Une rencontre n'est que le prémice d'une séparation. (PV Yr, Estiam)

Halan marchait à la tête d'une trentaine de forgerons... Dix d'entres eux s'étaient vêtus d'une armure, tandis que le reste emportaient sur des montures habituaient aux terrains abruptes de l'Anaëh, marteaux et métaux nécessaires à la réparation des armures et lames, enclumes et autres biens étant transportés au travers des bois d'Ardamir...

Cette cité qu'ils avaient ainsi quittés depuis quelques temps déjà avait une apparence fantôme... Les hommes qui avaient quittés ces murs, les peurs et les ressentis... La guerre appelait des hommes et des femmes, la guerre appelait du sang et des larmes.

Alors qu'Halandarin marchait en premier, accompagné d'Estiam, ce compagnon qui avait tenu à faire la route aux côtés de son ami, Halandarin put percevoir que le sourire de son ami se fit...Enfantin, son regard se perdit dans les alentours alors qu'Halandarin leva la main pour arrêter le convois.

-Qu'est-ce qu'il t'arrives Estiam ? Tu me parais.... Bizarre ? Tu ne m'inquiéte pas, mais ma curiosité est tout à coups piquée de curiosité.

La proximité avec la symphonie d'Estiam avait su leurs éviter bien des problêmes lorsqu'une bande de Coléoptères Diffun furent apperçus à quelques lieux, ils déplaçaient un nid de la taille d'une maison Ardamiriennes, sur les dos de coléptères de la taille d'un éléphant...
Ou encore lorsqu'ils voulurent prendre halte dans une grotte qui se trouvait en faîtes infestée par un nid d'Ashrïe... Mais aussi, cette proximité leurs avaient permis à tous d'observer une Chouette d'Ousomös, rare créature qui s'était déposée à quelques pieds d'eux, sur une branche courbée... Une hermine blanche se trouvant non loin de cette chouette et grignotant ce qui devait être un fruit... La chose était singulière et  l'aura que dégageait cette créature semblait avoir d'autant plus perturbé Estiam que ses compagnons de routes, qui sentirent tous une envie de revanche décuplée par on ne savait quel raison.

La rencontre avec cette femme courageuse et téméraire avait déclenché en Yriaë quelque chose qui l’avait quitté il y a fort longtemps ; l’envie. Elles s'étaient séparées que depuis peu lorsqu’elle croisa papan et sa famille, aussi nombreuse peut-elle être pour ces lagomorphes. S’entourant de ces petites bêtes, elle leurs chantonna quelques mots avant que ceux-ci ne s’éparpillent. Chacun prenait une direction différente. L’heure était venue à ce que les Gardiens se rebellent, le temps  où ils devraient prendre part à la guerre avait sonné. Trop de souffrance a été causée au sud et malgré la présence de ses nombreuses questions sans réponses, malgré son envie de retrouver Celle-Qui-Guide, Yriaë se sentit tout d’un coup pousser des ailes, se laissant emporter par la moindre petite brise.

Plusieurs ennéades passèrent avant que le rassemblement n’eut lieu. Un sourire s’afficha sur ses lèvres pulpeuses en voyant les nombres de Gardiens qui avaient répondu présent. Certains venaient même du grand nord au vu des peaux qui les recouvraient. Fière d’eux, celle qui se dit heureuse d’être Fille de la mère se mit à chanter. Tous se mirent alors en route vers le sud. Deux jours s’étaient écoulés et chacun décida de voyager comme il l’entendait même si la plupart des gardiens choisirent de se transformer.  On vit ainsi un Fanuël dominer la marche, suivit de près d’un ours qui transporta sur son dos un furet. Non loin, plus à l’écart, on put apercevoir un phish oura. Le gardien plutôt solitaire préférait rester à l’écart, contrôlant ainsi plus aisément son instinct de prédateur. Au-dessus d’eux volèrent plusieurs types d’oiseaux, allant du rapace au corbeau. Il y avait même parmi eux une Chouette d'Ousomös qui en un instant décida de virer de bord, s’éloignant doucement du groupe. Le Fanuël qui les guidait le regarda ainsi partir avant de continuer sa route.

Ils parcoururent plusieurs lieux lorsqu’une nouvelle rencontre allait venir grossir leurs rangs. Effectivement, Yriaë n’avait pas fait appel qu’aux Gardiens, non… Elle arriva également à convaincre plusieurs esprits de fournir d’autres créatures enchantées, prêtes à se sacrifier pour défendre l’Œuvre de la Mère. C’est là qu’ils croisèrent un chemin. Le Fanuël ne s’engagea pas tout de suite. Ses sens étaient en alerte, un groupe d’elfes approchaient. Des elfes qui pourraient être des prédateurs si ceux-ci étaient trop tiraillés par la faim. Mais c’est là, qu’elle l’entendit… Cette chanson, cette voix qui se fit d’abord discrète pour finir par gagner en assurance. Les oreilles de l’animal se dressèrent alors que ses pattes montrèrent une certaine excitation. Pressée qu’elle était de courir vers lui, elle qui l’avait tant cherché, elle qui avait tant désirée le retrouver. Mais l’animal n’était pas de cet avis, pour lui ces elfes représentaient un danger qu’il valait mieux éviter. Pourtant l’envie était trop forte, et ce n’est que lorsqu’ils étaient plus qu’à quelques mètres que l’imposant Mâle s’avança sur le chemin. Son pelage était d’un blanc éclatant alors que ses bois étaient des plus imposants. Les autres animaux, confiant en l’initiative du cervidé vinrent le rejoindre. Une troupe entière, surtout mêlée de plusieurs espèces devait sans doute semer le trouble parmi ce convoi. C’est là que la Chouette réapparut. Volant dans leur direction, le cervidé releva la tête. Poussant un cri, il se dressa sur ses pattes arrière lorsque l’oiseau arriva à sa hauteur.

La transformation fut rapide. Le museau se fit visage, les bois se firent cheveux alors que le pelage laissa place à ses vêtements. D’un geste rapide, Yriaë s’empara de son bâton qu’elle fit lourdement poser au sol, provoquant ainsi une certaine énergie palpable auprès de ses Frères et Sœurs. La terre vrombissait alors, tremblait même, quelque chose approchait, quelque chose de grand. Et Alors que les arbres semblaient s’écarter, un Golem s’approcha. Le bruit sourd des pierres s’arrêta lorsqu’il n’avança plus. La petite horde de la Gardienne se transformèrent chacun à leur tour. L’ours devint homme alors que le furet devint femme. Au total, une vingtaine de druides firent leur apparition alors que la Gardien de Pierre n’avait toujours pas bougé. Yriaë quant à elle n’avait pas fait le moindre mouvement, son regard s’était planté dans celui du chanteur. Malgré les siècles, elle l’avait instantanément reconnu. L’enfant… l’adolescent qu’il était, devint homme. « L’on dit que c'est dans la rosée qu'offrent les créations de la Mère que le cœur trouve son matin et se rafraichit. Je me rends compte à présent, qu’un visage familier peut engendrer le même effet. » Dit-elle calmement, adressant enfin un large sourire.

Cela faisait si longtemps qu’elle n’avait plus croisé ce regard d’ambre. Sa main dans la sienne lui rappela leurs brefs moments qu’ils ont passés ensemble avant qu’ils ne se séparent brusquement. Un sourire s’afficha aisément sur son visage lorsqu’il lui donna son nom. « Le Fils de la Mère porte bien son nom. Je suis Yriaë, Gardienne de l’œuvre. Nous partons effectivement vers le sud. Trop de souffrances y subsistent encore. Nous devons intervenir. » Son regard n’avait pas changé, elle tenait toujours sa main dans la sienne, et son sourire était toujours aussi radieux. Comme si elle ne connaissait pas la peur d’aller au combat. Non en réalité, elle n’était pas effrayée à l’idée de perdre la vie tant que celle-ci est sacrifiée de manière utile à l’œuvre de la Mère. Elle savait pertinemment qu’il n’y aura peut-être pas de retour mais cela ne la chagrina pas. Son unique but était de guérir la forêt de cette sombre maladie que répandait ces peaux-noirs.

Son regard tomba alors sur l’elfe qui accompagna Estiam, celui-ci était bien plus imposant. Elle voulut s’adresser à lui, pour se présenter également. Malheureusement, elle n’en eu pas le temps, car un petit colibri semblait ne plus contrôler son vol. Celui-ci vint s’écraser contre le torse de l’imposant elfe puis chuta. Avant que ce petit corps ne puisse toucher le sol, une elfe avait déjà fait son apparition. « Je vois que la notion d’atterrissage t’es encore étranger Sibylline ou alors as-tu encore butiné les mauvaises fleurs? » Alors que la jeune elfe peinait à se relever, gratifiant plusieurs « aie… ouille… ça fait mal… » Quelque chose d’autre approchait, quelque chose de plus menaçant au point qu’Yriaë repoussa violemment Estiam. Un phish oura sortit des bois pour venir s’interposer entre la druidesse et l’elfe au regard d’ambre.

« Il suffit Sirir. » L’animal ne semblait pas entendre la remarque. « Ça suffit ! » Répéta-t-elle. L’animal se mit alors à charger sur Estiam, mais à peine eut il fait quelque mètres qu’un impressionnant elfe se trouvait face à lui.  Son regard était froid, perçant à la limite de la provocation. « Sirir... » Rappela-t-elle une dernière fois. Il fit alors volte-face avant de s’emparer de la main d’Yriaë et de la trainer vers l’arrière du groupe.

Halandarin était assez distant, à quelques mètres de la rencontre bien heureuse qui le mis quelque peu mal à l'aise, compte tenu de son passé douloureux dont la plaie à peine cicatrisée avait été rouverte sans vergogne quelques ennéades auparavant, ainsi que... D'Elle cette .... Cette rencontre-ci...

La rage grondait encore au fond de sa poitrine, comme un animal en cage elle voulait briser cette cage et se défouler... Comme un animal en cage, elle était affamée. Cette haine profonde, grondante, frémissante ne laissait pourtant rien paraître, il parvenait à la cacher, sous cette immense carapace...

Il fit le tour de ses hommes, du matériel, vérifiant que tous allaient bien, que chacun, et quelques unes, n'avaient aucun remords ni doute quand à ce voyage...

Il avait su cacher tout ces ressentis, à Estiam, Lena, même à cette Pipumia qui s'était attachée à lui, et qui se languissait de l'attendre dans sa demeure aux côtés de Lena... Même les connaissances centenaires n'avaient rien remarqués... Et pourtant elle le rongeait, le dévorait de l'intérieur, comme une sombre maladie elle s'enracinait, noircissait son cœur... Et ce qui le rongeait d'autant plus était... Cette envie macabre de la revoir, cette envie dégoûtante, et pourtant si alléchante...

Aesus, Exilé... Avait-il seulement ressentis une fois dans sa vie un sentiment d'appartenance ? Oui... Oui il l'avait ressentis... Pour la forge... L'acier qu'il battait... Pas pour son peuple.... Non.. Ce peuple qui le méprisait, le méprisait pour ses voyages, pour cette affreuse ressemblance qu'il avait avec les Drow's... Ce physique d'Halda... Ils le méprisaient certes.. Mais il les dominait, il les écrasait par son savoir, il les écrasait par son talent... Qu'avait-il de si différents de ces Drow's ? Ces idées le rongeaient, il les ruminer sans même s'en apercevoir.
Loin des siens, avait-il changé ? Son coeur ne ressentait-il plus rien pour cette forêt qu'il chérie tant ? Non... Impossible. Pour toujours... Cette forêt, cette Mère... Elle lui avait parlé, il croyait en elle... Mais croyait-il en son peuple ? Ces "Frères" et "Soeurs" ? N'y avait-il jamais trouvé bonheur ?

Ce sentiment le torturait, il voulait en hurler, mais se retenait... Aujourd'hui plus que d'autres il se sentait mal, mal à vouloir en vomir... Il s'empara d'une cruche d'eau qu'il vint ouvrir avec une certaine rapidité, immergeant son visage dans l'eau qu'elle contenait... Le baiser glacé de l'eau lui fit le plus grand bien....

-Tout va bien Halandarin ? Toer Tamindal ? Entendit-il... Lointain... Avant qu'il ne sorte l'eau de cette jarres il sentit une main se poser sur son épaule... Un regard inquiet, d'un maître qu'il connaissait bien...

-Tout vas bien... Excuses-moi... Un coup de chaud, je n'avais encore jamais vu tant de druides rassemblés...Et il ne m'a été donné de voir de Golem que peu de fois dans ma longue vie... Je ne m'y ferais jamais Dit-il avec un léger rire, qui fut accueillis d'un sourire amusé.

-Je suis bien d'accord... C'est un sacré événement auquel nous assistons. Renchérit l'elfe, avant de laisser Halandarin vaquer à ses quelques occupations...

Alors Halandarin vaqua... Il s'autorisa à revenir vers le petit groupe, observant Estiam et Yriaë avec un sourire non feint... Lorsqu'il passait outre ses douleurs, lorsqu'il les taisait il pouvait enfin sourire pour les autres.
Alors qu'ils s’apprêtaient à faire les présentations, Halandarin entendit un "SCHTONG" retentissant, et sentis un certain poids cogner contre son armure, surpris, il put observer un Colibri ayant visiblement abusé des fleurs tomber en chute libre vers le sol, alors qu'il tenta de le rattraper, une elfe pris sa place, surprenant quelque peu l'elfe qui pensait avoir eu son quota de transformation pour la journée.... Éberlué, quelque peu choqué, il ne fit pas réellement attention au Phish Oura qui chargea Estiam, aidant calmement l'elfe de petite taille à se relever.

-Veuillez m'excuser, je ne m'attendais pas à servir de piste d'atterrissage, ni de Gong a vrai dire. Il ricana légèrement avant d'entendre un feulement félin, se retournant vers Estiam il pu observer un AUTRE druide prendre forme humaine... Plus pâlot qu'à l'accoutumé, Halandarin ne réagit pas réellement, ne pouvant qu'observait légèrement ébété à la scène d'un triangle amoureux qui se tiraient dans les plumes... Sans vouloir offenser le petit colibri.

« Nom d’une racine mal digérée, je ne vous ai point vu et je ne m’attendais pas à avoir un tel obstacle sur mon chemin. Je ne vous ai pas fait mal au moins ? » Demanda Sibylline tout à fait sérieusement à l’encontre de l’imposant elfe en armure. Au vu de l’allure qu’avait la petite elfe, plutôt décoiffée, avec un vrai nid à oiseaux planté sur le crâne, on pouvait aisément se rendre compte qu’elle n’avait parfois, pas toute sa tête. « D’ailleurs… Hum… » Continua-t-elle, levant la tête tout en commençant d’analyser le trajet qu’elle venait de faire en vol par de simples gestes des bras. « Je ne comprends vraiment pas comment j’ai pu ainsi mal calculer mon atterrissage. Hum… » La petite druidesse se tourna alors à nouveau vers son obstacle avant de plisser énormément les yeux et de pincer ses lèvres. Elle s’approcha doucement. « Vous ! Expliquez-moi comment vous vous êtes retrouvés à cet endroit précis et à ce moment précis ! »

Plusieurs druides du groupe s’approchèrent du convoi pour discuter avec les elfes présents. Certains préférèrent parler du front, d’autres profitèrent de l’occasion pour demander conseil aux différents Gardiens. Un réel échange était en train de naître lorsqu’ils purent soudainement entendre un bruit sourd. Le Golem était las d’attendre et le fit comprendre en continuant sa route, seul.

A l’arrière, Yriaë essaya de calmer Sirrir. Elle connaissait l’attachement qu’il éprouvait pour elle mais n’avait jamais réellement prit position face à cela. Elle était gardienne de l’œuvre, tout son amour et toute son attention, elle n’avait cessé de les donner à Anaëh. La gardienne ne s’était jamais posé la question sur l’attachement qu’on pouvait ressentir envers un autre enfant de la Mère. En pleine discussion, Estiam fit son apparition. Le sourire d’Yriaë qui venait de s’envoler refit une apparition. Quant à sa remarque, Sirrir ne préféra pas y répondre, préférant s’engouffrer entre les arbres. « Je te serais reconnaissante de bien vouloir lui pardonner. Il… » Yriaë soupira, elle avait beau essayer de lui trouver une excuse, elle n’y parvint pas. Sa main vint attraper celle de son vieil ami pour l’entraîner vers les groupes qui venaient de s’entremêler. « Qu’es-tu donc devenu… Estiam ? Tant de temps s’est écoulé pourtant j’ai l’impression qu’on ne s’est quittés qu’hier. »

« Nom d’une racine mal digérée, je ne vous ai point vu et je ne m’attendais pas à avoir un tel obstacle sur mon chemin. Je ne vous ai pas fait mal au moins ? »
Halandarin l'observa avec un sourire quelque peu amusé.

-Je vais bien... Et vous ? Rien de cassé ? Elle n'avait peut-être plus toute sa tête, mais elle n'en restait pas moins une Soeur chétive qui venait de s'écraser contre un plastron...

Halandarin l'écoutait déblatérer avec attention, jusqu'à ce qu'elle se tourne vers lui en faisant une moue des plus circonspecte...

-Vous ! Expliquez-moi comment vous vous êtes retrouvés à cet endroit précis et à ce moment précis !

Question plus idiote n'aurait pu exister... Halandarin soupira quelque peu en passant sa main dans sa nuque, avant de lui répondre d'une voix calme et posée.

-Je suppose que mes pas m'ont dirigés ici, malencontreusement je me suis ainsi retrouvé sur votre trajectoire. Peut-être était-ce simplement le destin ? Vous deviez peut-être aujourd'hui même vous écraser contre mon plastron pour que votre future soit meilleur ? Qu'en sais-je ?

Elle l'observa avec des billes rondes avant de repartir en pleine introspection, laissant le loisir à Halan de s'éloigner calmement, après l'avoir saluer... Se dirigeant vers Estiam qui s'était décidé à rejoindre Yriaë et Sirir.

-Qu'es-tu donc devenu... Estiam ? Tant de temps s'est écoulé pourtant j'ia l'impression qu'on ne s'est quittés qu'hier.

Alors qu'Halandarin présentait sa stature imposant au détour d'un arbre, il tomba nez à nez avec les deux personnages, Sirir n'était plus présent... S'était visiblement volatiliser avant que notre Forgeron psychopate préféré n'apparaisse.

-Ha... Vous voilà, Estiam, que c'est-il passé ?  Halandarin posa son regard sur les deux amants en devenir, en souriant. Désolé, je vais repasser plus tard, si vous me cherchez, je me trouverais près du convoi.

Alors qu'Halan' se tournait tranquillement, il sentit la main d'Estiam lui retenir l'épaule, éxagérant le mouvement de frein, Halan se plia en deux vers l'arrière, avant de lui refaire face.

-.....M'oui ?

Son regard se perdit sur son ami. Un instant, puis un de plus. Ce qu’il lui expliqua… avoua ? La fit trembler. Quitter Anaëh, jamais elle n’y avait songé, jamais elle ne l’avait envisagé, encore moins espéré. Savoir que son ami avait non seulement rejoint la grande cité blanche, mais en plus quitté l’œuvre, elle le ressentit comme un échec.

Prenait-il ces lointains cousins comme excuse ? Ou sa démarche était-elle sincère… nécessaire ? Trop de questions apparurent dans son esprit, offrant ainsi une image troublée d’elle-même. Certes, Yriaë n’était encore qu’une apprentie, loin d’être la druidesse qu’elle est aujourd’hui. Mais avait-elle commis sa première erreur ? L’avait-elle poussée d’une quelconque façon à s’enfuir de son clan pour entretenir cette vie dont il semblait se vanter ?

L’avait-elle complètement perdu ?

Son expression avait changé, l’elfe se faisait plus froide, plus neutre. Ce n’est qu’avec la réapparition du terrain d’atterrissage de Sybiline qu’elle revient à elle. Présentée comme sa mélodie favorite, Yriaë n’esquissa aucun sourire malgré ce très beau compliment. Elle se contentait de fixer Estiam. Son regard se fit intense voir même insistant. Miroitant due à une légère montée de larmes, elle exprima tout son regret, son désarroi, sa tristesse.

Cet échec, la druidesse le vivait mal.

Reculant de quelques pas, elle semblait perdue. Tant d'années de recherche pour le retrouver, alors qu’il n’était même plus en forêt. Tant d’années à espérer le retrouver alors qu’il était simplement dans cette grande citée. Son châle tomba, celui qu’il lui avait offert. Elle ne le ramassa pas.

Se retournant, elle courut. Sans dire au revoir, sans même un mot, ni pour Estiam ni pour son fidèle ami. Un Fanuël fit rapidement son apparition, prenant de l’allure. La dernière chose qu’elle souhaitait c’était qu’il la suive. Lorsque l’animal arrêta enfin sa course, il se trouvait à quelques lieus de son point de départ. Il cria, fort, longtemps. Lançant un appel à l’aide, l’esprit de la druidesse reprit le dessus. Elle les appelait, ses frères et ses sœurs, son cœur souffrait.

Près du groupe, le hurlement du Fanuël se fit entendre et la réaction fut immédiate. Ils laissèrent le groupe, leurs souhaitant courage et force pour leurs bataille puis reprirent la route.

Prise aux tripes par quelques mots à peine du récit de ta vie, la réaction de la druidesse n’est en rien celle que tu attendais. Tu l’imaginais te reprocher ton comportement, tu l’imaginais questionner ta décision de quitter la mère, ne serait-ce que pour un temps. Tu l’aurais même imaginé capable de remettre en doute ta nécessité de vivre l’expérience de la cité… et avec elle le besoin de connaître ton père. Tout cela tu aurais été capable de l’accepter, d’encaisser le reproche, de te justifier. Tu ne demandais qu’à essayer de lui faire comprendre, car s’il y a une chose que savent faire les druides, même lorsque leurs avis divergent, c’est faire preuve d’empathie et comprendre. Car chacun dans cette forêt suit une voie qui lui est propre, et la tienne t’avait mené en dehors des barrières car c’est une expérience qui devait t’enrichir.

Mais Yriaë plutôt que d’être intriguée, ou révoltée, avait été touchée. Fortement touchée, et pas de manière chaleureuse. Il avait suffi de quelques mots pour étreindre son cœur d’une gangue glaciale, et briser un à un, en l’espace de quelques secondes, nombre de rêves soigneusement entretenus par la druidesse pendant de longs siècles. De longs siècles où elle aura espéré te revoir, de longs siècles après lesquels elle aurait pensé te retrouver aussi proche qu’elle l’était de votre Prime Mère. De longs siècles au bout desquels elle ne s’attendait pas à retrouver un elfe perverti par les cités, gangréné par l’Ithri’Vaan, empoisonné par les Terres Stériles et marqué par l’Aduram.

Voilà qu’elle manque de pleurer l’enfant que tu étais encore au premier jour, perdue devant un adulte qu’elle n’a pas appris à connaître. Te voilà revenu bien des temps en arrière, à nouveau seul face à la dualité de ta propre personne, celle qu’aucun autre ne semble comprendre. Hier encore tu n’étais qu’un sauvage aux yeux des Citadins, aujourd’hui te voilà traître aux yeux des Forestiers. Te voilà à nouveau solitaire, recrue unique d’un camp rejeté des deux autres. Tant d’années passées à cultiver ta différence et à l’accepter, pour finalement que ton monde entier s’effondre par le bon vouloir d’une seule.

Peu importe ce qu’en pense le nombre. C’est le regard de ceux qui comptent le plus lourd. Et elle, elle fait partie de ceux-là.

Tes doigts se referment contre le morceau de tissu… et tu ne sais pas si c’est la colère ou la tristesse qui te plonge dans un si profonde frustration. Tu ne sais pas si tu t’en veux à toi, ou si tu lui en veux à elle. Pour la première fois, la mélodie d’Yriaë semble moins belle. La druidesse dans sa détresse a laissé les accords se contorsionner, dans sa déception elle a perdu de sa superbe, preuve que son mal est au moins aussi grand que celui qu’elle t’a infligé. Voilà pourquoi tu ne peux lui en tenir rigueur, et pourquoi tu ne peux que te blâmer.

Elle aura besoin de temps pour penser, tu auras besoin de temps pour chercher les mots. Un jour après cette guerre à nouveau vous vous croiseriez, et en ce jour tu saurais lui dire. Pour qu’elle comprenne, pour que de toi elle apprenne et qu’à son tour elle accepte de t’apprendre. Parce que c’est toi qu’elle cherche à fuir tu ne l’as pas suivie, et plutôt que de te perdre à chasser à jamais celle qui affole ton cœur tu as repris le pas vers la bataille.

Jamais la Prime-Forêt n’a perdu sa place en ton être. Bats-toi. Survis. Prouve-le lui.