Convocation au sommet [PV Azhar]

Sujet: Convocation au sommet [PV Azhar] Mer 25 Mar 2015 - 16:26

Dans la salle de repos des Akhabans, Aleth était affalée sur une chaise. Les pieds posés sur la table, elle avait fermé les yeux depuis un bon quart d’heure déjà. C’était ainsi qu’elle récupérait des deux à trois nuits par ennéade qu’elle passait à l’extérieur du palais en compagnie d’un homme, différent chaque soir.
Les tours de garde étaient restés inchangé depuis l’arrestation de Suhayl, survenue quelques jours auparavant. La demi-elfe était donc toujours d’après-midi, à filer le train au Prince dans ses activités. Il n’y avait plus personne pour lui dire ce qu’elle avait à faire, ni pour lui interdire quoi que ce soit. Aussi, assurait-elle la protection de Salougan à sa manière et occupait-elle ses soirées comme elle l’entendait.

Ce matin-là, la mercenaire était dans un semi sommeil lorsqu’elle entendit des pas pressés dans l’escalier menant à la salle de repos des Akhabans. Son collègue entra et l’interpela sans ménagement.

-Aleth ! Le Prince veut te voir.

Celle-ci ouvrit un œil en direction de l’eunuque, visiblement pas très pressée de répondre à l’appel du maître des lieux. Elle jeta un œil sur le soleil : Non, elle n’était pas en retard pour son tour de garde. Le contraire l’aurait étonnée

-Qu’est-ce qu’il me veut ?

-Faudra lui demander toi-même. Il a rien dit. Il t’a demandée, c’est tout.

Dans un soupir, Aleth se résigna à se lever. Elle avait encore quelques heures devant elle avant sa prise de poste donc sa requête n’avait rien à voir avec ça. Il lui fallait encore choisir un nouveau Grand Akhaban mais elle n’était pas concernée par le sujet et elle doutait qu’il réclame l’avis d’une simple mercenaire.

-Il est où ?

-Dans un bureau au troisième.

Aleth passa devant l’Akhaban sans même lui adresser un regard et s’engagea dans l’escalier. Entendant des pas derrière elle, elle s’arrêta et se retourna lentement vers celui qui la suivait. L’eunuque semblait avoir décidé de l’accompagner et l’idée d’avoir un pot de colle aux fesses ne lui plaisait pas du tout. C’était une grande fille et elle connaissait le palais. Elle parviendrait à trouver toute seule.
D’un simple regard, elle lui fit comprendre qu’il ferait mieux de rester là s’il ne voulait pas de problème… Et l’affranchi recula d’un pas.

-C’est bien.

Aleth rejoignit l’étage en question. Il lui fut aisé de trouver de quel bureau il s’agissait grâce aux deux Akhabans qui faisaient le planton de chaque côté de la porte. C'était le même que celui où elle était venu lui faire son rapport concernant la traitrise du Grand Akhaban. Elle salua d’un signe de la main celui des deux gardes qu’elle connaissait et passa le pan de la porte déjà ouverte. Elle était vraiment attendue alors ?
Découvrant Azhar, pareil à d’habitude, elle entama la discussion sans faire de manières.

-Ça y est ? Vous ne pouvez plus vous passer de moi ?

Aleth montra la porte dans son dos pour savoir si elle devait la fermer ou non. Après tout, elle ignorait le motif de cette… convocation. Oui, le terme était assez bien choisi.

La trahison était un poison qui rongeait l’âme des estreventins depuis plusieurs générations déjà. Azhar avait été bercé par elle, c’était ce qui se rapprochait le plus d’une figure maternelle pour lui. Et lorsque l’on grandit avec une telle mère, on apprend à être suspicieux, à douter de tous et de toutes. La confiance était un luxe que les princes ne pourraient se permettre, à moins de ne pas souhaiter vivre longtemps. Ou du moins, la confiance était un produit à durée limité dans le temps et à consommer avec modération. L’accorder trop longtemps conduisait généralement à des événements comme ceux du sérail. Ce n’était qu’une question de temps après tout pour que Suhayl le trahisse. Ce qu’il avait fait.

Aleth, une Akhaban mercenaire s’était montrée plus qu’utile. Elle avait déjouée, et ce basé sur son instinct, la tentative des deux esclaves au sérail puis fit confesser le responsable dans les heures qui suivirent. Ceci entrainant cela, le poste de Suhayl était de nouveau libre. La loyauté étant une denrée rare, Azhar avait décidé d’y mettre le prix. Ce pourquoi l’un de ses valets avait fait circuler la convocation d’Aleth. La demi-elfe était une mercenaire, et les mercenaires ne connaissaient que la loyauté de des pièces sonnantes.

Les portes s’ouvrirent sur l’Akhaban qui comme à l’accoutumé, l’apostropha de ses sarcasmes. Azhar lui répondit d’un signe de tête pour l’autoriser à clore les grandes portes de l’entrée.

« Ta présence illumine mes journées, tu le sais bien. »

Répondit-il sur le même ton. Il la laissa se rapprocher du bureau et lui montra une chaise pour qu’elle s’asseye.

« As-tu fais bon usage de la bourse que je t’ai donné ? »

Généralement les gens comme ont tendance à tout dépenser d’un coup, soit chez les putains soit aux tavernes de la cité. En vérité, Azhar s’en fichait mais essayait de se montrer cordial.

« Comme tu le sais, grâce à toi le poste de Suhayl est à prendre. J’aurais besoin de ton instinct. Qu’en dis-tu ? Bien sûr tu ne devras plus de comptes à ta compagnie de mercenaire étant donné que ma protection est un travail à plein temps. »

Pour appuyer ses propos, il lui jeta en face d’elle une deuxième bourse tout aussi pleine qui sonna pleine lorsqu’elle toucha le bureau juste en face d’elle. Etre Sublime Akhaban accordait énormément d’avantages.

Aleth ferma derrière elle et vint s'asseoir comme l'y invitait le prince. D'autres qu'elle, à l'éducation plus militaire, aurait eu la discipline de rester debout mais tel n'était pas son cas. Esclave déjà, elle prenait ses aises chaque fois qu'on le lui permettait ou tant qu'on ne lui disait rien. A présent qu'elle était censé être une femme libre, elle ne se faisait pas prier. Elle eut même un petit rire à la plaisanterie du seigneur. Elle appréciait le fait de pouvoir faire de l'humour avec un homme possédant un statut mille fois supérieur au sien et le voir le lui rendre comme s'il était son égal. C'était surprenant et plaisant à la fois.

« As-tu fais bon usage de la bourse que je t’ai donné ? »

-Je doute que ça vous intéresse vraiment.

Un léger sourire aux lèvres, Aleth lui répondait en toute simplicité, sans aucune marque d'agressivité. C'était ça façon à elle de montrer qu'elle savait pertinemment qu'il ne cherchait qu'à engager la conversation, tout en détournant la question... Si un autre mercenaire aurait probablement tout dépensé dans la journée, ce n'était pas son cas. Son projet était de bien trop grande ampleur et avait trop d'importance à ses yeux pour qu'elle se permette de gâcher à nouveau son argent en futilité (la période de l'éclipse ne comptant pas...).

Azhar ne tourna pas plus longtemps autour du pot, lui faisant rapidement comprendre l'objet de cette entrevue. Haussant un sourcil, la mercenaire montra une certaine surprise, mêlée d'incrédulité. Le fait qu'il le lui propose directement suggérait que sa prestation des derniers jours avaient suffi à le convaincre de ses compétences. Toutefois, elle restait sceptique quant à ses compétences pour occuper un tel poste et avait d'ailleurs peine à croire que le Prince lui faisait actuellement cette offre d'emploi. Evidemment, elle se savait excellente dans son métier, mais de là à gérer deux cents hommes...
Elle regarda la bourse qu'il venait de jeter devant elle comme un appât. Certains n'auraient sans doute pas hésité à sauter sur l'aubaine mais la volonté d'Aleth était différente. Déjà, elle n'avait pas forcément le souhait de se faire remarquer ou de s'établir quelque part. De plus, elle était très bien dans son poste actuel et n'avait pas envie de changer.

-Merci pour l'offre mais je crois que vous vous trompez de personne. J'ai toujours obéis aux ordres, j'ai pas été faite pour en donner. Et mes initiatives ne concernent que moi, je dis pas aux autres ce qu'ils devraient faire. De toute façon, ils ne m'écoutent jamais.

La demi-elfe se rappelait avec amusement sa dispute avec les Akhabans quelques jours plus tôt. Au final, elle avait bien été la seule à se bouger pour remplir sa mission. Elle savait ce qu'elle avait à faire mais n'avait jamais agi autrement que seule... Sans compter qu'il y avait un autre problème.

-Et puis je pense qu'il vaut mieux savoir lire pour ce boulot ?

Il lui était inutile de cacher son illettrisme. Nombre de personnes dans la principauté était dans son cas. Qu'elle ait été élevée dans la rue, en orphelinat ou dans une famille à faibles moyens, il n'était pas surprenant qu'elle ignore tout de la lecture et de l'écriture.

En tout cas, une chose était claire : Si Azhar la voulait, il lui faudrait lui donner envie du poste et la convaincre d'accepter son offre car, pour l'heure, elle ne l'envisageait pas une seconde.

Il haussa les épaules, la réponse lui importait peu. Azhar l’écouta attentivement et perdit son sourire à sa réponse. D’un coup il devint plus sérieux, et se repositionna sur son cathèdre. Aleth n’était pas habitué à voir cette facette de lui, elle ne l’accompagnait jamais durant ses voyages d’affaires et voyait plutôt Azhar autour de ses femmes. D’un ton beaucoup moins jovial que le précédent, le Salougan répondit.

« Un Prince ne se trompe jamais.Il tolérait les plaisanteries, taquineries mais chacun avait sa place dans cette salle. Sa phrase était peut-être trop présomptueuse, mais il l’était présomptueux. Mais il reprit, plus sereinement, pour ne pas faire fuir l’Akhaban. Tu étais leur égal, ils n’avaient pas à t’obéir ni à suivre tes initiatives mais celles du Grand Akhaban. A présent tu peux faire suivre tes intuitions à tous mes gardes. Tu gagneras beaucoup plus d’or qu’à présent, tu auras tes appartements, tes serviteurs. Et tu seras libre, plus aucun ordre à recevoir, enfin à part de moi bien entendu. »

L’illettrisme était une plaie. Bien que moins présent en Ithrii’Vaan qu’en péninsule à cause de tous ces marchands, bureaucrates et autres qui devaient être familier avec les lettres et les chiffres. Azhar haussa les épaules, cela n’était pas une contrainte insurmontable.

« Un esclave te secondera, le temps que tu apprennes à lire et écrire.Tu auras plus besoin d’être sur le terrain que derrière votre bureau, enfin cela est à toi de voir. Tu décideras. »

Un esclave sortant de derrière une colonne apparut comme par enchantement lorsqu’un Azhar fit un signe de la main. Il portait une carafe de son vin du Carrousel et leur servit deux coupes. Le prince prit en main les deux, se leva de sa chaise, contourna la table et prit siège sur elle, juste en face d’Aleth.

« Qu’en dis-tu ? »

Aleth était largement enfoncée dans son fauteuil, le dos appuyé contre le dossier, les coudes posés sur les accoudoirs et les doigts entremêlés. Elle observait le prince d'un air distant, comme si sa soudaine prise de sérieux et son ton un sec ne l'atteignaient pas. La mercenaire devait être l'une des rares personnes à ne pas craindre le Seigneur de Baaz'Hima. En guide de réponse à sa première phrase, elle haussa un sourcil et esquissa un discret sourire traduisant le fond de sa pensée. Elle était désormais bien placée pour savoir que des erreurs il en avait commises.

Lorsque Azhar fit signe au serviteur d'approcher, le regard d'Aleth se tourna dans sa direction. Elle l'observa attentivement tandis qu'il s'avançait pour servir deux verres. D'après son regard, il était aisé de deviner qu'elle n'aimait pas vraiment ce genre de surprises. Même si le prince avait tout à fait connaissance de la présence de cet esclave, le fait de l'ignorer avait fortement déplu à la mercenaire.

Azhar pris soin de lui exposer tous les avantages du poste qu'il lui proposait : Autorité, liberté totale, meilleur salaire, logement individuel et serviteurs... Mais il lui donnait tous les avantages en prenant soin d'omettre inconvénients, s'adressant à elle comme s'il était déjà acquis qu'elle acceptait le boulot. Mais si Aleth avait connaissance des premiers, elle n'ignorait pas les seconds.
Sans se préoccuper du verre qu'on lui tendait, elle entreprit de lui répondre.

-Vous me peignez un joli tableau mais il y manque quelques éléments. Déjà, les responsabilités... Parce que si quelque chose vous arrivait, je suis en première ligne pour perdre ma tête, à laquelle je tiens beaucoup. Ensuite, si Suhayl était un traitre, il doit y avoir quelques partisans dans votre garde qu'il va falloir démasquer. Sans compter ceux qui le connaissaient depuis longtemps et qui n'auront pas apprécié que je sois responsable de son exécution, même si elle était justifiée, qu'il faudra remettre à leur place ou virer. Et puis je finirais en disant que je ne vois pas un Akhaban capable de travailler à ma manière.

Si la garde d'Azhar était loin d'être la plus mauvaise de la principauté, Aleth avait une méthode peu conventionnelle qui faisait d'elle un garde du corps très efficace. Elle sautait d'un balcon à l'autre, marchait sur les toits, le balançait aux poutres... Elle était là où on ne l'attendait pas contrairement aux Akhabans qu'elle trouvait bien trop prévisibles. Si la mercenaire devait prendre le poste, elle ne pourrait pas faire comme elle l'entendait. Cela demanderait quelques modifications afin de casser leurs habitudes, ce qui ne serait pas une mince affaire pour la mercenaire...

-Et tout ça pour 50 malheureux écus de plus ? Autant rester simple Akhaban, c'est bien plus confortable.

Aleth se rendait à présent conforme à la vision que l'on pouvait avoir des mercenaires dont le penchant pour l'argent était très prononcé. Toutefois, cet intérêt pécuniaire n'avait qu'une seul objectif pour la demi-elfe et il disparaîtrait dès que son problème serait réglé.

« Je ne vois pas où est le problème. Rien ne m’arrivera si tu fais correctement ton travail. D’ailleurs sais-tu qu’en 658 du Xème cycle, un de mes ancêtres s’était fait assassiné en pleine rue alors qu’il était entouré de tous ses gardes ? Son fils, ne pouvant trouver le responsable a fait exécuté tout le corps des Akhabans de l’époque. Quel fou. Je ne suis pas pareil. Tu feras ton travail, tu adapteras mes gardes à tes besoins, tu démaqueras les traitres. »

Azhar souhaitait la garder, sa présence ne lui était pas désagréable et elle s’était montré bien plus qu’utile. Elle mit sur table la question de l’argent, le prince sourit, si ce n’était que ça, ils pouvaient s’arranger. Avec un léger sourire, il reprit.

« Je peux te doubler le salaire de Suhayl. A force, tu deviendras plus riche que tout ce que tu aurais pu être en étant une simple mercenaire. Sans compter tous les avantages d’une vie au palais. »

La plupart des personnes qu’il connaissait aurait été honoré d’une telle promotion, ils auraient accepté sans plus de cérémonie. Aleth pourtant faisait tout autre. Elle n’était pas indispensable pour Azhar, elle était plutôt un caprice et en ce moment, il ne savait pas très si elle s’en était rendu compte ou pas. Parce que si oui, elle était entrain de tirer sur une ficelle pour négocier. Ce qui était admirable d’un certain point de vue, le Salougan était maitre en négociation et respectait ceux qui tentent de faire des affaires avec lui.

« Goûtes-moi ce vin, et dis-moi ce que tu en penses. Je t’en ferais venir deux barils. »

Ses fesses posées sur le rebord du bureau, à côté d’Aleth, il lui souriait attendant sa réponse. Si elle refusait, cela ferait un deuxième refus à ses propositions, bien que la première fût d’une autre nature. Mais à trop jouer avec un serpent, on finissait par se faire mordre et la patience d’Azhar avait des limites que la raison ne poussait pas à outrepasser.

« Et tu porteras le titre de Sublime Akhaban. Sublime. »Souriait Azhar.

Aleth observa le Prince sans broncher tandis qu'il répondait aux problématiques qu'elle avait soulevé. Ainsi, elle aurait carte blanche non seulement pour amener les Akhabans à travailler à sa manière mais aussi pour se faire sa place en tant que responsable de la sécurité de Salougan et de son harem. Ca demanderait lui beaucoup de travail au début mais ce serait bien plus efficace sur le long terme. Et elle pourrait enfin trouver un adversaire à sa mesure pour s'entraîner.

-Vous non mais vos enfants, peut-être. De toute manière, pour pouvoir m'exécuter après un attentat auquel j'aurais pris part, il faudrait encore pouvoir m'attraper.

La mercenaire regardait Azhar avec un sourire amusé aux lèvres. Depuis la première mission donnée par son maître, elle ne s'était jamais faite prendre. Elle préparait ses coups minutieusement et prévoyait un maximum de portes de sortie afin d'être sûre de pouvoir en réchapper. Il n'était d'ailleurs jamais arrivé qu'elle ait eu à toutes les utiliser... souvent la première suffisait.
Mais elle ne laissa pas au Prince le temps de réagir et se leva pour être à sa hauteur avant de finir son propos.

-Ce qui n'arrivera jamais. Je ne remplis qu'un seul contrat à la fois.

Cette fois, le regard d'Aleth était plus sérieux, laissant apparaître la sincérité sur son visage. Azhar lui-même avait pu constater que son Akhaban disait toujours ce qu'elle pensait, même si ses manières lui attiraient parfois les foudres de ses interlocuteurs. Certes, elle n'aurait pas eu d'intérêts à dire le contraire dans la situation présente mais elle restait malgré tout fidèle à elle-même.

Une nouvelle fois, le Prince lui tendit le verre de vin. Si Aleth avait la langue bien pendue, elle connaissait aussi les limites. Elle jouait les négociatrices et se faisait désirer d'un grand Seigneur qui n'était pas connu pour sa grande patience. Cela faisait déjà deux fois qu'elle repoussait le moment de lui donner sa réponse et elle savait pertinemment que cette coupe qu'il lui offrait serait ce qui scellerait leur accord. Elle prit alors plusieurs secondes pour réfléchir sérieusement à sa proposition. Le triple de son salaire actuel et moins de frais que lorsqu'elle battait la campagne en tant que mercenaire, la protection d'un statut et d'un Prince pour une esclave en fugue et, pour couronner le tout, un peu d'intimité retrouvée dans une suite royale. Elle devait reconnaître que les avantages couvraient largement les inconvénients, même si cet accord la liait pour des dizaines d'années. Au moins Azhar ne traitait-il que rarement avec Sol'Dorn et les chances qu'elle soit découverte étaient minces.

-Et tu porteras le titre de Sublime Akhaban. Sublime.

L'idée semblait amuser le Prince. Comme si ce titre signifiait autre chose qu'un haut statut à ses yeux. Aleth ne parut pas surprise car elle savait que c'était ainsi que l'on qualifiait les femmes à Baaz'Hima lorsqu'elles obtenaient un poste important. La fille pouvait être un laideron, ça ne changeait rien... Mais la demi-elfe choisit de jouer faussement les naïves pour tourner la chose à son avantage.

-Je prends ça pour un compliment.

Finalement, Aleth saisit le verre de vin et s'apprêta à trinquer avant de se raviser en ramenant la coupe vers son épaule.

-Une dernière chose. Travailler pour vous ne veut pas dire que je vous appartiens et je peux refuser les avances de n'importe qui, vous y compris.

Ayant donné sa dernière condition, elle tendit à nouveau son verre vers le Prince, le laissant libre de conclure enfin cet accord. C'était déjà le cas aujourd'hui mais elle voulait ajouter cette petite précision afin d'être sûre que cette clause était maintenue avant de signer définitivement.

Azhar plissa les yeux, s’il était fou il aurait parié avec Aleth que ses enfants l’auraient attrapé si elle l’assassinait. Juste par esprit de contradiction. Mais le Prince n’allait pas pousser la bêtise jusque là, il tenait à sa vie et n’avait aucune confiance en ses rejetons pour le venger. Des incapables. La semi-elfe ne le laissa pas répondre et reprit son air sérieux. Il la croyait. Pour le moment. Elle était à présent à sa hauteur, Azhar souriait, le verre tendu, attendant sa réponse. L’Akhaban, comme à son habitude, fit de l’humour. Ce qui fit sourire le Serpent plus qu’il n’aurait dû, charmeur comme souvent il répondit.

« S’en était un. »

Elle le savait, et elle savait qu’il le savait. Aleth était une jolie femme ayant déjà repoussé ses avances par le passé sans doute dans un souci de garder séparer le travail et le plaisir. Ce que ne faisait pas son prince sans quoi il s’ennuyait très vite. Finalement la semi prit son verre, voulu trinquer mais se ravisa au dernier moment. Cette fois-ci Azhar ne s’empêcha pas de rire.

« Tu n’as pas attendu d’être Sublime pour repousser mes avances. »

Il n’avait essayé qu’une fois, elle l’avait repoussé et il l’avait respecté. Elle lui tendit cette fois-ci son verre et il trinqua avec elle pour sceller leur accord.

« Te voilà ma Sublime. Lorsque tu auras un moment, penses à aligner tous tes Akhabans dans les jardins pour qu’ils te jurent obéissance. Azhar décolla ses fesses et contourna son bureau pour sortir quelque chose d’un tiroir. Voilà l’insigne pour ta charge. Tu es rentrée en tant qu’Akhaban tu en ressortiras en tant que Sublime, fais moi honneur et portes le avec plus de dignité que Suhayl. »

C’était quatre serpents, le symbole des Salougan, entrelacés entre eux par la bouche et la queue avec des yeux en topaze tandis que le tout était en or pour former un « A ».

Azhar était un incorrigible séducteur, elle le savait pertinemment. Mais Aleth -qui ne cherchait que des conquêtes d'un soir- n'était guère mieux, même si ses raisons à elle étaient bien différentes. Alors elle ne pouvait guère lui reprocher son attitude. Au contraire... Etant donné son âge et son statut, le Prince avait probablement eu plus de conquêtes que n'importe qui et, à ce que l'on disait, il était loin d'être mauvais au lit. La mercenaire y aurait bien goûté elle-même si elle n'avait pas quelques secrets à lui cacher. Sans parler du fait qu'elle ressentait une attirance physique non négligeable qu'elle se devait de maintenir d'une main ferme pour ne pas la laisser prendre le dessus.

A sa dernière condition, Azhar commença par rire avant de lui faire remarquer que de toute manière elle n'avait pas attendu pour se refuser ouvertement à lui. La demie-elfe eut un sourire amusé.

C'est vrai. Mais j'étais mercenaire, libre de partir du jour au lendemain. Je ne pourrais plus avec ce poste.

Aleth était parfaitement consciente qu'en devenant sa Sublime, elle s'enchaînait presque à lui. Elle ne pourrait peut-être jamais quitter son service ce qui la mettait dans une position délicate par rapport à son statut d'esclave en fugue en la rendant sédentaire. Néanmoins, il y avait peu de chances que son maître la cherche encore (si jamais il l'avait seulement cherchée) et les probabilités qu'il vienne jusqu'ici était plus minces encore. De plus, Azhar n'était pas un mauvais employeur. Il savait récompenser la loyauté et les compétences. Tant qu'elle le servait bien, elle n'aurait rien à craindre de son maître déchu.

Les verres s'entrechoquèrent enfin et Aleth trempa ses lèvres dans le vin. Toujours d'aussi bonne qualité...
Leur petit jeu étant terminé, le Prince repassa derrière son bureau, reprenant quelques distances. Il lui donna son nouvel insigne ainsi que quelques instructions pour commencer sa mission.

-Tu es rentrée en tant qu’Akhaban tu en ressortiras en tant que Sublime, fais moi honneur et portes le avec plus de dignité que Suhayl.

Aleth posa son verre sur le bureau et récupéra l'objet d'or pour l'observer.

-Je ferais mieux de changer de garde-robe alors.

Il était vrai que la mercenaire n'était pas connue pour sa classe. Ses vêtements étaient fonctionnels et la protégeaient sans entraver ses mouvements ce qui rendait son aspect plus militaire/assassine qu'élégante. Au moins, elle en avait conscience et savait rire d'elle-même.
Puis elle releva la tête et répondit avec un peu plus de sérieux.

-Dans tous les cas, ça devrait pas être très difficile de faire mieux. D'autant que je ne lui ai jamais obéit. Y'a qu'à vous.

Ainsi, la nouvelle Sublime admettait avoir déjà un certain respect pour lui. Suffisamment pour suivre ses ordres.

Finalement, Aleth commença à s'éloigner, prenant la direction de la porte. Tout en avançant, elle prit une dernière fois la parole.

-Vous regretterez peut-être votre décision dans quelques temps. Vous vous offrez les services d'une des meilleures mais j'ai un caractère exécrable...

Arrivée à la porte, elle posa la main sur la poignée et se retourna vers Azhar. Un fin sourire se dessinait sur ses lèvres.

-... et je m'accorderai le droit de vous désobéir si j'estime que votre sécurité est en jeu. Sur ce...

Aleth esquissa un signe de tête qui n'avait rien de conventionnel (mais... Aleth n'était pas conventionnel). Après quoi, elle sortit, fermant la porte derrière elle. Première chose à faire : récupérer ses affaires dans le dortoir afin de ne plus avoir à se mêler à ceux qui étaient désormais ses subordonnées. Ensuite, il lui faudrait rencontrer le Grand Sacri et le Grand Sacra. Quitte à obtenir des serments d'obéissance, autant commencer par eux.
De longues journées attendaient la Sublime dans les temps à venir.

Aleth marquait un point, avec ce poste elle signait un engagement à longue durée avec le Prince. Elle ne serait plus aussi libre qu’avant, elle aurait des responsabilités, un serment à honorer. Ils trinquèrent, puis elle reposa le verre sur le bureau pour prendre en main l’objet en or et l’examiner. C’était un bel ouvrage, fabriqué par le Mestre Orfèvre du Palais il y a de cela cinquante-ans. De nombreuses histoires circulaient à son sujet dont celle de l’Akhaban-Hyène connu pour son rire aigu et désagréable qui s’était tué en avalant le bijou. Azhar l’avait éventré pour le faire sortir. Il sourit à sa remarque, elle avait effectivement besoin de changer de garde-robe et de s’acheter des robes de cérémonies.

« Ce n’est pas peu dire. »

Azhar tenta de l’imaginer avec l’une des robes de l’une de ses épouses. Là elle mériterait son titre de Sublime. Il lui en fera parvenir quelques unes, en très peu de temps il avait réussi à cerner l’akhaban. Il fallait aussi dire que c’était son métier que de cerner les gens afin d’en tirer la meilleure négociation. Il devinait donc que la jolie semi-elfe n’ira jamais de son propre chef se procurer des robes auprès des tailleurs himaéens.

Aleth était l’une de ces femmes indépendantes qui dans un monde d’homme veulent se tailler à leur talent et non à leur sourire une place. C’était remarquable. Mais ennuyeux. Azhar s’imaginait tellement d’amusements possibles si la femme en face de lui n’avait pas autant de principes. Il respectait cela car il avait besoin de personnes comme elle à son servir, des personnes capables. Il avait déjà remarqué qu’elle avait du tempérament, et également qu’elle le respectait. C’était aussi une raison pour laquelle il lui faisait confiance.

Elle arriva au niveau de la porte, et par-dessus l’épaule, dans un sourire provocateur, elle le défiait à nouveau.

« Et si tu me désobéis alors que ma vie n’est pas en danger, ça sera la fosse aux serpents. »

Il y avait ce petit jeu qui s’était installé entre eux avec le temps, elle le provoquait, il la menaçait, ensuite elle se moquait et rebelote. Dans un sourire pour lui signifier qu’il n’était pas sérieux, il l’autorisa à s’en aller d’un signe de la main et retourna à son office. Du travail l’attendait.

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