. Il n'aurait jamais cru être capable de parler autant jadis. Mais il était maintenant rompu aux rouages de la politique, après avoir siégé un an au conseil de feu le comte Wenceslas, et avec le rôle qu'il jouait aujourd'hui auprès du comte Alwin.
Mais ce n'était pas le tout, de parler. Clairssac n'était pas un homme qu'il convaincrait facilement, encore moins quelqu'un que l'on puisse berner par de belles paroles. Et, surtout, celui-ci voulait connaître la position du comte Alwin. Il était évident qu'il ne s'engagerait pas sur les promesses d'un simple seigneur, aussi influent soit-il à la cour arétane.

- Le comte Alwin ne veut pas d'autre guerre, dit-il enfin. Ni avec Velteroc, ni avec personne. Mais il ne cédera à aucune des demandes de Velteroc, il ne lui reconnaîtra pas son nouveau titre et refusera d'approuver ses actions. Arétria ne sera pas une province du futur royaume qu'il est en train de se tailler dans le Médian. Nous resterons fidèles à nos principes et nos serments, et même si Arsinoé d'Olyssea n'est plus, vous devez comprendre que le comte Alwin ne peut pas s'allier à l'homme qui a causé la perte de sa suzeraine.

Restait une question en suspens. Qu'attendait-il de Clairssac ? Celui-ci devait l'avoir deviné, mais puisqu'il fallait être franc, autant éviter de laisser la moindre place au doute.

- En portant le coup de grâce, Velteroc a probablement précipité la dynastie Fiiram vers une fin définitive. Il semble que les grands vassaux du roi n'aient aujourd'hui plus de roi à qui prêter hommage. De quel droit pourrait-on aujourd'hui nous en imposer un autre ? Déjà à la mort du roi Trystan, le comte Anseric caressait l'espoir de se séparer de la tutelle de Diantra. Nous connaissons tous deux quel fût son sort, mais la situation aujourd'hui est différente. Réfléchissez-y, Jérôme. Si le Nord poursuivait un destin commun...

Malgré la pénombre, le feu qui brûlait dans l'âtre sembla briller quelques instants dans le regard du jeune seigneur de Wenden, dont le visage se découpait dans le clair-obscur.

Sujet: Re: Ambassade pluvieuse [Jérôme de Clairssac] Jeu 29 Jan 2015 - 10:56

Jérôme n'avait pas eu connaissance de la capture de Wenceslas par les troupes de Velteroc, il devait avouer que la chose le surprit bien qu'il réussit à masquer cela, ayant apprit à garder le contrôle comme tout bon noble sait le faire. Bon il était moins doué que certain mais pour l'instant, il avait réussit à se contenir, écoutant son hôte. Roderik joua sur le fait que les hauts seigneurs seuls avaient été prié de faire un serment envers la régente et son fils. Jérôme sourit

"Certes, vous avez raison. Mais le comte de Velteroc n'avait pas, non plus, reconnut Léandre d'Erac comme duc, surtout depuis sa trahison envers la couronne qui a été durement maté par le régent d'Ivrey. N'oubliez pas que le duché d'Erac était la possession du roi Eliam. En ne reconnaissant pas la régente, ni son fils, ni le nouveau duc qui, d'après Nimmio de Velteroc, n'était qu'un félon sans prétention légitime, il n'est donc pas traître envers la couronne. Je ne dis pas que ses actes sont une bonne chose mais certains termes me froissent et je préfère ne pas les entendre."

Il ne doutait pas que toute la péninsule était au courant de la rupture du serment de Jérôme envers Odélian et du fait qu'il était donc cataloguer de parjure. C'était plus vrai que le comte de Velteroc mais le baron d'Etherna n'avait pas eu le choix. En acceptant, il devenait parjure envers Odélian et en refusant, il ne doutait aucunement que la couronne l'aurait traité de félon envers le roi, ce qui était bien pire et aurait entraîné Etherna ET Odélian dans une situation embarrassante. A moins que Madeleyne ne l'abandonne, ce qui était une possibilité aussi. Tant de problèmes et de choix à faire plus déchirant les uns que les autres. En voulant la paix, il s'était fait bien des ennemis et le pire avait été pour la suite.

En tout cas l’honnêteté était de mise pour l'instant et la discussion était un régal pour quelqu'un comme Jérôme qui adorait la franchise et détestait les demi-mots et les fourberies. Le baron se demandait toutefois ou cette conversation allait mener les deux hommes et ce que Roderik attendait de lui. Il semblait que le châtelain n'appréciait pas non plus la régente, peut être était ce la une bonne chose. Il ne coupa pas son interlocuteur, le laissant finir et voir ou il voulait en venir. Le suite fut une série de mots, plus passionnés les uns que les autres, ponctués par des coups sur la table, le tout dirigé à l'encontre du comte de Velteroc. Roderik ne semblait vraiment pas l'avoir dans son cœur, mais il ne fallait pas non plus, en écoutant sa haine, oublier de réfléchir et voir les intérêts de chacun et la meilleure issue possible.

La discussion prit un tournant, inquiétant aux yeux de Jérôme s'il comprenait toute l'étendue du discours endiablé de Roderik. Celui-ci parlait de refuser tout accord avec le comte de Velteroc mais surtout, il parlait du nord. Que fallait il entendre par la ? Aretria faisait partie de l'Atral et non du nord, parlait il donc d'une entente avec les terres plus au nord. De plus, il semblait parler d'un royaume indépendant, ce qui obligeait à se lier avec d'autres puissances pour ne pas se faire manger purement et simplement. DE la, plusieurs possibilités, ou le châtelain avait des informations que le baron n'avait pas ou alors il avait complètement oublié la situation de celui a qui il parlait, à moins qu'il ne le sache pas, chose des plus improbable. Les yeux de Jérôme s'étaient écarquillés tout de même, sa concentration et son contrôle perdu en ce moment.

"Vos mots sont forts et je me demande si j'en perçois toute l'étendue. De même, je me demande si vous avez connaissance de tous les éléments. J'ai l'impression de voir plusieurs incohérences, permettez moi d'éclairer les points qui sont sombres pour moi et d'apporter quelques éclaircissements de mon côté afin que nous ayons les mêmes éléments en tête pour la suite de cette discussion"

Après s'être un peu avachi dans le fauteuil, profitant du feu après la longue chevauchée qu'il avait entrepris depuis Nulhadon pour faire tout le tour, Jérôme s'était redressé en constatant le tournant de la conversation et le fait qu'elle serait intéressante. Il se tenait maintenant sur le bord du fauteuil, légèrement en avant, captivé par l'échange qui avait lieu et ou beaucoup de choses pouvaient en sortir, que cela soit positif ou négatif. Vu la franchise de son interlocuteur, il décida de continuer sur cette ligne et de ne rien dissimuler pour voir ou cela conduirait tout en étant prudent et en sondant Roderik

"Plutôt que de tout rejeter en bloc, en ne voulant pas accepter les conditions du comte, pourquoi ne pas aller négocier justement vos propres conditions et voir s'il n'est pas possible de trouver un accord ? de chercher une sortie qui irait sur une péninsule renforcée et non sur un éclatement ? Savez vous que le comte, de ce qu'il m'a dit, il faudra voir sur le long terme, ne souhaite pas régner et qu'il souhaite que les pairs du royaume se concertent pour décider de la suite du royaume ? et qu'il n'a donc pas l'intention de diriger de manière despotique sur ce qu'il a acquit ?"

Jérôme n'avait pas l'intention de défendre Nimmio, l'homme savait très bien se débrouiller seul mais il avait l'impression que le châtelain pensait que le comte voulait tout régenter et il était dommage de prendre des décisions en n'ayant pas tout en main. Il serait dommage d'arriver à un éclatement ou une guerre sur un malentendu et un préjugé infondé.

"Vous dites que le comte d'Aretria ne veut pas d'autres guerres mais qu'il refuse d'aller discuter avec le comte de Velteroc ? s'il veut éviter un conflit, n'est il pas obligé justement d'aller négocier avec le comte .
Ensuite, vous parlez de légitimité et du fait que vous restez fidèle à vos serments ? permettez moi de soulevez cela car vous dites que vous restez fidèle à vos serments tout en soulevant la dynasties des Fiiram. Dans ce cas, si vous avez reconnu Bohémond, qui était fils d'Aetius d'Ivrey, vous devriez alors reconnaître ses autres descendances et dans ce cas, c'est l'aînée des filles de la baronne de Hautval qui devrait avoir votre serment ? que dites vous de cela ?

Pour sa part, le comte, ne devrait pas faire appel aux filles de son épouse puisque lui même, ne reconnaissait pas l'ancien régent, soutenant que c'est lui même qui a mit fin aux jours de feu le roi Trystan."

Jérôme scruta attentivement les réactions du châtelain devant ses faits. Il était intéressant d'entendre quelqu'un parler avec haine contre une personne et ensuite appeler un serment qui les amener à se lier à l'épouse de cette même personne. Il parlait pour l'instant plus pour l'unité du royaume et une sortie possible du conflit mais la suite était plus préoccupante pour la baron

"Lorsque vous faites allusion au nord et de la séparation envisagée par Anseric de la Rochepont, vous voulez donc faire sécession du royaume ? et par nord qu'entendez vous ? Aretria et Etherna seul ne feront pas long feu face aux géants que sont leurs voisins, parlez moi plus de ce projet qui semble avoir déjà bien germé ?"

Sujet: Re: Ambassade pluvieuse [Jérôme de Clairssac] Sam 31 Jan 2015 - 22:21

Roderik entendit toutes les remarques du baron d'Etherna sans l'interrompre une seule fois. S'il demeurait calme, le jeune seigneur de Wenden fronça les sourcils plus d'une fois ; il était clair que les réponses de Clairssac l'ennuyaient, et qu'il prenait conscience que cette entrevue ne tournerait pas facilement en sa faveur.
Entendre l'un des parjures les plus notoires du royaume défendre Velteroc a du sens, après tout, remarqua-t-il en son for intérieur, sans avoir la stupidité de l'énoncer à haute voix.

- Vous accordez aux promesses de Velteroc un crédit qui me paraît exagéré, dit-il enfin lorsque Clairssac eut terminé de parler. J'ai aussi entendu parler des rumeurs accusant l'Ivrey de régicide sur la personne du roi Trystan, mais la culpabilité du mage Nakor paraît plus fondée. Après tout, le jeune roi Eliam et sa jeune sœur ont été tués par des mages, et l'Ivrey en fut également victime. Je ne peux me targuer de connaître la vérité, encore moins de la prouver... mais à qui profite la calomnie ? Il était commode pour Velteroc de salir la mémoire du père de notre roi, au moment de s'en prendre à lui. Doublement commode, puisqu'il réhabilite ainsi le magicien. Voilà pourquoi je ne crois guère aux mensonges de Velteroc, même s'il est vrai que je n'ai jamais rencontré l'homme, contrairement à vous. Disons que cela me permet de prendre du recul...

Une gorgée de vin ponctua ce propos que Clairssac prendrait peut-être comme une pique mal dissimulée, lui reprochant de s'être laissé berner par la sympathie et les promesses du comte de Velteroc. Mais Roderik enchaînait déjà :

- Nous autres arétans avons la réputation d'avoir le sang chaud, mais nous sommes tout autant capables de régler les différends par la discussion. Oh, nous pourrions nous asseoir à la table des négociations... mais pas dans les circonstances actuelles, maréchal. Pas tant que Velteroc dissémine ses armées un peu partout au sud de l'Atral, en s'octroyant un pouvoir considérable. Dans les circonstances actuelles, nous n'obtiendrons pas mieux en négociant qu'en prenant les armes contre lui.

Son visage prit une expression peinée.

- Toute la difficulté est là, maréchal. Comment garantir que Velteroc n'usera pas de son influence pour obtenir ce qu'il souhaite ? Comment garantir que les pairs du royaume puissent se concerter librement ? D'ailleurs, nous ignorons tout de l'identité de ces fameux pairs du royaume, puisque Velteroc en a précipité plusieurs à leur perte. Ne voyez-vous pas ce qui se passe, mon ami ? Si nous n'y prenons pas garde, cet appel à la paix ne sera qu'une mascarade pour donner un semblant de légitimité à ses forfaits. Et il aura tôt fait de s'assurer que l'on nomme un roi à sa convenance, qui ne sera qu'un homme de paille...

Il se leva subitement de son siège, comme si le fait de rester assis lui démangeait tout à coup l'arrière-train. Il attrapa un pichet de vin et, sans rien demander à Clairssac, resservit leurs deux coupes.

- L'idée n'est pas de faire sécession du royaume, Jérôme. Ce n'est pas nous qui avons pris les armes contre notre roi. L'idée est de ne pas laisser un usurpateur nous imposer ses choix, même de façon détournée. Si le roi Bohémond réapparaît, il va sans dire que notre soutien lui sera acquis. Mais s'il ne réapparaît point... eh bien, nous ne choisirons un roi que lorsque nous aurons les moyens de peser à la table des négociations. Et le seul moyen est d'avoir la capacité de tenir Velteroc et ses armées à distance.

A défaut de pouvoir les écraser, comme ce chien le mérite.

- Le Nord devrait s'unir autour de cette idée, Jérôme. Réfléchissez-y... une Ligue du Nord, fondée autour d'une idée simple : peser sur la table des négociations, se protéger mutuellement de toute ingérence. Je ne parle pas uniquement d'Arétria et d'Etherna. Je parle de tous les seigneurs du Nord. Ensemble, nous représentons une puissance majeure. C'est là notre garantie d'avoir voix au chapitre. Lorsque nous serons ainsi unis, alors nous serons en mesure de négocier, mais pas avant.

L'échange entre les deux hommes étaient pour l'instant marqué par la courtoisie autant que par la franchise qui demeurait le maître mot, ce qui était un vrai bonheur. C'était dont maintenant à Roderik de répondre, ce qu'il fit. L'allusion au fait que Jérôme était crédule et s'était laissé amadoué n'était même pas voilé

"Vous êtes aussi prompt à dire que je suis crédule que de rejeter en bloc les dires du comte en le traitant de menteur. vous parlez d'avoir le sang chaud mais que vous êtes capable de régler les choses par la parole,d ans le même temps, vous refusez tout compromis et toute négociation, voila qui est des plus surprenant. Je ne vous demande pas de prendre pour argent comptant les paroles du comte de Velteroc, maintenant qu'est ce qui vous empêche de prendre part aux tractations et de négocier ce que vous voulez ? de voir ce qu'il se passe de vos yeux et d'apercevoir les pairs choisis ? il sera toujours temps, si vous ne trouvez pas d'accords qui vous conviennent, de continuer ce que vous faites aujourd'hui, vous retirant de la table des négociations. Mais au moins, l'on ne pourra pas vous reprocher d'avoir refusé d'écouter et d'avoir tout fait pour que le conflit perdure. Votre sagesse sera reconnue d'avoir au moins tenté de parlementer et de trouver une sortie à la crise que traverse la péninsule. Que savez vous de ce que vous pourriez obtenir ou pas avec les mots ou les armes ? le comte en appel à la paix et à l'apaisement. Pourquoi ne pas lui donner au moins le bénéfice du doute et entamer très rapidement des pourparlers, justement pour savoir de quoi il retourne avant qu'il n'avance trop loin. Aujourd'hui vous vous êtes enfermés dans un mutisme et un rejet total à tel point qu'alors que vous parlez et réfléchissez, lui avance et s'octroie les terres que vous lui reprochez, grandissant son pouvoir. Serait ce la jalousie de sa réussite qui vous empêche d'aller au moins parler et discuter des événements actuels ? Son influence ne fait que grossir à chaque instant et je ne pense pas que de rester sur préjugés aide votre cause. Plus vous attendez et moins vous aurez de latitude pour négocier."

Jérôme prit une longue gorgé de vin après cette longue tirade, faisant ensuite tourner le breuvage dans le verre qui se trouvait dans sa main tout en réfléchissant, les yeux dans le feu qui crépite dans l'âtre. Oui Nimmio prenait de plus en plus d'envergure et son pouvoir grossissait et il était évident qu'un homme trop puissant faisait peur, même au baron. Mais il ne comprenait pas le refus catégorique de négocier et de voir un ennemi sans même lui laisser le bénéfice du doute. Roderik avait fait une erreur d'appréciation concernant Jérôme et il venait de le confirmer. Le baron allait donc abattre l'un de ses cartes afin de voir la réaction de son interlocuteur et s'il fallait trouver la un allié futur ou juste quelqu'un qui ne pensait qu'à son territoire sans voir les problèmes des autres, surtout qu'il les connaissait Il débuta par une réaction ordinaire

"Vous ne voulez pas faire sécession du royaume mais vous êtes en train de monter une coalition contre plusieurs de ses seigneurs. Je comprends votre envie d'union, le poids que cela donnerait permettrait de rééquilibrer la donne face au comte. Oui c'est une bonne idée mais qui traîne trop en longueur. Comme je l'ai dis, le comte se renforce à chaque instant passé et je ne doute pas qu'il se souviendra de ceux qui l'ont aidé à la première heure et ceux qui se montent contre lui."

Maintenant il était temps d'enfoncer le clou

"Seigneur Roderik, vous m'appelez mon ami, alors permettez moi, en tant que tel, de vous rappelez certaines choses. Si je ne me trompe, vous me demandez aujourd'hui de me lier à votre cause et de faire partie de cette "union" du nord afin de peser contre le comte de Velteroc. Bien, auriez vous alors oublié, vous qui étiez aux côtés du comte Wenceslas et aux miens ce qu'il se passe la bas ? la baronne d'Alonna à rompu un serment même pas une ennéade après l'avoir fait, faisant d'elle une personne peu fiable. La marquise d'Odélian me traite de félon alors que je n'ai fais qu'obéir aux ordre de la régente qu'elle a reconnue et dont je n'ai eu aucun choix. Pire le marquis de Serramire à mit une commise sur mes terres de Bastylle et il a levé une armée pour marcher contre moi, me traitant de traître et de félon alors que je suis en train de batailler pour ramener les terres perdues dans le droit chemin à sa place. Et vous me demandez de faire cause commune avec ces gens qui ont tout fait pour me dénigrer et me trahir ? quelle folie est ce la ? a moins que vous n'ayez des informations dont je ne dispose pas ?"

Le silence s'installa, Jérôme guettant la moindre réaction du seigneur de Wenden, que ce soit physique ou par les mots. Qu'avait il à répondre à cela ?

Comme l'on pouvait s'y attendre, tout ceci ne plut guère au seigneur de Wenden. Mécontent, Roderik reposa sa coupe et se rassit, la mine renfrognée ; toute la sympathie qui l'avait accompagné au cours de la conversation semblait l'avoir quittée.

- Je n'ai qu'une information dont vous semblez ne pas avoir conscience, Jérôme. L'homme en qui vous placez votre confiance, celui-là même que vous estimez être le mieux à même de sauver le royaume, n'est autre que celui qui l'a détruit. Les arétans n'ont pas l'intention d'entendre les propositions d'un traître. Si nous devons négocier, ce sera à nos conditions. Vous y voyez de l'entêtement. J'y vois une forme d'honneur.

Mais peut-être est-ce trop difficile à comprendre, de la part d'un homme qui a la réputation de rompre ses serments. Hélas, l'honneur est une chose de plus en plus rare de nos jours.

- Je suis conscient que votre position est compliquée. J'ai effectivement assisté en personne aux manœuvres de la baronne d'Alonna. M'est avis que trancher la tête de cette garce eut été un excellent avertissement, même si le comte Wenceslas n'approuvait pas l'idée. Quant à Odélian, ce n'était pas votre faute. Vous étiez face à un dilemme. Vous en affrontez un autre aujourd'hui, et vous semblez vous diriger vers la plus mauvaise des solutions.

Il haussa les épaules, avec cet air désabusé qu'ont les ambassadeurs conscients qu'ils courent vers un échec inévitable. Mais, au fond, il s'était attendu dès le départ à ce que la discussion tourne court. Il avait eu le mérite d'essayer.

- Je ne vais pas vous retenir plus longtemps, Jérôme. Vous êtes un homme occupé.

La conversation prit une nouvelle tournure, l'agacement de Roderik faisant place à la courtoisie de rigueur, même si la franchise avait était de mise. Jérôme s'assombrit alors que certains mots étaient dit. Apparemment, le seigneur de Wenden ne semblait pas prendre en compte certains éléments, à moins que ce ne soit volontaire. Jérôme posa également son verre, toujours assis sur le rebord de son fauteuil, étonné qu'à la fin, Roderik veuille couper court à la conversation. Jérôme, lui n'avait pas finit

"Et bien votre information est erronée et vous le savez fort bien. La personne qui a détruit le royaume n'est autre que la régente et vous le savez aussi bien que moi. Son passage en force le jour des funérailles du roi Eliam à poussé le royaume vers sa chute, de même que lorsqu'elle a tenté d'emprisonner le comte de Velteroc, s'en faisant un ennemi mortel qui se devait de répondre et qu'elle a fait enfermer le duc de Soltariel contre toutes les règles de bienséances.

Et lorsque j'ai décidé de passer outre tout cela pour le bien du royaume, elle m'a imposé la rupture de mon serment, se faisant d'Odélian un ennemi qui l'a amené à être prise en otage vu la défaillance de son entourage. J'ai été nommé maréchal, certes, mais elle m'a envoyé guerroyer contre fort parti sans me donner l'assistance nécessaire, pire encore le capitaine présent m'a clairement apprit qu'il était la plus pour me surveiller et qu'on m'abandonnerait à loisir si j'échouais. Heureusement que le comte d'Aretria à vu en mon entreprise une action d'importance visant à limiter la rupture, voir à reforger ce royaume qui partait à la dérive. Pire encore, lorsqu'elle a été prise par défaut, la régente m'a lâchement abandonné comme elle l'avait prévue, promettant à Odélian ma tête alors que c'est elle qui m'a obligé à rompre mon serment contre ma volonté. Elle m'a trahit sans même sourciller."

Au fur et à mesure que Jérôme parlait, le ton montait, non contre Roderik, mais de frustration qui était enfin lâchée

"J'ai vu un document signé par la régence et la marquise d'Odélian annonçant qu'après avoir mit à terre le comte de Velteroc, Odélian retrouverait sa suzeraineté sur Etherna et que mon sort serait laissé entre les mains de Madeleyne d'Ancenis. Voila la façon dont la régente traite les seigneurs qui lui font allégeance, elle leur oblige des choses puis elle les laisse à leur sort."

Le ton redescendit alors que Jérôme revenait sur d'autres faits

"Vous m'accusez de faire confiance au comte de Velteroc et vous parlez de négocier selon vos conditions, parfait, c'est justement ce que je vous dis de faire. Allez donc déjà lui donner vos conditions plutôt que de crier au loup alors que vous ne savez rien de ses intentions et que vous prônez déjà une sécession ouverte pleines d'hostilités. Et sachez que je ne fais pas confiance au comte, j'attends de voir ce qu'il fera et si cela ne me convient pas ou qu'il ne fait pas ce qu'il à dit, et qu'il se révèle être le tyran que vous pensez, je serais alors le premier à me tenir face à lui.

Maintenant, concernant votre proposition d'unification du nord, il faudrait déjà parvenir à aplanir les problèmes actuels. Comment voulez vous faire une union quand les protagonistes sont des belligérants qui sont plus prompt à se taper dessus que de s'unir ? cela fait plusieurs années que je tente d'unir ce nord et j'avoue ne pas y être parvenu. Le marquis veut ma fin et celle d'Alonna et Odélian est recluse chez elle en attendant. Que voulez vous tirez de cela, je vous le demande ? et si vous avez une solutions pour dénouer ce sac de nœud, je vous écoute."

Contre toute attente, la réaction de Jérôme fit sourire Roderik. Comme si, malgré le désaccord qui subsistait, le fait d'avoir voulu écourter la discussion obligeait Jérôme à balancer toutes les emmerdes qu'il avait accumulées ces derniers mois. Et les Cinq savent qu'il en avait eu sa dose.

- Arsinoé d'Olyssea, paix à son âme, était une fieffée garce, reconnut-il. Mais tuer un loup ne fait pas de vous un agneau, bien au contraire.

Son ton restait assez froid, la cordialité avec-laquelle il avait débuté l'entretien semblait l'avoir quittée. Il était calme, cependant, et ne montrait aucune agressivité envers Jérôme ; il eut été mal avisé de le faire, et Roderik savait fort bien que l'homme avait bien plus subi que prit part aux derniers événements.

- Le capitaine que vous mentionnez... dois-je vous rappeler qu'il est aujourd'hui l'un des principaux alliés de Nimmio de Velteroc ? Voilà un homme qui avait tout intérêt à ternir auprès de vous l'image de la couronne... bien que, je vous l'accorde, Arsinoé n'ait rien fait pour mériter votre confiance. J'ai été franc avec vous, et je continue de l'être, cette femme n'a aucune qualité à mes yeux et était une mauvaise régente. Comment pourrait-il penser autrement, alors que son propre père était mort en guerroyant contre elle ? Mais Bohémond était roi. Si Velteroc était un homme d'honneur, il aurait déposé la régente tout en veillant à ce que Bohémond soit maintenu dans ses droits. Or, son arrogance est allée jusqu'à réclamer la désignation d'un autre souverain pour le royaume.

Il y eut un bref silence. Mais, avant que Jérôme n'ait le temps d'en placer une, il reprit :

- Ce qui est fait est fait. Nous ne changerons pas le passé, mais devons être prudents pour l'avenir. Je me dois d'insister, ces négociations ne pourront se tenir dans de bonnes conditions tant que nous n'aurons pas les moyens de contrebalancer l'influence du comte de Velteroc. Je ne néglige pas la difficulté du problème. Vous avez, pour ainsi dire, le Nord entier à dos. Il réprima un rictus. On pourrait presque croire que la majorité des seigneurs du Nord sont unis, dans leur hostilité à votre égard. Si je l'égorgeais, je gagnerais vraisemblablement toute l'admiration d'Aymeric de Brochant, d'Alanya de Broissieux, de Madeleyne d'Odélian et des Oësgardiens réunis. Hmm, l'idée est dangereuse. Le moment est mal choisi pour se faire d'Etherna un ennemi mortel. Mais comme vous l'avez souligné, le comte d'Arétria fut le seul à vous apporter un soutien inconditionnel dans votre campagne, même si nous avons, malheureusement, été contraints d'écourter notre présence. Sachez, néanmoins, que nous ne vous laisserons pas tomber. Nous sommes prêts à vous aider à trouver un compromis avec tous ces gens. Je gage qu'aucune situation, si difficile soit-elle, ne puisse être démêlée...

Comble du cynisme , il ajouta enfin :

- Et puis, s'il est avéré que la régente n'est plus de ce monde, les choses sont plus simples, maintenant que vous n'êtes plus tenu par vos obligations à son égard.

La conversation avait été sous le signe de la franchise, cela était toujours de mise mais elle avait pourtant pris une nouvelle direction. A présent, l'on parlait à brûle-pourpoint. Il était évident en écoutant Roderik qu'il détestait autant la régente que le comte de Velteroc. Mais la ou il voyait Jérôme prendre fait pour celui qu'il voyait comme son ennemi, le baron voyait une possibilité de fin de conflit si tout le monde cessait de ne voir que son ventre et tentait au moins de discuter.

"Le capitaine était une chose et j'ai gardé en tête ce qu'il disait tout en me méfiant de lui. Pourtant, les faits sont la et les écrit également. La régente m'a bel et bien trahit, ce qui remet de toute façon en cause mon serment à son égard de son fait. Elle n'a pas rempli sa part des devoirs qui lui incombent, en particulier celui de protection. Lorsqu'on livre son vassal comme une pitance à des chiens enragés, l'on ne peux décemment pas ensuite demander que le serment soit tenu par l'autre parti qui est flouée."

En effet, même si la régente faisait sa réapparition, il faudrait discuter ferme. Mais le serment de Jérôme n'existait plus dès lors que celle qui avait voulu être sa suzeraine n'avait pas fait ses devoirs envers son vassal et pire, l'avait trahit.

"Tout le nord ? Alonna est toujours à mes côtés même si je me défie de la baronne."

En effet, la rupture de la charte n'était pas encore connue au moment de cette discussion. La surprise serait de taille

"De toute façon, je me rendais voir le marquis de Brochant pour tenter de trouver une solution au problème qui nous divise. J'ai bon espoir qu'il se soit trompé sur mes actes. Vous dites que vous ne me laisserez pas tomber mais vous voulez cette entente nordique plus que tout. Alors laissez moi vous poser cette question. Si je ne trouve pas d'accord avec le marquis de Serramire et que nous allons au conflit, qui soutiendrez vous ?"

La question était la, Roderik ne cessait de répéter que Jérôme faisait fausse route mais aujourd'hui, le seul soutien qu'il avait trouvé était le comte de Velteroc. Au fond de lui, il était certain que Aretria ne se rangerait pas à ses côtés s'il était en conflit avec Serramire mais après tout, il avait été surprit que le comte se joigne à lui pour la conquête d'Alonna et de la Sgarde.

La question que venait de lui soumettre Jérôme de Clairssac était probablement la plus pertinente qui ait été soulevée au cours de cet entretien. Et elle était d'autant plus cruciale que Roderik n'en avait pas la réponse ; il n'avait pas le pouvoir de promettre quoi que ce soit sur ce sujet, et n'y avait pas intérêt non plus. Plus Arétria s'engagerait vis-à-vis de Jérôme, moins elle aurait de marge de manœuvre pour discuter avec Aymeric de Brochant.
La réponse qu'il fit fut donc des plus laconiques :

- Le conflit n'est pas... une option, Jérôme. Nous n'avons pas plus envie que vous que les choses s'enveniment entre Aymeric de Brochant et vous. Il est vital que vous parveniez à un accord, la stabilité dans le Nord repose sur ce seul enjeu. Nous ne nous permettrons pas de faire ingérence dans les affaires qui vous concernent... la seule aide que nous avons à vous offrir est diplomatique. Le comte d'Arétria peut peut-être servir de médiateur si cela s'avère nécessaire.

Il était clair que l'on ne pouvait envisager de prendre les armes contre Serramire. Ni contre Etherna, d'ailleurs. Car si Roderik tentait actuellement un rapprochement avec Jérôme, les négociations avec Brochant étaient encore à venir, et l'on ne pouvait prévoir ce que déciderait le marquis. Si ce dernier décidait, à son tour, de faire cause commune avec le comte de Velteroc, les arétans se retrouveraient isolés pour de bon. Et seraient, de fait, bien obligés de revoir leur position.
Retrouvant son amabilité, il poursuivit :

- Je comprends vos inquiétudes, Jérôme. Vraiment. Je ne vous demande pas de me donner une réponse aujourd'hui, la situation est encore trop floue pour prendre une décision. En vous invitant à cet entretien, je n'avais qu'une simple ambition : vous faire savoir que le ralliement au Médian n'est pas la seule solution. Réfléchissez-y pendant que vous menez vos négociations avec Brochant, et... nous verrons bien ce qu'il en ressortira.

Les réticences de Jérôme avaient obligé Roderik à modérer quelque peu son entrain. Son langage s'était fait prudent, maintenant qu'il voyait qu'il ne serait pas simple d'associer son interlocuteur au dessein qu'il poursuivait. Patience. Il est encore tôt, et mes projets ne pourront voir le jour que si les choses vont dans le sens où je l'attends.

- Bien entendu, le comte d'Arétria sera ravi de vous recevoir pour poursuivre cette discussion. Lorsque vous en aurez le temps.

Jérôme était tendu alors qu'il attendait les réponses à ses questions. Son ancien allié allait il le soutenir comme il le disait ou allait il se dégonfler et le lâcher comme tant d'autres. Roderik pesa le tout avant de répondre. Enfin elle arriva et ce fut la déception qui fut de mise. Ils ne l'abandonnaient pas officiellement et proposaient une aide diplomatique, rien de plus. Certes, c'était mieux que rien et il ne fallait pas cracher dans la soupe mais cela sonnait creux et terriblement diplomatique également. En gros ils demandaient à Jérôme son soutien mais eux ne lui donnaient pas le leur. Le conflit n'était pas envisageable...mais Jérôme ne le voulait pas non plus, c'était Aymeric de brochant qui avait levé son armée pour marcher sur le baron et qui avait mit une commisse sur Bastylle, pas le contraire. Tout était entre les mains du marquis et c'était, une fois encore, de cet entretien qu'une partie de l'avenir se déciderait. Pire, Roderik dit explicitement que la situation était flou, preuve qu'ils attendaient pour prendre leur décision, renforçant la sensation de vide de Jérôme. Celui-ci s'abreuva avant de poser son verre

"J'ai bien compris, Roderik. Il ne me reste donc plus qu'à continuer vers cet entretien avec le marquis qui décidera de choses à venir."

Jérôme se leva

"Si vous le permettez et que votre hospitalité tient toujours, je dois avouer que la fatigue me rattrape, si vous permettez que je me retire ?"

C'était maintenant Jérôme qui clôturait la conversation, à moins que Roderik n'ait des choses à rajouter, ce dont le baron doutait. Il avait essayait de ne pas monter sa déception et de l'enfuir au fond de lui mais aucun sourire ne s'était fait sur ses lèvres.

La discussion ne mènerait pas plus loin, Roderik l'avait compris ; et s'il doutait d'avoir réussi dans l'immédiat à rallier Jérôme de Clairssac à leur cause, au moins avait-il semé des graines qui, peut-être, feraient finalement germer ses grands projets. Il ne restait qu'à placer ses espoirs en ce que la rencontre avec Brochant débouche sur une issue favorable. Roderik n'y avait, malheureusement, aucun pouvoir.
Là-dessus, Clairssac demanda à se retirer.

- Mon hospitalité tient toujours, et vous pouvez demeurer au château aussi longtemps que vous le souhaiterez, dit-il tout en sachant pertinemment que Jérôme ne tarderait pas à reprendre la route.

Roderik se leva à son tour, et les deux hommes quittèrent la salle. Toutefois, au moment de franchir le seuil, le seigneur de Wenden arrêta d'un geste le baron, pour ajouter d'un ton plus léger :

- Aussi longtemps que vous vous comporterez en ami, je serais le vôtre, Jérôme. Gardons espoir. Un jour prochain, quand la paix sera revenue dans le Nord, vous aurez peut-être à nouveau l'occasion de jouter à Wenden contre un comte d'Arétria, faisant une nouvelle fois référence au tournoi qui s'était tenu ici-même en présence du comte Anseric de la Rochepont, quelque temps avant qu'il connaisse le destin que l'on sait lors de la campagne de Sainte-Berthilde.

Puis il héla un valet, à qui il demanda de montrer ses quartiers au baron d'Etherna. Lui-même, demeuré seul, envisagea sérieusement le projet de gagner ses propres quartiers pour céder à la tentation du sommeil.

Mais il avait encore à faire.

Le seigneur de Wenden renouvela son hospitalité, chose que Jérôme lui fut gré. Puis, Roderik lança une nouvelle tirade d'amitié qui ne parvint pas à convaincre le baron de sa sincérité

"Je vous remercie pour tout, Roderik. Pourtant, puisque la franchise à été le maître mot de cette discussion, permettez moi de mettre en doute l'amitié d'Aretria en cas de conflit entre le marquis et moi même. Si vous trouvez un accord avec le marquis de Brochant, il est évident qu'il vous demandera votre soutien en cas de guerre ouverte et il vous faudra alors bien choisir votre camp. Rester neutre ne ferait que mettre en doute l'alliance nouvellement forgée, je ne me fais donc guère d'illusion.

Quand au fait de ne pas être en conflit avec le marquis, c'est à lui d'en décider, pas à moi car je n'ai aucune envie d'entrer en guerre avec lui alors que nous avons les mêmes espérances. Je suis même plutôt déçu vu les accords que nous avions eu et mon aide à devenir marquis sans incident."

En effet, Jérôme aurait pu rester enfermé dans la citadelle de Serramire et voir venir, ou alors aller à sa rencontre alors qu'il était plus faible que son ost et tenter de l'écraser avant qu'ils n'unisse ses forces avec celles de Lourmel. Vemilias avait déjà son mur de tombé et la donne aurait pu être tout autre mais Jérôme, bien que guerroyant à répétition, et donnant une image tout autre, n'était pas un homme qui se complaisait dans la guerre, loin de la

"Lorsque la paix sera la, et prions Néera qu'elle arrive rapidement, ce sera une joie que de revenir jouter à Wenden si je suis toujours la bienvenue"

Quel que soit l'avenir du royaume, il était étrangement illusoire de voir une sortie de crise rapide vu la situation actuelle. Toutefois, les surprise pouvaient être de taille, en exemple l'éclatante victoire du comte de Velteroc sur les troupes royales bien supérieure ou encore la campagne d'Alonna qui fut ridiculement courte contrairement à ce qui aurait dû advenir. La chance ou les dieux, voir un mélange des deux et tout pouvait basculer

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