Trouble fête | Ange [terminé]

8e jour de la première ennéade de l'an 9
Pendant le premier tour des joutes

Les joutes s’enchaînaient les unes après les autres. Des gens qu'elles ne connaissaient pas ou que de nom pour la plupart. Les suderons avaient pour l'instant jouer de malchance et de mal-technique face aux chevaliers du nord qui venaient de revenir de véritables combats. Un clin d'oeil cocasse de la DameDieu s'il en est. Son chevalier avait perdu dès la première manche, mais cela ne l'étonnait pas outre-mesure, non pas qu'elle n'ait pas confiance en ses capacité, plutôt que demander les faveur d'une femme maudite ne devait pas vraiment aider à trouver la victoire… d'autant plus quand elle n'y mettait pas du sien.

Même si elle ne pouvait pas voir les jouteurs, les discussions et les rires retenus ou francs qui l'entouraient donnait à la journée une allure de fête sans pareille. De l'autre côté de la piste, elle pouvait sentir vivre la foule sans même avoir besoin de s'ouvrir à la magie. Et malgré le son des sabots qui martelait le sable comme des démons furieux et le chaos des armes qu'elle détestait tant, le sourire qui paraît son visage était un peu moins surfait que les jours précédents.

Puis se fut le tour de Jindanor. Le silence du début de la joute lui glaça les sangs. A chaque fois qu'une lance se brisait, qu'un choc vibrait dans l'air, elle n'avait put s'empêcher de serrer un peu plus fort le ruban qui cerclait son poignet. Un ruban qu'elle aurait aimer savoir portée par un chevalier bien particulier. Mais c'était un caprice sans importance. Le bruit d'une chute. Un corps tombant lourdement sur le sol. Son souffle déjà court disparut totalement. Ses ongles se plantèrent dans le bras de Rose qui protesta a demi.

Et l'Annonce du vainqueur.

Néera était décidément une bien meilleur protection qu'une rivegoise.

Cette fois, son rire était réel. Elle se reprit juste assez pour ne pas faire encore plus jaser que ce n'était déjà le cas. Après il était a son service et tous le savaient, même s'il ne portait pas ses couleurs que que peut pouvaient imaginer qu'il n'ai pas prêter serment à la famille ou à son père mais bien à elle directement. Autour d'elle, la victoire d'un chevalier de rien faisait grincé des dents, mais le peuple scandait son nom. On scandait son nom… Si en le rencontrant on lui avait dit une telle chose elle ne l'aurait jamais cru.

Une nouvelle joute fut appelée alors que l'exaltation retombait… Mais le tourbillon de bruit, d'odeur, de voix et de sensations ne retombait pas, lui. Alors que des rires s'élevaient soudain à quelques mots d'un des participants, elle se sentait de plus en plus oppresser. Elle n'aurait jamais du mettre un corset aussi serré… Au bout de quelques minutes, ses oreilles commençaient à siffler. Perdue hors de tout repère, une de ses mains se posa sur sa gorge.

« Ma demoiselle… Vous allez bien ?
-Je… J'ai du mal à respirer.
-… Vous êtes blanche comme un linge. Venez, nous allons faire quelques pas… »

Lourdement appuyée sur le bras de Rose, la demoiselle se glissa vers la sortie. Deux pas plus loin, la tête lui tourna. Elle manqua une marche et se rattrapa tant bien que mal à une épaule. L'épaule d'une femme à priori. Elle s'excusa platement avec le peu de souffle qu'elle avait avant de réussir à s'extirper de la tribune. Juste derrière, appuyer sur les piliers de bois qui tenaient la structure, elle se plia en deux, tentant de reprendre son souffle. Malgré l'inconvenance du geste, elle tira sur le voile de deuil qui lui couvrait la tête et retombait sur son col pour dégager un peu sa gorge. La main de Rose lui passait dans le dos mais il lui semblait qu'a chaque battement de cœur, sa respiration était plus difficile. Et chaque respiration sifflante faisait un peu plus monter son angoisse.

Ange jetait des regards distraits aux joutes qui se déroulaient sous les acclamations générales. Elle avait bien du mal a se retenir de ne pas quitter les lieux sur le champs. Voir des hommes s'infligeaient volontairement des blessures pour le divertissement et la gloire, n'avait a son sens rien de distrayant. Par dessus le marché, malgré les petits averses et l'orage de la nuit, l'air était assez chaud, si bien qu'elle peinait a supporter sa cape. Le bonheur voulut que la joute suivante soit celle de l'homme a qui elle avait bon gré, mal gré accordée ses faveurs, Francesco d'Anoszia. Qu'il gagne ou qu'il perde, elle comptait bien s’éclipser sitôt son affrontement terminé, si quelqu'un pouvait lui donner de ses nouvelles de son ami Oschide c'était bien lui. Après que le nom du chevalier fut annoncé, elle capta sur elle son regard, par les dieux il ne manquerait plus que l'homme ait pris l'acquisition de ses faveurs pour bien plus que son refus de l'humilier en public.

Tandis qu'elle s’efforçait de ne point grimacer a cette idée, une dame, visiblement for pressée et la mine bien pale la bouscula, s'accrochant a son épaule au passage. Ange lui jeta un regard inquiet, voyant qu'elle avait besoin d'une aide pour la soutenir. Le bref instant qu'elle s'accorda a regarder son "agresseur", voila que le tour de joute de Francesco était fini. Il avait perdu, mais il eut le mérite que ce soit rapide. Elle décida de ne guère attendre d'avantage pour obtenir quelques réponses. Elle se tira tant bien que mal de la foule en liasse a l'idée de la prochaine joute et alors qu'elle s’apprêtait a s'éloigner les lieux, elle aperçue celle qui un peu plus tot avait captée son attention. Encore plus pale que précédemment, elle semblait avoir grand mal a respirer. N'écoutant comme toujours que son soucis d’autrui, la dame de Solaria oubliant toute convenance s'approcha: " Mes dames, pardonnez mon intrusion mais il se peut que vous ayez besoin de mon assistance. Je suis guérisseuse. " D'acord cela faisait bon nombre d'années, qu'elle n'avait pas exercée de manière " officielle ", mais elle n'avait rien oubliée de la pratique et si le danger se faisait trop grand pour la dame et bien, elle pourrait toujours se servir de moyen moins conventionnelles. Elle jeta un coup d’œil a celle qui soutenait et réconfortait celle en difficulté pour lui demander. " Qu'est ce qui a causé cela ? Souffrirait t'elle de quelques maladies de poitrine ? " Elle reporta son attention sur la "malade", détaillant au passage sa tenue, comprenant par la meme que la dame pourrait bien ne point etre souffrante, mais etre aux prises de son corset, maudit instrument de torture.

La dame palissait a vue d’œil, sa respiration se faisant de plus en plus sifflante, si elle n'agissait pas, il se pourrait bien que la malheureuse rende son dernier souffle. " Par les dieux .. " Grommela Ange avant d’ôter sa cape afin de s'emparer du somptueux poignard qui trônait a sa taille. En une seconde, avant meme que l'une ou l'autre n'ait le temps de crier, elle repoussa le soutien de la dame, avant d'administrer au dos de la robe de cette dernière un coup fatal du bout de sa lame, avec pour effet de relâcher la pression qui l’empêchait de respirer. Elle eu a peine le temps de glisser sa propre cape sur les épaules de sa malheureuse "victime", qu'elle se faisait bousculer par celle qui devait etre sa servante. Ange leva les mains brièvement, signifiant qu'elle n'était point une menace, enfin pas sure que la robe soit de cet avis, puis remit son poignard a sa ceinture. " Pardonnez moi mes dames, mais il me semble qu'entre une robe et sa vie, il n'y'a point de regrets a avoir. " Un sourire, en espérant qu'il soit convainquant car pour sur l'image qu'elle devait leur donner n'avait pas forcément quoi que ce soit de rassurant. Sa cape en velours bleu reposait maintenant sur les épaules d'une autre, dévoilant ainsi sa tenue.  

Ses jambes étaient couvertes d'un pantalon a la coupe serrée, bien que pudique, d'un marron clair qui contrastait joliment avec les bottes qui lui montaient jusqu’à mi cuisse. Bottes oscillant entre le marron foncé et le noir. Le haut de son corps était couvert d'une fine chemise.Les manches du vêtement dépassaient d'une veste trois quart d'un marron d'une autre nuance, un peu plus prononcée que celle du pantalon et aux broderies délicates. Quoi que difficile d’appeler cela une veste. En effet le vêtement ne descendait guère plus bas que sa poitrine, un petit bout de tissu ajusté qui mettait son dos et ses courbes en valeurs. Le tout était complété d'un morceau de cuir épais, finement gravé de jolis motifs, prenant naissance sous sa poitrine et allant prendre sa chute au dessus de ses cuisses. Bien que n'ayant pas le but de s'ajuster a la tenue, mais plutôt d'offrir une protection a sa porteuse, il faisait néanmoins merveille avec le reste. Ses cheveux, avaient eu a souffrir du peu de confort de son voyage et se voyer quelques peu rebelles de par diverses mèches qui s'étaient échappées des rubans retenant sa coiffure. Pour parfaire cette image, elle portait son épée a la taille, ainsi que le poignard qui avait présentement sauvé la dame. Poignard a l’emblème des Soltariel. " Je ne vous suis en rien une menace. " Déclara t'elle a celle qui la fixait toujours d'un air hostile. Servante, compagne ou garde du corps ? Difficile a dire présentement. Reportant son attention sur celle qu'elle avait libérée de sa prison de tissu, elle demanda: " Vous sentez vous mieux ma dame ? " Il vaudrait mieux, sans quoi la robe aurait périe pour rien.

Une voix féminine retentit quelque part dans l'univers. Rose reconnue la jeune dame étrangement accoutrée qu'elles avaient bousculées en quittant la tribune, mais elle était trop inquiète pour s'arrêter sur ce détail minime. C'est avec une certaine emphase… et une certaine panique qu'elle répondit à l'étrangère, visiblement suderonne.

« Non. Elle a bien le rhume des foin au printemps mais rien de semblable. Nous étions assise et elle s'est trouvée mal. Les bruits d'arme et de combats l'angoissent. C'est peut-être seulement ça. »

Mais elle n'avait pas fini que l'étrangère approchait, arme à la main. Rose retint un hurlement en s'interposant entre Cécilie et son agresseur. Mais elle se fit bousculée sans ménagement et tomba. La lame s'abattit sur le dos de la jeune demoiselle en un geste ample. Cette fois Rose cria. Un cri couvert par la salve de hourra et de huée qui venait de s'abattre sur la joute.

Mais déjà l'étrangère glissait sa propre cape sur les épaules de Cécilie et reculait d'un pas, les mains bien en évidence.

" Pardonnez moi mes dames, mais il me semble qu'entre une robe et sa vie, il n'y'a point de regrets a avoir. "

Rose resta un instant éberluée, toujours assise, le séant dans l'herbe le temps de comprendre cette mystérieuse phrase. Cécilie tomba à genou en toussant, les bras pressés contre son buste pour retenir le corset qui essayait de partir en goguette, délogeant à la fois son décolleté et le voile qui finissait de la couvrir.  

Malgré une inspiration plus profonde, son souffle était toujours sifflant… et erratique. L'action rapide, l'impression d'attaque dans son dos, le fait qu'on lui arrache Rose, le cri, l'inconnu, tout cela dans le flou de perception sonore qu'elle essayait de comprendre pour ne pas perdre pied. Tous les éléments semblaient s'être donné rendez-vous pour la faire paniquée. Elle avait beau s'être endurcie ces dernières ennéades, elle avait de nouveau trouvée sa limite. Tétanisée, les bras enroulés autour d'elle, ses quintes de toux devenaient de plus en plus rapprochées, l'empêchant de reprendre son souffle.

« Que ce passe-t-il ?! » réussit-elle a articulée, totalement terrorisée.

Rose sauta presque vers elle, se fichant éperdument que sa robe grise et verte aussi simple que saillante puisse en pâtir. Peut-être qu'on arrêterait de la prendre pour une noble demoiselle pendant quelques heures.

« Tout va bien Cécilie. Tout va bien. » Elle se tourna vers l'étrangère. « Vous êtes folle a liée ma parole ! Le Demoiselle de Laval ne supporte pas les émotions fortes ! Qui êtes-vous d'ailleurs pour agir ainsi ?! Ne vous approchez plus d'elle. C'est compris ?! »

Ou plutôt il ne fallait pas tirer sur la corde après les événements de la dernière ennéade l'année précédente. Un enlèvement et trois proches présumés morts plus l'assassina de sa nièce de six ans et la trahison de tous ceux avec qui elle travaillait… se retrouver d'un coup avec un poignard sur la peau n'avait rien pour permettre de tourner la page. Elle détacha totalement le Voile qui lui pesait sur la tête avant de passer une main rassurante dans le dos de la demoiselle.

« Cette dame voulait juste nous aider. Elle s'est montrée un peu brusque mais elle a reculée. Elle a rengainé son arme. Tout va pour le mi… »

Une nouvelle hourra les fit toute deux sursauter. Dieux que cette scène pouvait être surréaliste. Elles étaient tranquillement en train de suivre la joute et quelques secondes plus tard Cécilie était à genoux sur le sol en train de cracher ses poumons et d'essayer de retenir ses dessous fuyants après qu'une totale inconnue ait tranchée dans le vif (et dans sa robe par la même occasion) pour finir par lui donner sa propre cape… de belle facture au demeurant.

Avec un peu de temps, de calme et peut-être aussi grâce à l'air que lui avait rendu sa folle sauveuse, elle arriva a retrouver un souffle, si ce n'était stable, au moins suffisant pour ne pas tomber dans les pommes. Rose l'aida à se remettre sur pieds même si ses jambes restaient tremblantes et qu'elle restait courbée pour ne pas que son corset ne prenne plus encore ses jambes à son cou. Petit à petit, Cécilie s'obligea a rouvrir les paupières qu'elle avait gardé fermement closes jusque là. Ses yeux humblement baissés sur le sol étaient d'un bleu soutenu... et d'une fixité qui demandait à peine quelques secondes pour être comprise dans de telles conditions. La jeune femme était aveugle.

« Que… » elle étouffa une quinte de toux et poursuivit d'une voix encore apeurée entre deux sifflement d'air dans sa gorge « Que voulez vous. »

Rose continuait a fixer la noble dame d'un œil mauvais. Pas question de laisser cette folle agir de nouveau à leur encontre alors qu'elle portait épée et poignard à la ceinture!

Ange observait les deux femmes d'un regard dérouté. Il semblait désormais évident que l'une était une dame et l'autre sa servante. La première, qu'elle avait libérée de son corset, se trouvait etre aveugle si l'on s'en fier a l'immobilité de son regard. La seconde elle, lui lançait des regards hostiles. Quoi par ce que la dame était de porcelaine, il fallait évité de la briser ? Curieux qu'elle ne soit pas deja morte mille fois dans la noblesse, ce monde la n'était pas fait de tendres. L'espace d'une seconde, celle qui se prénommait Cécilie lui rappela sa défunte amie Ashenie de sephren, un petit oiseau fragile, oppressée par la cage de la noblesse, tous savaient comment avait fini l'histoire. Réprimant ses pensées mélancoliques, Ange s’efforça a nouveau de sourire. " Mes Dames, si folie il y'a a vouloir sauver une dame. Alors que les dieux me pardonnent, mais oui je suis folle et fort fière de l'autre. "   Enfin la soit disant folle qu'elle était, elle au moins ne s'était pas coincée dans une camisole a poumon alors qu'elle était sujette aux crises de panique. Elle soupira puis décida malgré tout de se présenter. " Angelina de Solaria, bien que je ne pense pas que mon identité vous serve a quoi que ce soit présentement. "

Elle jeta ensuite un regard peu amène a la servante. " Si elle ne supporte points les émotions fortes alors enfermez la dont dans une tour pour la protéger de tout les monstres qui comme moi n'en veulent qu'a son bien. " Elle reporta toute son attention sur la dame, fixant son regard dans l'immobilité du sien. " Je ne vous veux rien Ma dame, absolument rien. Vous m'aviez l'air en difficultés et parfois dans l'urgence il faut savoir agir sans hésitations. les hésitations sont propices a nourrir la panique et a la faire enflée, vu que la panique vous semble une ennemie dangereuse veuillez vous en souvenir. " Un sourire, bien que celle a qui s'adressent ses mots ne pusse le voir. " Mes intentions n'étaient point de vous effrayer. Croyez bien que si ma présence vous apporte quelques inconforts, je disparaîtrais aussi vite que je suis venue et si il faut quelques dédommagements pour votre robe, je serais fort heureuse de vous les donner. " Cela m'apprendra a etre serviable, pensa t'elle ironiquement. La noblesse restait la noblesse hormis quelques exceptions, dont elle faisait partie. Le regard soucieux elle ajouta: " Néanmoins, je ne vous laisserais pas avant d’être sure que vous alliez mieux. " Histoire que vous me traitiez avec autant de gentillesse un peu plus longtemps, pensa t'elle avec une ironie amère. Se tournant vers la servante, elle continua d'une voix bien moins amicale. " Sachez que quand panique il y'a un corset peut etre une arme fatale pour sa porteuse. Mais j'imagine puisque vous êtes bien moins folle que moi, qu'il ne vous aurait jamais pris l'idée de l'en délivrer pendant qu'elle agonisait. "

Les mots étaient dures, la servante semblait après tout prendre grand soin de sa dame et lui etre d'un profond réconfort. Néanmoins vu l'ampleur de la crise, une caresse dans le dos n'aurait pas suffit a la sortir de son état. Puis aussi serviable, qu'elle pouvait l’être, Ange comme tout a chacun supportait mal de se faire insulter par une parfaite inconnue, surtout pour un stupide morceau d’étoffe. Prenant sur elle pour ne pas envenimer la situation, elle repoussa toute forme d'hostilité. " Vous feriez bien de la conduire au calme, quelques repos ne lui seront pas superflus, tout comme un peu de silence et une tisane. " Elle avait quelques plantes dans son sac, parfaites pour une infusion dont aurait bien eu besoin la dame, mais se doutant qu'elles n’accepteraient plus rien d'elle sous peine de l'accuser de tentative d'empoisonnement, elle se garda bien d'en parler. Elle aurait déjà due filer, qu'importe sa cape. Elle n'avait plus rien a faire ici et visiblement sa présence n'était pas bienvenue, néanmoins elle continuait a fixer la dame de porcelaine d'un œil inquiet. Elle respirait mieux certes, mais elle lui semblait toujours bien pale. Ange s'en serait voulue qu'il lui arrive quelques chose après qu'elle l'ait quittée. Remercions donc sa nature généreuse, qui lui avait attirée bien trop d'ennuis dans sa vie, sans pour autant que ça l'en guérisse.

Rose était toujours raide, se mordant l'intérieur de la joue pour ne pas répondre a cette dame de Solaria. Cette femme était folle. Tout simplement. A la place d'une simple excuse pour son geste violant, elle l'affirmait sans aucun regret ni ménagement. C'est sûr qu'à créer des crises de paniques, on avait bon dos d'arriver en sauveur ! Et elle se prétendait guérisseuse…

Cependant à la première phrase peu amène que la suderonne lui adressa, Rose fut presque étonnée de voir Cécilie se redressée légèrement pour couper net :

«  Ne vous avisez plus de parler ainsi à ma suivante. Vous ne savez rien de moi. Alors je vous prierai de garder vos jugements. »

La tour, elle avait passé suffisamment de temps à s'y complaire. Une voix ferme et tranchante sur fond de respiration sifflante et de tremblement… Un spectacle bien étrange. Un oiseau apeuré qui n'hésitait pas à faire et dire malgré tout ce qu'il jugeait important et juste. Puis elle avait poser sa question. Que voulait cette personne après tout ? C'était souvent là que le bas blessait. Elle l'écouta s'expliquer. Elle se clamait comme une sorte de sauveuse et avait agi plus qu'inconsidérément, mais ses intentions semblaient être réellement louables… Pourquoi ne pouvait-elle pas tomber sur des hommes et des femmes normales dont l'éducation n'était ni affaiblit par la luxure, ni niée par un quelconque besoin de prouver son utilité ou une quelconque confusion entre la générosité et l'intrusion ? Non pas que ceux qu'elle rencontraient ne soient pas sympathiques, mais leurs façons déstabilisantes et fort cavalières la prenaient de court. Son cœur ne résisterait pas éternellement a ce genre d'émotions fortes. Il le lui prouvait encore en refusant de ralentir ou de trouver un rythme régulier.  

« Suffit. Gardez votre fiel... Il ne vous rend pas honneur. » siffla-t-elle au sens premier du terme lorsque l'étrangère s'en prie de nouveau à Rose. « D'ordinaire je me reprends vite… J'ai une gène dans la poitrine… Depuis ce matin… Et je… Je n'aurais pas dû… venir » Sa respiration difficile devait lui donner un air on ne pouvait plus pitoyable… Elle prie deux inspiration hésitante avant d'ajouter «  Je vous remercie… pour votre intervention. Mais veuillez ne plus… agir aussi brusquement. »

Parler l'obligeait à réguler son souffle et a poser sa respiration. Sa gorge serrée se détendait peu à peu, ses quintes de toux devenaient moins alarmantes. Mais elle était toujours loin de retrouver ses aises.

Fort bien la servante comme la dame étaient aussi reconnaissantes l'une que l'autre. Si elles voulaient s'en rester a leurs conditions de femmes fragiles et se montrer hautaines, voir totalement irrespectueuses envers elle, grand bien leur fasse. Ange devait cessée de perdre son énergie avec ce genre de personne. N’étant point une femme de mauvaises pensées, elle ne souhaitait pas qu'il leur arrive le moindre mal, elle souhaitait meme que la dame de porcelaine prenne sur elle pour se montrer plus robuste a l'avenir, sans quoi elle ne donnait pas cher de sa peau. Néanmoins toutes bonnes prières mises a part, elle ne resterait pas la ou sa présence n'était pas désirée sous le prétexte d'épargner un état émotionnel trop sensible. Les courbettes et les faux semblants, n'entraient pas dans la liste de ses compétences. Toute gentillesse avait ses limites, y compris la sienne. " Il est vrai ma dame que je dois a votre suivante le meme respect qu'elle m'a témoignée. " Sourire ironique. " Etant donné qu'elle fut la première a me traiter de folle alors meme que j'essayais de vous porter assistance, vous m'excuserez de ne n'avoir points de remords quand aux mots prononcés. "

Elle les regarda l'une après l'autre. " Soyez rassurée, je ne compte plus agir tout court. Je sais reconnaître quand ma présence se fait indésirable. " D'une voix plus douce elle ajouta. " Je ne sais rien de vous au meme titre que vous ne savez rien de moi. Au contraire de votre suivante, je ne vous ai en rien manquée de respect, sauf si c'est ainsi que vous prenez ma tentative de vous aider. Pour mes attentions, je n'ai reçue que du mépris. Votre faiblesse n'est peut etre pas celle que l'on pourrait croire. " Si c'est ainsi qu'elle témoignait quelques reconnaissances, elle devait avoir de sérieux problèmes affectifs et pour que ce soit Ange qui pense ça, autant dire que le soucis devait etre majeur. " Ce que je sais en revanche, c'est que si vous donnez motifs aux gens de vous trouver faible, alors ils n'hésiteront pas a vous briser. Prenez sur vous ma Dame, tout le monde n'aura pas des intentions aussi bonnes qu'étaient les miennes. " D'un coup de menton elle désigna sa cape. " Si l'envie vous prenez de me rendre mon vêtement, vous avez mon nom, vous saurez me retrouver dans les appartements qui m'ont étés attribuer. Bien que d'ici demain matin, je serais sans doute deja sur le chemin du retour. " Elle glissa ensuite un regard dépourvu de toute hostilité dans celui de la servante, a qui serait attentif, il pourrait également y lire quelques traces d’inquiétudes. Quelque peu furieuse de l’accueil reçut ou non, on ne change pas sa nature. " Prenez soin d'elle, elle semble en avoir grand besoin. "

Un signe de la tete puis elle se détourne. Contrairement a la fleur fragile qu'elle vient de rencontrer, Ange a appris a ne plus laisser les autres la blesser. Si elle cherche toujours a aider les autres dans le meme besoin de protéger autrui qui a toujours été sien. Elle y met bien moins d'implication. Elle a trop donnée, trop perdue et trop souffert. Cela l'a endurcie, d'autres cela les brise. En ce monde il y'a deux catégories de personne. Ceux qui subissent le monde et ceux qui l'affrontent. Elle espérait pour celle qu'elle laissait derrière elle, qu'elle ferait partie de la catégorie qui se relève et non de celle qui reste a terre. Mais cela ne la regardait pas, on ne pouvait aider les gens trop fier pour accepter assistance.

Mais qu'avaient donc toutes ses garçonnes à se penser le centre du monde ? Elles agressaient, taillaient, accusaient comme si elles étaient les personnes les plus brimées et malmenées par la vie. Comme si d'hypothétiques difficultés leurs donnaient le droit d'ignorer les sentiments des autres et obligeait leur entourage à les aduler. Hier Lyarra qui faisait une esclandre dans un temple, aujourd'hui cette femme qui lui tombait dessus. N'y avait-il pas une femme dans ces contrées qui arrête de se poser en victime persécutée au point de se croire la seule personne digne d'admiration quelle que soit ses actes ? Par tous les dieux ! Cette femme était si aveuglée par son égo qu'elle ne voyait pas le mal qu'elle avait causé à celle qu'elle prétendait aider et se plaignait qu'on ne l'acclame pas en héros ?

Étrangement, la colère qui montait à la tête de Cécilie faisait efficacement office de coup de sang. Cette étrangère qui avait transformé une crise d'angoisse en crise de panique sans s'en émouvoir le moins du monde venait également de relever sa victime aussi violemment qu'un ressort. La respiration toujours malhabile, la jeune femme se redressa tout à fait, stoïque sans même ouvrir la bouche sous les mots fielleux de l'étrangère. Elle la laissa déverser son venin comme on écoute le fracas d'une cascade. Ses lèvres entrouvertes pour glaner un peu d'air, elle gardait le léger sourire paisible qu'elle avait pris pour la remercier… Bien que son effort pour rester avenante malgré ce qu'elle venait de vivre n'ait pas été apprécié. Ses jambes flageolaient et son regard était porté dans le lointain, un manque inhabituel d'humilité, mais elle n'en avait cure pour l'instant. Une de Laval ne se laisserait pas traiter de la sorte en gardant la tête baissée.

Lorsque la dame eut finit son long discours ininterrompu digne d'une pièce de théâtre, Cécilie se défit de la main secourable de Rose. Elle essayait tant bien que mal de maîtriser le sifflement de son souffle et les soubresauts de toux qui la secouaient encore, le tout avec un succès mitigé. Tout en gardant une main sur l'avant de sa tenue pour éviter de se retrouver à demie nue, elle retira la lourde cape d'un geste ample en prenant garde a ce qu'elle ne traîne pas par terre et la tendit bien haut devant elle, ne pouvant aller la rendre en main propre à sa propriétaire avant qu'elle ne tourne les talons.

« Je vous remercie une fois de plus pour votre attention... mais je n'aurais pas l'usage de ceci. » dit-elle simplement, attendant que sa propriétaire la récupère, son corps mis au supplice par le simple fait de rester ainsi bras levé.

L'amertume qu'elle sentait dans la voix de cette femme la peinait. Malgré ses façons, elle semblait réellement avoir voulut agir pour le bien et si cela ne l'excusait pas, cela donnait à ses actions une saveur innocente de celles des enfants qui aiment croire que le monde doit se conforter à leur volonté et qui veulent une vie d'aventure sans devoir en payer le prix. Alors que les pas revanchards de la soit-disant guérisseuse s'éloignaient, elle se décida à lancer, comme un conseil.

« Je ne prétend pas vous connaître, mais vous n'avez que le mot faiblesse à la bouche... Peut-être devriez-vous être moins prompte à juger autrui et un peu plus à vous pencher sur vous-même. Je vous souhaite de savoir un jour faire la différence entre vouloir quelque chose et y parvenir car les pires maux viennent souvent des meilleurs intentions et tant... que vous ne saurez pas regarder vos erreurs en face, vous devrez affronter éternellement les même fuites et les même déboires. Puisse Néera veiller sur vous. »

Rose vint la couvrir de sa propre capeline tout en l'enjoignant d'un geste à se détourner.

« Rentrons au Palais. Il faut vous changer et vous reposer. »

Cécilie ne répondit que d'un hochement de tête. Sa tirade l'avait de nouveau privée du moindre souffle. Marchant pesamment vers le Palais Seraphin, elle remercia Rose a maintes reprises pour lui avoir éviter une chute tête la première dans les graviers et garda une brève pensée pour l'étrangère. Certaines personnes semblaient si mal accepter leur vie et leurs devoirs… au point de juger le moindre geste, la moindre phrase. Que ce soit pour sa tare ou son comportement, elle-même avait souvent été jugée et traitée comme quelqu'un qu'elle n'était pas. Des hommes se disaient généreux mais attendaient qu'on les paye en admiration et en gloire. D'autres pingres alors qu'ils protégeaient leur famille qu'importe ce que les autres en pense. Alors elle ne gardait qu'une compassion mêlée d'énervement pour l'inconsciente qui lui avait fait si peur.

Arrivées au palais, le souffle de la musicienne n'était toujours pas revenu à la normale et l'angoisse qui découlait de cet état n'aidait certainement pas. Débarrassée de sa robe lacérée et de son corset fendu, en simple chemise, elle se laissa allongée. Le guérisseur, qui n'avait pas émis la moindre question face à la tenue déchirée de la demoiselle, donna comme consigne de lui faire respirer des vapeurs pour ouvrir les poumons. D'après lui, ce n'était qu'une crise due aux humeurs féminines et à la chaleur de la saison. Rien d'alarmant. La médecine fit son office, le calme et la détente firent le reste. D'un commun accord, Rose et elle décidèrent de ne pas parler de l'incident au reste de la famille. Au mieux cela leur aurait donné du tracas. Au pire cela en aurait donné à la Dame de Solaria.