Les premières Serres de l'épopée - Uriel & Estiam

81 Verimios 10:XI ~ été

Elle lui avait demandé de le retrouver dès le lendemain sur l’esplanade du Trône Blanc. Bien avant l’aube, les tardifs purent voir la silhouette silencieuse d’Eowald attendre dans l’ombre, un sac à ses pieds. La haute stature de l’Aigle se mariait parfaitement à son visage plongé dans l’ombre et son corps vêtu de son armure de cuir et de lin. Une cape vert feuillage, bien que l’intérieur fût brodé d’un rapace déployant ses ailes, couvrait son torse et ses épaules. Bien que la capuche ne fût pas rabattue sur son visage, ses yeux semblait plongés dans la nuit et seul le bas de son visage apparaissait au filtre de la lampe-tempête dans sa main.

Malgré l’heure, tardive pour certains, matinale pour d’autres, Eowald n’était pas venu ici pour simplement attendre le départ. Il resassait les évènements de la veille. Tout s’était fait si rapidement. En se réveillant, bien plus tôt qu’il ne l’avait prévu, l’envie de prendre quelques heures pour réfléchir lui était venu. Non pas qu’il eut désiré faire marche arrière – même s’il l’avait désiré, il l’aurait refusé. Bien au contraire, l’Aigle n’avait qu’une hâte. Prendre la route.

Il avait plutôt réfléchi au voyage. Par son expérience et son statut, il était capable de vivre de peu, de s’adapter à tout. Eowald était capable de vivre d’eau, de pain et de venaison chassée. Les jours de diète étaient supportables si nécessaires. Et son goût pour la viande le préparait à la nourriture d’au-delà la Prime Forêt. Mais Uriel. Elle semblait si austère et pourtant il lui semblait avoir senti l’inquiétude de quitter tout ce qu’elle connaissait. Un profond respect envers la prêtresse habitait Eowald. Il savait quel pas c’était que de se lancer dans l’inconnu.

Aussi avait-il préféré faire un effort. Il voyagerait plus lourd que prévu. Mais les provisions étaient composées pour satisfaire les goûts de la prêtresse. Lui-même n’y toucherait que peu, réservant sa part pour faire durer plus longtemps l’instant fatidique où Uriel toucherait à une nourriture étrangère. De la même façon, l’eau de vie elfique de genévrier était solidement empaquetée dans son sac. Même Eowald avait horreur du vin et de la bière des autres races…

Il sourit doucement lorsqu’Uriel apparut dans les premières lueurs du jour et rabattit sa capuche sur son crâne. Eowald surgit brusquement devant la prêtresse, la dominant de son ombre et afficha un sourire prédateur et fier de lui.

« Ma sœur… Quelle joie de te revoir. Prête pour le voyage ? »

La nuit avait été aussi douce et aussi longue que les précédentes. Uriel n'était déjà plus chez elle et la dernière nuit passé dans ce qu'elle considérait comme son foyer datait déjà de plusieurs ennéades. Comme chaque jour, elle se réveilla avant l'aube, se baigna et passa une heure dans la salle des Lueurs du Temple dans lequel la branche Lëandrine de l'Ordre avait élu domicile. Le gargouillis de l'eau baignait seul un silence complice. Les flammes bleutées perçaient la surface comme venant d'un autre monde. Les yeux clos, Uriel les voyait encore danser, l'aidant dans leur course à apaiser son esprit et à affronter chaque nouvelle tension qu'elle y sentait naitre.

Ce matin là pourtant, comme la veille, elle quitta ses méditations un peu plus tôt que de coutume pour enfiler son armure, vérifier une dernière fois ses paquetages, s'occuper d'Orna et saluer ses frères et sœurs d'arme. Le Maître de la branche Lëandrine et l'Archiviste du temple lui souhaitèrent courage et bonne fortune. La poigne chaleureuse des quelques membres armés lui fit chaud au cœur. Elle laissa à Mahariel une dernière lettre à l'intension de sa sœur Aïlin en Holimion, puis quitta les lieux, inhabituellement solitaire.

Durant leurs missions ou leurs recherches, les Berceurs étaient toujours au moins deux... Ils n'avaient pas été suffisamment nombreux pour avoir ce luxe cette fois. Les pertes des dernières années n'avaient pas été si grande, mais leur nombre déjà réduit et le temps nécessaire à former le moindre d'entre eux invitait à la plus grande prudence. Elle n'était pas la seule a avoir chercher un complément d'escorte ailleurs... Mais d'une certaine façon, elle était sans doute la plus chanceuse. Elle doutait qu'un autre Aigle aurait agit comme Eowald.

Le soleil perçait à peine lorsqu'Uriel fit ses premiers pas sur l'esplanade, au côté de son grand destrier blanc. Si elle avait suffisamment l'habitude de son masque pour qu'il ne gêne ni sa vue, ni son ouïe, elle ne pouvait nier qu'il diminuait tout de même la luminosité. La pâleur du soleil d'été ne lui permettait de ne bien voir qu'à quelques pas. Plus loin elle ne distinguait que des ombres mouvantes, aussi sursauta-t-elle allègrement lorsqu'Eowald apparu dans son champ de vision, portant une main à sa poitrine et baissant les yeux pour souffler après un instant de latence.

- Vous m'avez fait peur... " le salua-t-elle sur un ton de reproche, le cœur redescendant rapidement.

Si elle ne l'avait pas connu, elle ne serait pas si vite calmée d'ailleurs. Le visage qui la surplombait d'une bonne tête la fixait étrangement. Son sourire franc et fier était... carnassier. Quoi qu'elle ne se calmait peut-être pas si vite que ça en fin de compte. Elle soutint son regard un instant à l'abri de son masque tandis que l'expression de l'Aigle passait sur une note plus amusée, puis moqueuse. Il était aussi changeant qu'Aïlin, bien qu'elle n'ai jamais vu ce genre d'expressions au visage de sa soeur. Devait-elle être outrée, fâchée, flattée, amusée ? Elle n'en avait pas la moindre idée... Un peu de tout ça peut-être. Mais c'était si peu convenable qu'elle se racla la gorge pour garder contenance et glissa son gantelet sur l'encolure d'Orna. L'imposante jument était chargée comme une mule.

- Je suis prête. Mais nous attendons une personne de plus. Je nous ai trouvé un guide pour éviter les plus gros déboires avec les clans Noss de l'Annon." elle récupéra sa main libre " Et vous ? Vous avez tout ce qu'il vous faut ? "

- Ce n’est que l’affaire de quelques ennéades Meloia. Tes doigts caressent le bras d’Yriaë, encore moitié endormie contre toi Et c’est l’occasion pour toi de voir ce qu’il est advenu de l’Annon. Il faut que tu partes la première.

Sans fondement, une simple conviction née du plus profond de tes tripes au petit matin. La druidesse elle-même s’en trouva sans mots. Ta requête n’était que cela, une requête, et pourtant à ses oreilles aussi elle sonnait comme un véritable ordre. Après tout, tu n’implorais pas par convenance, si tu lui demandais de s’éloigner ainsi, ce n’était pas parce que tu t’épuisais de sa compagnie. Au contraire. Encore une fois, vous veniez de vous retrouver, vous veniez de recommencer à construire, et tu ne demandais rien de plus que de pouvoir bâtir avec elle, de la tenir dans tes bras tout du long, et de voir se mêler vos fondations dans l’érection d’une Œuvre plus grande. Mais tu ne l’expliquais pas, tu ressentais le besoin de la voir te précéder sur la trace de l’Annon. Il fallait qu’elle y arrive avant toi.

- Soit. Je te fais confiance. La voix encore ensommeillée te répond Mais je reviens dès que j’apprends l’arrivée d’Uriel.
- Et je serai là pour t’accueillir.

Tes lèvres se posent contre celles d’Yriaë, et vous échangez une bise douce-amère, contemplant déjà les quelques ennéades qui vous sépareraient avant que soit terminé le chemin de la prêtresse à travers les portes d’Anaëh.
Aujourd’hui vous passeriez chaque seconde des rituels matinaux ensemble. Du lever au repas, du repas à la toilette, tout était pour vous prétexte à vous observer, à vous toucher, à vous embrasser, à saisir ces derniers instants ensemble avant un autre temps de séparation. Yriaë ouvrirait la marche, fendrait pour vous une sente imaginaire, et cueillerait sur son passage les Ornedhels sensibles de faire opposition. Si tu étais certain que ceux du Saïr’Ilu t’écoutent, tu ne pouvais pas en garantir autant des quelques individus d’autres clans restés en Annon. Certes ils étaient peu nombreux, éparpillés à travers des hectares de forêt, et vous aviez peu de chances de les croiser, mais le risque restait présent. Mais quel risque résisterait au pouvoir de persuasion d’une vénérable druidesse ?

- J’espère que ton instinct est le bon. Le regard d’Yriaë se perdit vers la Sylve La forêt en décidera.

Et sur ces mots elle partit. Curulotsë refermait à peine son étreinte que l’écho des pas de celle que tu aimes résonnait déjà loin entre les troncs de la dense forêt Lëandrine. Toi c’est vers l’esplanade du Trône Blanc que les tiens te mèneraient, auprès de celle… de ceux dont tu serais l’hôte le temps d’un voyage.

- Même s’il lui manque quoi que ce soit, je doute fort que vous en souffriez réellement.

Tu te permets de laisser traîner une main compatissante sur la croupe de la jument croulant sous les bagages. Fort est à parier que ce n’est pas la première fois que le pauvre animal s’exerce à ce genre de travaux de force. Ilweran posé sur ton épaule au moment de ton arrivée, aura pris son envol quand ton buste se sera penché dans une courte révérence faite à la prêtresse en guise de salutations.
L’autre, tu t’autorises à longuement le regarder avant de lui offrir les mêmes respects. Voilà quelques temps, depuis la chute de Yutar, qu’en dehors de Velicënor, que tu n’avais pas eu l’occasion de regarder un autre elfe droit dans les yeux. Face à face.Mais quand bien même fut-ce là un rare événement, être au niveau de ses yeux n’empêcha pas au tien de s’affranchir de son visage. À n’en point douter c’est un elfe de forte carrure qui se dissimulait sous cette cape. Un marteleur. À même de la protéger quand inévitablement le monde extérieur se ferait hostile.

- Lœthwil. Tu tends une main gantée d’écorce Enchanté.

Les présentations faites, votre départ ne souffrait plus d’attendre.

- Il est temps d’y aller. Du moins restait-il une dernière question Est-ce que je vous conduis sur le chemin le plus court ou est-ce que vous préférez passer par les routes ?

81 Verimios 10:XI ~ été

Le sourire d'Eowald s'élargit alors qu'il se faisait doucement réprimander par Uriel. La prêtresse de Tari n'était donc pas si téméraire et austère ? L'Aigle s'inclina doucement en portant ses deux doigts à ses lèvres. Il était heureux de se retrouver ici avec une si vieille connaissance. C'était un véritable signe à ses yeux. Cette rencontre les mènerait loin par delà les forêts d'Anaëh, sur la voie des Dieux si telle était leur volonté.

Aussi une pointe de jalousie s'instilla dans son coeur lorsqu'elle annonça la présence d'un autre. Son regard s'assombrit légèrement tandis qu'il se détournait un instant d'Uriel. Sa monture, une calme jument élancée, apparut entre les branchages. Elle n'était pas tant chargée, bien qu'une lourde sacoche remplie de provision pesa sur ses flancs. Il lui flatta légèrement l'encolure tout en se mordant l'intérieur des joues. Evidemment, ils avaient besoin d'un guide. Les frontières de la Prime Forêt n'était plus aussi sûre pour les elfes que les derniers siècles. En particulier pour les citadins.

Aussi ne fut il qu'à demi-surpris de voir apparaître un Noss. L'appartenance de ce dernier à la nature était plus que claire par son accoutrement. Les oreilles d'Eowald s'aplatirent légèrement sur son crâne et un tic agita son oeil. Il n'appréciait guère les peuples tribaux voisins. Il se sentait isolé, incompris avec leurs manies de parler de la Symphonie. Plus particulièrement les Citadins qui s'étaient proclamés soudainement des leurs peu après le Voile. Des traîtres qui fuyaient le conflit avec les Drows à n'en point douter. Mais ils avaient besoin d'un guide, même temporairement. Peut être même sauraient ils s'apprécier ? Eowald en douter cependant. Il serra la main d'un geste ferme et hocha la tête.

« Eowald... Wald si tu préfères. Je suis prêt à chevaucher. L'idéal serait au plus court j'imagine. Uriel es-tu prête à cela ? »

Sans grande hésitation, une solide poignée de main t’est rendue, et à cette simple poignée de mains, tu aurais pu deviner quelle serait sa réponse à ta proposition. Elle, elle aurait certainement quelques scrupules à abandonner le confort des routes pavées qui balafraient la forêt. Lui, il attendait désespérément d’être confronté à un obstacle, et rendu utile. Tu souris, raffermis un instant l’étreinte, content de constater qu’il existait encore quelques citadins ne nourrissant pas de surréalistes craintes devant les profondeurs de la forêt, avant de le libérer et de laisser champ libre à la prêtresse de réintégrer le petit groupe.

Témoin trop proche des salutations entre deux géants, plutôt que de retrouver sa digne place, Uriel eut un brusque mouvement de recul. Il ne lui fallut pas plus d’une discrète rotation de la tête pour laisser comprendre qu’une trop grande proximité conduirait rapidement sa nuque à fatiguer. Elle pourrait tout aussi bien donner le pas en se rapprochant des mathandils plutôt que de vous.

- Du moment que Heru Lœthwil est sûr de ce qu’il fait et qu’il nous ramène vers les sentes connues avant de nous quitter, je suppose que je n’y vois aucun inconvénient.

Tu hoches la tête en signe de considération, dans la plus grande des tranquillités.

- Je ferai en sorte de vous conduire jusqu’aux environs de la Voie Blanche. Vous ne devriez pas avoir grand mal à vous repérer à partir de là.

Et sur ces mots tu pris la direction de la sortie de la Cité, et des profondeurs de la forêt.
Ce n’est lorsque les bois se firent assez denses que tu empruntas ce qui serait votre réelle cadence de voyage. De racine en racine, de branche basse en branche basse, prenant à l’occasion le temps d’observer, d’écouter et de t’imprégner, la vitesse à laquelle tu évoluais à travers la forêt n’avait rien à envier ni aux montures des citadins, légèrement ralenties par la végétation basse, ni au reptile volant qui prenait malin plaisir à se faire seconde vigie et miroir de tes déplacements.
Tu évoluais sans le moindre mal, c’est ainsi que tu te comprenais sur un droit chemin. L’armure vivante reprenait doucement ses Chants, répondait à nouveau à la végétation environnante, acceptait à nouveau de te guider à travers les Voix de ses frères et sœurs. Curulotsë accompagnait à nouveau tes mouvements, les soutenait même, comme pour t’éviter la fatigue, et toi, puisqu’elle te soutenait, tu te reposais sur elle. Ton Souffle bercée par la part qu’elle jouait dans la Symphonie.

- Permettez-moi la remarque tu lances sans t’arrêter, à un moment où les destriers se retrouvaient à ton niveau et ce n’est rien contre vous en particulier tes sourcils s’arquent sous ton couvre-chef mais je trouve quand même effrayant que vous ayez moins d’appréhensions à l’idée de quitter les frondaisons d’Anaëh dans une grande et mystérieuse mission… qu’à celle de traverser des terres connues comme territoire de clans sans histoire. Tu soupires, séparé d’eux quelques instants par une entremêlas de lianes que tu te trouves forcé de contourner par le haut C’est vraiment là qu’en sont les relations entre l’intérieur et l’extérieur des murs ?

Une fois les portes franchies et les gardes saluer avec le plus grand respect, Uriel s'arrêta pour descendre ses étriers et rajuster le harnachement de sa monture. Sur quelques mots d'encouragement pour Orna, elle grimpa d'un bond sur son dos et laissa les rênes ballantes, se contentant de la diriger avec les jambes et le bassin dans la direction que prenait le Noss. Sur les premiers mètres, elle se contorsionna pour fixer l'étui de près de deux mètre qu'elle avait gardé jusque là sur le dos après en avoir sorti un arc large de bois blanc. D'une main assurée, elle le banda, testa la résistance de la corde et le passa à son épaule dans une série de gestes précis et silencieux.

Faisant son possible pour rester parfaitement stoïque alors que leur guide grimpait dans les arbres pour les suivre de branche en branche, son œil suivait pourtant ses acrobatie avec une certaine incompréhension. Soit. Il ne fallait pas juger... Mais tout de même, cet homme se donnait en spectacle de façon encore plus efficace qu'Eowald. S'en devenait difficile de se concentrer sur les alentours. Pour le reste, elle faisait confiance à Orna. La jument avait le pied lourd mais sûr et elle avait suivit Uriel dans tous ses déplacements depuis le Voile.

Le silence était loin de gêner la cavalière. Au contraire, devoir faire la conversation pendant des jours à un homme qui ne partageait pas sa foi et qui la remettrait sans doute en cause à la moindre occasion ne lui semblait pas être une perspective des plus agréable. Elle en profitait, en plus de surveiller les environs, pour estimer le temps qu'il leur faudrait pour atteindre leur premier objectif et réfléchir à la conduite qu'il conviendrait d'avoir hors des Frontières.

Hélas, ses compagnons ne semblaient pas prêt à faire preuve d'un comportement aussi méditatif que le sien.

- Je ne sais pas grand choses des relations générales entre les vôtres et les miens et pour être honnête, je ne me sens pas vraiment concernée. " Elle n'avait guerre eu le temps de réfléchir à la désertion des Cités depuis le Voile et n'avait pas été touchée directement par les phénomènes. Holimion et Daranovar avaient eu d'autres problèmes bien plus particuliers en ce début de XIe Cycle et elle se méfiait bien plus de la sauvagerie des Noss et de leur opposition farouche qu'elle ne faisait confiance à une quelconque sagesse de leur part... Cependant, si son avis était déjà fait, ce n'était pas vraiment le moment de débattre sachant que leur guide faisait parti de ce peuple sauvage et changeant. Qu'il sache ou non quels déboires le Repos de Tyral avait eu avec certaines Noss d'Eteniril et d'Holimion ne changeraient rien a la situation d'Anaëh... Mais elle pouvait changer leur espérance de vie à Eowald et elle.

Eowald avait craint un instant qu'Uriel ne soit pas prête à affronter même les forêts de l'Anaëh. Elles étaient dangereuses, féroces. Mais la nature de la Mère y régnait. C'était une sauvagerie paisible. Loin de la bêtise, de la haine et de la colère de l'au-delà. Ceux-là même que l'Aigle brûlait de revoir, de se confronter à nouveau à eux. Aussi la regarda t'il d'un air goguenard lorsqu'elle accepta. Techniquement il était plus jeune qu'elle mais il se sentait comme un protecteur à son égard. Evidemment lorsqu'il s'agirait de choisir leurs plans, Eowald savait qu'il se plierait à ses ordres. Il était de toutes manières trop impulsif d'un point de vue elfique. Même pour certains humains à vrai dire.

« Allons crapahuter. » lâcha donc l'Aigle dans un argot humain. Il sauta lestement sur sa selle et prit la direction donnée par leur guide. Les premiers pas furent faciles mais à mesure que la forêt se densifiait Eowald comprit l'intérêt du Noss de se déplacer sans cheval. Ses gestes étaient souples, rapides. Il semblait en réel confiance. Sauvage. Pensa l'elfe avant d'hausser les épaules. Il avait vu le monde extérieur pendant des décennies, près d'un siècle. Il ne pouvait juger la vie d'un autre à son aulne.

Tout du moins tant que cet autre ne cherchait pas à animer un sujet des plus piquants. Dès les premiers mots de Loethwil, Eowald sut qu'il verrait rouge. Sa remarque innocente était bonne à piéger un débutant. Uriel désamorça la situation d'une morgue tout elfique. Mais l'Aigle voulait parfaitement mordre à l'hameçon. Aussi lança t'il d'un air aussi innocent, le regard rieur : «Permets moi la remarque. Mais explorer une terre inconnue, qu'elle soit notre voisine ou non, reste une terre inconnue. Tes frères et soeurs à l'extérieur des murs ne veulent que rarement échanger avec les citadins. Beaucoup d'entre eux sont pourtant des anciens. Ils ont entendu la Symphonie et semblent persuader que nous sommes dans le tort. A mes yeux nul n'a tort. Mais certains sont des lâches, certaine bien heureux d'être cachés sous la canopée au lieu de combattre les Noirs.»

Sans grande surprise, Uriel s’échappa à la conversation dans une pirouette se voulant d’autant de délicatesse qu’une monture Khuzdule. Loin l’idée à la prêtresse de laisser une seule seconde penser qu’elle puisse se lancer dans des débats qu’elle jugeait certainement aussi stériles que potentiellement problématiques.
Eowald par contre était une toute autre créature. Provocatrice, cette créature. Justifiant d’une seule tirade toutes les craintes que l’on pouvait suspecter Uriel nourrir. Tu roules des yeux, rendant à l’Aigle son sourire narquois. Et dire que les Taledhels s’étonnaient que ceux qu’ils appellent sauvages les traitaient d’aveugles et de sourds. Comment faire autrement lorsque l’on se retrouvait face à un tel discours ?

- Les profondeurs de la forêt Ardamirie sont aussi inconnus à beaucoup de Citadins d’Eteniril que les rues de Thaar. Tu marques une pause, te propulses à travers les espaces d’un croisement de branches dans une flamboyante pirouette Ça n’empêche pas que culturellement, la seconde option paraisse généralement considérée moins accueillante.

Tu observes le grand elfe quelques instants sans rien dire, jaugeant silencieusement de sa réaction, avant de continuer sur ta lancée.

- Et c’est vrai, mes frères et mes sœurs de l’extérieur entretiennent peu de rapports avec ceux d’entre les murs, et tendent à penser qu’ainsi se couper de la symbiose avec la forêt est une mauvaise chose… mais quoi que tu veuilles en penser, ça ne les a jamais empêché de prendre les armes contre les Sombres. Les Noss aussi ont pris part à la bataille d’Uraal, et ont continué de pourchasser les Drows aux abords du lac longtemps après que les Citadins se soient retirés. Les Noss ont aussi épaulé les armées des Cités durant les batailles d’Ellyrion, d’Eraïson, et durant tous les combats sur le front. Tu laisses échapper un soupir rieur Et la dernière bataille en date, celle qui a permis de reprendre Yutar et l’Annon aux Drows, il n’y a que les Noss qui l’aient livrée.

Tu jettes un coup d’œil sur Ilweran, qui te répond en fuyant ton regard d’un battement d’aile. Ton attention se reporte ensuite sur Eowald, n’accordant maintenant d’égard à Uriel finalement pas plus que de nécessaire pour s’assurer qu’elle n’arrivait pas à bout de sa patience.

- Quant à ceux qui auraient vraiment décidé de se cacher sous la canopée, pourquoi leur en vouloir ? Après tout, se battre n’a jamais été que le devoir de ceux qui ont choisi d’être des guerriers.

La patience d'Uriel était infinie sur nombre de sujet. Que quelqu'un se plaigne des même petits malheurs quotidien durant des siècles, elle ne lui offrirait qu'une oreille attentive et compatissante. Qu'on la traite d'inconsciente, de traitresse à ses serments, de meurtrière, elle se laisserait insultée et peut-être même frappée sans broncher. Que quelqu'un renie les dieux et elle ferai son possible pour lui montrer qu'il avait tord sans se mettre en colère. Mais qu'on se chicane et qu'on se moque du sacrifice de tant de fervents Ilethiens...

- Peu m'importe que vous ayez attaquer un fort pour tuer des centaines ou des milliers de vies qui ne menaçaient pas directement la votre. Que vous l'ayez fait dans le dos du Trône Blanc en dit suffisamment long. Mais je vous interdit de vous approprier des victoires qui on saigner à blanc d'autre que vous. " Sa voix résonnait, glaciale, sans avoir laisser Eowald répliquer. Le bas de son visage ne montrait pas plus d'émotion que son masque de métal. Là ou Eowald pouvait se souvenir d'une prêtresse calme à l'éducation irréprochable mais au regard empathique, il n'y avait qu'une colonne de marbre. " Nous avons du vous supplier pour obtenir votre aide à Eraison. Ce ne sont pas les corps de Noss que j'ai vu aux pieds d'Ellyrion. Quant à l'Uraal, vous n'étiez pas plus au courant de ce qui allait se tramer que nous et les rares Noss qui se sont montré se comptaient sur les doigts d'une seule main. Nos défenseurs l'ont payé chèrement. Nous n'étions pas là à Yutar et ce n'est pas l'envoie d'une délégation pour sécuriser la zone après coup ou d'une troupe d'éclaireur qui passait par là qui nous permettrait de dire que nous y avons participer. " Sa main gantée se referma sur la hampe de son arc. " Ces batailles ont emporter un nombre incalculable de Souffles dans les bras de Tari. Débattez de ce que vous voulez mais ayez assez d'humilité pour reconnaitre que ce sont eux les véritables protecteurs de l'OEuvre, non d'éventuels citadins arrivés à la dernière minute ou de petits groupes de Noss qui passaient par hasard. Et laissez les reposer en paix. "

- Je n’imaginais pas le Trône Blanc se revendiquer une quelconque autorité sur les Ornedhels.

La remarque était sèche, et marquée d’un profond reproche. Comment le Trône Blanc pouvait-il seulement attendre que les clans viennent lui confier quoi que ce soit quand la majorité des grandes figure d’autorité Taledhelles cultivaient un snobisme assuré envers les habitants de la forêt profonde ? N’étaient-ils pas plus sereins sans savoir à quoi s’affairaient les sauvages à qui l’on propose régulièrement une voix au cœur des conseils comme les Thaaris proposeraient une petite pièce à un sans-le-sou ?
Pour nombre de Citadins il n’est pas simple d’abandonner la position de parangon de vertu qu’ils se veulent posséder. Pour beaucoup il est difficile de voir l’envers du décor, d’essayer d’imaginer ce qui se passe là où leur œil ne porte pas, ou même d’accepter que ce qu’ils ne voient pas existe. À cet instant tu découvrais qu’Uriel était l’une de ces gens.

- Vous avez dû supplier l’aide des Noss à Eraïson non seulement parce que les clans étaient déjà fatigués d’avoir à faire face aux patrouilles Drows durant leurs chasses, mais parce qu’ensuite rien ne leur garantissait qu’une fois les ruines de la Cité reprise, il n’en soit pas fait une allégorie de tout ce qui va contre leurs valeurs. Tu serres les dents avant d’évoquer la suite Et peut-être auriez-vous dû mieux ouvrir les yeux à Ellyrion, parce que les Gardiens élus de la Mère que nous y avons perdu ont emporté sept et un clans entiers avec eux Tu soupires, reprenant ton calme pour continuer Quant à l’Uraal, non, les clans n’étaient pas plus au fait de ce qui y arriverait, mais ce n’est pas parce que vous n’avez pu les compter que sur les doigts d’une main qu’ils ont été peu nombreux à réagir. L’assaillant invisible est le plus efficace. Vous n’avez pas idée de la manière dont les choses auraient pu tourner si pendant que les armées Citadines livraient le gros de la bataille, les escouades des clans n’avaient pas cueilli les éclaireurs et les flanqueurs Eldéens.

Tu t’éloignes légèrement d’Eowald pour te rapprocher d’Uriel, pour appuyer par la même occasion la solennité de ton discours.

- Lorsque la forêt brûle, ce sont les clans les premiers qui en paient le prix. Lorsque l’Uraal se mourait, ce sont les clans les premiers qui en ont souffert. Vous pensez réellement, sachant ça, que de tous les Souffles sacrifiés à la bataille contre les Sombres il n’y a qu’une petite poignée d’entre eux ? tu lèves les sourcils Les clans ne sont pas une armée organisée, et donc je vous l’accorde, ils sont une force brute bien moins puissante que les bataillons Taledhels. Je ne suis pas fou au point d’attribuer les victoires sylvaines à la seule intervention Ornedhelle… je n’irai même pas jusqu’à lui donner plus d’ampleur que celle des Cités, parce que je sais que c’est faux tes yeux s’étirent, se faisant deux sévères fentes mais vous, ayez assez d’humilité pour reconnaître que vos armées n’ont jamais été seules. Et accordez aux sauvages la reconnaissance qu’ils méritent.

- Vous êtes aussi vaniteux qu'inculte. " répondit-elle avec le même ton froid et posé qu'elle avait employé précédemment. " Vous tuez sans raison. Vous nous attaquez. Vous nous haïssez. Vous inventez un soutient qui n'a jamais été réel. Vous ne savez que rester cacher ou avancer seuls, même lorsque nous tentons de faire alliance. Vous crachez sur nos morts. Et vous exigez de la reconnaissance. " Un souffle un peu plus long que les autres ponctua son mépris. " Navrée, mais ce n'est pas en moi que vous en trouverez. "

Des milliers d'année à harceler les cités, à attaquer les mines, les carrières, les camps extérieurs. Eraison et les mort qui avaient été nécessaires pour pousser les Noss de la région à autre chose qu'une lâcheté sans nom. Les tentatives d'assassinat. Les blasphèmes. Eteniril. Ils avaient tout fait... Et maintenant qu'ils leur venait une maigre conscience du mal qu'ils projetaient sur l'Anaëh, des conséquences de leur inaction, ils réécrivaient l'histoire à leur façon, clamant leur bienveillance. Cet homme allait même jusqu'à prétendre qu'ils étaient à Ellyrion alors que le fort était hors des frondaisons et qu'il était bien connu qu'aucun clan Noss ne s’aventuraient jamais aussi loin des frontières de la prime Oeuvre.

Ce Noss était ridicule. Cela n'avait rien d'étonnant. Eowald avait compris au fil des siècles que les plus extrêmes étaient souvent ceux qui s'humiliaient en ouvrant simplement leur bouche. Ou du moins du trou à immondices défini par ce terme. Loethwil ne dérogeait aucunement à cette règle. Eowald haussa donc les épaules. Pour lui connaître Thaar ou les forêts d'Anaëh revenait au même. L'inconnu restait l'inconnu. Il était inutile de le jauger tant qu'on le découvrait pas. Et à vrai aucune de ces options ne lui paraissait agréable.

Il ne répondit pas plus aux soit-disant exploits militaires des Noss. Ils n'avaient été que des troupes presque auxiliaires, un soutien bienvenu mais superflu. Et ce n'était pas la victoire de Yutar qui avait changé le cours de la guerre. Eowald craignait même que les Drows ne renforcent leur présence pour pousser une offensive renforcée. Plusieurs armées à l'assaut d'Anaëh pouvait très bien signifier une série de défaites pour l'armée elfique et un boulevard jusqu'à Alëandir.

Un simple crachat accompagna enfin la réplique sur les lâches cachés sous la canopée. Il n'y avait pas à discuter. Le Choix était certes un élément fondamental de la culture elfique. Mais parfois le devoir venait avant son égo.

Eowald écouta avec plaisir les répliques de sa camarade. Un sourire arrogant se dessina sur ses lèvres et il jeta un regard condescendant à leur guide. Il récolait ce qu'il avait semé. Lancer le sujet dès le début du voyage était ridicule. Cependant, les oreilles de l'Aigle se collèrent légèrement sur son crâne alors qu'Uriel citait l'importance des Souffles disparus et non de leurs origines. Une vague de culpabilité l'envahit l'espace de quelques instants. Mais avant de pouvoir ouvrir la bouche pour s'excuser, le Noss continua sur sa lancée. Eowald s'interposa presque mécaniquement entre Uriel et lui lorsqu'il l'approcha.

« Donc chasser est une telle gageure pour un peuple se nourrissant de ses fruits ? Vous parlez de la dangerosité des forêts mais êtes épuisés par le combat contre quelques Drows ? Voilà près de douze ans que nous les combattons sans cesser. Et pourtant nous n'avons pas besoin d'être suppliés pour monter au front. » Eowald regarda droit dans les yeux son frère de taille. « C'et étrange mais même quand l'assaillant est visible, on ne comprends toujours pas ce qu'il fait là. Ni même s'il n'est guère plus qu'un corps de soutien. Cessez de jouer aux victimes. Nous accordons notre respect et notre considération à l'aide que vous abordez. Mais arrêtez de croire que vous êtes la force même du front elfe contre les Drows. Nous savons ce qu'il en est. »

- Chasser n’est pas un souci. Affronter des soldats Drows, lorsque l’on a appris à réagir devant des proies sans-Souffles en est un. Envoyez-donc vos cueilleurs au front, et vous verrez s’ils s'en sortent mieux.

Probablement est-ce faute d’un certain orgueil, mais tu n’as jamais apprécié que l’on s’adresse à toi avec grandiloquence. Surtout lorsque tu savais les propos avancés être faux. Surtout lorsque l’on t’accusait prononcer des choses que tu n’avais pas dites. Surtout lorsque ton interlocuteur t’accusait de tares dont il était plus que pleinement coupable. Comment pouvait-il dire que tu es celui qui porte les tiens en victimes quand sa camarade se plaignait d’être haïe, harcelée, tourmentée même, par les clans sans une seule seconde remettre en question les comportements de ses pairs ?

- Les clans ne tuent jamais sans raison. Si les Citadins réalisaient à quel point l’exploitation d’une mine affecte la dynamique des territoires alentours, peut-être qu’ils se rendraient compte qu’en ayant affaibli la roche mère, privé des arbres de terre et fait fuir des hardes, ils ont retiré sa nourriture de la bouche de l’enfant de celui qui en désespoir de cause a décoché une flèche. Si les Citadins prenaient le temps d’écouter ce que leur rapportent leurs propres diplomates en dehors des temps de conflits, ils se rendraient compte que la majeure partie des Noss préférerait l’entente. D’un bond, tu te retrouves le visage face à celui d’Uriel Et si les Citadins n’étaient pas si convaincus de leur propre perfection, peut-être qu’ils se rendraient compte que lorsqu’ils appellent à l’alliance, c’est souvent longtemps après avoir soigneusement ignoré les avertissements et les appels à l’aide des clans.

Devant combien de Druides les Citadins s’étaient-ils émerveillés, sans pourtant porter la moindre attention aux messages qu’ils portaient ? Combien de jeunes Ornedhels, moins butés que leurs aînés, avaient rampé jusqu’aux portes de la Cité d’Alëandir avant que les herboristes Citadins ne réalisent le désastre de l’empoisonnement d’Uraal ? Combien de temps les Noss avaient-ils contenu l’expansion des conquérants d’Eraïson, et appuyé l’urgence de sa reprise, avant que les Citadins ne le comprennent ? Combien de fois, combien de temps, les Noss avaient-ils dû supporter les gémissements de l’Anaëh alors que depuis leurs forteresses, les Citadins y faisaient sourde oreille.

- Douze ans que vous les combattez sans cesse. Allez-donc vous pavanez devant les clans des berges d’Uraal qui ont passé les trois-cent dernières à nettoyer leurs territoires sans pouvoir compter sur des milliers de Souffles de renfort.

Tu glisses à nouveau du côté d’Eowald, te place entre lui et la route, maintenant son rythme presque à reculons, en testament de l’aisance que les Noss ont dans cette forêt.

- Jamais je n’ai clamé les Noss être la force du front elfe. Si vous n’étiez pas aussi Sourd face à des mots simples que vous l’êtes devant la Symphonie, vous m’auriez entendu dire que nos guerriers sont loin d’avoir la force de vos armées. Je suis le fils du Doyen du Chapitre Blanc, j’ai bien assez vécu les villes pour savoir ce qu’il en est. Ta mâchoire se serre alors que tu sens le bois te prendre le cou en même temps que la frustration Mais ce que les Noss n’ont pas de votre puissance, ils l’ont en sensibilité. Depuis l’aube des guerres, ceux qui entendent et comprennent les Chants ont tenté de se faire vos yeux et vos oreilles, ont aplati leur orgueil et reconnu que sans vos lames de fer ils n’avanceraient pas, mais depuis l’aube des guerres, ce n’est que lorsque la menace les a saigné à blanc et qu’elle arrive à vos porte que vous réagissez. Et ensuite, vous osez vous plaindre d’être haïs et pourchassés par des familles dont vous enlevez la nourriture de la bouche après avoir piétiné de leurs convictions à leur honneur !

L’écorce te grimpe au nez et te glisse aux oreilles, menaçant de cueillir tes boucles focaliseur.

- Au moins les Noss prennent la peine de cracher sur vos morts. Que diriez-vous si on refusait complètement d’admettre la vérité de votre sacrifice, et que l’on jouait les aveugles devant des milliers de morts et des dizaines de familles brisées. Que diriez-vous si je faisais comme vous qui niez l'existence même des centaines d’Ornedhels qui non contents d’abandonner la tradition martiale de leur clan pour s’entendre avec les stratégistes Taledhels, se sont arrachés au confort de la Symphonie pour se battre à leurs côtés à Ellyrion pour y trouver la mort ? la moue que dessine ton visage avant que Curulotsë ne se referme entièrement dessus est loin d’être souriante C’est étrange, mais même les yeux ouverts, certains sont incapables voir.

Comme des parents indignes, protégeant leur enfant pour mieux qu’il meure de faim. Comme des dévots sans foi, défendant des idées qu’ils ne respectent pas. Comme des guerriers sans yeux, se battant sans comprendre pourquoi. Halyalindë t’en voulait d’avoir causé tant de morts pour des raisons qu’elle ne comprenait pas, et pourtant depuis des siècles il était des guerriers parmi les Citadins qui tuaient et se tuaient pour une Anaëh qu’ils n’aiment pas. Qu’ils n’écoutent pas. Qu’ils ne cultivent pas. Dont ils se protègent et se séparent un peu plus chaque siècle passant. Traitaient comme une précieuse possession à conserver jalousement plutôt que comme l’Œuvre Mère vivante qu’elle était.
Les griffes de la Dame Sauvage n’épargnent que ceux qui aiment réellement La Mère. Les griffes de la Dame Sauvage sont au bout de tes doigts. Ils sont sourds. Ils sont aveugles. Ils ne comprennent pas ce que disent et font tes frères. Comprendraient-ils alors ce que tu fais là ?

Ilweran disparaît le premier, à l’opposé du trou de feuillages dans lequel tu t’es jeté. De toi il ne reste comme souvenir que deux flamboyantes lucioles, qui termineraient chacune leur vol dans la déflagration qui séparerait les Citadins de leurs montures.

Lui feraient-ils honneur une fois dans les Terres Mortelles ? Survivraient-ils aux Terres Mortelles ? C’est maintenant que la Dame Sauvage en jugerait, et les ailerons de pierre sillonnant la surface du sol derrière eux laissaient aisément entendre que la fuite n’était pas une option.

Des gémissements incessant de la part d'un homme qui refusait de voir l'évidence. Les Cités avaient été conçues par les elfes qui avaient décidés de protéger Anaëh lorsque les nains l'avaient bafouée pour y être plus efficace. Depuis lors, les cités s'étaient toujours défendues et les Noss avaient toujours attaqués.

Comme en ce jour.

En toute innocence, Uriel avait voulu faire confiance à un Noss pour éviter de creuser la dette de sang qui existait d'un côté et de l'autre. Il avait prouvé que les sauvages de son espèce ne connaissaient que la loi des armes. D'une façon ou d'une autre, ce serait la dernière fois qu'elle confiait sa sécurité à l'un d'eux.

Jet d'agilité:

Une lueur de plus en plus éblouissante nimbait le Noss au fur et à mesure de son pompeux discours, passant du clair au sanguin. Son mouvement fluide fit frémir la trame. L'onde se propagea comme un frisson sur l'épaule de la prêtresse à la vitesse d'une pensée. Elle n'aurait pas le temps de crier. Pas le temps de prévenir. Elle vida ses étrillés et remonta son pied pour prendre appui sur  le flanc de sa monture. Dans un mouvement aussi rapide qu'habituelle, la main crispée sur la hampe de son arc le fit roulé autour de son bras tandis que l'autre approchait de sa hanche pour y cueillir une flèche. Une véritable détonation l'arracha au dos d'Orna. Un hennissement strident retenti quelque part alors qu'elle heurtait le sol en une roulade qui lui évita de fracasser son arc par terre.

Jet d'attaque à distance:

Dans le mouvement qu'elle fit pour se redresser, le rayonnement qui parcourait les vêtements de leur guide depuis la première seconde apparut distinctement derrière la végétation. Elle n'était pas encore totalement debout lorsque la corde de son arc vibra, lâchant une flèche en plein centre de ce réseau magique qu'elle distinguait aussi nettement que le monde physique.

Paniquées, leurs montures avaient disparues entre les arbres. Si cet homme voulait vraiment combattre, elle serait prête. Sans attendre de voir si son trait avait touché sa cible, elle tira trois flèches de son carquois et entonna à voix basse une mélopée monocorde dont les syllabes se découpaient aussi fluidement que le cours d'une rivière.

Tari, Bonté abyssale au Divin Voile,
De tes Volontés je suis la voie.
De ta Loi je suis la servante.
De ma Foi tu es la garante.
Mon corps comme Bouclier.
Mon souffle comme Repos.
Je m'en remet à toi.
Pardonne moi, Ô Tari,
Je prends sur moi le Crime,
Pour que jamais ne soit menacé
Le Cycle de l’éternité.

Au fur et à mesure que la prière s'égrainait, une lueur bleutée commença à émaner de l'intérieur du masque de la prêtresse. Les fils de la Trame s'écartaient d'elle et d'Eowald, affaiblissant légèrement la magie qui les entouraient. Ils se tenaient prêt à répondre aux volontés d'Uriel pour dévier ou dissiper la prochaine attaque.

Orgueil, fierté et arrogance. Un bien vilain défaut et pourtant un élément presque habituel chez les elfes. Cela semblait presque faire partie de leur culture. Noss ou Citadins, nombreux étaient ceux qui se croyaient supérieurs aux autres. Eowald savait qu'il l'était par rapport aux autres races. Mais il n'aurait jamais cru voir une telle bassesse dans l'esprit de l'un des siens, d'une culture différente ou non.
Il montra les dents face à la harangue de Loethwil et ses oreilles se dressèrent lorsque le Noss bondit vers Uriel.

Sa main se posa aussitôt sur son marteau et il tenta de faire bouger son cheval des genoux. Mais la proximité des trois elfes gênait le déplacement des montures. Aussi Eowald ne put que rester, les muscles bandés prêt à défendre la prêtresse si cela s'avérait soudainement nécessaire. Mais le Noss revint bientôt auprès de l'Aigle. Eowald observa avec une horreur fascinée l'armure d'écorce se formait autour de l'elfe. D'un geste son marteau glissa dans sa main et il raffermit sa prise. Le bois se fracassait aussi aisément que la plate... Cette pensée sombre l'envahit alors qu'il se préparait à l'assaut de Loethwil. Il ne lui ferait pas l'honneur d'attaquer le...

Un air surpris s'afficha sur son visage alors qu'il fronçait les sourcils. Avait-il vraiment pris la fuite ? Le lâche ! C'est alors qu'Eowald vit les deux lucioles. Mais avant d'avoir pu lancer sa monture au galop, la petite créature sembla comme exploser. L'elfe bondit tant bien que mal hors de ses étriers, essaya de prendre appui pour bondit par dessus l'encolure de sa monture et... gémit lorsque son épaule gauche craqua sombrement sous son poids. Il acheva sa roulade le cul par dessus la tête et finit assis, l'air ébahi.

Eowald se redressa avec un grognement et palpa son épaule. Il était quitte pour plusieurs jours de douleur mais rien ne semblait s'être brisé. L'articulation semblait s'être fragilisée cependant. Utiliser son bras gauche s'avérerait difficile... Ebahi, l'Aigle courut jusqu'à Uriel et raffermit la prise sur son arme. Il ne voyait pas de la même façon que la prêtresse mais si le traître était encore parmi les parages, Eowald aspergerait sa précieuse forêt de sa cervelle avec plaisir...

Elle écoute battre leurs cœurs, elle écoute la manière dont résonne leur volonté à travers les Chants de ses frères. Elle teste leur habileté et leur pugnacité. L’armure prédatrice s’élance à travers les branche avec une agilité exceptionnelle pour un être de cette masse, profitant allègrement de ce dont est capable le corps que tu lui offres.
À peine les hostilités engagées pouvait-elle déjà constater qu’aussi puissant fusse son vaisseau, ce n’était pas dans un combat facile qu’elle s’engageait. Curulotsë est magie. Lœthwil est mage. La prêtresse est Chasse-Mort. Mysticiste dévouée à Tari, et prédatrice naturelle de praticiens des Arts. Aussi implacable que soit la Dame-Sauvage, elle restait un aspect de La Mère, et en digne aspect de La Mère, elle ne pouvait s’autoriser à risquer la vie d’enfants innocents dans le passage à l’épreuve d’autres. Ce serait affaire délicate que de marquer les cadences sur les mélodies qu’Uriel s’évertuait à rendre fausses sans que plus d’une ligne n’ait à lâcher son instrument. Heureusement, Lœthwil était un chef d’orchestre digne du challenge.

Jet's de dés:

Les griffes fuligineuses de l’exosquelette accueillirent un rayon de lumière d’or, présage d’un sortilège à venir, mais à peine arrivée la levée du nouveau mouvement que siffla un trait à travers les branchages. Un coup d’épaule vers la droite autorisa le mage à éviter de justesse le projectile, mais sans branche assez solide pour accueillir les presque deux quintaux de muscle, d’os et de bois, le combattant se vit forcé de plonger droit vers le sol.
Un temps course sur quatre membres, en véritable animal sauvage, servit à la créature Sans-le-Souffle que tu étais à dessiner les lignes de sa prochaine offensive. Lorsque tes griffes s’arrachèrent à la litière pour de bon, et tranchèrent à travers l’air, ce fut pour en invoquer de nouvelles. Des félins jumeaux, l’un couvert de pointes de pierre, l’autre à la crinière de neige et aux cornes de glaces. Tous crocs dehors, ils fondirent sur tes adversaires, bravant tant bien que mal, et au prix d’une part de leurs forces, la barrière levée par la mysticiste.

Jet de dés:

Fort de bonds bipèdes, ton rythme une fois les élémentaires devenus poupées entre tes doigts de marionnettiste trouva nouvelle accélération. Ta direction s’arqua en de plus en plus serrés virages, à la recherche d’un compromis entre l’avantage de la distance et l’accès aux flancs de tes adversaires. De cristaux et de flammes, des cordes se tendaient. Aux traits de bois, tu rendrais ceux d’obsidienne. Et si c'était l'homme plutôt que la demoiselle la cible des félins, c'est bien elle que prendrait en joue l'archer de pierre noire.

Les élémentalistes... Les plus compliquer à abattre. Elle s'était déjà chargée seule de mages de la Vie ou de l'immatériel, mais les élémentalistes demandaient plus de doigtés car leur magie pouvait leur permettre de se défendre physiquement et avec une grande rapidité. Le point faible de la plupart des mages - c'est à dire leur corps - en était laissé moins vulnérable. Sa première action n'avait été qu'un réflexe le temps qu'elle analyse la situation. Mais aujourd'hui elle n'était pas avec ses frères d'arme. Il y avait fort à parier que tout Aigle qu'il soit, Eowald n'aurait pas les bon réflexes pour se protéger tout en gagnant du terrain. En tout cas, il n'aurait pas la tactique habituelle des chasse-morts. Il fallait faire vite et il fallait faire simple.

D'un pas de placement et sans cesser de psalmodier, elle s'était placée dos au guerrier. Elle sentit l'arriver des invocations félines bien avant de les voir. Elles s'incrustèrent dans la zone qu'elle s'était approprié, leur puissance crépitant comme un feu blanc dans l'ombre des bois, étouffé par sa concentration. L'être de pierre était moins vif, l'être d'eau moins consistant, mais leur trajectoire restait tout aussi mortelle.

Son cerveau tournait à plein régime, passant ses tactiques en revue en fonction des paramètres qu'elle avait sous la main. Il n'y avait pas de place pour l'improvisation. A sa connaissance, son compagnon n'avait pas la moindre base en magie. Il ne la sentait même pas. Leur ennemi avait l'avantage du terrain et se déplaçait avec une grande souplesse. Ils ne connaissaient pas assez la région pour l'attirer à découvert. Leurs montures étaient hors de vue.

Jet de perception:

L'arc de la prêtresse se vrilla sur l'être de pierre à leur gauche. Son symbole sacré pesait sur sa poitrine, sous sa cuirasse.

- A droite ! " lança-t-elle à Eowald pour lui signaler l'autre créature au cas où. Cet avertissement ce fit au détriment de sa mélopée et du sort associé, juste avant qu'elle ne reprenne une prière légèrement différente. Les incantations sacrées coulaient librement. Deux flèches furent tirer coup sur coup, leurs pointes comme voilées par une nappe de chaleur.

Jet de magie en opposition:

Les deux flèches se fichèrent profondément dans le roc. Bien plus qu'une flèche aurait dû pouvoir le faire dans un rocher. Un coup de tonnerre silencieux fit vaciller la créature, les gravas se désolidarisèrent un instant mais mis à part une patte qui tomba au sol, inerte, ils commençaient déjà à se reformer au lieu de tomber en poussière, coupée de son créateur. Il était plus puissant qu'elle ne l'avait pensé !

Elle n'eut pas le temps d'esquisser un geste de plus pour détruire le fléau qu'un sifflement lui fit dresser l'oreille.

Jet de dextérité:

Elle se décala d'un pas et la dévia d'un coup de bras à la dernière seconde utilisant son canon de bras comme protection. D'un mouvement ample, elle continua sa rotation pour mettre en joue l'origine de l'attaque.

Jet d'attaque à distance:

Entre les branches, la flèche se ficha précisément dans la tête de l'être de cristal.

Une sueur froide lui cola la dos lorsqu'elle se rendit compte qu'elle avait perdu de vue le félin de pierre et elle amorça une roulade pour se mettre hors d'atteinte au cas ou il serait trop proche. C'était mauvais ! Elle le laissait imposer son rythme !

Une fois protégés par la magie de la prêtresse, Eowald avait cru que leur adversaire se serait lassé. Ils l’avaient blessé dans son orgueil certes. Et peut-être sa réaction trouvait racine dans la haine de leurs paroles. Mais l’acharnement mis à les tuer désemparait quelque peu l’elfe. Ils étaient de la même race, des frères ! Leurs pensées et leurs idéaux différaient peut-être mais c’était tout. Les Noss étaient donc des traîtres à ce point-là ? Quelques odieux esprits leur avaient-ils fait perdre la tête ? L’Aigle le fit savoir à sa compagne en grommelant

« Je le jure, j’aurai la peau de cet Ëalas fou qui a perverti notre frère ! Ou je fracasserai ce Noss, ça m’ira aussi ! »

La respiration d’Eowald se fit plus rauque et sa posture plus animale lorsque les deux élémentaires surgirent pour se jeter sur eux. Lorsque les créatures réussirent à passer la frontière magique qui semblait séparer les deux elfes de la nature, l’Aigle n’attendit pas. Il chargea simplement. De deux grands pas, il fut sur la créature d’eau et de glace et envoya un grand coup circulaire de bas en haut. Le félin fut touché en pleine mâchoire et chancela légèrement, comme repoussé.

Eowald bondit par-dessus et se jeta sur l’élémentaire de pierre. Ce dernier se reformait suite à l’attaque d’Uriel. L’Aigle profita de sa faiblesse et banda ses muscles pour asséner trois violents et rapides coups de masse en plein crâne. Contrairement à l’insipide eau, la pierre était des plus sensibles à l’acier elfique et surtout aux coups de marteau. La tête de la créature explosa dans une nuée de shrapnels de granit. L’un d’entre eux se figea sous l’œil d’Eowald qui recula en pestant, le sang coulant allégrement sur sa joue.

Cette seconde d’inattention faillit lui coûter la vie lorsque le second félin, remis du coup porté, bondit sur lui. Ses crocs, soudainement solides, se plantèrent fermement dans son épaule et ses pattes arrière essayèrent de labourer son abdomen. Par chance, le linothorax couplé au cuir offraient une solide résistance à de telles attaques. Du moins suffisamment pour que le poing d’Eowald ne se referment sur la gorge de la créature pour l’éloigner de lui. Un coup de patte vicieux faillit l’égorger mais il tint bon et renforça sa poigne. Un hurlement s’échappa de ses lèvres tandis que l’élémentaire semblait le feuler et le mettre au défi.

« CREVES ! AAAAAAAAARHHH ! »

Un craquement sonore retentit alors que la colonne de glace se brisait dans la main d’Eowald. Une sensation de froid l’envahit. Une vague d’eau le détrempa. Mais il était en vie malgré son épaule douloureuse et son armure sacrément amochée. Il se tourna alors vers Uriel.

« Il faut qu’on sorte d’ici. Essaye d’appeler ta monture ! »

L’Aigle porta deux doigts à sa bouche et siffla aussi fort qu’il put, espérant que son cheval entendrait l’appel malgré la distance…

Elle était bien plus impressionnante aujourd’hui qu’il y a quelques mois la créature à écailles, et elle ne se priverait pas d’en jouer. Voilà quelques minutes, rendues bien longues par l’adrénaline, qu’elle siffle, crache le feu et fait souffler vent glacé pour entretenir la panique. Qu’est-ce qu’un pauvre varan ailé pour de fiers mathandils ? Et bien beaucoup de choses quand la magie s’en mêlait. Combien de temps les chevaux mettraient-ils à comprendre que la créature était incapable de reproduire des sortilèges de la même férocité que celui qui les avait mis en déroute ? Ilweran n’en a aucune idée, mais tant qu’il pourrait maintenir l’illusion, il s’en donnerait à cœur joie. Ce n’est pas bien souvent qu’il avait l’occasion de jouer les véritables dragons.

~  ~  ~  ~  ~

Les craquements de la pierre brisée, la voix suave des eaux échappant à leur prison de glace. Tes élémentaires sont mal en point, mais ce sont tes harmoniques qui dominent la partition. Les psaumes d’Uriel ont été étouffés par l’effort, et l’Aigle malgré sa force ne sait sur quel pied danser. Tes doigts jouent avec la trame alors que tu cherches à nouveau position favorable, et tu te lamentes à peine d’avoir perdu ton archer. Ce qui est détruit ne demande qu’à être reconstruit. Tu es bien plus puissant qu’ils ne semblent l’imaginer, ils ne vaincront pas s’ils attendent de voir ta magie s’affaiblir sur la durée.

Jet :

Les doigts d’une main tranchent l’air, ton pied frappe une branche. La carcasse du félin de pierre s’anime à nouveau, sa patte s’abattant non plus comme un quartet de lames, mais comme une masse vers l’Aigle, son épaule devenue un véritable targe, son corps félidé se métamorphosant lentement en une silhouette de plus en plus humanoïde à chaque coup qu’il portait,  jusqu’à finalement emprunter la forme d’une titanesque armure elfique, culminant près de deux têtes au-dessus du géant qu’était déjà Eowald.
Que l’attention des victimes du jugement ne s’abandonne pas sur le géant cependant, car ce sont les gouttes et les bris de glace laissés en suspension à la mort du félin de givre ton arme la plus mortelle. L’eau est ton élément de prédilection, celui auquel tu imposes le plus aisément ton contrôle, et lorsque de l’eau intangible s’arrache l’élancée figure du guerrier à deux épées de glace pure, tu te sais avoir fait un pas vers la victoire.

Elles sont imprévisibles, tes créations, autant pour le guerrier que pour la magicienne, pour elle, parce qu’elles sont nées de sortilèges ; et pour lui, parce qu’elles ne sont pas le fruit de l’imagination d’un homme d’armes. L’allonge et le poids de la masse du titan sont aussi inconstants que la position de ceux qu’elle vise. Le guerrier quant à lui se déplace tantôt comme un elfe, tantôt comme une ombre, ses lames s’allongeant et s’écourtant autant que lui-même change d’apparence, quand elles ne se séparent pas tout bonnement de lui pour agir de leur propre chef.

Jet :

Et profitant de la débâcle au sol, ce n’est pas un autre être d’obsidienne dont tu prépares la construction. C’est une structure diamantine que tu assembles, pierre par pierre, une demoiselle translucide que tu bâtis pour accueillir tes flammes les plus intenses.

~  ~  ~  ~  ~

Elle attendait. Elle écoutait. Elle méditait ce que lui rapportaient ses frères. Féroce combat que celui que menaient les voyageurs, et pour autant qu'elle sache que la Dame Sauvage ne cherchait la mort d'aucun de ses enfants, elle, partie la première, n'avait pas besoin de voir pour comprendre que le sang coulerait et qu'il serait de son devoir d'apaiser quand la bataille serait terminée.

Si elle n'avait pas été si concentrée, elle aurait peut-être souri aux remarques désinvoltes de son comparse. Non qu'une plaisanterie au sujet de la mort d'un autre elfe lui semble particulièrement drôle, mais plutôt qu'elle retrouvait en quelque mots le caractère désinvolte du Daranovan qu'elle avait connu. L'humour était gravé en lui aussi surement que les traits de son visage.

Après sa dernière esquive cependant, elle ne vit que le sang qui perlait au visage d'Eowald alors qu'il se relevait. S'en était assez. Elle ferma les yeux et souffla lentement sans bouger d'un cil. Sur le côté se reformait un géant de pierre. Elle ne fit pas un geste pour le disloquer. Dans sa méconnaissance du mage qu'elle avait face à elle, Uriel venait de prendre une décision dangereuse. Abandonnant tout contrôle sur l'espace qui les entourait, elle se concentra sur la seule façon d'arrêter tout ça.

Les invocations n'étaient qu'une diversion et la puissance qu'il avait démontré en récupérant le flux de l'une d'elle après qu'elle l'en ai coupée prouvait une sacré maîtrise. Il serait endurant et elle n'avait encore jamais combattu au côté d'Eowald. On ne pouvait pas dire qu'ils combattaient ensemble. Tout au plus qu'ils se battaient à côté l'un de l'autre.

D'une voix à la fois forte et calme, toujours immobile elle lança :

- Elles sont trop loin. Mais on peut s'en sortir. J'ai besoin de me concentrer. Combien de temps peux tu me donner ? "
- Entre le duelliste et le tas de muscle ? Je veux bien me faire taper deux minutes. Pas plus !
- Parfait. "

Elle n'attendit pas plus, tira une seule flèche de son carquois, l'encocha, souffla lentement, profondément, chassant toute perception parasite comme à l'entré d'une transe. Cet état dans lequel elle passait souvent plusieurs heures par jour lui était si naturel qu'en une expiration, son cœur avait déjà retrouver un rythme stable. Une deuxième et il ralentissait... ralentissait... Alors elle ouvrit les yeux.

jet de Sensibilité:

Son masque réduisant la luminosité, les lueurs et les teintes de la magie se détachaient plus que jamais sur un fond d'objets physiques dont elle se moquait éperdument. Elle n'entendait plus rien, ne percevait plus si ce n'était la Trame qui lui chatouillait la peau et jetait ses jeux d'ombre sur le monde. Quelques secondes suffirent à goûter la façon dont la volonté du Noss influait sur la magie. Cette empreinte si spécifique de chaque mage qu'elle avait appris à suivre et à remonter comme un limier traque une proie. Les lumières s'estompèrent pour ne laisser que celles qui avait cette saveur particulière, cette teinte, cette façon magnétique de lui piquer la peau.

Doucement, elle se décala d'un pas pour mettre un arbre de belle taille entre elle la création cristalline qu'amorçait l'ennemi. Elle voyait de nouveau cette armure qui le couvrait, mêlant ses forces aux siennes. Elle voyait le réseau de veines palpiter. Elle aurait put l'attaquer de nouveau, mais elle n'en fit rien. Sa flèche pointée droit sur lui, elle épiait ses mouvements, le fonctionnement de son art... Un Marionnettiste... Il n'était pas si différent d'un nécromancien. Ces invocations, il devait maintenir sa concentration sur eux, leur donner des ordres.

Remontait les liens qui l'unissait à ses créatures élémentaires, Uriel recommença à prier à voix basse. Si cet homme était capable de tuer ses frères sur un coup de têt, elle ne pouvait le laisser continuer. Cela faisait parti de la mission que lui avait confié le Pergaën.

Jet de magie:

Consciente du poids de la vie qu'elle s’apprêtait à prendre, elle l'accepta et sa volonté glissa comme une lame sur les fils que tiraient et tissait le mage Noss... Sans aucun résultat. A peine avaient-ils été entamé qu'il avait raffermit son emprise pour les reformer. Comme pour le félin. Il les avait même renforcé sans soucis.

Près d'une minute s'était écoulée. Elle n'avait plus de temps à perdre.

Il était trop à l'aise. Elle n'avait peut-être jamais combattu quelqu'un mettant si peu de temps à rattraper et reformer les morceaux dissipés de ses sortilèges. Elle n'arriverait à rien sans le distraire et l'armure l'empêcher de frapper droit au cœur.

L'armure ! L'idée fusa dans son esprit. Sa mélopée changea d'accent, devenue plus grave, plus rauque.

Contrairement à Eowald, pas un instant Uriel n'envisagea le fait qu'elle puisse être à l'origine de tout cela à la place de celui qui la portait, mais ils étaient si étroitement liés que porter atteinte à la protection pouvait lui offrir l'avantage qu'elle cherchait !

Jamais ne crains l'Ombre.
Jamais ne craint la Défaite.
Jamais ne craint la Mort.
De mon bras fait offrande
Perd l'Injuste et Détruit le Fou.

Jet de magie:

Elle était étrange. Elle était complexe. Mais le cœur de toutes ces veinures était visible. La volonté de la prêtresse si engouffra comme la marée dans les failles d'une falaise. Une intense chaleur, pulsa dans le corps d'Uriel. Comme si l'armure luttait pour se libérer de l'emprise qu'elle exerçait. Une gêne, une douleur remontait le long des bras de l'elfe. Mais elle tint bon. Sa respiration manqua de se bloquer mais sa concentration restait focalisée sur cet unique but.

Elle sentit l'armure se contracter. Les veines luisantes qui couraient à sa surface s'effacèrent, immobilisant le Noss dans un cercueil de bois. Elle sentait toujours pulser la magie, prête à s'éveiller à nouveau, quoi que très affaiblie, mais elle tenait bon... pour l'instant...

Une goûte de sueur glissa sur sa tempe.

Les jointures de l'armure vivante n'étaient plus que des courbes de bois rigides.

Le répit offert par la destruction des deux élémentaires fut de bien courte durée. Eowald regarda avec une horreur croissante le géant de pierre se formait. La créature le dominait largement de plusieurs têtes et surtout semblait se mouvoir de façon très elfique. Jurant dans la langue humaine – bien plus adapté à ce genre de situation – l’Aigle recula en faisant tourner son poignet pour donner de l’élan à son arme. S’il réussissait à frapper suffisamment peut être que…

Il ferait face à une seule créature au lieu de deux. Une sueur froide, glaçante même, prit d’assaut son dos alors qu’apparaissait le duelliste de glace et d’eau. Le duo était parfait. Aussi complémentaire que l’était le couple Uriel – Eowald. La prêtresse interpella son allié qui lui répondit, sourire goguenard aux lèvres. A vrai dire, il n’était pas sûr de pouvoir tenir deux minutes.

L’Aigle recula de plusieurs petits bonds et dégaina son épée malgré la douleur à son épaule. Il allait devoir être vif et protéger ses deux flancs. La lame permettrait au moins de détourner les coups d’épées glacées. Son jeu de jambes était destiné à éviter les coups destructeurs du titan de granit. Avec un cri de guerre, Eowald se jeta sur ses adversaires. Uriel lui avait demandé de gagner du temps, il le ferait. Pendant près d’une minute, l’Aigle fut vaillant, évitant les coups, parant avec efficacité. Son marteau vint même briser la pointe d’une lame de glace. Mais son corps était perclus de douleur, la sueur et le sang mêlé lui brouillaient la vue. Et l’inconstance des créatures était leur force.

Un bras de pierre géant frappa l’elfe en pleine poitrine, l’envoyant cul par-dessus tête pour un vol plané de trois mètres. Avec un grognement de douleur, Eowald atterrit sur les fesses. Il était encore en vie et sans os fracassé ! Ah ! Tari ne voulait pas encore de lui dans sa demeure. Mais aux lourds pas qu’il entendait derrière lui, il ne payerait pas cher de sa vie.. L’Aigle bondit sur ses pieds et fit face à l’immense créature. Qui s’arrêta nette, le bras levé pour porter le coup propre mettre hors d’état de nuire l’elfe. Un simple coup d’œil fit comprendre à ce dernier qu’Uriel avait réussi.

« Victoire ! Bien joué ma sœur. Partons d’ici maintenant ! »

Eowald attrapa ses armes, éparpillées autour de lui, prit Uriel par le poignet et l’entraîna entre les arbres. Une silhouette de bois apparut alors, piégée – certainement pour peu de temps – dans l’impassible écorce. L’Aigle arma son bras et lança un large mouvement circulaire comme pour fracasser la mâchoire de la créature mi-sylvaine mi-elfique. Mais au dernier moment, il retint son coup et seul le manche vint déposer une caresse sur le haut du crâne de l’armure de bois.

Il n’était pas là pour tuer un frère, aussi colérique soit-il.

Elle n’y arriverait pas. Elle ne pouvait pas. L’enchantement était trop puissant. Et pourtant elle s’y tentait. La magie pulse puissamment à travers les lignes de forces de Curulotsë, alors qu’Uriel essaie péniblement de l’en drainer. Comme l’aurait fait un mage, le végétal lutte. Comme l’aurait fait un sorcier tenant à son sortilège, l’armure vivante puise dans ses forces pour s’opposer à la volonté de son adversaire. Mais qu’est la volonté d’un enfant de la sylve devant un être possédant le Souffle. Ce n’est que la complexité et la puissance brute de la toile de vaisseaux nourrissant l’exosquelette qui le sauva de la déplétion, seulement tant qu’Uriel lutterait, et tant qu’il lutterait contre Uriel, ses artères se retrouveraient bouchées, et tu serais maintenu immobilisé.

Immobilisé comme l’étaient tes créations, toujours debout car tu étais toujours conscient, mais privées du mouvement qui générait le leur. Tu étais à leur merci. Tu avais perdu. La paire s’était prouvée assez coriace pour remporter le challenge que La Dame Sauvage avait jugé nécessaire de leur opposer. Peut-être alors, avec un peu plus de temps, avec un peu plus de coordination, quand ils apprendraient à réellement se connaître et à fonctionner ensemble, seraient-ils capables de tirer leur épingle du jeu dans les cruelles Terres Mortelles.

Ainsi s’achevait le devoir de Lœthwil envers eux.
Ainsi commençait celui d’Yriaë.

- Même si l'Anaëh vous ouvre la voie, vous n’arriverez pas saufs à Alëandir à temps dans cet état. La voix venue de la canopée était péremptoire Pour toi, fils, le moindre effort de trop, et de pareilles contusions seront vite devenues hémorragie. Et toi fille, il est temps que tu laisses la trame reprendre son cours et que tu te reposes. Des mages se sont déjà détruits pour moins d’efforts. Avec une grâce digne d’une vénérable enfant de l’Anaëh, la druidesse se laissa choir vers le sol, juste en face du duo, mais c’est sur toi que ses yeux se portent Tu n’as plus rien à craindre de lui. Votre épreuve est passée.

L’elfe rousse fit son chemin cérémonieusement, passant sans hésitation entre les deux Citadins, pour venir poser le bout de ses doigts contre ton front. Son bâton planté dans le sol, quelques mots prononcés d’un doux murmure, et avec une facilité déconcertante, sa magie jouait avec la force vitale de l’armure, tant pour la libérer Curulotsë de l’emprise d’Uriel que pour te libérer toi de Curulotsë.

Jet de dés:

Jet de dés:

Lentement l’écorce se fendit, se mua en une fourmillement de bras plutôt qu’un une seule surface, et les bras se séparèrent pour délivrer leur hôte. L’armure resta debout, ancrée dans le sol comme un arbre s’ancre de ses racines, mais toi, il fallut tous les efforts du monde à Yriaë pour te retenir de t’effondrer au sol, inconscient, comme un insecte trop soudainement arraché à son exuvie.
Avec précaution, la druidesse t’assis, les yeux toujours rivés sur les deux Taledhels, leur intimant, plus l’ordre que le conseil, de rester en place le temps que vienne leur tour.

- Approchez, fils elle les appelle tous deux, toujours accroupie face à ton corps assoupi, mais ses mains t’ayant finalement quitté que je soulage vos blessures. Ses yeux se posent sur toi un bref instant encore Et ensuite, avant que vous ne continuiez votre route, j’aurai besoin de vous… de lui elle pointe Eowald du doigt surtout, pour l’emmener là où il doit être.

Yriaë sourit, imaginant la multitude de questions qui devaient se poser, pour eux qui étaient Sourds et refusaient de Croire.

- Dès que Lœthwil reposera où de droit, vous pourrez considérer toutes les routes d’Annon comme vous étant ouvertes. Elle ne put s’empêcher de soupirer avant de conclure Même celles qui conduisent en dehors des frontières.

Oh non. Il n'y avait pas la moindre question dans l'esprit d'Uriel et elle n'avait pas laisser s’échapper son sort. Pas même lorsque qu'on lui avait saisit le poignet, inconsciente des mots qu'on lui livrait à l'oreille. Pas même lorsque qu'une autre puissante magie s'était mêler au jeu qu'elle exécutait avec l'étrange armure. Son arc était resté bandé, la flèche pointée sur le mage. Pas même lorsque cette magie extérieur avait fait pression jusqu'à distordre la volonté de la prêtresse. Elle avait combattu, encore. Elle avait cherché la faille. Mais celles qu'elle voyait étaient trop vives pour qu'elle arrive à les exploiter. Sa peau déjà glaciale et pâle comme un linge lorsqu'Eowald s'était emparé de son poignet se veinait légèrement de bleu. C'était comme si elle essayait de maintenir un rocher au-dessus de sa tête tout en cherchant à placer le coup de marteau qui le ferait exploser en graviers. Hors d'Holimion, elle n'avait jamais rencontré de tels mages ! Si elle voulait continuer a pouvoir protéger les siens, il fallait qu'elle la comprenne, qu'elle en saisisse le sens et la dimension. Deux filets de sang glissèrent sur ses joues depuis l'intérieur de son masque. La volonté de la druidesse tordit la magie vers elle... Et elle prit soudain une longue respiration, en reculant d'un pas.

Pliée en deux, remplissant ses poumons avec l'énergie d'un noyé, les contours du monde reviennent peu à peu. Les bruit de la forêt. La proximité des elfes. Son rythme cardiaque remontait peu à peu. Sa peau retrouvait une teinte certes pâle mais normale. Le froid qui courait sur sa peau quelques instant plus tôt s'insinuait dans ses chairs jusqu'à la moelle de ses os. Ses muscles étaient si lourds...

Elle chancela, mais la première personne qui ferait mine de l'approcher ou de la toucher se retrouverait avec une flèche sous le nez, prêt à se faire embrocher. Qu'elle sente la moindre tentative magique à son encontre et la prêtresse tirerait sans sommation avant d'avoir identifier si la magie était d'une nature apaisante ou hostile.

Reprendre contact avec le monde des vivants après une transe profonde n'était jamais facile et faire face successivement à deux maîtres d'une puissance hors norme ne se faisait pas sans mal.

La druidesse attendit, que le guerrier retrouve son calme, que la prêtresse retrouve ses esprits.
La druidesse attendit, que l’adrénaline retombe, et que la douleur revienne.
La druidesse attendit, qu’ils se rendent compte qu’ils ne sont en position de refuser ni son aide, ni ses requêtes, car l’un et l’autre ne font qu’un. Au moins ses sommations furent-elles entendues, et accueillies avec assez de respect par les Taledhels endurcis pour que lui ait la bonté de stopper sa vaine course. C’est que même à lui, il lui restait assez de sensibilité pour être touché par les mots des druides.

- Viens, Fils. Yriaë fait un pas en avant Ton amie ne trouvera pas le calme si ton cœur continue d’exciter ses sens.

Mais Eowald ne vint pas à la Gardienne de La Mère. La Gardienne de La Mère vint à Eowald. L’incertitude, la suspicion, le conflit nourri par l’esprit d’un elfe toujours sous le choc l’empêcha de donner sa confiance. Alors elle fut forcée de venir le toucher. Du bout des doigts seulement, comme on aborde un animal timide, tétanisé par la peur. Elle fut forcée, du bout des doigts, de lui prouver qu’elle ne ferait jamais que le soulager, et ce n’est que lorsque pendant un instant ses douleurs disparurent, qu’Eowald accepta le reste de la main.
Elle les avait arrêtés avant qu’ils ne les aggravent, ainsi les blessures étaient plus impressionnantes qu’elles n’étaient profondes, mais malgré tout, Yriaë prit son temps. Pour reconstituer les chairs, pour reconstituer la peau, pour remarier les vaisseaux lésés, recoudre les fibres musculaires, ressouder les os brisés, et ne plus laisser comme signe de l’affrontement passé que les dégâts portés à l’armure.

Face à Uriel, le regard de l’elfe-Fanüel se fit plus sévère. La prêtresse peinait à quitter son attitude hostile. La Chasse-Mort semblait presque se refuser à quitter sa transe. La difficulté était-elle réelle, ou l’elfe se refusait-elle à retrouver une réalité qui d’une manière ou d’une autre, la gênait ? yriaë n’en savait rien, et comment pourrait-elle le savoir, incapable qu’elle était de plonger en le corps de la demoiselle sans risquer de fâcheuses conséquences. Pour elles deux.

- Uriel, c’est toi qui fut la clef de vôtre victoire le ton de la druidesse est à la fois doux et impérieux et ainsi, c’est la valeur de ton Choix qui a été reconnue devant La Mère, et toi reconnue digne de l’assumer. Yriaë fait un pas vers la prêtresse Seulement Uriël, peux-tu en toute conscience prétendre naviguer dans un monde étranger alors qu’il est encore d’importantes facettes du tien que tu n’entends pas ? sans qu’elle ne fasse un pas de plus, sa main se tend vers la prêtresse Donne-moi la main, Uriel, et entends. Entends les encouragements de la forêt. Entends le cœur de celui qui gît à tes pieds. Entends la voix qui a été sienne durant votre épreuve. Entends et constate qu’en ce monde un est deux sans être fou, et que deux sont multitudes sans être nombreux. Donne-moi la main et entends, ou pars libre du poids du savoir.

Mais dans tous les cas, alourdie par presque deux-cent kilos d’elfe endormi jusqu’à ce que les rives d’Uraal soient en vue.

Lorsque la druidesse s'approcha de l'Aigle, la pointe d'une flèche vint lui caresser la tempe et un marteau se leva, prêt à frapper. Un effleurement.

- Non ! "

Au moment ou les doigts de la prêtresse allaient laisser partir leur trait, un bref ordre de son compagnon la retint. Les plumes blanches qui formaient l’empennage de sa flèche lui chatouilla l'index. Le regard d'Eowald était à la fois méfiant, moqueur et intrigué. Uriel garda la druidesse en joug tandis que les soins qu'elle administrait devenaient de plus en plus visibles. Pas une fois Eowald ne lui fit signe d'intervenir et la guérisseuse fini par reculer d'un pas... Pour se tourner vers la prêtresse qui, bien que fatiguée et tremblante sur ses appuis, la suivi de la pointe de son arme, s'assurant par la simple présence de son arc que même en tendant la main, l'étrangère ne pourrait pas la toucher.

Leurs comportements n'avaient aucun sens. Cette femme baragouinait un charabia absurde avec la foi des fous. Pour toute réponse, la druidesse obtint une voix inhabituellement vibrante pour la femme qu'elle avait en face d'elle. Toujours glaciale, il y avait comme comme des traces de colère trouble.

- Partez. " siffla-t-elle sans prêter attention au regard de l'homme à son côté. " Laissez votre ami, la chose qui l'entourait et partez.

Son arc se décala pour pointer sur l'elfe inconscient qui gisait sur le sol. Sa prise de parole n'avait rien d'un monologue et elle avait assez ausculter leur magie à tous deux pour être sûre d'une chose : elle pouvait desserrer les doigts plus vite que la seconde qu'ils mettaient à influer la Toile et elle était à bout portant. La menace en fut pas formuler à voix haute mais elle était on ne pouvait plus claire.