- La recherche d'un présent [Enju]

Le voyage fut paisible... Devant le ménestrel se trouvait la baronnie de Missède. Le jeune homme était curieux de découvrir cet endroit. Vêtu sobrement, le serviteur de la baronne d'Hautval jouissait de quelques jours pour voyager et observer le monde pour son travail, mais aussi pour récolter des informations à l'occasion. Dans son dos, étaient accrochés son luth et son arc. 
Il marchait le long du chemin, jonglant avec l'une des pièces qui se trouvait dans sa bourse. L'air désinvolte il passa les portes. 

Son regard balayait le lieu, un air mystérieux... Il observait les gens, soupirant en cherchant un but. On lui avait simplement dit qu'à Missède se trouvait une bibliothèque. Rangeant la pièce, il se mit à la recherche de ce lieu pour passer le temps. Arrangeant le chapeau sur sa tête, le ménestrel se plongea donc dans la ville. Au milieu des habitants.
Une ville plutôt agréable, c'était pour le moins sa première impression. De toute façon ce coeur de Bohème n'avait guère besoin de plus pour être heureux. Et ce, que depuis son intégration à la cour d'Hautval le jeune artiste commençait à se plaire à posséder et apprécier le luxe. 

Bref, sa route le mena jusqu'à un lac d'une beauté étonnante. Un instant il s'assit au bord, il s'allongea même en attrapant son instrument de musique. Mélancolique, le saltimbanque trainait au fond de lui une peine étrange. Un mystère que lui même était incapable de résoudre. Hélas. 
-" Tu me tueras Ô âme d'artiste !" Pensa-t-il en jouant avec un talent délicat une mélodie à faire pleurer les plus heureux. 

La perte de sa liberté peut-être ? Non, il était bien trop heureux comme ça. Sa vie était belle, on le croyait ami des plus importants personnages de la Baronnie d'Hautval. Tant d'illusions qu'il se plaisait à vanter auprès de ses connaissances. La réalité était bien autre, il n'était qu'un meuble. Mais il gagnait sa vie, et ce prix était pauvre pour avoir pu trouver sa muse. Cette étoile brillait dans son ciel comme jamais. 
-"Tu deviens fou... " Se disait Manel en se relevant lentement. Une main sur son visage pour changer ce masque magnifiquement hideux du "romantique" déprimé, pour récupérer celui du ménestrel libertin dont le seul plaisir était de s'amuser en se jouant des moeurs s'il le fallait. 

Replaçant l'instrument de musique, il reprit sa visite de ce lieu. La démarche dansante. 
-" Jolie silhouette! " Lança-t-il à l'une des marchandes.
-" Médiocre marchandise !" A un marchand de tapis, toujours avec un sourire taquin, et une voix mielleuse.
Un peu plus loin dans la rue, il remarqua une femme, une dame qui se portait plutôt bien avec des cheveux fins et blonds. A en croire ce qu'elle transportait, la jouvencelle était herboriste. Peut-être possédait-elle au sein de marchandise, un présent qu'il pourrait rapporter à sa suzeraine. Manel en profiterait aussi pour demander la direction de la bibliothèque.

Sifflotant, il pressa le pas... Et lorsqu'il arriva à sa hauteur se contenta de l'interpeller d'une voix mielleuse.
-" Excusez-moi ! " Palabre accompagnée d'un geste élégant de la main qui lui servit à ôter sa coiffe pour la plaquer contre son coeur.
-" Je me nomme Manel, je viens de Hautval, et suis à vrai dire un peu perdu." Poursuivit le saltimbanque avec un large sourire.
-" Pourriez-vous m'indiquer le chemin de la bibliothèque ? On dit qu'elle cache de nombreux ouvrages rares." Il termina sa phrase avec un geste théâtral pour faire danser son chapeau au dessus de sa tête.

Sa demande concernant ce qu'elle vendait attendrait un peu...

Manel remarqua la moue sur le visage de son interlocutrice suite à sa demande. Heureusement, la réponse rapide de celle-ci ôta très vite la peur d'avoir fait mauvaise impression. Ainsi, elle aussi n'était pas d'ici. Au final, peut-être ne trouverait-il jamais cette antre de la culture. Heureusement, la jeune femme lui redonna un semblant d'espoir en affirmant être prête à l'aider pour trouver l'endroit.
Cela après une petite hésitation qu'oublia rapidement le ménestrel. D'un mouvement ample il reposa son chapeau sur sa tête, en l'inclinant légèrement.

-" Mon temps n'est pas compté, au contraire, je cherche à le perdre..." Raconta le ménestrel d'une voix joviale.
Au moins ce voyage lui permettra de faire connaissance avec une personne. Il fallait dire qu'il s'agissait là de sa première sortie depuis son arrivée à la cours de la baronnie d'Hautval, en tant que saltimbanque de la baronne elle-même.

Par conséquent, il savait parfaitement son devoir de ne guère porter préjudice à l'image de sa maîtresse. Evidemment, et pour éviter de s'exposer, Manel évita de nommer son titre, se laissant apparaître comme un simple amuseur de galerie. De toute façon, cela n'avait pas d'importance pour les yeux du monde. Bien sûr, il se devait de continuer à plaire à sa suzeraine et donc trouver un présent à rapporter de son voyage. L'artiste avait "l'obligation" de dénicher un objet digne, un objet pour émerveiller et attiser la curiosité de la comtesse de Velteroc. Comme il adorait ses compliments. Un de ses sourires suffisait à faire de son ciel un ciel d'un bleu parfait.

Croisant ses bras, prenant un air rêveur, en pensant à sa muse, le troubadour avait même du mal à comprendre son coeur. Néanmoins il appréciait cette nouvelle vie. Du moins quand la mélancolie ne venait pas le troubler.
Bref, son interlocutrice n'était pas d'ici, mais avait déjà croisé la bibliothèque.
-" Je vous suis..." Poursuivit Manel en plantant son regard vers l'horizon. Il attendait qu'elle prenne les devants pour se mettre à marcher à son tour.
-" Durant le trajet, pourriez-vous m'informer sur les vertus de votre marchandise. J'ai le coeur en peine parfois, peut-être possédez-vous un remède capable de vaincre mon mal ?" Malgré ses mots, son visage rayonnait. De toute façon, il n'était pas là pour être triste. Ce n'était pas son rôle.

Arrangeant les manches de sa tunique, le jeune homme s'intéressa à la marchandise de la demoiselle. Plus tard peut-être oserait-il lui demander son identité. Rien ne servait de faire vite. Il pouvait encore profiter de cette sortie, de cette ballade avant de retrouver Hautval.

Les deux jeunes gens continuaient leur route. Même s'il ne pouvait pas en être certain, le jeune ménestrel avait l'impression qu'ils avançaient au gré du hasard. Cela ne le dérangeait pas loin de là. Evidemment, il devait tout de même prendre garde à ne pas trop tarder à prendre la route de Hautval. Qui sait si un autre artiste ne convoitait pas sa précieuse position.
La démarche joyeuse, une démarche qui contredisait bien sûr ses mots mélancolique. Il ne savait pas si cela était simplement dans son coeur, ou s'il s'agissait là d'une norme pour tout artistes; mais son âme était sensible, les sentiments y passaient à leur aise. Fortement. Parfois beau, parfois triste... La tristesse lui permettait malgré tout d'écrire pas si mal.
Bref, sous sa poitrine vivait un coeur des plus capricieux. Manel écouta les recommandations de son interlocutrice.

Puis elle termina en lui posant une question. Evitant les gens qui venaient à sans inverse à l'aide d'une certaine qualité de danseur, le jeune troubadour répondit d'une voix mielleuse.
-" Cela passera ! Mon âme est sensible aux sentiments, fragile, un simple souffle peut transformer une larme en un sourire. Mon métier, heureusement, m'oblige à toujours montrer un visage joyeux. "

Sur leur route, Manel remarqua un vendeur d'instrument, celui-ci vendait un fifre. Un instrument qu'il ne maitrisait pas vraiment. Cependant, il se disait qu'il verrait ça plus tard.
-" Vos remèdes me feront le plus grand bien. J'en suis certain ! Mon choix se portera sur le chèvrefeuille... J'ai horreur de l'éternel, il n'y a rien de plus ennuyeux. " Poursuivit-il en remarquant au loin une bâtisse qui semblait bien être la bibliothèque.
Se voulant joueur, l'artiste préférait ne rien signaler, simplement pour savoir si la jeune femme savait réellement où elle allait. Peut-être se tromper lui-même !

-" Que faites-vous ici ? Enfin si je puis permettre." Demanda le saltimbanque le ton doux et amusé.
En attendant, il continuait de marcher, Enfin, ils marchaient. Manel se laissa simplement guider.

Les deux jeunes gens marchaient, à la recherche de la bibliothèque qui était visible, silencieux, Manel écouta les répliques de son interlocutrice qui lui confirma son bon choix. Cela était sans nul doute un magnifique présent à rapporter à Hautval.
Il était toujours agréable de porter sur soi ce genre de remède lorsque la raison ne pouvait guérir une blessure du cœur.
Le pas dansant, esquivant avec élégance les nombreux citoyens, Manel fut soudain peiné de remarqué le changement dans le comportement de son interlocutrice. Parler d’elle et de la raison qui la mena jusqu’ici ne lui plaisait pas.
Le jeune homme haïssait apporter du chagrin. C’était la pire des misères que s’assombrir un visage. Il se contenta donc de la suivre, jusqu’à ce qu’elle le fasse tourner un peu en rond jusqu’à atteindre les marches de sa destination.
D’ailleurs elle confirma qu’il s’agissait là de la seule bibliothèque dont elle avait connaissance. Idem pour lui.

En observant le bâtiment, le ménestrel savait qu’il allait en apprendre beaucoup ici. Tant d’écrits, de lettres. Son regard se posa sur l’herboriste.
D’un geste théâtral il porta ses mains pâles sur son cœur.
-«  Je ne voulais pas vous ôter l’envie de rire. Excusez-moi. Souriez…Souriez, je vous en prie ! » Clama-t-il en laissant ses lèvres prendre la forme d’un faible sourire qui exprimait la honte qu’il éprouvait de l’avoir sans doute obligé à se souvenir d’un mauvais moment. Peut-être l’avait-on forcé à vivre ici. Qu’importe ! Il trouvait le fait d’ignorer ces détails plutôt charmant.
Il sortit de sa bourse quelques pièces, qu’il tendit simplement à la vendeuse ambulante.
-«  Je vous prends quelques chèvrefeuilles ! J’espère que cela suffira ? » Demanda-t-il en craignant cependant que sa mauvaise question l’oblige à payer un peu plus cher. Et elle serait dans son bon droit ! Pensa le saltimbanque.

Au moins, cela lui servira d’expérience. Il devait apprendre à se taire, à sentir les mots à ne pas dire avant qu’ils ne sortent du bout de ses lèvres.
Manel continuait à se sentir confus, il priait pour que ses excuses soient acceptées. Il n’y a actuellement rien qui pourrait le rendre plus heureux.
-«  Voulez-vous m'accompagner un moment dans cet établissement dédié à la culture ? Qui sait, peut-être pourrez-vous apprendre des recettes, des parfums ou autres bienfaits que peuvent causer les plantes. » Demanda le garçon d’une voix enjôleuse.
-«  Je suis certain que vous pourrez y trouver votre bonheur ! » Termina le joueur en désignant la porte d’entrée.
Le choix appartenait à présent à Enju, le sort était entre ses mains.

Il posa le pied sur la première marche, jonglant avec les pièces qui étaient destinées à payer sa commande. Manel était suspendu aux lèvres de son interlocutrice. D’ailleurs, il y pensa, mais il ne connaissait pas son nom. Il attendrait un moment pour lui poser la question, s’il avait la chance et l’honneur de pouvoir passer encore quelques instants en sa compagnie.