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 Crépuscule

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Duncan du Lys
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MessageSujet: Crépuscule   Crépuscule I_icon_minitimeJeu 10 Mar 2016 - 14:07

Le hasard et la fortune sont si sournoises, souvent agrémentées des pires mots qu’on puisse trouver, tant la surprise de leur passage n’a d’égale que la douleur qu’elle occasionne. On avait vaincu l’Ennemi de par-delà les frontières, et l’intérieur était pacifié. Tout semblait sourire en Alonna à ceux qui étaient assez courageux pour préparer l’avenir. Un grand nombre sentait l’air de la réforme et de la nouveauté, et jamais jusque là le pouvoir ne jouissait d’autant de prestige. Les réformes avaient été lancées, et c’est sous le regard inquisiteur des barons qu’elles se déroulaient.

Ce qu’on croyait être qu’une simple fièvre se mua en un mal bien plus grand. Ce qu’on croyait être une légère difficulté de respiration s’avéra être bien plus grave, à mesure que les selles se teignaient de sang, et que les vomissements étaient de plus en plus fréquents. On ne soupçonna pas un empoisonnement, et pour cause, la goutte était responsable de cela : elle avait remonté à une vitesse fulgurante la jambe du Lys, pour finir par rendre la circulation du sang difficile On l’avait allongé, et les temps où Alanya ne le veillait pas étaient très rares. Lorsque ce n’était pas elle, des servants se relayaient, chaque heure, pour le veiller. La nuit, toutes les deux heures, on venait s’assurer qu’un fin courant s’exfiltrait des lèvres du Lys, et la baronne demandait toujours des comptes rendus.

Ce n’était que la nuit que le baron se relevait péniblement sur ses oreillers, regardant la nuit, fumant sa pipe. Certains disaient qu’il pleurait, car on entendait des gémissements venant de sa chambre. Sa santé était fragile, et certains craignaient pour sa vie – bien que cette dernière ne soit pas réellement en danger mortel. Mais un soir, sa porte s’ouvrit doucement, et le Lys ne prit même pas la peine de regarder qui le dérangeait. Il ferma les yeux un instant, soupira, et murmura.

« Alors c’est ainsi…» La silhouette était masculine, ce qui le rassura : si son épouse devait le tuer, elle le respectait assez pour le faire elle-même. Sans vouloir regarder l’homme, le baron demanda : « Accorde à un mourant sa dernière volonté. Donne-moi de quoi écrire. » Comme s’il respectait la solennité de la mort, l’inconnu exauça ce vœu, et s’assit dans l’ombre, pendant que le baron, qui n’avait toujours pas posé son regard sur l’intrus, écrivait. Il écrit ainsi pendant de longues minutes, puis plia son œuvre après que l’intrus l’ait lu en premier. « Comme c’est curieux. » Regardant par la fenêtre ouverte, les étoiles brillaient dans un ciel sans nuages. « J’aurais tant voulu connaître la fin de l’histoire. » Luisante, une fine perle salée solitaire glissa sur la joue du Lys. Elle fut rejointe par de nombreuses autres, lorsque le baron, brisé en son sein, se prit le visage d’une main. « Divins, que vous ai-je fais… ? » L’homme prit alors la parole : « Il est temps. » Duncan hocha la tête à de nombreuses reprises. « Oui…Oui, il est temps. » Il s’allongea, une dernière fois, le regard sur une chandelle de la chambre.

Au petit matin, alors que le soleil de l’été ne se levait qu’à peine, on entendit un hurlement strident à travers la forteresse d’Alonna. Tout le monde se précipitait partout, la folie et le chaos s’étaient emparés des Trois Murs. Car sous un rayon de soleil d’été, l’unique filtrant à travers les rosaces de la chambre où le Lys était veillé d’habitude, on l’avait retrouvé un matin avec une dague plantée dans le torse du Lys. Ses yeux étaient demeurés ouverts, et ses lèvres entrouvertes. Ses cheveux s’étaient étalés contre les oreillers, une crinière blonde large comme un soleil. Duncan du Lys ne fut jamais plus beau qu’à cet instant, le visage dénué de toute émotion, ne trahissant qu’une ultime sérénité précédant la mort. La lettre, sur le chevet, ne fut remarquée que tardivement, et seul Hermance la lut avant de la porter à Alanya. Ainsi s’éteignit Duncan du Lys, baron d’Alonna, seigneur de Rodem, seigneur et chevalier du Lys, que l’Histoire retiendrait par un court – mais bon – règne, et pour son code.
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Alanya de Saint-Aimé
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MessageSujet: Re: Crépuscule   Crépuscule I_icon_minitimeLun 14 Mar 2016 - 21:35


Les cloches sonnèrent une fois encore.
Leur tintement était altéré par les murs épais de la grande salle. Le ciel était bleu, aucun nuage venait perturber cet océan d'azur. Le vent caressait comme à son habitude les champs de blé qui entourait Alonna les-Trois-Murs. Rien ne laissait à penser qu'il s'agissait d'un jour différent. Rien excepté ces maudits tintements. La baronne tremblait, assise sur sa chaise à fixer le vide.
« Souhaitez-vous le voir ? »
La voix de Hugues la fit frissoner. C'était donc vrai. Une réalité bien amère. Elle ne pleurait pas pourtant. Elle ne tourna même pas la tête, ses lèvres invariablement closes.
« Votre Honneur, je... Il me faut savoir... ».
Avec lenteur elle se releva. Ses mains ne cessaient de s'agiter compulsivement. La nouvelle lui était parvenue au matin. Drôle de façon d'être tirée du lit. C'était sa soeur qui l'avait aidé à s'apprêter. Elle n'avait accepter de voir personne d'autre. Une fois prête, elle s'était rendue sans un mot dans la grande salle. Elle ignorait pourquoi, mais elle était là. Debout dans cette grande pièce vide où résonnaient le beffroi. Un son assourdissant qui lui vrillait les oreilles.
« Peste soit le temple ! Faites moi taire cette horreur ! »
Hugues se gratta la gorge. Un signe de nervosité. « Votre Honneur, je crains ne pouvoir faire pareille chose... Votre époux.. »
Bien sûr qu'il en était incapable. Qui pouvait s'opposer au culte des Cinq à présent ? Le Roy était soit mort soit au Sud. Qu'est-ce qu'un royaume s'il n'a pas sa tête couronnée ? Elle bouillait intérieurement. Tout cela la fatiguait alors qu'autour d'elle, personne ne voyait que plus rien n'avait de sens. Il n'y avait aucun interêt à continuer. Elle se tourna vers le drôle. Il était ridiculement engoncé dans des vêtements visiblement bien petit et fort ornementés. Il était grasouillé, et ses bajoues tombaient artistiquement sur sa mâchoire. Il était somme toute d'un ridicule affligeant mais Alanya l'appréciait pour ces mêmes raisons. Il la divertissait.
« Il est mort. Oui. », alors qu'elle pronnonçait ces quelques mots – et même si sa voix ne trembla pas – ses mains frémissaient contre le tissus de la robe. Elle avait mal certainement, mais elle ne le montrerait pas. Un silence s'installa quelques secondes. Le temps fila lourdement, sous le poids des palabres lancées sans réel compassion. « Faites mander le ministre Galainier. Qu'il recherche sa famille la plus proche pour envoyer séant l'annonce de son décès. Qu'il en envoie une à notre bon suzerain et une à Etherna. Le reste attendra. ».
Hugues tira une tête grave. Il ne croyait pas pareil détachement possible et pourtant, il fut contraint d'approuver du chef. Lui même semblait plus affligé que la baronne en ces heures sombres. Il le ferait mais l'attitude de sa suzeraine le laissait coi. Il tira un peu sur sa veste dans laquelle il était affreusement serrée. Bientôt un bouton volerait on ne sait trop où dans la pièce.
« Dois-je faire emmener le corps ? Les soeurs de Tyra devront le préparer pour les... »
« Quelqu'un lui a-t-il rendu visite depuis ? »
« Les médecins ont annoncé sa mort à l'aube alors qu'une lavandière venait récupérer son linge... »
Elle adressa un regard profond et accusateur. Il déglutit autant que son col étroit le permettait, ce n'était certes pas le moment de mentir.
« Vous avez refusé de voir le sénéchal ma Dame. »
Elle fronça les sourcils. « Le sénéchal ? Que diable Hermance faisait-il là bas ? »
Le gros tritura un temps ses doigts boudinés. « Il a été le premier averti votre Honneur. C'est lui qui m'a fait quérir pour vous lever. Il avait quelque chose pour vous mais vous avez refusé, ma Dame... ». Sa voix ressemblait plus à un couinement sur la fin. Il avait peur et il transpirait. Quel couard, ce Hugues, à croire qu'on le raccourcirait pour simplement avoir un jour respiré.
« Mais qu'attendez-vous pour le mener ici ? Foutre Dieux, par les seins de Néera hâtez-vous ! ». Le gros bonhomme se mit en branla, sa course aussi ridicule que sa tenue. Elle marchait certainement plus vite qu'il ne courrait mais le spectacle la ravissait. Au moins, il lui faisait un temps oublier le clocher qui n'avait de cesse de se répeter.
Lorsqu'elle fut seule, elle retourna à sa chaise. Combien de temps elle y reste, elle n'aurait su le dire. Le ciel était toujours clair. Si inchangeant, si parfait. Ses mains ne cessaient de tréssauter. Sa poitrine était opressée d'un poid qu'elle ne pouvait ôter. Elle qui n'avait pas été présente lorsque Desmond avait quitté le monde des vivants, elle se voyait aujourd'hui confronté à la douleur du deuil. Si elle n'avait pas réussi à aimer d'un amour profond et véritable le beau Duncan, il n'en restait pas moins une personne qu'elle appréciait et qu'elle respectait profondément. Jamais la baronne n'aurait pensé qu'il aurait fini ainsi... Non, le Serpent était bien trop malin et même si la goutte l'aurait emporté tôt ou tard, il aurait trouvé un moyen qui lui ressemblait d'avantage pour rejoindre les Cinq. Maudits étaient-ils, ces Immortels ! Une larme perla le coin de son oeil et coula avec lenteur sur sa joue pour finalement s'écraser sur la table de bois.
Elle avait été seule bien longtemps avant d'enfin trouver un homme pour partager son fardeau. Alanya aurait pu l'aimer sincèrement avec le temps. Peut-être était-ce déjà le cas au fond. Et lui, l'avait-il un jour regardé autrement ? Avait-il pensé ne serait-ce qu'une fois qu'elle n'était pas seulement un moyen à sa réussite ? Un vague sourire se propagea sur ses lèvres chevrotantes. Il aurait certainement ri en entendant de pareilles idioties. Pour sûr, il lui aurait fait sentir la stupidité de ces idées bancales.
Ah ! Ce coquebert lui manquerait, pour sûr ! Mais ses nuits seraient certainement plus tranquilles et elle pourrait même retirer le petit coutelat de sous son oreiller. Quelle vie ça sera !
« Tu es lâche mon cher, j'aurais cru que tu ne quitterais pas la partie sans avoir joué le jeu jusqu'au bout... ». Son murmure mourut dans l'air vide de la salle.
Et elle resta seule un temps. Le bruit lourd des pas dans le couloir la tira de ses rêveries. Elle s'était un peu reprise malgré le chagrin qu'elle cachait au fond d'elle. Elle ne le reverrait jamais. Ce soir, il n'y aurait plus personne. Hugues devançait légèrement le sénéchal Lesdiguières. Elle leur adressa un regard désintéréssé.
« Votre Honneur, voici le sénéchal. »
« Merci Hugues. Va donc trouver Matthier de Galainier et faire ce pour quoi je t'ai mandé. ». Le ton de la belle était sans détour. Elle n'aurait pas accepté la moindre rebuffade, elle n'en avait pas la patience. Le rigolo se pencha dans une révérence grotesque avant de partir en reculant. Les portes se refermèrent dans un grincement et sans perdre plus temps, Hermance se porta au côté de sa suzeraine, posant sur la table un papier plusieurs fois plié. Il n'était adressé à personne mais les quelques tâches de sang l'informèrent sur sa provenance.
« Je... Non, je ne peut pas... »
L'homme d'âge mur pris une mine grave. « Lisez. ». L'ordre était clair et Alanya ne trouva rien à redire à cela. Il avait, en ce jour, plus d'autorité que lui.
« On m'a dit que vous l'aviez trouvé une lame dans le coeur... »
« Il est vrai votre Honneur. Mais j'ai aussi trouvé ça. Lisez à présent. »
Les yeux se posèrent une fois de plus sur le petit papier. Avec une délicatesse feinte, elle déplia le billet. L'écriture était loin d'être soignée. Elle ne reconnaissait pas même les quelques particularités de la plume de feu son époux. Elle releva les yeux vers Hermance.
« Je ne comprends pas... Pourquoi ces derniers mots ? Pourquoi cette poésie ? »
« Votre Honneur, lisez mieux. »
Elle lu à nouveau. Et encore une fois. Elle observa ce petit poème sous toutes ses coutures. Chaque phrase, chaque mot, chaque lettre... Et le document tomba de ses mains. La baronne ne dit rien de plus, tremblante. Elle comprenait à présent.
« Convoquez le conseil après les funérailles... »
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Aymeric de Brochant
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MessageSujet: Re: Crépuscule   Crépuscule I_icon_minitimeSam 4 Juin 2016 - 13:44

Trois jours s'étaient écoulés entre le retour du marquis à Serramire et son nouveau départ. Trois jours durant lesquels Aymeric avait rendu la justice, écouté les offices, dispersé les troupes, et finalement annoncé le tournoi à venir. Il eut été illusoire de croire qu'une tranquillité relative l'attendrait au retour de la campagne oesgardienne. Au contraire, le labeur éclipsé par les affaires militaires s'était paisiblement accumulé, comme la mauvaise herbe colonise un champ délaissé. Ce travail de désherbage fut cependant délayé à nouveau, quand on vint annoncer au marquis la mort de son vassal, le baron Duncan.

L'animosité entre les deux seigneurs n'était un secret pour personne, et malgré l'assistance qu'Alonna avait apporté durant la guerre, Aymeric n'avait guère tenu son nouveau (et désormais ancien) vassal dans son cœur. Le marquis prit ainsi la route d'Alonna le visage grave, mais l'esprit léger. Il maintiendrait tout le long du voyage cette affectation, sans probablement en penser un seul mot.

Le marquis passa la porte du Loup en petite cortège, la veille des funérailles. Ce ne fut qu'après la cérémonie qu'il rencontra la baronne, et désormais deux fois veuve, Alanya. Il y a un mois de cela, le marquis lui avait proposé une alliance, par la truchement d'un mariage avec son frère Evrard. La baronne n'avait jamais répondu à cette offre, réapparaissant aux côtés du seigneur du Lys, Duncan, en pleine rupture du ban où il était astreint. S'il apparaissait aujourd'hui que la baronne avait fait le mauvais choix, Aymeric, quant à lui, se garderait bien de le mentionner.

Il fut introduit dans le château baronnial peu après la cérémonie, et mené auprès de la dame de Broissieux. Cela faisait fort longtemps qu'un marquis n'avait plus foulé ces dalles en qualité de suzerain - probablement plus depuis le temps de Pearla, dix ans auparavant. Si l'occasion ne prêtait guère aux entrées triomphales et aux démonstrations d'hommages, Aymeric n'en goûtait pas moins les progrès qu'il avait accompli. Traversant le grand hall, il vint saluer la baronne Alanya. "Madame, acceptez me condoléances. Je prie pour que les mannes de votre époux trouve le chemin du séjour aqueux de Tari."

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Alanya de Saint-Aimé
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MessageSujet: Re: Crépuscule   Crépuscule I_icon_minitimeLun 6 Juin 2016 - 16:05


La baronne n’avait versé aucunes larmes depuis la mort de son époux. Si l’évènement était tragique, c’était la colère qui gonflait son corps et enhardissait son âme. Sans nul doute qu’une fois les cendres dispersées au vent et le conseil levé, elle trouverait enfin la paix qui la mènerait sur le douloureux sentier du deuil. Attendant le jour fatidique, elle s’occupait des choses habituelles, œuvrant comme si rien n’avait changé dans son monde. Des offices avaient été données à travers toute la région pour célébrer la vaillance et l’esprit de feu Duncan du Lys – et ce pendant bientôt une énnéade. Le peuple avait vu dans le Boiteux, la même présence salvatrice qu’elle et s’il n’avait pas siégé longtemps à ses côtés, il n’avait fait que panser les plaies d’une terre qui n’était pas la sienne, s’acharnant à rendre le quotidien moins lourd pour les Alonnais. Quelle peine de voir le blondinet s’éteindre en pleine fleur de l’âge. Peut-être qu’avec le temps, Alanya aurait pu apprendre à l’aimer assez.
Il était encore tôt lorsqu’elle se prépara à affronter une nouvelle journée seule. De noir vêtue, elle avait la mine morne et le sourire rare. Pourtant le temps ne pouvait s’arrêter pour elle : le cœur aussi lourd que ses pas, elle déambulait entre les entretiens et les magistratures. Que de réformes et de si frêles épaules… Elle jetait des regards en biais, s’arrêtant au moindre bruit comme si une bête tapie dans un recoin sombre du castel attendait son passage pour lui sauter dessus. Ce n’était pas une vie et malgré le bouillonnement de frustration qui la parcourait, elle n’était que l’ombre d’elle-même. Son assurance s’était étiolée tandis que même ses discours avaient moins de poids. La Broissieux n’avait plus l’envie de continuer ainsi, se languissant du moment fatidique où elle rendrait justice. La mâchoire serrée, elle avançait à tâtons jusqu’à ce jourd’hui.
Le cinquième jour de la septième énnéade s’était levé quelques heures auparavant. Le corps raide du baron attendait patiemment dans le temple de la ville où il avait longuement été préparé. Les prêtres et prêtresses de Tyra s’étaient affairés à conserver autant que possible le macchabé tandis qu’ils proliféraient quelques incantations niaises pour son passage dans le Dernier Royaume. Connerie que tout cela ! Elle savait le Serpent certes fidèle des Cinq mais il abhorrait autant le culte qu’elle-même : une perte de temps et de belles fables pour les enfants. Si les Dieux avaient leur volonté, ce n’était pas aux Hommes d’appliquer quelques préceptes branlants. Tous les grands seigneurs étaient massés dans la grande salle, présents plus pour le conseil que pour les funérailles. Quelques petits vavasseurs avaient pris place, si bien que lorsque la baronne entra dans la pièce, les conversations bruyantes remplissaient l’espace. Mécontente de tout ce vacarme, la Belle fronça les sourcils. S’ils étaient bien trop occupés pour le voir, elle savait que le moment viendrait de faire taire tous ces nobles pompeux.
« Votre Honneur, le marquis est à la porte ».
Hugues dodelinait en avançant d’un pas pressé vers elle. Il accourait presque, suant à grosse goutte dans son accoutrement toujours aussi extravagant et ridicule. Il haletait comme s’il avait traversé les grands couloirs avec la mort à ses trousses. Loin de s’enquérir d’avantage de son état, la baronne fut soulager d’entendre cette nouvelle : elle avait envoyé un coursier pour faire quérir son suzerain quelques jours plus tôt  et s’il n’avait pas pris la peine de répondre, au moins était-il venu.
« Bien, faîtes-le escorter avec les égards voulus ».
« J’y cours votre Honneur ».
Il s’inclina si bas que la révérence en devenait aussi ridicule que lui. Il s’éclipsa au même train qu’il était arrivé alors qu’Alanya claqua des mains pour attirer l’attention de ses vassaux. Si quelques conversations continuèrent malgré son appel, la majorité avait tourné une tête étonnée vers leur suzeraine. Ils ne l’avaient pas vu entrer et certains s’empourprèrent de honte tandis que d’autres restèrent stoïques.
« La cérémonie aura lieu au temple à midi. Son Excellence le marquis Aymeric de Brochant vient d’arriver à Alonna les Trois-Murs afin d’assister à notre conseil ainsi qu’aux funérailles de son Honneur Duncan du Lys. Afin de préparer notre journée, je vous demande de disposer à vos appartements ».
La requête était peu habituelle et récitée maladroitement pourtant elle avait réussi à garder un ton ferme et sans appel. Sa décision était prise et avec c’est avec lenteur que la salle se vida peu à peu. Alors que les retardataires passaient la porte massive, l’on introduit le Corbeau Serramirois. Il était tel qu’elle l’avait laissé à Amblère : de grande prestance bien qu’austère et à la mine grave – bien moins enjouée que lors de ses dernières rencontres. Il était bel homme à y regarder dans l’ensemble. Il avait cet air de mauvais garçon qui séduisait les Dames et l’air fier qui convenait très bien à son rang. Elle aurait été sous son charme plus jeune, à n’en pas douter. Mais aujourd’hui, il n’était pour elle rien d’autre qu’un beau garçon comme il y en a mille autre – son suzerain et, elle l’espérait, un homme d’esprit qui saurait la conseiller et la soutenir comme elle le ferait pour lui. L’on contait que la marquise était aussi belle que son époux et si Alanya n’avait pas encore eu la chance d’en attester la véracité, l’annonce du tournoi prochain serait une parfaite excuse pour se soustraire à cet endroit qui pesait lourd sur son âme.
« Soyez le bienvenu votre Excellence. Je ne sais si Duncan aurait apprécié votre présence mais sachez que moi, je la chérie ». Elle esquissa un maigre sourire. Hugues était planté dans un coin prêt de l’échanson et de quelques servants qui vaquaient à leurs occupations quotidiennes. « Son Honneur était habile, il saura trouver un moyen d’entrer dans le Dernier Royaume – d’une façon ou d’une autre ». La boutade était assez légère bien que le contexte semblait un peu déplacé. Elle avait trouvé là le seul moyen de s’alléger le cœur, si bien qu’elle en devenait presque ironique. « Je vous prie d’agréer mes remerciements les plus sincères ; Vous êtes partis loin des vôtres depuis si longtemps qu’il m’a été une torture de quémander votre présence. J’espère que vous m’excuserez de cela ». Elle l’enjoignit à s’installer à la table, faisant venir quelques mets et du bon vin. « Votre voyage s’est-il déroulée sans encombre ? Car j’ai peu que la journée ne soit longue ».
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Aymeric de Brochant
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MessageSujet: Re: Crépuscule   Crépuscule I_icon_minitimeMer 15 Juin 2016 - 17:42

Le veuvage ne semblait être le fort d'Alanya de Broissieux. Tous savaient comment, à la mort de son premier époux, la baronne d'Alonna s'en était allée oublier son chagrin à travers les routes de la Péninsules, et comment elle y avait noyé sa tristesse dans les bras du chevalier au Lys, Duncan. Mais avait-elle vraiment aimé l'homme ? La chose eut été possible - Aymeric y aurait souscrit, lui qui n'avait guère apprécié le baron de son vivant. Cependant, bien peu de choses, sinon un amour, fut-il fugace, de passage, pour tromper le chagrin, ou bien réel, n'avait pu pousser les deux personnes dans les bras l'un de l'autre.

En effet, le chevalier au Lys avait été le plus mauvais parti que l'on puisse souhaiter. Conseiller de Jérôme, il avait bien mal servi celui-ci, agissant avec inconstance et légèreté au nom de son maître, avant de tout bonnement prendre la tangente. La rumeur voulait qu'il avait bouté le feu à ses terres, et quitté le pays d'Etherna en une nuit pour gagner Alonna. Paradoxalement, si le marquis avait méprisé ce seigneur par trop d'égards bien cavalier, c'était au travers de ce dernier qu'il avait obtenu le retour de la marche alonnaise dans le giron serramirois. Durant ces dernières heures, Duncan avait servi au mieux les intérêts du marquis ; peut-être était-ce pour cela, que celui-ci était venu assister à ses funérailles - en plus du protocole.

Désormais, il se trouvait à la table de la baronne doublement veuve, qui badinait sur les mannes de son aimé. Le chagrin, ou plutôt le chagrin qu'elle tentait de masquer, rendait fort affable la dame d'Alonna, rédemptant celle-là même que le marquis avait tenu pour une vaine opportuniste, à la vertu chancelante. À l'évidence, les relations entre les deux personnages, qui s'étaient jusqu'à présent constitués de rapports des espions mutuels, n'avaient guère tenu compte de l'affect. Pour autant, Aymeric n'entendait pas oublier les faits et actes de celle qui avait longtemps figuré parmi ses adversaires, par la simple action de paroles avenantes et d'un joli minois.

"Vous n'aviez à quémander ma présence, Madame. Il était de mon devoir d'être présent, pour accompagner de mes vœux les mannes de mon vassal dans l'outre monde."

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Alanya de Saint-Aimé
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MessageSujet: Re: Crépuscule   Crépuscule I_icon_minitimeLun 20 Juin 2016 - 14:36


Le marquis était de ceux qu’elle n’aimait point et pourtant, elle l’estimait assez pour le recevoir. Voilà bien longtemps qu’Alonna ne s’était pas vu accueillir à sa table son voisin Serramirois et ce n’était pas là un acte anodin. Alanya avait eu tout le loisir de peser le pour et le contre ; après tout le Corbeau n’était pas de ses alliés, malgré le serment prononcé quelques temps avant en Sgardie. Quand bien même chérissait-il aujourd’hui un avenir commun, elle savait que l’Alonnan serait bien le premier fardeau de l’Excellence. Veuve deux fois, la baronne n’avait plus la prétention d’être la femme forte qu’elle aurait voulue. Elle avait bien trop perdu pour cela et pourtant, si ces jours semblaient bien mornes, il perdurait au fond d’elle la flamme vacillante qui l’avait conduit à tous ces sacrifices.

L’ambition la nourrissait et quand bien même était-elle si diminuée par les aléas de la vie, elle veillait à ce que jamais elle ne flanche tout à fait. Ses desseins semblaient chaque jour se préciser. Le regard tendre de la petite Pénélope n’y était pas pour rien : seule depuis la mort du Lys, elle avait trouvé un étrange réconfort dans ce bambin aux mirettes bleues. Alors, bien qu’endeuillée par la mort plus prompt que de raison de son dernier époux, la belle patientait dans son écrin d’amertume. Un jour prochain elle renaîtrait certainement plus inflexible que jamais et le marquis n’aurait qu’à bien se tenir. Nulle frontière et nul homme ne saurait arrêter ses décisions.

Attendant patiemment ce jour dont elle ignorait tout, elle était là, face au Brochant. Engoncée dans une robe verte brodée de noir, le visage clos, elle se triturait les doigts. Elle avait l’impatience des jeunes filles et son état morose n’arrangeait rien à ces troubles compulsifs. Elle l’écouta d’un air distrait, s’accordant plus sur son physique que sur le miel de ses mots. Car s’il y avait une qualité indéniable chez son suzerain, c’était bien cela : il savait s’exprimer en tout temps et sur toute chose. Elle lui enviait la rondeur de ses phrases et l’éloquence de ses discours. Oh certes ! Elle savait parler mais de façon bien moins aguichante que le Corbac. Fixée sur le marron de son regard, elle se perdait dans quelques comparaisons inutiles. C’était d’ailleurs à regret qu’elle se détacha de son esprit, se redressant un peu sur son siège.

« A vrai dire votre Excellence, ce n’est pas là l’entière raison de ma missive ». Ce n’était pas la raison du tout mais peut-être était-il préférable qu’il n’en sache rien. « Après la cérémonie se tiendra un conseil des grands seigneurs – une coutume comme vous le savez. Je souhaiterai que vous y restiez ». A ces mots elle se leva dans le bruit des tissus, tirant de sa ceinture de satin un petit papier. « Voici les derniers mots de mon époux ». Ses yeux brillaient. L’on aurait pu croire qu’il s’agissait là de la tristesse mais il n’en était rien. C’était la colère qui animait ses mouvements et c’est à peine si elle ne trembla pas en déposant de petit papier devant Aymeric.

L'aube se lève, et pourtant je ne vois nul soleil par delà les cimes,
Ode à l'antique Nord, je me suis rendu par delà l'Oësgard,
Déterminé à redonner à Alonna ce qu'elle méritait,
Il y avait des plaines brûlées et des âmes lacérées,
Après le passage du pire Fléau de l'Humanité,
Kÿria et Son oeuvre ravagées,
Eveillées par l'Astre rayonnant,
Retraité après la perte de tant de sang.

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MessageSujet: Re: Crépuscule   Crépuscule I_icon_minitimeSam 25 Juin 2016 - 17:03

Se saisissant du vélin, Aymeric redoutait la supercherie. Il était malaisé de badiner avec les dernières volontés d'un homme, fussent-elles celles du plus mauvais d'entre eux. La mort jetait un voile de dignité et de noblesse à ceux qui l'étreignaient, quelle que soit la manière. Fut-il décédé au combat contre les puysards, ou d'une vulgaire fièvre sur le chemin du retour n'amoindrissait aucunement les paroles du chevalier au Lys ; elles revêtaient ce caractère sacré, qu'importe leur teneur. Cette dernière, en l’occurrence, était piteuse.

"J'ignorais feu votre époux versé dans l'art des lettres", lâcha le marquis. C'était tourné comme une flatterie, bien que l'homme n'en pensa pas le moindre mot. Les vers étaient mauvais, abscons, lénifiants au possibles. Pour Aymeric, qui se figurait une sensibilité poétique, c'était un bien piètre morceau à se mettre sous la dent. Naturellement, il se garda bien d'examiner post-mortem les déboires littéraires de feu son vassal devant sa veuve. "C'est une chose que nous partagions, je suppose. Il est toujours sage de chérir les lettres, et je ne suis pas surpris que Duncan s'en fut épris. La plume, autant que l'épée, nécessite que l'on apprenne son usage, car là où les mots s'évanouissent, le vélin, lui, perdure. Il est toujours bon de se méfier de ce que l'on peut écrire."

À quoi pensait alors le marquis, tandis qu'il prononçait ces paroles ? Bien malin eut-être celui pour le dire. Faisait-il allusion à ses propres actions, quand il avait ouvertement conspiré contre Anselme de Bastylle, distillant ses pamphlets dans tout Serramire, ce qui le mènerait in fine plusieurs années au cachot ? Ou bien tentait-il de rappeler à la baronne les errances de feu son époux, quand ce dernier avait voulu, au moyen de fausses lettres, les dresser l'un contre l'autre. Peut-être ne s'agissait-il que d'une simple mise en garde envers la dame d'Alonna, que l'on savait prompte à la missive, et acoquinée avec nombre de fréquentations jugées trop suderonnes pour être honorables.

"Je gage que les mannes du baron seraient apaisées, si ses dernières paroles lui faisaient office d'épitaphe." Lança-t-il l'air pénétré. N'était-ce après tout pas justice, qu'un homme mesquin repose sous des mots médiocres ?

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MessageSujet: Re: Crépuscule   Crépuscule I_icon_minitimeDim 3 Juil 2016 - 17:47

Aymeric était un homme avisé et pourtant, c'est à grand peine qu'elle retint un soupir d'exaspération. La Sainte Néera n'avait pas touché la baronne de son doigt patient et s'il poursuivait un discours mortuaire élogieux, il ne trompait personne. Loin de porter Duncan dans son coeur – et en cela, elle ne pouvait lui reprocher -, il faisait mine d'apprécier la lecture tout en disclamant quelques compliments que feu son époux n'entendrait pas. Les Cinq lui pardonnent, elle avait horreur de ces ronds de jambes inutiles et de cette parlotte ennuyante. Le fait est que là non plus elle ne pouvait en tenir rigueur à son suzerain. Il n'était pas chose banale de si vite épiloguer sur la disparition d'un proche, fusse-t-il un arrangement politique. Alors, dans le silence de la grande salle, elle ne déclama rien. Elle avait honte d'agir de la sorte alors même que quelques temps auparavant, elle rêvait grandeur auprès de son cher baron. Pouvait-on oublier si vite l'estime que l'on portait à quelqu'un ?
A vrai dire, elle n'avait rien oublié. Si elle n'avait pas pleuré, c'était seulement grâce à l'étrange colère qui se muait en elle. Une tempête furieuse qui ravageait son esprit au dépend du deuil qu'il lui faudrait faire, un jour où l'autre. La tristesse attendant son heure, tapis au fond d'elle-même, elle avançait à tâtons dans un monde qu'elle ne reconnaissait plus. A d'autres, elle aurait peut-être avoué sa peur. Elle était si effrayé de vivre, d'avancer sans celui qui lui avait rappelé qui elle était... Ce jourd'hui, elle n'était que la moitié de son être et perdue entre deux eaux, elle patientait.
Rapportant son attention sur le moment présent bien malgré elle, elle dévisagea le Corbac la mine déconfite. Etait-il sérieux ? Son visage clos et presque sincère ne semblait dissimuler quelconque maléfice. La baronne se mit à rire. Un rire clair et sans fausses notes qui s'éclatait contre les murs de pierres, mourant dans leur propre écho de cette salle trop vide.

« De la mauvaise prose ! Voilà qui serait cocasse ! ». Et son rire ne cessait pas. Ses joues commençaient à devenir douloureuses et son ventre contracté ne lui laissait pas reprendre son souffle. « Par la Sainte Mère, il n'aurait pas rit d'une pareille filouterie ! ».
Les secondes s'égrainèrent et enfin le calme revint. Elle n'osa même pas poser ses yeux sur Brochant. Son hilarité avait du le vexer, quand bien même il ne s'agissait pas tout à fait de lui qu'elle riait.
« Je doute que sur son lit de mort de telles inepties ait été la dernière chose que le Lys souhaitait laissé. Il était homme à vouloir marquer l'Histoire ». Cela, le marquis ne l'ignorait pas. Sa bravoure à Amblère avait faillit causer bien plus de dégâts, mais Duncan s'en fichait. Il voulait être le héros, le nom dont on se souviendrait dix millénaires encore. « Lisez mieux, votre Excellence. Si le poème n'est pas bon, l'acrostiche, elle, est de qualité ».
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MessageSujet: Re: Crépuscule   Crépuscule I_icon_minitimeLun 18 Juil 2016 - 20:57

Même sur son lit de mort, le chevalier au Lys avait s'était gaussé d'Aymeric, et la supercherie que ce dernier redoutait, résidait dans un mauvais artifice, jeté à sa face. Le marquis, pris sur le fait, demeurait en flagrant délit de sottise. Lui qui se gargarisait d'une certaine virtuosité du verbe n'avait pas vu, tout à son orgueil de conspuer les vers du baron, l'énigme que ce dernier lui avait laissé. Devoir se le faire rappeler, comme un précepteur pointerait une erreur à son élève, par une baronne hilare qui plus est, tout cela ajoutait au ridicule, et à l'effronterie.

Agacé, Aymeric se tourna donc vers la dame : après tout, l'homme n'était pas venu pour se voir seriner des leçons d'esprit, encore moins se voir mener en barque. Il s'était résolu de tenir au solennel, voila qu'on le tournait en bourrique. Peste! Notre marquis était irrité. Tournant le papier pour mieux déchiffrer l'astuce, il ne s'en trouvait pas plus avancé. Était-il sensé, d'un seul mot, comprendre les menées d'un baron aujourd'hui six pieds sous terres ? Si Aymeric s'estimait fort patient, lorsque le jeu en valait la chandelle, il ne faisait pas figurer les devinettes au pinacles des activités la méritant. N'y tenant plus, il demanda sans ambages à la baronne : "Qu'est-ce à dire que ceci ?"

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MessageSujet: Re: Crépuscule   Crépuscule I_icon_minitimeSam 23 Juil 2016 - 12:46


La Belle était morose. Malgré le feu de colère qui l'animait, son cœur était en peine et son âme errait entre deux eaux méconnues. Ses rires et sa malice n'était qu'une apparence fade de ce qu'elle aurait aimé être, en ce moment. Face au Corbeau, elle se devait de faire bonne figure – devant le monde aussi d'ailleurs. Même l'intimité de ses appartements ne semblaient pas propice à son malheur. Maudite par les Cinq, elle l'était sans doute. Voilà deux fois qu'elle prenait mari et si le premier avait été châtié de sa main, le second attendait son bûcher funéraire alors même qu'il s'était sorti indemne de la bataille d'Amblère. Ne pourrait-elle jamais prétendre à quelques bonheur simples ? Reposant son minois gris sur le marquis, elle ne sut jugé s'il était indifférent ou bien froissé. Peut-être un peu des deux. Après tout, elle n'avait eu la chance de s'entretenir avec lui qu'une fois – pour donner son serment – et voilà qu'elle mandait sa présence en lui jetant au visage des palabres sans queue ni tête qu'un mourant avait écrit. La prose mauvaise et l'indice mince ne décourageait pourtant pas la baronne. Elle savait au fond d'elle que tout cela était vrai.

«  J'oubliais que votre Excellence ne pouvait être au fait des politiques de l'Alonnan. Voilà qui pourrait expliciter mieux la dernière phrase de mon époux : la seigneurie de Lodiaker – votre vavassale – était le fief de la Dame de Loubier, « la Sanguinaire ». Vous n'êtes pas sans savoir que sa tragique disparition a bouleversée toute notre terre ». A vrai dire, elle n'avait bouleversé personne. Le sang versé par l'ancienne baronne tâchait encore les dalles de la cité aux Trois-Murs et d'aucun ne saurait dire s'il était plus soulagé ou heureux de la voir s'enfuir auprès du chevaleresque Goar. Bien que cela ait entraîné une guerre civile, elle n'en restait pas moins la plus mal aimée des dirigeants d'Alonna. « Imaginez maintenant le désarroi de son père. Jamais nous n'avons réussi à consoler son cœur de la perte de son unique enfant, et après les pleurs est venue la haine. Oh, je ne m'épancherai pas sur la difficulté de l'union politique dans notre baronnie ! ».

L'Alonnaise s'arrêta un instant pour se lever et s'approcher de la fenêtre. Toute cette histoire lui donnait le tournis. Il était temps de mettre un terme à cette mascarade et qu'enfin son cœur soit libéré d'un poids. Le Lys n'était certes pas un homme conventionnel – ni avec elle ni avec quiconque – pour autant elle aurait été prête à parier que les années faisant, ils auraient pu s'aimer ; non pas comme de jeunes tourtereaux mais comme ce qu'ils étaient l'un et l'autre. Aussi étrange que cela paraissait, elle le regrettait. Au dehors des épaisses pierres du castel, la vie suivait son cours. Le boulanger s'acharnait sur son fournil tandis que les putes tapinaient. La vie était ainsi faite.

« La goutte dont souffrait le Boiteux ne l'aurait pas tué si vite selon mes médecins. Ils disent même qu'il se remettait lentement lorsque... ». Elle soupira lentement. « Lorsqu'on l'a retrouvé au petit matin. Monseigneur, s'il est une chose que je connaissais de Duncan, c'est qu'il aurait préféré mourir de ma main plutôt que de se planter lui-même une dague dans le cœur. Il n'était pas suicidaire et ces quelques lettres confirment mes soupçons ».Elle avait le visage sombre et les sourcils froncés. Parler de tout cela lui rappelait ses propres erreurs et elle en eut des haut les cœur. Ils étaient morts, tous par sa faute et elle semblait condamnée à vivre avec la douleur d'une meurtrière.
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MessageSujet: Re: Crépuscule   Crépuscule I_icon_minitimeVen 26 Aoû 2016 - 9:56

Un sourcil interrogateur vint se soulever sur le visage du marquis. Après avoir glosé sur la précédente baronne, la dame de Broissieux venait de lâcher, innocemment, ses soupçons quant à la mort de son époux. Un homme ordinaire en fut ébaudi ; chez Aymeric, cette annonce ne souleva qu'une certaine curiosité. Il avait trop longtemps gravité autour des cours pour que la chose ne le choque, et sa rancœur envers le seigneur du Lys demeurait assez tenace pour que l'émotion ne l'assaille. C'était pour ainsi dire un voyeurisme distrait qui titillait désormais le marquis.

"Avez vous mené l'enquête, madame ?" lâcha-t-il, laconique.

Si le meurtre s'avérait, il serait en outre une occasion rêvée pour le marquis d'en apprendre un peu plus sur sa nouvelle vassale. Alanya n'avait accédé au pouvoir depuis quelques mois seulement, et avant cela, personne n'eut supposé qu'elle poserait ses menues fesses blanches sur le trône. Née de petite noblesse, elle s'était hissée plus haut que l'ordre naturel n'aurait consenti. C'était l'accident - un accident nommé Jérôme de Clairssac - qui l'avait propulsé là où elle se trouvait désormais.

Cette situation dépassait ainsi largement l'horizon que sa naissance avait fixé à la dame de Broissieux. Mariée tôt à un cousin de lignage tout aussi modeste, les perspectives d'Alanya avaient du se résoudre à la besogne conjugale et au labeur maternel. Fut-elle ambitieuse, ses rêves - jusqu'à "l'accident" - avaient été contraint à n'en rester. Et son éducation, allant de paire avec un destin si misérable, n'avait du se borner aux langes et à la broderie. Qu'attendre donc de cette bonne femme, au moment de diriger, et de rendre la justice ?

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