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| [Un pan du passé] La folie de la guerre (Anorn) {Terminé} | |
| | Auteur | Message |
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Telenwë Neraën
Elfe
Nombre de messages : 571 Âge : 32 Date d'inscription : 04/07/2015
Personnage :.: MANUSCRIT :.: Âge : 816 ans Taille : 2m05 Niveau Magique : Apprenti.
| Sujet: [Un pan du passé] La folie de la guerre (Anorn) {Terminé} Mar 21 Juil 2015 - 14:21 | |
| Septième siècle du X° Cycle, Bataille du lac Uraal. La respiration difficile après cet énième effort, le corps trempé de sueur et sali autant par le sang que par la poussière et la terre, le visage tordu par la douleur et la main serrant la blessure faite à la jambe gauche, le lieutenant dégagea son arme du nouveau cadavre et se redressa. Tout autour de lui n'était de ruine et désolation : corps sans vie, arbres détruits par la magie, terre souillée... le lac Uraal lui-même devait avoir pris la teinte rouge du sang, qu'il soit elfe ou drow. Tristesse, incompréhension, détermination. Haine et violence. C'était ainsi que Neraën voyait ce qui animait les deux camps depuis maintenant trois jours, les raisons pour lesquelles chaque guerrier venait à occire l'autre et pour lesquelles chaque mage passait son temps à formuler des mots incompréhensibles à ses oreilles afin de jeter des sorts plus ou moins dévastateurs sur l'autre. Une boucherie, c'était le cas de le dire. Une boucherie ou l'être n'était plus forcément un être mais une partie de l'arme qui tuera l'adversaire. Après trois jours à se battre et à trop peu se reposer, l'elfe ne continuait plus que grâce à ses nerfs et à sa forte volonté. L'elfe qui se tenait encore debout à ses côtés était pareil, si ce n'était qu'il était encore jeune et qu'il avait besoin d'une personne pour le garder sur le droit chemin. Le lieutenant aigle vit d'un simple coup d’œil la fatigue et la peine qui s'éteint peints sur le visage de son compagnon d'arme. Un regard plus loin et l'elfe aperçut, allongé sur le sol, l'autre aigle qui l'avait suivi. Une âme de perdue, une de plus. Mais c'était la guerre et celle-ci réclamait tout autant sa part d'horreur que de folie.
Un regard vers le lac, un signe de sa main terreuse au jeune aigle. Ils n'étaient plus qu'à quelques mètres de leur but, une fois là-bas ils retrouveraient d'autres militaires et ils pourraient avancer plus facilement. Sans plus se retourner Neraën recommença à courir, épée double en main, avant d'être projeté de longs mètres en arrière. Une forte lumière explosa non loin de lui, l'aveuglant, suivie très rapidement d'un bruit assourdissant puis d'un cri. L'elfe sentit qu'il ne touchait plus terre alors que la magie entrait en lui tout comme l'air entrait dans ses poumons. Sa main droite lâcha son arme, puis vint la chute lorsque le corps musclé su heurta au sol dur. Pas un cri malgré la douleur fulgurante qui naquit dans l'épaule droite. L'elfe ouvrit d'abord grand la bouche et les narines afin de réussir à respirer avant de se retourner avec de grands gestes désarticulés, cherchant ses repères dans un monde qui était devenu aussi noir que les ténèbres et ayant l'impression qu'il n'était plus sur un sol stable. Après quelques secondes son cerveau réussit à se remettre assez du choc pour qu'il puisse planter les doigts de sa main droite dans le sol poussiéreux et se stabiliser, à genoux face à la terre. La lumière n'existait plus mais la magie, elle, oui : il avait l'impression qu'il allait exploser d'une seconde à l'autre, ne comprenant aucunement pourquoi ce n'était pas déjà le cas vu tout ce qu'il ressentait. Il essaya de vomir ce qui était en trop en lui, de la faire partir, mais ce fut à peine s'il réussit à rendre de la bile. Sa respiration ne devint plus que râle et continua une lente agonie jusqu'à ce que la bataille ne se décale un peu.
"Lieutenant ? Lieutenant ! -Il est encore vivant ? -Ouais mais dans un sale état. Je n'ai même pas l'impression qu'il nous entende... Aide-moi à le porter, on retourne à l'arrière. Les autres sont morts, ça se voit. -Je ne sais pas ce qu'il s'est passé ici, mais les dégâts sont impressionnants. -La guerre, la magie... dépêche-toi plutôt avant qu'on ne nous tire dessus !"
Les deux elfes prirent leur supérieur en plaçant ses bras sur leurs épaules, ce qui créa une réaction que le plus vieil aigle comprit comme étant un sursaut ou peut-être de la crainte. Il rassura Neraën en lui indiquant qui il était et où il le menait puis marcha en direction de ce que certains surnommaient à juste titre le "mouroir". Trop de blessés, pas assez de guérisseurs, trop peu de temps. L'elfe avait déjà bon espoir en ne remarquant pas de blessure grave sur le militaire, même s'il devait avouer qu'il l'inquiétait. Arrivés près de l'un des dispensaires il fit signe à son jeune confrère d'aller prendre en main un autre groupe... l'aîné se doutait fort que s'il revenait vivant de cette guerre son comparse arrêterait l'armée, comme beaucoup suite à de telles batailles. Aussi préférait-il qu'il ne voit pas l'état du dispensaire à l'intérieur et surtout qu'il n'entende pas quelque funeste diagnostique concernant son supérieur. Déjà qu'ils ne retrouvaient pas leur capitaine, ensuite la vue de la mort de Caranthir, le plus puissant mage d'Anaëh... autant éviter d'en rajouter - et éviter de répandre maintenant la nouvelle de la mort du mage jusque dans les dispensaires. Il se présenta donc devant un guérisseur aux traits tirés par la fatigue avec son blessé, demandant où est-ce qu'il pouvait le déposer.
Dernière édition par Neraën Yeldoreï le Ven 28 Aoû 2015 - 14:55, édité 1 fois |
| | | Anorn
Ancien
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| Sujet: Re: [Un pan du passé] La folie de la guerre (Anorn) {Terminé} Mar 21 Juil 2015 - 22:10 | |
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Ses yeux avaient fini par se fermer. Avachi dans un coin, son esprit avait lâché prise. La douleur, la peine et la mort avaient fait place à une végétation luxuriante, et à d'agréables souvenirs. Aldartha courrait autour de lui, le sourire aux lèvres, et le défiait de l'attraper. Il n'avait le droit qu'à un seul mouvement, qu'à un seul pas, il le savait. Patiemment, il attendait. Il attendait le moment propice, le moment où l'attention de son frère serait détourné par autre chose, le petit instant de faiblesse qui lui donnerait l'avantage. Quand il le vit détourner légèrement le regard, il se jeta sur lui. ''Haha, raté ! Essaye encore !'' Le rire de son jumeau raisonna un instant, comme s'il était captif de quelque chose, puis s'envola vers les cimes. Anorn, en bon perdant, ne râla pas, et s'exécuta. Au bout de la troisième fois, il le fit rouler dans l'herbe. Lorsqu'ils se relevèrent, leurs vêtements étaient emplis d'herbe, et par endroit, de grosse tâches vertes étaient apparues. ''Anorn !'' Lorsqu'il entendit leur mère l'appeler, il regarda son frère, en faisant la moue. Mais celle ci disparue bien vite, puisqu'ils partirent tout deux d'un grand rire qui leur était impossible de faire taire. ''Anorn !'' la voix se fit plus grave, et il se rendit compte rapidement qu'il ne s'agissait pas de la voix de leur mère, loin de là. Il fallut qu'on l'appelle une troisième fois pour qu'il se rende compte qu'on l'appelait pour de vrai. On ne se privait pas de secouer son épaule pour le tirer de son sommeil, puisque, apparemment, il s'était assoupi.
Lorsqu'il réussit enfin à ouvrir les yeux, ce fut pour voir la tête paniqué d'un de ceux qui organisaient les opération. Se frottant les yeux, il se releva péniblement, en soutenant son dos endolori par la position dans laquelle il s'était endormi. S'était-il réellement affalé contre ce mur avant d'être emporté par la fatigue ? Il n'avait pas le souvenir de s'être laissé tomber là, ni même d'avoir dormi. Il avait seulement fermé les yeux une seconde, avant de repartir au chevet d'un autre blessé. Chose qu'il n'avait visiblement pas faite, en fin de compte.
- Pourquoi cette panique ? Que se passe-t-il ? Les drows ont contre-attaqué ? Ils ne sont pas rentré chez eux, c'est cela ? Ils sont encore sur nos terres et se sont emparés d'autres villes ? - Non, non, grâce à Kÿria, rien de tel. Il ne s'agit pas d'eux, il s'agit de nous. Un soldat. Le lieutenant des Aigles. Il... Viens voir, je crois que je ne pourrais pas te l'expliquer.
S'il avait été plus jeune, Anorn aurait certainement cédé à la panique. Celui qui était venu le chercher en urgence était visiblement impuissant face à la situation, et il n'avait aucune idée de ce qu'il devait faire, à en juger par son comportement. On le guida à l'entrée du dispensaire, là où un elfe en soutenait un autre. Ce dernier était blessé à la cuisse gauche, et semblait avoir l'épaule droite de démise, mais ce n'était pas ce qui interpella Anorn en premier. Ce qui le laissait dubitatif était la vraisemblable cécité de ce dernier. Ses yeux étaient rivés droit devant eux, et son regard semblait si lointain, qu'il aurait pu se croire invisible. Le pauvre était visiblement en état de choc. Doucement, l'elfe s'approcha de lui et demanda à celui qui l'avait transporté s'il savait ce qu'il s'était passé. On le lui relata rapidement, mais cela ne l'aida pas à comprendre son état.
- Vous êtes dans un sale état Lieutenant. On vous a amené au dispensaire, vous avez la cuisse entaillée, vos muscles sont visiblement déchirés, mais l'artère fémorale n'a pas l'air d'être touchée. Votre épaule droite semble démise. Comprenez-vous ce que je dis ?
Le silence fut le seul à lui répondre. Anorn était habitué à ne pas recevoir de réponse, mais il était primordial d'exposer son état au patient. Parfois, lorsqu'il était en état de choc, il n'avait absolument pas conscience de ce qu'il se passait, ni de ce qui arrivait à son corps. Mais ils entendaient les explications qu'on leur donnait, et s'il ne pouvait imaginer sans se tromper l'effet que cela faisait, on lui avait dit que c'était un point important. Etre en parfaite connaissance de son état pouvait, à ce qu'on disait, améliorer le processus de guérison, tant physique que mental. De plus, comme cet elfe semblait momentanément aveugle, le fait de définir avec lui, en détails, la suite des opérations était nécessaire.
- A vous voir, je pense que vous êtes aveugle pour l'instant. Je ne vois pas de lésion oculaire, je pense donc pour l'instant que cela est du à un choc émotionnel. Nous allons devoir vous emmener dans le dispensaire, je ne peux pas vous soigner ici. Je dois vous allonger et vous examiner entièrement, pour déterminer si vous avez de quelconques lésions internes. Lorsque j'aurai refermé vos entailles, je ferai venir un de nos frères, spécialisé dans l'esprit, qui s'occupera de vous mentalement. Si jamais vous ressentez le besoin de vous exprimer, n'hésitez pas à le faire. Mais si vous n'y arrivez pas, sachez que cela n'a pas d'importance pour le moment.
Sa voix était calme et posée. Il parlait clairement, et ses mots étaient bien détachés les uns des autres. Anorn ne savait pas s'il était compris, ni même entendu. Il attendit un instant avant de faire signe au soldat qui le portait. Lui et l'autre elfe du dispensaire prenaient la relève. Il lui dit d'aller faire un tour là où se trouvaient les plus jeunes des mages de la vie présents, pour se faire soigner les entailles et autre éraflures, et pour prendre du repos. Il put lire dans ses yeux l'appréhension. Il ne voulait sans doute pas laisser son Lieutenant aux mains d'étrangers, mais Anorn insista.
- Vous reviendrez à son chevet lorsque vous irez parfaitement bien. Tout devrait bien se passer.
Réellement ? Tout devrait bien se passer ? Il l'espérait sincèrement. Mais il n'avait jamais vu un tel cas, encore moins suite à ce qu'il s'était soit disant passé. Passant délicatement un bras sous celui de l'elfe, il accusa son poids sans rechigner. Adressant une rapide prière à Kÿria et à Tari, il franchit le seuil du mouroir.
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| | | Telenwë Neraën
Elfe
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| Sujet: Re: [Un pan du passé] La folie de la guerre (Anorn) {Terminé} Mer 22 Juil 2015 - 15:30 | |
| "Lieutenant ? Lieutenant ! -Il est encore vivant ? -Ouais mais dans un sale état. Je n'ai même pas l'impression qu'il nous entende... Aide-moi à le porter, on retourne à l'arrière. Les autres sont morts, ça se voit. -Je ne sais pas ce qu'il s'est passé ici, mais les dégâts sont impressionnants. -La guerre, la magie... dépêche-toi plutôt avant qu'on ne nous tire dessus !"
Neraën ne comprenait pas. Ses doigts étaient toujours plantés dans la terre, seul lien qui lui permettait de s'orienter correctement. La respiration toujours aussi difficile, il avait fini par se retrouver allongé sur le ventre, son corps se basculant régulièrement de gauche à droite comme s'il se trouvait sur un bateau secoué par les vagues. Le sol était la seule chose de stable dans son environnement : pour tout le reste il avait l'impression d'être confronté à un vent qui tournoyait autour et dans lui, chargé de douleur, d'émotions, de pleurs et de cris. Parfois il arrivait à cracher de l'air, trouvant un moyen d'avoir l'espoir de ne exploser de l'intérieur. Un équilibre incertain qui ne dura guère assez longtemps pour pouvoir s'adapter.
Ses bras furent décollés du sol, ses doigts déplantés, et complètement renversé, n'arrivant pas à trouver dans quel sens on le mettait là. Il sentit quelque chose sous ses bras, s’agrippa de ses deux faibles mains à ce qu'il reconnut comme étant du tissu et ne put rien faire d'autre que de se laisser entraîner. Un instant ses membres se mirent à trembler, provoquant une voix extérieure que le lieutenant ne reconnut pas. Amie, ennemie ? La seule réponse qu'il reçut fut une avalanche de sensations qui l'assomma presque : fatigue, crainte, peur, appréhension, détermination, famille, frères d'arme...Un amalgame de choses qui s'ajoutaient aux pleurs, à la souffrance et aux cris silencieux, donnant alors l'impression à l'elfe d'entendre sans vraiment entendre, de lire sans même voir. Peur. Il aurait voulu se détacher de tout cela mais ne réussit aucunement à reprendre suffisamment le contrôle de son corps pour s'esquiver. Il continua donc à être emmené, ne s'habituant pas à ces choses qui commençaient à le noyer, puis la personne sous son bras droit partit. Ce fut comme si on venait de couper une partie de lui-même et de l'arracher soudainement, ce qui le fit s'effondrer. Ce qu'il comprit être un bras le retint et la marche ne tarda plus à s'arrêter.
"Vous êtes dans un sale état Lieutenant. On vous a amené au dispensaire, vous avez la cuisse entaillée, vos muscles sont visiblement déchirés, mais l'artère fémorale n'a pas l'air d'être touchée. Votre épaule droite semble démise. Comprenez-vous ce que je dis ?
Lieutenant... Lui parlait-on ? Mais qui ? Neraën fit un véritable effort pour arriver à comprendre la suite du récit ; il ne comprit pas trop quel était son état mais retint le mot dispensaire. On l'emmenait se faire guérir... les fous, s'ils savaient qu'il y avait cette chose - cette magie ? - qui lui donnait l'impression d'exploser à tout moment ! La peur, encore. Celle d'être devenu une arme ennemie en plus d'être dans un environnement complètement instable. L'elfe essaya de répondre à la question qu'on lui posait mais aucun son ne sortit de sa bouche. Il avait l'impression que l'air lui-même n'arrivait pas à passer entre ses cordes vocales tant ce qui était en lui prenait toute la place. Ses lèvres ne bougèrent pas non plus. Alors commença un combat contre lui et ce qui le prenait.
-A vous voir, je pense que vous êtes aveugle pour l'instant. Je ne vois pas de lésion oculaire, je pense donc pour l'instant que cela est du à un choc émotionnel. Nous allons devoir vous emmener dans le dispensaire, je ne peux pas vous soigner ici. Je dois vous allonger et vous examiner entièrement, pour déterminer si vous avez de quelconques lésions internes. Lorsque j'aurai refermé vos entailles, je ferai venir un de nos frères, spécialisé dans l'esprit, qui s'occupera de vous mentalement. Si jamais vous ressentez le besoin de vous exprimer, n'hésitez pas à le faire. Mais si vous n'y arrivez pas, sachez que cela n'a pas d'importance pour le moment.
Pas d'importance ? Si... il fallait... il fallait quoi d'ailleurs ? Pouvait-il seulement faire quelque chose contre ce qui était en train de se passer ? Celui qui le maintenait s'extirpa, ce qui lui donna l'impression qu'on venait à nouveau de lui arracher quelque chose à l'intérieur de lui, pour être remplacé par une autre personne. A nouveau une avalanche de sentiments et d'idées plus ou moins claires qui le fit trembler. En même temps commença à monter en lui un malaise des plus profonds ainsi qu'un concentré de douleurs qui lui vrilla tout son corps. En ce lieu le cri qu'il entendait depuis le début était moins fort... mais la peine était si grande que des larmes coulèrent sur ses joues sales. Il regarda sur sa gauche, là où devait se trouver celui qui le tenait. Tout était encore noir mais étrangement il avait l'impression de le voir, lui. Il ne pouvait pas croire qu'il était arrivé dans un dispensaire. Ce devait être le royaume de Tari qui s'ouvrait en partie à lui et bien qu'il avait dû prier plusieurs fois cette déesse de l'achever, il ne put s'empêcher d'essayer de reculer, son esprit ne supportant pas la douleur grandissante ni l'impression de se retrouver au milieu de dizaines d'autres personnes.
Son pied cogna contre celui d'un blessé qui, faute de place, était à même le sol. Neraën ressentit tout, une nouvelle fois, mais surtout il eut l'impression qu'on lui transperçait le ventre avec une épée, ce qui le fit tomber par terre malgré le maintien du mage. Son souffle se coupa une seconde avant que l'air n'entre en lui en un râle bruyant et qu'il le rejette en crachant du sang. Une main enfonça machinalement ses doigts dans la terre pendant que l'autre alla se poser sur la plaie inexistante. Sa tête lui tourna, tout recommença à tanguer dans tous les sens. L'impression d'explosion cessa doucement... Le lieutenant vit - ou sentit - le mouvement de la troisième personne à l'avoir porté pour se rapprocher de lui, son bras partit sur le côté, attrapa ce qu'il devina être l'avant-bras de l'autre, fut submergé par l'inquiétude, les émotions, les pensées, même des images apparurent devant ses yeux ! Alors il perdit complètement son sang-froid, se retourna pour lui faire face, tombant dans son propre sang, reculant, mais surtout criant parmi les voix qui commençaient à s'infiltrer dans sa tête
-Non ne m'approchez pas !" |
| | | Anorn
Ancien
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| Sujet: Re: [Un pan du passé] La folie de la guerre (Anorn) {Terminé} Lun 27 Juil 2015 - 16:38 | |
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Tout se passait relativement bien, jusqu'à ce que l'aveugle soit pris de panique. Surpris, Anorn n'eut pas le temps de resserrer sa prise, et il tomba brusquement en avant. Par réflexe, il se pencha pour essayer de le remettre debout, tandis que le lieutenant se tenait désespérément le ventre, et cherchait à reprendre sa respiration. On voulu l'aider à se relever, mais il recula soudainement, hurlant de ne pas l'approcher. La plaie de sa cuisse s'était ouverte un peu plus, et le sang continuait d'affluer en grande quantité. S'il continuait comme cela, il risquait d'avoir des séquelles pour le restant de ses jours. Peut-être même allait-il réussir à se déchirer l'artère fémorale. Et là, ils devraient agir rapidement et correctement. Anorn se préparait déjà à cette éventualité depuis quelques minutes lorsqu'on lui fit remarquer le problème.
- J'ai besoin d'aide, va me chercher deux autres personnes, avant que les choses ne dégénèrent.
Elles avaient déjà commencé à mal tourner, certes, mais rien de grave n'était encore arrivé. Il craignait que le lieutenant ne se blesse plus encore, voire aggrave l'état de certains blessés. Aveugle, et sans repères, s'il continuait à s'affoler ainsi, les conséquences ne pourraient qu'être mauvaises.
- Lieutenant ! Ecoutez moi. Personne ne va vous approcher. Personne ne va vous approcher. Vous m'entendez ?
Il avait fait quelque pas dans sa direction, mais s'était arrêté à quelques mètres de lui. Il ne savait toujours pas s'il était entendu ou non, et il n'avait aucun moyen de le savoir. Seulement, il l'espérait. Il l'espérait sincèrement, parce que s'il ne se calmait pas, Anorn ne pourrait rien faire pour lui. Il savait soigner le corps, mais n'avait aucune notion quant à l'esprit.
- Je ne sais pas ce qu'il se passe, je n'ai aucune idée de ce qui peut se dérouler dans votre tête. Seulement si vous continuez à vous agiter, vous ne ferez qu'empirer votre état. Vous risquez aussi de blesser d'autres elfes. Alors je vous en prie, calmez-vous !
Chaque fois qu'il avançait, l'autre reculait. Il devenait impératif de le sortir d'ici, ou tout du moins, de l'isoler dans un endroit où il ne serait plus un danger pour lui, ou pour les autres. Quand ceux qu'il avait envoyé chercher arrivèrent, il leur fit signe de se mettre derrière le lieutenant. S'il pouvait arrêter de reculer au milieu des blessés, cela arrangerait grandement Anorn. A chaque nouveau mouvement, il craignait la chute.
- N'essayez pas de l'attraper. Il faudrait qu'il se calme avant qu'on ne tente quoi que ce soit.
Seulement voilà, l'elfe n'avait pas l'air de bien saisir la situation, et continuait à hurler de ne pas l'approcher. Anorn avait beau lui dire que personne n'allait essayer de l'attraper, que personne n'avait l'intention de le toucher, cela n'arrangeait pas les choses. Dans son semblant de fuite, il ne cessait d'effleurer des soldats, et cela le rendait visiblement de plus en plus instable. Le mage soupira fortement. Il n'avait pas besoin de ça, pas aujourd'hui. D'autres elfes attendaient d'être soignés, pour pouvoir quitter le dispensaire et rejoindre un des nombreux convois qui les emmènerait chez eux. Et celui ci mobilisait quatre d'entre eux. Bientôt plus, puisque cela n'avait pas l'air de s'arranger.
- Lieutenant ! Ne bougez plus. C'est un ordre.
S'il n'obtempérait pas, alors ils seraient obligés de l'attraper de force, et de l'emmener à l'écart des autres blessés. Anorn n'aimait pas cette option, mais il ne leur laissait pas réellement le choix.
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| | | Telenwë Neraën
Elfe
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| Sujet: Re: [Un pan du passé] La folie de la guerre (Anorn) {Terminé} Dim 9 Aoû 2015 - 21:55 | |
| Les voix... De plus en plus nombreuses, de plus en plus semblables comme dissociables. Elles formaient ensemble un ouragan dévastateur, de l'eau qui emplissait une pièce dans laquelle Neraën était enfermé, voyant le liquide transparent l'ensevelir au fur et à mesure que le temps passait. La pièce n'était pas bien grande, aussi l'eau montait vite, très vite...
Au milieu de toutes ces voix s'entremêlant - dont faisait partie celle de celui qui l'avait soutenu - éclata celle du lieutenant, rai de lumière dans une salle obscure. Le fait de sentir l'air passer par sa gorge, ses cordes vocales se muer pour former et son et l'air emmener ce dernier par-delà ses lèvres l'apaisa un très bref instant, avant qu'à nouveau les voix essaient de le noyer. Certaines étaient de souffrance, d'autres défaitistes, froides, neutres, apaisantes, pensées, de fatigue, de peur, de... L'elfe avait beau regarder partout autour de lui, essayer de trouver d'où venaient ces voix, la seule chose qu'il arrivait à distinguer au milieu de la noirceur totale était cet être qui s'approchait de lui. Rêve ou réalité ? Impossible de le dire ; il n'arrivait même pas à distinguer s'il voyait réellement cette personne qui se penchait vers lui ou s'il la ressentait d'une manière étrange. Quoi qu'il en soit le premier réflexe qu'il eut fut de reculer, encore et encore, frôlant malencontreusement plusieurs blessés dont il ressentit immédiatement les blessures et le mal-être du corps qui allait avec. L'aigle se reteint à plusieurs reprises de crier, ses membres le lâchèrent et le peu de lui qui s'élevait du sol tomba sur la terre ferme, épuisé. Les voix lui prenaient la tête, il avait l'impression que celle-ci allait finir par exploser tant elles le noyaient. C'en était trop, si bien qu'il n'entendait plus. Seuls les ressentis et le peu de choses qu'il "voyait" étaient désormais son monde.
"Arrêtez, arrêtez...
Allongé sur le sol, se recroquevillant désormais plus qu'il ne reculait, des larmes coulèrent le long de ses joues. Les deux mots qu'il venait de prononcer étaient à peine audibles mais si quelqu'un avait pu l'entendre, il aurait senti toute la détresse de l'elfe ainsi qu'un déchirement qui commençait à se faire en lui.
-ARRÊTEZ, TAISEZ-VOUS !"
Ce fut alors le silence : dans la tente plus un mot ne fut prononcé, quelques elfes même s'arrêtèrent dans leurs mouvements sans savoir exactement pourquoi. Les voix se turent également pour la majorité, ou s'estompèrent quelque peu. Neraën put enfin respirer, se reprendre, ressentir un peu ce qu'il était réellement et non pas ce qui était autour de lui. A tâtons il rechercha la stabilité du sol et se redressa, tenant avec mal sur ses genoux. Il y eut un instant de flottement où le sembla s'arrêter, où le monde qu'il percevait arrêtait de tourner. L'être qu'il percevait ne venait plus vers lui. Il respira. Et tout revint d'un coup, lui faisant agripper sa tête de sa main calleuse, l'envahissant d'émotions qu'il ne pouvait maîtriser. Il ferma les yeux et de nouvelles larmes perlèrent. Il n'arrivait pas à s'en défaire... il comprenait aussi que ce qu'il se passait l'envahissait beaucoup trop pour qu'il le supporte. Alors, dans un moment de lucidité... ou de folie ? il fit un effort pour se relever tout en portant une main tremblante dans son dos au niveau de la ceinture. Un instant il se perdit à lui-même, enveloppé par tout ce qui l'entourait, et ce qui n'était plus qu'un instinct guerrier referma sa main sur le manche du poignard que personne n'avait jusque là estimé bon de lui enlever. La lame glissa dans le fourreau et vint au clair, laissant à penser au pire quant à ce que ferait le guerrier. |
| | | Anorn
Ancien
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| Sujet: Re: [Un pan du passé] La folie de la guerre (Anorn) {Terminé} Lun 10 Aoû 2015 - 0:19 | |
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Anorn avait peur de devoir intervenir de force. Il voyait bien que l'elfe n'était pas dans son état normal, et qu'il avait besoin d'aide. Seulement voilà, lorsqu'on essayait de le lui en apporter, il la refusait systématiquement. Il avait bien compris qu'il ne voulait pas être touché, qu'il voulait qu'on le laisse en paix, avec lui même et quoi qu'il puisse se passer d'autre dans sa tête. Mais c'était impossible. Purement et simplement. Parce qu'il se mettait en danger, et pire encore, il mettait les autres blessés en danger. Il n'était visiblement plus maître de ses émotions, ni de ses gestes, ne contrôlait plus ni son corps ni son esprit, et par conséquent, était réellement dangereux. Pourtant, juste avant qu'il donne l'ordre de l'attraper pour le sortir, il s'établit un contact visuel entre eux. Alors même qu'il était aveugle. Alors même que ses yeux ne voyaient pas. D'une main, il signifia aux autres de ne pas bouger. De ne pas le toucher. Pas encore. Bientôt viendrait ce moment. Ce moment inévitable où ils devraient le toucher, où ils devraient le forcer. Mas pas maintenant. Et alors, il l'entendit murmurer. Il n'était pas certain des mots, mais le ton était sans appel. Il suppliait. Il ne savait pas qui, mais il suppliait. Les larmes qui roulèrent alors sur ses joues brisèrent le cœur d'Anorn. Il pouvait ressentir toute l'étendue de sa détresse, il pouvait faire sienne la douleur qui l'envahissait encore et encore.
Et alors, sans préavis, sans mise en garde, il fut propulsé des siècles en arrières. Lorsque pour la première fois, son monde entier s'était écroulé. Lorsqu'il avait perdu une des seules personnes qui avait jamais compté dans sa vie. Qu'il avait du faire face à toute cette peine, toute cette souffrance. Tant à la sienne qu'à celle des autres. Et cela avait été le plus dur. De devoir gérer ses émotions, et celles des autres, de devoir les tenir debout tant bien que mal, alors qu'à l'intérieur de lui, au fond de son cœur, tout s'écroulait, partait en fumée. Dans l'attitude de cet elfe, dans la peine de ce soldat, il voyait son frère. Son frère qu'il n'avait pas pu sauver, son frère qui s'était effondré, pour ne plus jamais se relever. Là encore, il se retrouvait impuissant. Sauf qu'aujourd'hui, il n'allait pas se laisser abattre. Aujourd'hui, il allait essayer, encore et encore, sans relâche. Il en était là dans sa réflexion personnelle lorsqu'un cri lui perça les tympans. Cela le fit quelque peu sursauter, puisqu'il ne s'y attendait pas vraiment. Mais ce qui suivit le cloua sur place. Cet ordre qui venait d'être crié fut presque instantanément exécuté. Pendant un court instant, qui parut être une éternité, le dispensaire entier se figea. Lui y compris. Et pendant cet instant, il fut incapable d'aligner une pensée correctement. Son esprit était comme confus, voire pire, presque inexistant. S'il forçait pour reprendre le contrôle sur ce dernier, il dut attendre que tout le reste reparte, que le silence soit à nouveau percé, et que son corps accepte à nouveau de bouger, pour faire affluer ses pensées.
Alors, le cœur d'Anorn se mit à battre plus vite pendant quelques secondes. Son souffle s'accéléra, et s'il s'était laissé aller, s'il n'avait pas eu l'habitude de contenir ses émotions, et de contrôler son corps, il aurait certainement fait une crise d'hyperventilation due à la panique. Parce qu'il fut pris d'une panique inconditionnelle et quasiment ingérable. Il ne savait pas comment, ni pourquoi, mais ce fut bel et bien le cas. Dans le même temps, le Lieutenant des Aigles avait saisi son arme, qu'on ne lui avait pas enlevé. En général, on enlevait les grosses lames à l'entrée, et les petites lors de l'examen. Seulement voilà, on n'avait pas encore eu le temps de lui faire ce fameux examen. Debout au milieu de tous, sa dague fermement en main, Anorn craignait le pire. D'un signe de la tête, il autorisa les deux elfes derrière le soldat à intervenir. Rapidement, ils se saisirent chacun d'un bras, l'un s'occupant de l'arme, l'autre essayant de son mieux de la stabiliser, tandis que le magicien essayait de lui expliquer point par point ce qu'ils faisaient. Mais à peine eut-il commencé à parler qu'il réagit violemment, si violemment qu'ils eurent besoin de lui pour le maintenir plus étroitement. Généreusement, on lui laissa un bras pendant qu'on prenait ses jambes. Quand sa main toucha son corps, Anorn fut estomaqué. Et ils se retrouvèrent dans un coin vide du dispensaire avant qu'il ne s'en rende compte.
Pourtant le trajet avait du être éprouvant, puisque le Lieutenant s'était débattu de toutes ses forces, mais il n'en gardait pas souvenir. Parce qu'il avait vu quelque chose qui avait capté toute son attention, et qui avait bouleversé tout ce qu'il croyait savoir. D'ordinaire, lorsqu'il ouvrait son corps à la magie, lorsqu'il s'immergeait dans le flux, il pouvait voir toutes ces couleurs, tous ces cheminements, et toute cette énergie. Mais là, quand il l'avait touché, quand il avait créer un lien physique entre eux, il avait été transporté dans ce monde de couleurs et d'énergie, et il ne l'avait pas reconnu. Ou plutôt, il n'avait pas reconnu ce qu'il se passait autour, avec, et même à l'intérieur de l'elfe qu'il soutenait. Un désordre sans nom, et en même temps, une sorte de parfaite harmonie. Comme s'il était à la fois tout et rien. Un trou béant, mais rempli. Alors quand on lui fit remarquer qu'il ne voulait pas se tenir tranquille sur un lit, Anorn soupira. Porquoi devait-on automatiquement le ramener à la triste réalité, cette réalité si terre à terre, lorsqu'il découvrait quelque chose d'aussi fascinant ?
- Mais bien sûr qu'il ne veut pas tenir sur le lit, on s'en fiche du lit, ça n'a pas la moindre importance ! Va plutôt me chercher un mage de l'esprit, et un costaud, au lieu de me prendre la tête avec des broutilles de ce genre. Et dépêche toi. Je ne donne pas cher de sa vie s'il reste trop longtemps dans cet état.
Après ce qu'il avait vu, ou ce qu'il avait pu apercevoir, il craignait effectivement que l'esprit de l'elfe se dissolve purement et simplement.
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| | | Telenwë Neraën
Elfe
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| Sujet: Re: [Un pan du passé] La folie de la guerre (Anorn) {Terminé} Lun 10 Aoû 2015 - 19:36 | |
| Il n'était plus. Ou tout ce qui était en lui ne lui appartenait pas. L'instinct avait donc pris le dessus, le guerrier étant obligé de se retrancher au plus profond de lui-même, et c'était cet éveil qui avait fini par provoquer un réel agissement du côté des guérisseurs. En entendant crier, l'aigle à qui on avait dit d'aller se faire soigner les quelques blessures qu'il portait se retourna et porta un regard intrigué sur la scène qui se passait à quelques dizaines de mètres de lui. Le mage qui s'occupait de lui, après un court moment, lui fit comprendre d'un signe qu'il fallait qu'il se reconcentre sur sa propre guérison. Edhelion voulut répondre mais aucun mot ne réussit à sortir de son esprit pour pouvoir franchir ses lèvres. Inquiet il se laissa faire, jusqu'à ce que de nouveaux cris retentissent près d'une minute plus tard. A nouveau il se retourna et là il ne put obéir au guérisseur, comprenant que la prise en charge de son lieutenant tournait mal et que celui-ci devenait un danger pour les autres. Le mage rouspéta, il n'en fit rien. Il se mit à courir avant que quelqu'un ne commette l'irréparable.
Neraën ne savait plus. L'être qu'il pouvait "voir" fit un geste et il se retrouva soudainement pris par derrière, ayant pour seul réflexe d'essayer de se défaire de ses adversaires et de donner des coups de poignard. A peine fut-il touché que deux nouveaux liens se créèrent : détermination, peur, incompréhension, fatigue... deux nouvelles lumières dans la noirceur dans laquelle était plongé l'aigle, deux lumières contre lesquelles il ne put que se battre. A la première, il sentit qu'il la frôla de sa lame. La deuxième, qui lui prit le bras gauche, il sut que son arme se planta dans le son corps, au niveau de la taille. L'être de lumière le relâcha, lui tomba et cracha du sang, comme si c'était lui qui avait pris la blessure. Une âme avec laquelle il était déjà lié arriva dans son champ de vision, disparut et le prit. Il se débattit, hurla, désira que tous ceux qui le touchaient, que toutes ces âmes qu'il percevait s'éloignent, disparaissent, ne lui transmettent pas toutes leurs émotions plus qu'il ne le fallait... il était loin de se douter que c'était ce qu'il voyait qui permettait à sa propre âme d'exister.
Edhelion rattrapa le guérisseur qui venait de se retrouver avec un poignard sur le côté et le déposa précautionneusement sur le sol à l'écart du combat. Il attrapa fermement Neraën en faisant attention à avoir ses bras resserrés autour de ses coudes, forçant sur ses muscles de soldat pour faire en sorte que l'elfe n'arrive pas à se défaire de son emprise tant que les autres n'étaient pas prêts. Ils arrivèrent tant bien que mal à le porter jusqu'à un endroit où ne se trouvaient pas de blessés. Son lieutenant se débattait comme un démon et hurlait à fendre les cœurs, si bien que le soldat lui-même eut du mal à tenir son frère d'arme sur le lit de fortune.
"Mais bien sûr qu'il ne veut pas tenir sur le lit, on s'en fiche du lit, ça n'a pas la moindre importance ! Va plutôt me chercher un mage de l'esprit, et un costaud, au lieu de me prendre la tête avec des broutilles de ce genre. Et dépêche toi. Je ne donne pas cher de sa vie s'il reste trop longtemps dans cet état. - Allez-y, je m'occupe de le maintenir pendant ce temps, dit Edhelion au mage qui s'empressa d'aller chercher du secours. Puis, s'adressant à Anorn. Avez-vous une idée de ce qui lui arrive ?"
En dehors du dispensaire, les gens encore capables de se mouvoir sans avoir besoin de soins vaquaient à leurs occupations d'après-bataille. Celebrand, mage millénaire de son état, discutait avec l'un de ses collègues lorsqu'ils entendirent tous deux des cris venant du mouroir.
"Ah, ce n'est pas un cri de mourant... Je parie, mon cher Illiad, que dans six... cinq... quatre... trois... deux... un... -Un mage de l'esprit, nous avons un problème ! -Gagné ! -Et qu'avez-vous gagné ? -Le devoir de m'occuper d'un elfe qu'il aurait certainement mieux valu achever ! Mais, comme d'habitude, les guérisseurs tiennent trop à la vie et au final se retrouvent avec des situations grotesques, périlleuses, ou tout simplement n'arrivent pas à trouver le temps de soigner le maximum de blessés. -Alors il me semble que pour moi aussi l'heure du travail va sonner, malgré que la bataille ne soit terminée. Celebrand, vous n'oublierez pas notre réel pari ? -Sur nos nombres de patients ? Oh non, je ne l'oublierai pas ! Je veux encore une fois pouvoir me régaler chez vous ! -Et moi donc... quoique vous ne m'égalerer jamais en terme de cuisine... Allez donc vous occuper de ce cas, avant qu'une catastrophe ne nous tombe dessus ! -Oh oui... se tournant vers le guérisseur : Eh vous le jeunot ! Qu'est-ce que vous avez à crier comme ça alors que des vieux prennent un repos bien mérité ?
Le mage de la vie s'arrêta net, restant quoi face à l'entrée en scène de l'elfe habillé quelque peu chichement : bagues aux doigts, longue robe de mage en soie malheureusement salie, belles chaussures de cuir... Son maintien droit et hautain aidait à donner de sa superbe. Un noble, très certainement, ou un professeur de l'Académie d'Alëandir - ce qui était tout aussi probable. Sans savoir pourquoi le guérisseur ne réussit pas à reprendre de sa contenance, ce qui fit rire Celebrand.
- Ah les mages de la vie... Bon, besoin d'un mage de l'esprit ? Très bien, je suis là ! Emmenez-moi vite à votre problème avant que je ne change d'avis et je vous préviens, cela arrive rapidement !
Le "jeunot" s'en retourna au dispensaire, suivi par le mage. Pour tous ceux ayant longtemps côtoyé l'Académie, il était reconnu que Celebrand ne tenait pas en très haute estime la plupart des mages de la vie. Pas que la magie qu'ils côtoyaient était inutile, loin de là, mais en cas de guerre ils devenaient incapables de prendre de bonnes décisions. Plus ils vieillissaient plus ils s'amélioraient de ce côté, mais bon... à son goût ils tenaient toujours trop à la vie.
Alors que le vieil elfe approchait du problème, il prit soin de remettre en état de quelques gestes ses manches, puis de s'arrêter non loin d'un médecin qui ne devait plus être bien loin du millénaire ainsi que son "patient" qui essayait de gesticuler dans tous les sens, retenu par un militaire. Il croisa les bras tout en se déplaçant autour des protagonistes, scrutant de ses yeux perçants les agissements de chacun dont le pauvre elfe allongé de force. Il caressa de sa main droite son menton, regarda patiemment le guérisseur puis passa au lieutenant dont il n'arrivait pas à trouver le regard... ou plutôt, il ne remarqua pas ce qu'il aurait dû trouver dans ses yeux. Il s'approcha donc d'Anorn et, lui posant une main sur l'épaule, se penchant vers lui pour le demander de lui laisser la place. L'attention du guérisseur fut forcément attirée vers sa personne et ses yeux rencontrèrent les siens, si bien qu'avec le contact physique il était comme tous les guérisseurs pris dans son petit piège. Celebrand le sonda, aussi bien au niveau des pensées, émotions et des souvenirs, afin de comprendre ce qu'il se passait et d'éviter un temps de discussion inutile. Ces quelques secondes ne furent pas très agréables pour Anorn, mais l'elfe s'en fichait royalement. Tout ce qu'il désirait était d'être efficace et donc il ne s'était pas embêté à cacher à sa cible qu'il utilisait de la magie sur lui. Oh il aurait pu, ce n'aurait pas été bien compliqué puisque c'était un art dans lequel il excellait - il n'aurait jamais été professeur sinon. Une fois la place libre il porta son attention à Neraën, réfléchissant.
- Intéressant, intéressant... Aurait-on là quelque chose de peu habituel ? En s'adressant aux autres. Tenez-le bien, cela ne devrait durer que quelques instants.
Il se releva et prit fermement dans le creux de sa main le visage du blessé, dont les yeux laissaient toujours comprendre qu'il était aveugle. Celbrand lui parla alors d'un ton sec, resserrant sa prise de sorte à faire en sorte qu'il puisse le regarder droit dans les yeux. A peine commença-t-il sa phrase qu'il fut assailli par un ouragan de sentiments, de douleurs voire de voix, le faisant chanceler avant qu'il ne coupe totalement son esprit à tout cela. Il ressentit également l'impression de vide comblé qu'eut Anorn, ce qui lui fit froncer les sourcils.
- Regardez-moi, aigle ! Je sais que vous me voyez. Regardez-moi !
Il resserra encore sa prise, ce qui provoqua le lien visuel entre les deux êtres. Alors commença un travail complexe et dur : rentrer en contact avec l'esprit de l'autre sans pour autant être assailli par tout ce qu'il semblait endurer. Le problème principal fut de cerner l'esprit du patient. Il était là, mais ses contours étaient flous, comme s'il se dissipait... ou bien se faisait-il détruire de l'intérieur ? Et si ce qu'il avait ressenti... si c'était cela qui faisait que... de la magie au sein-même de l'individu ? De toute façon, si ce n'était pas cela il le saurait bien vite ! Alors il plaqua sa seconde main sur les yeux du patient de sorte à ce que son pouce et son majeur se collent aux tempes de l'elfe et s'ouvrit entièrement à la magie. Il se fit force pour tenir debout tant qu'il s'adapte au flux et cerne l'esprit, puis après quelques secondes Neraën eut un soubresaut et arrêta toute action. Le silence, enfin... Celebrand enleva ses mains et vit que l'elfe réagissait comme s'il venait de prendre une dose d'herbes afin de ne plus ressentir la douleur. Très bien... très très bien...
- J'ai coupé son esprit de la magie, y compris de la Symphonie - si cela est réellement possible. Il mettra du temps à se retrouver mais au moins l'échéance est retardée. Je vous conseille de guérir ses plus grosses blessures pendant ce temps, avec si vous pouvez ses yeux. Retrouver la vue l'aidera à garder son esprit éveillé. Parlez-lui si vous le désirez, mais je ne suis pas sûr qu'il sera en état de vous comprendre. Il ne vous répondra pas en tout cas. Quoi qu'il en soit dépêchez-vous."
Celebrand se recula et se laissa s'asseoir, éreinté mais content. Depuis plus de mille ans qu'il côtoyait le domaine magique, jamais il n'avait vu un cas pareil de ses propres yeux !
Dernière édition par Neraën Yeldoreï le Mer 26 Aoû 2015 - 20:42, édité 1 fois |
| | | Anorn
Ancien
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| Sujet: Re: [Un pan du passé] La folie de la guerre (Anorn) {Terminé} Jeu 13 Aoû 2015 - 22:26 | |
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- Je n'ai aucune idée de ce qui lui arrive. Je n'ai jamais vu ça de ma vie. Et je n'en ai jamais entendu parler non plus.
Encore sous l'émotion de ce qu'il avait ressenti et de ce qu'il avait perçu, il avait bien du mal à réfléchir. Il n'arrivait même pas à formuler d'hypothèse sur ce que cela pouvait bien être, et d'où cela pouvait venir. A vrai dire, son esprit était comme englué dans une illusion hypnotique et répétitive. Il ne pouvait se retirer de la tête ce qu'il avait ressenti un instant auparavant. Lorsque le mage de l'esprit arriva enfin, et qu'il le força à reculer, l'esprit d'Anorn se réveilla enfin. Ce dernier protesta sarcastiquement sur la manière de faire de son confrère, mais sans pour autant opposer une quelconque résistance :
- Pas besoin de cela avec moi, il suffisait juste de me demander ce que vous vouliez savoir. J'ai appris à faire concis.
Il avait du croiser cet elfe une ou deux fois dans le dispensaire, mais n'y avait jamais fait réellement attention. A vrai dire, il n'avait pas porté attention à beaucoup d'autres qu'à ses patients. Le temps et l'envie lui avaient quelque peu manqué. Il n'était pas ici pour faire des rencontres, ni même pour discuter avec d'autres sur telle ou telle méthode. Il était ici pour être efficace, pour soigner des gens, pour sauver des vies. Observer les autres qui tentaient désespérément de faire de même ne lui apporterait rien de bon, au contraire. Lorsque le mage de l'esprit se mit à l'oeuvre, il l'observa minutieusement, cherchant à comprendre chacun de ses gestes, et chacun de ses actes. Cette situation l'intéressait tout particulièrement, parce qu'il ne la connaissait pas. Il voulait donc suivre de prêt ce qu'il se passait, pour espérer un jour comprendre de quoi il s'agissait. Quand Celebrand lui demanda de guérir ses yeux, Anorn fronça les sourcils. Ses yeux n'étaient visiblement pas endommagés. La perte de la vue n'avait à priori aucune origine physique, mais avant de le lui affirmer, il devrait le sonder. « Rapidement. » Tout ici se faisait rapidement. Tout était urgent, tout devait se faire aussi bien et aussi vite que possible. Chaque parcelle de temps, chaque seconde si infime soit-elle, qui était récupéré était du temps en plus pour sauver une nouvelle vie. Et ainsi de suite. Tout n'était question que de chiffre. Il fallait en sauver le plus possible. Peu importait ce que cela coûtait. Peu importait si cela était raisonnable ou non.
- Ecoute, je vais voir ce que je peux faire. Je ne vois pas de dommage physique sur ses yeux, pour le moment, par conséquent, je ne suis pas certain de pouvoir faire grand chose quant à la récupération de sa vue. Pour le reste... Je vais faire en sorte que le pronostique vital ne soit plus engagé.
Au court de sa crise passagère, le Lieutenant des Aigles avait craché du sang. Anorn craignait que ce soit là le signe d'une lésion au niveau des organes, des poumons peut-être. Et s'ils avaient été endommagés, d'autres organes avaient pu l'être aussi. Il pouvait très bien avoir une hémorragie interne, chose qui pourrait mettre fortement sa vie en danger. D'ordinaire, avec une telle blessure, la douleur était trop forte pour qu'on puisse bouger. Mais là, il doutait réellement que cela ait eu une quelconque influence sur sa capacité à se mouvoir. Il n'avait pas du ressentir sa propre douleur. Tirant une chaise, Anorn se pencha au chevet du blessé. Cette fois ci, il eut moins de mal à se concentrer, son corps et son esprit s'ouvrirent plus rapidement au flux, et il se laissa bientôt entraîner, sans opposer de résistance, vers le corps de l'elfe qu'il devait guérir. Eloigné des autres, les cris étaient atténués, presque étouffés, et faire abstraction était quelque chose de beaucoup plus facile. Ses doigts se promenèrent d'abord le long de son cou, avant de passer à son crâne. Aucune fracture n'était à déplorer, aucun trou, aucune blessure grave. Ses voies respiratoires étaient visiblement dégagées, rien n'obstruait le passage de l'air vers les poumons. Il du ensuite examiner ses yeux, partie qu'il appréhendait le plus. Sondant rapidement la cornée, le cristallin, puis le nerf optique, il put sentir sans peine que certaines cellules étaient endommagées, voire même nécrosées. Il répara rapidement cela, n'ayant pas à se soucier d'une quelconque gêne que pourrait ressentir le blessé, mais annonça tout de même à Celebrand :
- Je viens juste de réparer, ou de remplacer quelques unes de ses cellules. Seulement, j'ai bien peur que ces lésions ne puissent être à l'origine de la complète perte de vue du Lieutenant. Tout au plus, elles auraient réduit considérablement son champs de vision, mais c'est tout.
Ne prenant pas la réponse en compte, il retourna à son travail. Totalement absorbé par la suite des événements, le monde extérieur ne pouvait plus l'atteindre. Descendant lentement sur son thorax, il décela un râle léger, qui le fit pousser plus avant son exploration. Il savait bien que les poumons avaient été endommagés. Ce léger chuintement le lui en avait donné la confirmation. Arrêtant momentanément toute circulation sanguine dans la zone, il trouva rapidement l'origine du carmin qu'il avait craché un instant auparavant. Son poumon droit avait été perforé par une côte qui s'était fêlée. Avant de toucher au lobe abîmé, il dut réparer l'os, chose qui lui prit un peu de temps. S'il avait été moins concentré, il aurait très certainement pu sentir l'impatience qui émanait de plus en plus du mage de l'esprit. Mais à cet instant, seul comptait l'os qu'il était entrain de reconstituer. Puis le poumon qu'il reboucha parfaitement. Déjà, le râle n'était plus qu'un lointain souvenir, et il crut apercevoir l'elfe expirer profondément, comme si désormais, son corps pouvait se le permettre. Continuant son exploration, il referma quelques plaies sur son abdomen, et s'arrêta au niveau de son foie. Il était enflé, et la peau bleuissait à vue d'oeil. Encore une fois, il du arrêter un infime instant la circulation sanguine pour trouver l'origine de cet épanchement de liquide. Un de ses reins avait été frappé dans une mauvaise chute, certainement, ou lors d'un combat plus féroce que les autres, et avait été décroché du reste de ses organes. Il n'était certainement pas arrivé ainsi, mais ses multiples oppositions, ses chutes et le fait qu'il ait usé de la force pour s'échapper n'avait pas du arranger cela, bien au contraire. Les liens furent assez longs à recréer, puisque très fins et très précis dans leurs attaches.
Une fois cela fait, il vérifia rapidement les jambes, où il solidifia un fémur qui avait été fêlé, et remettant en place les tendons d'une cheville qui avait du se fouler au dispensaire. Comme a son habitude, il referma les yeux et se referma complètement au flux, se détachant dans le même temps du Lieutenant. Il ne pouvait plus voir son corps comme il l'avait vu, ne pouvait plus sentir l'énergie que la vie insufflait en lui. Ou plus si fortement qu'il avait pu la ressentir. Plus rien ne le les reliait. Plus rien ne le retenait ici, au chevet de cet elfe. Et cela l'attristait quelque peu. Tout d'abord parce qu'il était curieux de savoir ce qui allait se passer pour lui par la suite, s'il allait s'en sortir ou non, et ensuite parce qu'il aurait voulu le connaître autrement. Seulement, on ne choisissait pas ce genre de chose, donc quand Anorn s'adressa une nouvelle fois au mage de l'esprit, ce fut avec une certaine déception dans la voix :
- Je ne te connais pas du tout Celebrand. Mais fais en sorte que cet elfe revienne à lui. Et qu'il réussisse à dépasser tout cela. Je ne voudrais pas l'avoir entièrement soigné pour voir son esprit sombrer. Oh et, lorsqu'il sera apte à communiquer... préviens moi, s'il-te-plaît. J'aimerais vraiment lui parler.
Sur ce, Anorn quitta la pièce et se lança, de nouveau, à corps perdu dans la guérison des blessés. Les soldats n'avaient pas arrêté leur approvisionnement pendant qu'il s'occupait du Lieutenant. Au contraire, lorsqu'il se retrouva dans le dispensaire, il eut l'impression qu'il était bien plus rempli qu'à son départ. Mais peut-être n'était-ce qu'une illusion.
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| | | Telenwë Neraën
Elfe
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Personnage :.: MANUSCRIT :.: Âge : 816 ans Taille : 2m05 Niveau Magique : Apprenti.
| Sujet: Re: [Un pan du passé] La folie de la guerre (Anorn) {Terminé} Lun 17 Aoû 2015 - 22:00 | |
| Celebrand tiqua lorsque le mage de vie le tutoya, s'en offusquant légèrement, mais ne rétorqua rien. Cet elfe qui était allongé, cette curiosité sans nom qu'il portait en lui, avait besoin de soins pour le bon déroulement des événements à venir et il serait donc malvenu de sa part de briser la concentration du guérisseur. Et puis, après tout, il n'avait pas en face de lui un jeunot comme l'autre qui était sorti en trombe du dispensaire... à ses yeux cela lui accordait un bon point en plus. Le vieil elfe attendit donc, reprenant ses forces tout en regardant avec grande attention le guérisseur. Tout en lui inspirait la concentration alors qu'il se penchait sur son patient, laissant une impression d'être en-dehors du temps le temps qu'il finisse son œuvre. Seuls ses cernes et toutes les autres traces de fatigue laissaient entrevoir le temps occuper l'espace où il se trouvait. C'était bien une chose que Celebrand aimait particulièrement chez les mages ayant un minimum d'expérience, cette capacité à emmener chacun dans un autre monde le temps de faire son office. Dans le fond, n'était-ce pas l'une des nombreuses choses qui différenciaient un "bon" d'un "mauvais" ? Il sourit et écouta les dires de son comparse.
"Je ne te connais pas du tout Celebrand. Mais fais en sorte que cet elfe revienne à lui. Et qu'il réussisse à dépasser tout cela. Je ne voudrais pas l'avoir entièrement soigné pour voir son esprit sombrer. Oh et, lorsqu'il sera apte à communiquer... préviens moi, s'il-te-plaît. J'aimerais vraiment lui parler.
Le vieux mage se leva et, d'un mouvement fin et précis, remit droite la manche quelque peu décalée de sa robe d'un rouge automnal. Il fit attention à ce que les passements faits de fils d'or soient alignés juste comme il fallait avec ceux au niveau de son épaule, puis tourna ses yeux vers le mage qui - grande peine lui fasse - ne savait même pas qui il était. D'un ton suffisant mais aucunement sarcastique, il lui répondit avec calme.
- Ah vous les mages de la vie... vous tenez trop au fait que tout le monde survive, vive même, et pourtant en temps de guerre il vous faut faire des choix que vous avez du mal à supporter. Pour une fois je peux dire que vous avez fait le bon choix, le cas que nous avons en face de nous est des plus intéressants... et bouleversants, même.
Celebrand se rapprocha du lieutenant des Aigles et le regarda, pensif, avant de s'adresser à nouveau à Anorn.
- Pour ce qui est de son esprit... je ne peux prononcer aucun diagnostic sur ce sujet, mais je ferai ce qu'il faut pour qu'il survive. Mais cela risque d'être un travail de très longue haleine et des plus éreintants pour lui, de ce que j'ai pu voir. Comme cela risque de prendre du temps, venez quand vous pourrez, nous verrons alors ce qu'il en est. Je serai avec lui et mon autre confrère non loin dans la forêt, là où personne d'autre ne se trouvera. L'aigle ici présent m'aidera à le transporter et reviendra vers vous pour vous indiquer l'endroit exact."
Sans en demander plus, le guérisseur se releva et s'en retourna vers d'autres blessés. Alors Celebrand se releva de toute sa hauteur et fit signe de prendre le pauvre elfe pour l'amener là où seuls les mages l'entoureraient.
~~~~~~~~
Il finit par se réveiller. Son esprit finit par se relier à son corps, à tous les sens qui y étaient liés. Le calme après la tempête ; une sensation de calme infini l'enveloppa, ainsi qu'une tristesse contre laquelle il ne put rien faire. Il se sentit pleurer, il sentit des larmes couleur sur ses joues sans que ses paupières n'aient eu à se s'appuyer de manière plus prononcée contre ses joues. L'air qui entra dans ses narines était un air frais, dénué de toute odeur de mort, de salissure ou de magie. Neraën ouvrit les yeux, les referma, les rouvrit... Il fronça les sourcils en comprenant qu'il voyait flou, sans raison valable venant à son esprit. Que s'était-il passé ? Où était-il ? Vide. Il avait l'impression que sa tête était entièrement vide, de souvenirs comme d'autres choses, mais il n'arrivait pas à définir quoi...
Alors il remarqua une forme qu'il distinguait très nettement, contrairement à tout le reste. Une forme elfique, avec de nombreux détails, comme s'il voyait parfaitement. L'aigle se crut alors au Royaume de Tari et, par réflexe, essaya de se reculer. Il ne put bouger d'un seul centimètre, ligoté qu'il était à un vieil arbre, en position assise. La forme elfique s'approcha, s'accroupit afin de se mettre à sa hauteur et le dévisagea. Neraën ne comprenait pas... avait-il été capturé ? Où, quand, comment ?
"Il a l'air calme cette fois-ci... - Assez pour pouvoir parler, en tout cas. Je crois que vous avez eu une bonne idée, Illiad.
Le second à avoir pris la parole était celui que pouvait distinguer le lieutenant, cependant il n'arrivait pas du tout à ne serait-ce qu'à repérer le dénommé Illiad. Son cœur s'accéléra, il sentit la peur monter en lui. La silhouette sourit.
- Calmez-vous, Neraën. Vous êtes en sécurité. Nous avons été obligés de vous attacher à un arbre parce que vous réagissiez mal, mais maintenant que nous avons coupé la magie là où vous êtes, vous semblez déjà en meilleure posture. Me comprenez-vous bien ?
L'elfe ne répondit pas, ne comprenant que trop peu ce qu'il s'était passé et encore moins quelle était cette histoire de magie. Celebrand s'avança alors doucement et prit dans sa main le visage de son patient. A peine eut-il touché l'elfe que le lien s'étant établi entre eux se raffermit, et toutes les pensées, émotions et ressentis du mage s'emparèrent du soldat. Immédiatement Neraën se mit à crier, demandant à ce que le contact s'arrête. Le mage recula sa main et, fronçant les sourcils, se releva. Décidément, ce cas était un vrai mystère... un mystère tout simplement remarquable.
- Il y a encore de la magie en vous, fait qui est quelque peu étrange. Même moi je ne l'explique pas. Ah mais que je me présente, pour que vous soyez un peu moins perdu : Celebrand, mage de l'esprit. On m'a amené à vous suite à de fortes réactions de votre part dans le dispensaire. Vous en rappelez-vous ? Vous avez failli tuer l'un des guérisseurs...
Les quelques images revinrent à l'esprit de Neraën, ainsi que toutes les voix, la douleur qu'il avait ressentie... Il hocha péniblement la tête.
- Très bien. Voyez-vous ? - Flou... - Déjà mieux ! - ... je ne sais pas ce que je vois, vous êtes une forme, des détails... pas le reste. - Ah. Bien bien bien... vous êtes décidément plein de surprises, vous savez ?
Le lieutenant ne répondit pas. De nouvelles larmes coulèrent sur ses joues et il désira partir d'ici. Celebrand comprit l'agitation de l'elfe mais ne dit ni ne fit rien. Son attention fut tournée vers l'arrière, d'où venait un elfe aux traits tirés que le mage reconnut immédiatement. S'étant déjà beaucoup occupé de celui qui deviendrait son élève en magie, il préféra prendre du recul et laisser le guérisseur face à celui qu'il avait guéri. Tout en se retournant, Celebrand lança à Neraën :
- Le guérisseur qui s'est occupé de vous vient d'arriver. Il désirait vous parler une fois que vous seriez capable de tenir correctement une conversation. Par chance pour lui, voilà que c'est le cas ! Je vous laisse donc avec lui. Ne vous étonnez pas si vous n'arrivez plus à me "voir", je vais franchir un champ magique qui permet de faire en sorte que la magie soit bloquée près de vous. Au contraire votre guérisseur viendra à vous, donc le franchira dans l'autre sens. Je lui dirai d'éviter de vous toucher."
Se faisant, il fit quelques pas vers son confrère et lui toucha deux mots, hors de la zone où se trouvait Neraën. Illiad partit, Celebrand vint trouver le mage de la vie.
"Je vous le laisse, il m'a donné plus de fil à retordre que je ne le pensais, si bien qu'il a fallu le calmer de différentes manières... et établir une zone de non-magie, même si visiblement la Symphonie continue à passer au travers. Donc ne vous étonnez pas si vous ressentez un vide en vous approchant de lui. Sinon... il semble recommencer à voir, mais de manière particulière, je vous laisserai voir ça avec lui. Ah et, j'oubliai ! Evitez de le toucher, il réagit très rapidement à cela."
Le mage s'éloigna, laissant alors Anorn faire ce qu'il souhaitait. Lorsque ce dernier entra dans la zone, il put remarquer que les yeux de Neraën se braquèrent immédiatement sur lui. Il le voyait et le reconnaissait... cela ne faisait aucun doute. |
| | | Anorn
Ancien
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| Sujet: Re: [Un pan du passé] La folie de la guerre (Anorn) {Terminé} Mer 19 Aoû 2015 - 21:01 | |
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Les blessés s'étaient succédé, encore et encore, comme depuis trop longtemps maintenant. Anorn avait légèrement perdu la notion du temps, et il ne devait pas être le seul. Devant l'étendue des dégâts, il priaient chaque fois un peu plus pour que les prochains blessés soient les derniers. Mais sa prière n'était jamais exaucée. Tari avait pris tant de vies, qu'il se demandaient parfois s'ils n'étaient pas punis pour quelque chose de mal qu'ils avaient pu faire. Parfois, il pouvait apercevoir Kalen, du coin de l'oeil, mais il n'avait jamais le temps de s'inquiéter pour lui. Et puis, s'il avait eu une quelconque complication, il serait certainement venu le quérir. Lorsqu'il eut fini de refermer un énième abdomen ravagé par une lame, il du prendre un instant de repos. Quelques minutes suffiraient, mais il avait besoin de sortir, de prendre l'air, d'entendre la symphonie, de se dégourdir les jambes. Tout cela et que cela à la fois. Une fois à l'air libre, il prit une profonde inspiration et étira son dos endolori par les positions qu'ils devaient tenir parfois trop longtemps. Si seulement ils avaient été installés plus confortablement, ils auraient sans aucun doute été plus efficace. Mais en temps de guerre, cela ne comptait plus, cela ne comptait pas.
Il faisait quelques pas pour ne pas laisser ses jambes s'engourdir, lorsqu'il saisit quelques mots. Apparemment, le lieutenant des Aigles était dans le coin. S'approchant des gardes, il put remarquer que ce dernier était éveillé, et conscient. Tout du moins, le semblait-il. Lorsque Celebrand le remarqua, il eut la gentillesse de lui laisser un instant pour discuter avec lui.
- Ne t'inquiète pas, je ne compte pas le brusquer, je ne suis pas inhumain.
La réponse d'Anorn était assez froide, et assez détachée, mais elle contenait tout de même une certaine rancoeur à son égard. La remarque qu'il lui avait faite avant qu'il ne quitte la pièce, un peu plus tôt dans la journée, ne lui avait pas plu. Parce qu'il ne doutait pas un instant que, si jamais il venait à se trouver dans la situation de tous ces blessés, s'il venait un jour à être réduit à un parmi d'autres, il apprécierait fortement que les mages de la vie essaient de sauver un maximum de vies. Qu'ils ne daignent en abandonner aucune qui puisse encore être épargnée, parce qu'il pourrait très bien être celle-ci. Seulement voilà, l'orgueil et l'égoïsme qui se dégageaient de lui étaient beaucoup trop présent pour qu'il puisse ne serait-ce que comprendre ce qu'était l'altruisme. Mais peu importait. La chose qui était primordiale, était sa discussion avec le Lieutenant. Celui chez qui il avait pu voir cette chose si surprenante, si étonnante. Et si effectivement, c'était ce qui avait retenu son attention, en premier lieu, c'était la dernière chose dont il voulait parler actuellement. Il n'avait aucun doute quant au fait que Celebrand avait déjà du lui poser un nombre certain de questions, et il n'était pas là pour en rajouter.
- Lieutenant, ravi de voir que vous allez visiblement mieux. Je pense que vous savez qui je suis, mais je vais tout de même me présenter. Je suis Anornedellon, mais vous pouvez m'appeler Anorn. Je me suis occupé de vos blessures physiques, et je suis d'ailleurs désolé pour ce que j'ai du vous faire subir. Je ne sais pas bien ce que vous avez enduré, mais je sais que cela n'a pas été agréable, et que vos sens ont totalement été bouleversés. Seulement nous n'avions pas d'autre choix que de vous contraindre, sans quoi nous craignions que vous ne vous blessiez, ou que vous blessiez d'autres elfes. Mais ne parlons plus de cela, parlons plutôt de vous. Comment allez-vous ? Celbrand m'a dit que votre vue semblait s'être améliorée, et effectivement, vos réflexes n'ont pas l'air d'être absents, bien au contraire. Voyez-vous correctement ? Avez-vous une quelconque gêne ? Si c'est le cas, j'aimerais regarder de plus près, sans vous toucher, cela va de soi.
Il était vrai que la vue de Neraën semblait être revenue. Et que ses réflexes oculomoteurs ne semblaient pas mauvais. Mais il était tout aussi vrai que ces derniers n'étaient pas normaux, et qu'il ne voyait pas si bien que cela. Ce qui l'inquiétait beaucoup était l'absence de lésion oculaire. Ce qui renvoyait tout naturellement au cerveau. Et si son cerveau avait été endommagé, il ne pourrait promettre des miracles, surtout s'il ne pouvait l'approcher. Anorn s'était naturellement mis à hauteur de l'elfe lorsqu'il avait commencé à lui parler. Ses doigts, posés sur le sol, s'entremêlaient naturellement avec l'herbe, et doucement, il passa sa main au dessus des brins, comme s'il voulait les caresser. Cela ne dura qu'un instant, mais il était certain que, durant cet instant, Neraën avait suivi sa main des yeux. Inconsciemment, peut-être. Il ne pouvait en être certain. Mais peu importait, Anorn revint rapidement planter ses iris dans les siens, dans l'attente d'une réponse.
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| | | Telenwë Neraën
Elfe
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| Sujet: Re: [Un pan du passé] La folie de la guerre (Anorn) {Terminé} Jeu 20 Aoû 2015 - 16:29 | |
| C'était un flot d'émotions que Neraën n'arrivait pas à décrire. Tour à tour tristesse, deuil, compassion, espérance, dérangement, espérance... Alors que le mage sortait du cercle, devenant à son tour flou, l'elfe essaya de se remémorer tout ce qu'ils s'était passé. Il avait essayé de tuer un guérisseur... Le bruit, l'intense lumière, le choc, le noir, l'impression d'exploser, les deux premières apparitions, les autres, la souffrance, les voix... Malgré le noir et l'appréhension, nombre de souvenirs lui revinrent en tête. Mais il avait l'impression, d'après ses ressentis, de n'avoir pu que voir ce qu'il faisait. Étrange sensation. Au loin, parmi tout le flou de couleurs, commença à émerger une seconde silhouette, pas encore net. De mauvais souvenirs refirent surface : la noyade, l'entrée en contact fort désagréable avec ces êtres dont il ne savait pas s'ils étaient réellement des elfes ou non. Il tressaillit un court moment, alors que les traits de la silhouette devenaient soudainement nets, et s'obligea à respirer. Il fallait qu'il se retrouve, qu'il retrouve le calme dont il avait toujours fait preuve. Mais lorsqu'il se concentra sur l'instant présent et sur lui-même, il ne réussit pas cet exploit. Etrangement, il avait l'impression que son coeur était relié à quelque chose ou quelqu'un d'autre et qu'il se retrouvait confondu. Les paroles du mage de la vie le forcèrent à se détourner de cette sensation.
"Lieutenant, ravi de voir que vous allez visiblement mieux. Je pense que vous savez qui je suis, mais je vais tout de même me présenter. Je suis Anornedellon, mais vous pouvez m'appeler Anorn. Je me suis occupé de vos blessures physiques, et je suis d'ailleurs désolé pour ce que j'ai dû vous faire subir. Je ne sais pas bien ce que vous avez enduré, mais je sais que cela n'a pas été agréable, et que vos sens ont totalement été bouleversés. Seulement nous n'avions pas d'autre choix que de vous contraindre, sans quoi nous craignions que vous ne vous blessiez, ou que vous blessiez d'autres elfes. Mais ne parlons plus de cela, parlons plutôt de vous. Comment allez-vous ? Celbrand m'a dit que votre vue semblait s'être améliorée, et effectivement, vos réflexes n'ont pas l'air d'être absents, bien au contraire. Voyez-vous correctement ? Avez-vous une quelconque gêne ? Si c'est le cas, j'aimerais regarder de plus près, sans vous toucher, cela va de soi.
Anorn... ainsi avait-il un nom à donner à cette âme qui lui faisait face, abaissée à sa hauteur, et qui évoquait en lui nombre de sensations. Il sentit son esprit partir, sans savoir pourquoi ni comment, et dut faire un véritable effort de concentration pour le maintenir "en place". Son regard fut tout de suite attiré par un mouvement en bas à gauche : la main d'Anorn fit quelques mouvements, glissant sur une étendue de couleurs vert et marron que Neraën imagina être de l'herbe sur de la terre. Il écouta les questions du mage en essayant de les retenir malgré la fatigue et, lorsqu'il eut fini de parler, sans savoir pourquoi ses yeux remontèrent vers ceux du guérisseur et restèrent braqués dessus, un long moment.
- Je ne sais pas.
Sa voix était lointaine, ses yeux n'arrivaient plus à se détacher de son interlocuteur. Il voulait quelque chose de précis, un "je ne sais pas" ne suffirait pas... c'était un guérisseur, il préférait avoir des précisions. Mais que dire ?
- Je vais mieux, je crois... c'est toujours en moi, mais au moins je n'ai pas l'impression de bientôt exploser. Les émotions ne sont pas les miennes... enfin je ne suis pas sûr. Je suis lié à un autre être, non ? Où... qui...
Les yeux. Les yeux maintenant.
- Je vois, des couleurs... pas de formes. Au fond tout est noir. Vous, vous et... Celebrand ? vous êtes une forme aux traits nets... sans couleur. Je ne vois pas normalement, n'est-ce pas ?
Neraën ne répondit pas à la demande d'Anorn de vérifier son état. Il l'avait tout simplement oubliée. Mais quoi que fit le mage, il le laissa faire - de toute façon il était attaché et n'avait ni la force ni l'état d'esprit de s'opposer. Après quelques instants il reprit, questionnant à son tour l'autre.
- Que m'arrive-t-il ? Est-ce courant sur le champ de bataille ?
Non... il savait très bien que non. Mais son esprit n'était pas en état de s'en souvenir. Seuls la fin du combat et ce long moment dans le noir comptaient. Hormis une chose, peut-être, un mot qui sortit faiblement entre ses lèvres, au point qu'Anorn lui-même eut du mal à l'entendre.
- Tinrael..."
Des larmes coulèrent alors silencieusement sur ses joues : Tinrael était mort et c'était la mort d'un druide qu'il pleurait. |
| | | Anorn
Ancien
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| Sujet: Re: [Un pan du passé] La folie de la guerre (Anorn) {Terminé} Sam 22 Aoû 2015 - 12:51 | |
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Anorn pouvait sentir dans sa voix toute l'impuissance de l'elfe face à la situation. Il pouvait sentir l'absence de contrôle, tant physique que mentale. Et un instant, il crut revoir Aldartha. Il crut assister à nouveau à sa chute. Il crut assister à nouveau à sa mort. Mais il ne s'autorisa pas à baisser les bras, il ne s'autorisa pas à penser à lui plus longtemps. Cet elfe n'était pas son frère. Cet elfe s'en sortirait. Des questions. Il lui posait des questions auxquelles, pour la plupart, il n'avait pas de réponse. Comment savoir ce qui lui arrivait ? Comment savoir si ce qui se passait en lui était normal ? Il n'en savait rien, mais il allait tout de même devoir lui donner des réponses.
- Lié à un autre ? Je n'entends pas bien ce que vous voulez dire par là. Et j'avoue n'avoir aucune compétence en magie de l'esprit, alors si cela est le cas, si vous êtes bel et bien lié à un autre, il faudra en parler à Celebrand. Je ne peux rien faire pour vous à ce sujet.
S'il ne pouvait réellement rien faire à ce sujet, cette question avait soulevé bien des interrogations chez le mage. Dans ses études, il avait bien entendu parler de lien magiques qui pouvaient se créer entre des êtres, presque à l'image des sylvains et de la Symphonie, mais cela n'allait en rien avec ce qu'il avait vu, ou ce qu'il avait perçu. Cela ne pouvait bouleverser autant un être, jusqu'à lui en faire littéralement perdre l'esprit. C'était autre chose, il en était certain. Mais quoi ? Il savait bien que ce n'était pas de son ressort, qu'il ne pouvait trouver cette réponse par lui même. Seulement il était curieux, et l'avait toujours été. Voir quelque chose d'aussi spectaculaire, et de totalement inconnu, était tout simplement merveilleux. Il n'aurait jamais pensé pouvoir assister à un événement aussi spectaculaire. Mais on le rappela à la réalité en lui détaillant tant bien que mal ce qu'on voyait. Des couleurs. Pas de formes. Puis des formes, finalement.
- Celebrand oui. C'est lui qui s'occupe de votre cas. Un mage de l'esprit, comme vous devez déjà le savoir. Pour répondre à votre question, non, vous ne voyez pas normalement. Mais vous voyez, ce qui est déjà une bonne chose. Vos yeux ne sont pas endommagés, ils l'étaient légèrement lors de votre arrivée, mais j'ai réparé cela. Dans un cas normal, je vous aurais dit que votre cerveau était endommagé, que votre lobe frontal avait du être touché, d'une manière ou d'une autre, mais dans votre cas, je pense que cela est bien plus complexe. Je ne peux pas vous toucher, ou du moins, par respect pour vous, je ne le ferai pas. Je ne peux donc pas examiner votre cerveau, et à vrai dire, je n'en ai pas réellement envie, car je ne suis pas certain d'y trouver ce que je cherche. A mon avis, vos troubles de la vision sont liés à... Je ne saurais comment vous dire.
Comment lui expliquer ce qu'il avait vu ? Comment trouver les mots pour décrire ce qui ne pouvait être décrit ? Il marqua une légère pause avant de reprendre :
- Je pense que cela est du à l'absence totale, et en même temps, à l'omniprésence du flux qui est passé à travers vous. Je sais que cela est totalement paradoxal, et que cela ne fait pas grand sens, mais je ne saurais mieux vous décrire ce que j'ai ressenti. Je ne pense pas que les dégâts soient physique. Je ne peux rien faire pour votre vue.
Il ne savait s'il avait été entendu, mais au moins le lui avait-il dit. Il ne savait ce que Celebrand lui avait expliqué, ni ce qu'il comptait faire avec lui. Il espéra un instant ne pas avoir marché sur ses plate bandes, mais se dit bien rapidement que cela était secondaire. Après tout, lui semblait voir le cas, lorsque Anorn voyait la personne. Ce fut pourquoi il essaya de répondre au mieux à ses prochaines questions.
- Je ne sais pas ce qui vous arrive. Je n'en ai aucune idée, je pense que personne n'en a idée, d'ailleurs. Vous êtes la première personne que je vois dans cet état, et aucun cas similaire n'a été recensé dans l'Histoire, aussi loin que notre peuple puisse s'en souvenir. Je n'ai pas la moindre piste sur ce qui a put vous arriver sur le champs de bataille, la cause m'échappe totalement. Tout ce que je sais, c'est ce que j'ai vu. Et croyez moi, c'est bien peu. Je comprendrais que cela vous effraie, et que vous vouliez en savoir plus. Je pourrais vous dire que certains de vos symptômes correspondent à un syndrome de stress post traumatique, d'autres à une dissociation de l'esprit. Et oui, ces choses sont plus ou moins courantes sur le champs de bataille, plusieurs soldats en souffrent. Mais vous savez aussi bien que moi que ce n'est pas cela. Que tout ceci est du à bien plus grand, à bien plus important.
En quelques sortes, Anorn se retrouvait dans une impasse. Il voulait aider cet elfe, mais n'était capable de citer uniquement ce qu'il n'avait pas. Ce qui ne lui arrivait pas. Choses qui pouvait être bien plus effrayant qu'autre chose, il s'en rendait bien compte. Seulement on lui demandait des réponses. Parce que tout être sensé avait besoin de réponse. La seule et unique réaction qu'il obtint fut un mot. Ou un nom plutôt, s'il avait bien entendu. Il ne connaissait pas cette personne, mais les larmes qui coulèrent le long de ses joues lui indiquèrent que lui le connaissait plutôt bien.
- Je suis désolé.
Ce fut la seule chose qu'il réussit à dire. La seule chose qui trouva un sens dans cette situation. Parce qu'il était réellement désolé.
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| | | Telenwë Neraën
Elfe
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| Sujet: Re: [Un pan du passé] La folie de la guerre (Anorn) {Terminé} Dim 23 Aoû 2015 - 10:31 | |
| Les phrases étaient longues, si bien que Neraën avait du mal à suivre jusqu'au bout chacune d'entre elles. Mais il comprit le principal : ils ne savaient pas plus que lui ce qui lui arrivait, aucun cas similaire n'avait été répertorié. L'elfe baissa la tête, l'esprit oscillant toujours entre lui-même et ailleurs. Dans le fond il se demandait encore ce qu'il faisait là, pourquoi il était encore vivant. Il retint également que le mage ne comprenait pas ce qu'il souhaitait par le fait qu'il était lié à quelqu'un ou quelque chose. Peut-être que cela aurait été plus facile s'il avait été un mage de l'esprit, peut-être aurait-il pu voir où voguait son esprit. Mais c'était au cœur que Neraën ressentait ce lien, pas au niveau de la tête. Enfin... cela changeait-il grand chose ?
Le lieutenant était attaché notamment au niveau du torse et des bras, aussi ses mains et avant-bras pouvaient se mouvoir. Se basant uniquement sur ce qu'il ressentait de son propre corps il essaya de faire un signe de la main au guérisseur, lui demandant d'approcher. Alors qu'Anorn répondait à cette demande, une partie de Neraën eut soudainement grandement peur en comprenant ce qui allait se produire, rejetant le fait de reproduire quelque chose qui l'effrayait. L'autre, très calme, tranquillisa le premier côté tout en contrôlant la gestuelle. Le médecin ne comprenait pas, peut-être que cela l'aiderait.
Lorsqu'il fut assez proche Neraën prit sa main dans la sienne, ce qui provoqua immédiatement un renforcement du contact qui avait déjà été établi entre les deux elfes : pensées, préoccupations, émotions... Le visage de Neraën se crispa mais il continua en faisant glisser sa main le long de l'avant-bras d'Anorn, de sorte à pouvoir mener la main de ce dernier jusqu'à son cœur. Au moment où le mage put vraiment entrer en contact avec la poitrine de son patient, le lien se raffermit encore au point que cette fois-ci il put ressentir qu'il y avait quelque chose entre lui et le pauvre elfe. Neraën raffermit sa prise pour que le bras d'Anorn ne recule pas. Que le guérisseur comprenne qu'il doive ouvrir ses sens à ce qu'il ressentait... il verrait alors l'esprit d'un elfe se reposer et ressentirait l'esprit d'un être bien plus âgé encore le regarder, sourire même. Au loin, peut-être pourrait-il entendre un doux chant sylvestre, chargé de curiosité, de soulagement et de peine.
"Voici le lien dont il souhaitait te parler... même s'il ne devait pas le comprendre lui-même." |
| | | Anorn
Ancien
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| Sujet: Re: [Un pan du passé] La folie de la guerre (Anorn) {Terminé} Mar 25 Aoû 2015 - 16:50 | |
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Quand Neraën lui demanda d'approcher, Anorn hésita un instant. Etait-il vraiment judicieux d'établir le contact ? Celebrand avait été clair à ce sujet. Mais si l'elfe le demandait, s'il ne le touchait pas contre son gré, cela ne pouvait être mal. Cela ne pouvait être néfaste. Alors, s'approchant doucement, il le laissa prendre sa main, puis son avant bras. Quand il le toucha, quand les deux êtres rentrèrent en contact, la peau d'Anorn frissonna, et ses poils se hérissèrent. Il pouvait sentir le flux circuler en lui, se répandre dans son corps sans même qu'il ne l'ait demandé, ou accepté. Il pénétrait en lui sans qu'il ne puisse rien faire contre, et cette sensation était plutôt désagréable. L'elfe pensa un instant à se dégager, à fuir cette magie soudainement si invasive, mais il se retint. Il se retint parce qu'il avait envie de savoir jusqu'où cela irait. Il voulait connaître ce que l'on voulait lui montrer. Et quand il lui fit toucher sa poitrine, quand il put sentir son cœur battre sous sa main, ce fut l'apothéose. Les limites de son propre corps se confondaient avec les limites du corps de Neraën. Il était presque certain que, s'il fermait les yeux, et s'ouvrait pleinement au flux, il ne constaterait pas de différence notoire entre eux. Et cela l'effraya, parce qu'il ne savait pas ce que c'était, il ne se savait pas ce que cela augurait. Il pria Kÿria pour que ce soit quelque chose de bon, quelque chose qui ne lui fasse aucun mal.
Ce fut sur ces pensées qu'il put assister à quelque chose de plus étrange encore. L'esprit de l'elfe sembla s'effacer, presque disparaître, pour laisser place à quelque chose de plus grand. Une entité qu'il avait bien du mal à cerner, et qu'il mit un certain temps à reconnaître. S'il pouvait réellement la reconnaître. Parce qu'il n'avait jamais telle chose dans sa vie. Il avait certes communiqué mainte et mainte fois avec Anaëh, il avait écouté sa Symphonie, aidé ses habitants, aidé ce qui la rendait matérielle. Mais dieux, oh grands dieux non jamais il n'avait été confronté à cela. Les sentiments qu'il ressentit alors furent confus. Très confus. Il était à la fois joyeux, soulagé, curieux, et peiné. Tout cela à la fois, sans savoir réellement pourquoi. D'où cela pouvait-il bien venir, pourquoi tant de sentiments en si peu de temps ? Il n'eut pas le temps de méditer plus sur la question, puisque Neraën ouvrit la bouche pour lui parler. Ou plutôt, l'esprit qui avait pris sa place le fit.
- Que... Vous... Comment ?
Anorn était bien en peine de répondre quoique ce fut de cohérent, et il décida finalement de se taire. Le temps de rassembler ses esprits, le tant de faire le tri entre rêve et réalité. Peut-être s'était-il assoupi, encore, quelque part ? Mais le contact de la main du Lieutenant sur son avant bras, la chaleur qui émanait de son corps, tout ceci lui fit comprendre qu'il ne rêvait pas. Que tout ceci arrivait réellement. Devant l'arbre millénaire, face à cette entité dont il n'osait même pas imaginer les limites, ou les faiblesses, il se sentait infiniment petit. Infiniment jeune. Le plus absurde, dans tout cela, était que l'Aigle ne devait même pas avoir conscience de ce qui se tramait actuellement, à travers son propre corps, et sa propre conscience. Etait-ce donc ce qui lui était arrivé ? Etait-il devenu une sorte de filet géant, au travers duquel passait sans peine le flux et ce qu'il transportait avec lui ? N'était-il plus qu'un moyen pur et simple d'expression complète et totale de la magie ? S'il ne provoquait pas lui même ce qu'il se passait maintenant, alors n'avait-il plus aucun contrôle sur l'herméticité de son propre corps ? Si Anorn était décontenancé, il était tout autant ravi. Il avait là, sous les yeux, une des entités d'Anaëh, ou une partie d'Anaëh. Il venait d'entrer en contact direct avec l'Oeuvre de la Déesse Mère. Sur ses joues, deux larmes coulèrent. Des larmes qu'il ne sentit même pas. La chose était trop grande, la chose était trop belle, pour qu'il puisse y croire entièrement. Un instant, il pensa qu'il pouvait s'agir d'une simple illusion. Un instant seulement. Parce qu'il savait, au fond de son cœur, que ce ne l'était pas.
Il voulut articuler quelque chose, mais les mots lui manquèrent. Après tout, était-ce important ? Lui fallait-il absolument exprimer quelque chose ? Rien ne semblait plus futile que les mots. Rien. Si ses yeux semblaient fixer ceux de Neraën, en vérité, ils voyaient bien plus loin que cela. Ils voyaient ce que personne d'autre ne pouvait voir. Et ce court laps de temps, où ses rétines se remplirent de couleurs, où son esprit fut inondé de nuances toutes plus belles les unes que les autres, sembla durer une éternité. Eternité durant laquelle Anorn oublia complètement les horreurs de la guerre, les déceptions de son passé, et les souffrances de son esprit. Il avait retrouvé, le temps d'un instant, son âme d'enfant. Et lors, dans un souffle presque inaudible, autant à cette âme qu'à l'esprit qu'il voyait aujourd'hui, il demanda, dans une sorte de supplication naïve :
- Ne pars pas. Reste. Pour toujours.
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| | | Telenwë Neraën
Elfe
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| Sujet: Re: [Un pan du passé] La folie de la guerre (Anorn) {Terminé} Jeu 27 Aoû 2015 - 12:06 | |
| "Ne pars pas. Reste. Pour toujours.
Le sourire de l'arbre millénaire se fit plus prononcé, à la fois sincère, paternel et tinté de regret. A la fois la réaction de l'elfe l'amusait, lui donnait envie de le laisser découvrir un peu plus ce qu'il était, à la fois sans pour autant comprendre exactement ce qu'il se passait il voyait que le temps pendant lequel le lien entre lui et l'aigle devait être au plus court. Et cela l'elfe aux larmes devait le comprendre. L'arbre prit alors le temps de répondre à la supplication de l'enfant de Kÿria, comme s'il pouvait s'asseoir sur un endroit stable et demander d'un signe à l'autre de le rejoindre. Une fois qu'il sentit Anorn prêt à l'écouter, il reprit la parole.
- Il n'appartient qu'à ton peuple de faire en sorte que je reste ou non. Mais, en l'instant présent, sois rassuré : je ne partirai pas.
Il attendit quelques secondes avant de reprendre, laissant le temps à l'elfe le temps de bien comprendre ce qu'il voulait dire. Maintenant il se devait d'attaquer une partie qui ferait certainement moins plaisir à entendre pour le guérisseur.
- Je ne partirai pas parce que mon corps se trouve ici. Mais il faut que tu comprennes que ce lien qui s'est créé entre moi et ton comparse, ce lien qui te permet à travers lui de pouvoir me voir et parler avec moi... il doit être coupé. Il faut qu'il soit éloigné de tout arbre pour éviter que ce que tu vois recommence. Je suppose que tu te demandes pourquoi je te raconte cela ? Parce que son esprit tend à disparaître et que s'il reste contre moi alors il ne sera plus. Il me semble que tu tiens à la vie. Alors protège celle-là une dernière fois, avant qu'il ne soit trop tard. Je te conseille pour cela de raconter à qui de droit ce que tu auras vu et ressenti.
L'attention de l'entité, jusque là autant tournée vers Neraën que vers Anorn, se tourna entièrement vers le mage.
- Notre conversation s'arrêtera dans peu de temps. Souhaites-tu profiter du temps qui reste d'une manière particulière ?" |
| | | Anorn
Ancien
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| Sujet: Re: [Un pan du passé] La folie de la guerre (Anorn) {Terminé} Jeu 27 Aoû 2015 - 17:38 | |
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La réponse qu'il reçut lui remit légèrement les idées en place. S'il était toujours autant impressionné, s'il avait toujours les yeux grand ouverts, son esprit était plus clair. La naïveté et l'innocence qui étaient venus l'embrumer un instant avaient disparu, totalement. Ils avaient laissé place à une ébauche d'esprit critique, et lorsque les explications vinrent, il fut totalement prêt à les accueillir. Un léger sourire apparu sur les lèvres de l'elfe lorsqu'on lui certifia qu'on ne partirait pas. Qu'on resterait ici, du moins pour le moment. Il aurait pu se blâmer, pour la demande totalement délirante qu'il avait formulé. Pour l'égoïsme et peut-être même l'avidité qu'elle contenait. Mais il en put, parce que c'était l'enfant, enfouie au fond de son âme, et au fond de son cœur, qui l'avait prononcée. On l'encouragea à raconter ce qu'il avait vu, à mettre des mots sur ce qui était indescriptible. Comment était-il censé faire cela ? Comment était-il censé y arriver ? Lorsqu'il entendit que Neraën était en danger, que son esprit s'effacer peu à peu, au contact de l'esprit d'un autre, il grimaça. Certes, il ne pensait pas ridiculement que cette apparition était sans danger pour l'elfe, que cela ne lui coûtait rien, et pouvait s'étendre dans le temps sans causer de dommages. Mais de là à penser que son identité, que son esprit étaient lentement érodés par la simple présence de... De l'arbre ? Pouvait-on parler ainsi ? Pouvait-on dire que « l'esprit de l'arbre » était ce qu'il voyait là, maintenant ? Il se rendait compte qu'il avait cruellement raison quant à la possibilité ou non de mettre des mots sur tout cela. Mais, peu importait. Ce n'était pas ce sur quoi il voulait réfléchir, là, maintenant. Souhait-il continuer la conversation ? De manière totalement égoïste, il l'aurait voulu. Parce qu'il était face à quelque chose qu'il ne connaissait absolument pas, et quelque chose qu'il ne reverrait peut-être jamais plus de sa vie.
- Non, non, je ne peux pas, pas si cela l'affecte tant... J'aurais aimé profiter encore un peu, mais cela serait complètement égoïste, et, je crois, assez néfaste. Peut-être demanderai-je une seule chose. Qu'es-tu ?
Anorn ne s'attendait pas à une réponse précise, ni même à une réponse sensée. Seulement à une réponse qu'il pourrait répéter. Puisque pour le moment, il n'avait aucune idée de ce qu'il allait bien pouvoir dire aux autres, à ce qu'il allait pouvoir répondre aux questions. Alors, lorsqu'il eut sa réponse, lorsqu'il eut remercié avec gratitude cet esprit qui lui avait accordé une certaine attention, et une part de son temps, il se sentit revenir à la réalité. Bientôt, tout ce qu'il put voir à travers Neraën fut une faiblesse immense, et une fatigue hors du commun. Il ne sut dire s'il était encore présent, s'il était encore parmi eux. Alors, aussi rapidement qu'il le put, il défit ses liens, l'arrachant à l'arbre qui l'avait utilisé pour communiquer. Autour de lui, on s'agita, on essaya de l'en empêcher, mais il était trop tard. Il était trop tard parce qu'Anorn l'avait déjà prit contre lui, comme s'il voulait le préserver de tout contact inopportun. Doucement, il murmura à l'elfe :
- Ne partez pas, Lieutenant. Nous avons encore besoin de vous. Je... je vais faire en sorte qu'on s'occupe de vous au mieux. Parce que maintenant, je sais.
Il savait. C'était là de bien grands mots. A vrai dire, il savait seulement qu'un contact prolongé avec un être pouvait lui être néfaste. Voire même fatal. Il savait aussi que les autres, que les esprits, peut-être même les consciences, pouvaient s'exprimer à travers lui, sans même prendre en compte le sien. Il fallait qu'il soit plus fort que cela. Plus fort que les autres s'il voulait s'en sortir. Mais cela, Anorn ne pouvait le lui dire. D'abord parce qu'il n'en était pas certain, ensuite parce qu'il n'était pas celui qui devait donner ce genre de conseil. Alors, quand Celebrand revint, soupira légèrement, avant de se lancer dans une explication assez maladroite :
- Celebrand, avant de me blâmer, laisse moi t'expliquer. Ou au moins, laisse moi essayer. Je ne sais par où commencer, alors je pense que je vais commencer par le début. Ce que j'ai vu... Ce qui s'est passé, c'est incroyable, inattendu, et complètement insensé. J'ai, quand le Lieutenant m'a agrippé, quand il m'a fait entrer en contact avec lui, j'ai vu, à travers lui, cette chose, indescriptible, et il semblait juste transpercé par son esprit, comme s'il avait pris possession de lui, comme si l'elfe n'existait plus, au profit de l'arbre. Si je l'ai détaché, si j'ai rompu le contact, c'était uniquement pour son bien, parce qu'il semblerait que son esprit s'efface peu à peu, qu'il se détériore au contact d'un autre. Surtout au contact d'un être si puissant, si vieux, si grand ! Tu aurais du voir ça, je n'ai pas de mot, je ne saurais te dire mais... Ne l'attache plus à un arbre, ne lui fais plus subir cela, d'accord ? Je doute qu'il survive, sinon.
Pour une fois, les mots lui avaient manqué. D'ordinaire, il s'exprimait si aisément, si justement, qu'il avait, à l'instant, presque honte de lui. Comment pouvait-il se laisser ainsi submerger par les émotions ? Comment pouvait-il prendre autant à cœur la survie d'un de ses frères ? Ou plutôt, comment pouvait-il être à ce point préoccupé par le fait qu'il vive lorsqu'il ne l'était pas pour les autres ? Ces questions ne trouveraient certainement jamais de réponses, et ce fut avec joie qu'il laissa Celebrand mener le reste des opérations.
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| | | Telenwë Neraën
Elfe
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Personnage :.: MANUSCRIT :.: Âge : 816 ans Taille : 2m05 Niveau Magique : Apprenti.
| Sujet: Re: [Un pan du passé] La folie de la guerre (Anorn) {Terminé} Ven 28 Aoû 2015 - 14:53 | |
| "Non, non, je ne peux pas, pas si cela l'affecte tant... J'aurais aimé profiter encore un peu, mais cela serait complètement égoïste, et, je crois, assez néfaste. Peut-être demanderai-je une seule chose. Qu'es-tu ?
L'entité eut un petit rire, chargé de sagesse et doux comme une caresse. Il s'étonna quelque peu de la courte question de l'elfe, s'attendant plus à être considéré comme un être que comme une chose. Que ce soit par intension, par abus de langage ou autre, il ne s'en formalisa pas outre mesure : l'être qui lui faisait face avait encore à apprendre, ce qui influença sa réponse.
- Je suis un être à part entière, Anornedellon. L'enfant d'une Mère, une vie dans l'immensité, une voix dans un chant éternel. Ou tout simplement l'arbre près de lequel tu es. Nous ne nous parlerons plus jamais comme aujourd'hui, aussi écoute le conseil que j'ai à te donner : regarde chaque plante, chaque membre de la Symphonie comme s'il était une personne à part entière, avec son histoire et sa voix. Tout comme tu peux regarder chacun de tes frères comme une vie unique. Fais-le et tu comprendras nombre de choses."
Que pouvait-il comprendre ? L'elfe ne devait pas voir où l'arbre voulait en venir. L'arbre, lui, se devait de ne pas être plus précis : personne ne pouvait voir l'avenir ni l'appréhender assez pour le deviner sur plusieurs dizaines d'années voire plusieurs siècles. Puis il fut temps aux deux êtres de se quitter. L'arbre millénaire resta lié à Neraën tant que celui-ci ne fut pas détaché de lui ; l'esprit d'Anorn reprit pleinement possession de son corps et de ce qu'il se passait autour de lui, et fut bientôt incité à se tourner vers les autres, ceux qui n'avaient pas connu la même expérience que lui. Celebrand, qui avait distraitement regardé l'échange entre les deux elfes depuis un arbre couché, ne décida à se lever que lorsque le mage de la vie se mouva pour commencer à défaire la corde qui entourait l'aigle. Il ne perdit rien de la scène et encore moins de la manière protectrice dont le guérisseur tint le soldat à demi conscient. Sincèrement, Celebrand avait été très surpris de voir que l'elfe avait cherché le contact au lieu de le repousser. Le regard d'Anorn, perdu dans les yeux de Neraën, avait également été un point qu'il avait soulevé. Et maintenant cette agitation. Qu'avait-il bien pu voir, ressentir ? Il n'eut pas le temps de poser de questions qu'Anorn prit la parole, avec une intense lueur au fond de ses yeux bleu-gris qui n'existait pas auparavant.
"Celebrand, avant de me blâmer, laisse moi t'expliquer. Ou au moins, laisse moi essayer. Je ne sais par où commencer, alors je pense que je vais commencer par le début. Ce que j'ai vu... Ce qui s'est passé, c'est incroyable, inattendu, et complètement insensé. J'ai, quand le Lieutenant m'a agrippé, quand il m'a fait entrer en contact avec lui, j'ai vu, à travers lui, cette chose, indescriptible, et il semblait juste transpercé par son esprit, comme s'il avait pris possession de lui, comme si l'elfe n'existait plus, au profit de l'arbre. Si je l'ai détaché, si j'ai rompu le contact, c'était uniquement pour son bien, parce qu'il semblerait que son esprit s'efface peu à peu, qu'il se détériore au contact d'un autre. Surtout au contact d'un être si puissant, si vieux, si grand ! Tu aurais dû voir ça, je n'ai pas de mot, je ne saurais te dire mais... Ne l'attache plus à un arbre, ne lui fais plus subir cela, d'accord ? Je doute qu'il survive, sinon.
Cette panoplie de phrases était juste incompréhensible pour tout elfe présent. Cependant, certains mots attisèrent la curiosité de Celebrand et son intérêt pour la situation n'alla que croissant. D'une main il fit signe au mage de se calmer et de prendre le temps de respirer, puis il s'assit à côté du guérisseur. Lui aussi était devenu intéressant.
- Si le lieutenant - enfin son esprit - est en danger lorsqu'il entre en contact avec quelqu'un, alors ne vaudrait-il pas mieux que vous le laissiez reposer sur le sol, sans le toucher ?
Il eut un sourire et laissa Anorn se rendre compte que lui même pouvait être un danger pour celui qu'il protégeait, et ainsi laisser le pauvre elfe seul.
- Pour tout vous dire, guérisseur, même moi je ne suis pas à même de comprendre ce que vous venez de dire. Pourtant, ce que je ressens en vous me laisse comprendre que ce que vous avez vu était assez important pour susciter les réactions que vous venez d'avoir. Permettez-moi, comme tout ceci semble difficile à mettre en mots, de pouvoir voir par moi-même. Cela ne pourra que m'aider à protéger cet elfe."
Les choses changeaient... la donne aussi. Celebrand était un être cherchant le savoir qui, lorsque la situation l'exigeait, pouvait user de diplomatie. Le fait que cette fois-ci il ait en quelque sorte demandé l'autorisation montrait qu'une certaine estime envers le guérisseur était née dans le cœur du mage. Le vieil elfe attendit l'autorisation d'Anorn pour lire dans ses souvenirs, fut bouleversé par ce qu'il vit et ressentit, puis prit un moment pour discuter avec son comparse. Mettre des mots, mais garder ce qu'il se passait pour soi, éviter de faire de ce cas à part un événement que trop de curieux viendraient voir. Celebrand emmènerait Neraën à l'Académie de Magie d'Alëandir, à la fois pour trouver un endroit propice pour gérer son nouvel état, à la fois pour étudier avec les bonnes personnes ce fait. Car un être naissait avec une sensibilité particulière pour la magie, la sensibilité ne venait pas à lui en cours de route sans de grands entraînements de concentration. Et parce que la magie n'était pas à l'intérieur même d'un individu.
Le temps passa, les blessés furent guéris, l'état de Neraën s'améliora assez pour qu'il puisse partir pour Alëndir, sans être encore au courant du siège qui s'y déroulait. Ce n'est que quelques heures avant de se mettre en route que l'elfe apprit la mort de son frère de cœur, Tinrael. {Fin} |
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