Une accalmie par temps trouble.

La ville de Wenden, à l'extrémité de la Malelande, fourmillait d'activité. Ce bourg, qui autrefois avait été bâti par les seigneurs d'Arétria pour garder la trouée vers Serramire, était aujourd'hui remplie des hommes liges du maître des lieux. Bien qu'initialement ville de garnison, Wenden croulait littéralement sous la soldatesque ; Anseric ayant levé le ban et l'arrière ban, les hommes s’étaient regroupés dans les bourgs d'Arétria, sans toutefois en bouger, le comte méditant encore sur ses prochains objectifs. Cette promiscuité ne menant généralement qu'aux troubles, il avait été donné le mot que l'on devrait occuper l'Ost de manière à ce qu'il ne se débauchât point, ni ne rompe le ban. Le fidèle Ganelon, de la maison de Wenden, avait par conséquent organisé un tournoi, y invitant son suzerain ainsi que d'autres nobles du voisinage.

Lorsqu'Anseric, convié, vint assister aux joutes, il trouva la ville apprêtée pour livrer guerre, ce qui le ravit en admiration pour son vassal. Le fossé avait été élargi, les hauberts rutilaient des courtines, et, parbleu! il y avait tant d'hommes en armes qu'on avait été obligé de sortir des faubourgs pour les loger. Une lice avait été bâtie sur la plaine, ainsi que des modestes tribunes, qui s'étaient trouvées dans de dispositions tant commodes, que, si l'on l'avait souhaité, on puisse les laisser telles quelles jusqu'aux prochaines joutes. La gueusaille des alentours s'étaient empressée de venir vendre ses biens aux puissants, flairant la bonne affaire, si bien que paradoxalement, le seigneur faisait bombance et stockait le grain à la fois. Là où d'autres, à l'approche des troubles, préféraient amasser l'or pour payer les rançons, le bon Ganelon estimait qu'il fallut mieux pourvoir sa ville en vivre pour qu'elle résistât au siège.

La plupart des chevaliers à concourir venaient de la malelande ; c'était cette jeunesse fougueuse qui pensait ne se lasser de la guerre qu'à l'approche de la mort. Hâbleurs mais vaillants, ils cherchaient toute occasion qui puisse leur donner ce fait d'armes qu'ils attendaient, qui ferait rejaillir le renom. Anseric ne pouvait guère blâmer cet emportement juvénile, lui qui vingt ans durant avait couru le pays en quête de gloire (et dont l'errance avait pris fin non pas suite à une geste, mais à un simple héritage). C'était le lot de tout ces coqueberts, et peu s'en détournaient, en pays arétrian. Néanmoins, et c'était chose étonnante, il était venu d'autres bannières à ce tournoi. En sus des chevaliers locaux, on pouvait distinguer, si l'on eut l’œil encore vif, les armoiries d'étrangers. Le seigneur de Wenden était en effet un seigneur singulier, puisqu'il était plus libéral que ses pairs. Ce n'était pas chose rare pour lui que de libérer un serf, ou d'anoblir un gueux. Pareillement, alors qu'il était chargé de lever le ban, l'homme avait convié des épées étrangères, sous prétexte d'amusement. Un comportement ma foi singulier, qui ne manquât pas de faire sourire Anseric. L'homme n'était pas né de la dernière pluie, et comprenait pleinement les visées de ceci ; il en fut d'autant plus satisfait, quand il apprit de son vassal que le seigneur d'Etherna avait répondu positivement à l'invitation. On ne pouvait trouver meilleur contexte pour une rencontre harmonieuse durant ces temps troubles, que des festivités.

"N'est-ce pas le fils de Buxenhoven, celui qu'on surnomme la Hure ? Diable, il mesure bien six pieds, le ladre! Je gage que s'il bat le fer comme son paternel, c'est un homme à vous en conter, Sire!", commentait Ganelon à la vue d'un jeune bachelier du pays. Cela faisait désormais plus d'une heure que l'homme devisait sur les joutes, sur le roi, sur la guerre. Bref, il tuait le temps. Anseric, de son côté, ne répondait qu'à mi-mots, trop heureux de garder sa salive pour son prochain interlocuteur. À vrai dire, s'il avait du rivaliser avec son vassal, il n'aurait pu à n'en point douter causer pour deux semaines! Ganelon était un fieffé bavard ; il avait cette logorrhée continue, doublée d'une voix virile, qui permettait tant aux seigneurs de converser des heures, qu'aux ivrognes de tenir des discours tout une nuit durant. Un vrai gueulard, qui n'avait jamais eut à souffrir d'une extinction de voix sur le champ de bataille (une chance!).

Lorsque les échos de l'arrivée du baron roulèrent jusqu'aux oreilles des seigneurs, les palabres reprirent de plus belle, et toujours de plus en plus inégalement. Le vavasseur, voisin d'Etherna, connaissait alors déjà bien des rumeurs sur ce Jérôme ; on le disait bien jeune, encore pétri de ces idéaux chevaleresques qui sur le champ de bataille faisaient la différence d'un homme honorable et d'un homme vivant. À cela n'opposa Anseric nulle vilénie, lui qui dans la force de l'âge s'était évertué à briller selon ces canons-ci, et n'avait qu'avec le temps (et le pouvoir) compris de quoi il en retournait. Dès lors, on se contenta de spéculations hâtives sur ses prouesses martiales ; il serait grand comme un percheron, fendrait les hommes comme les blés, banderait l'arbalète de passe aux reins, etc. Les racontars en appelèrent d'autres, et les deux hommes commencèrent à s'épancher sur leurs gloires passées, exagérant à qui mieux-mieux leurs anciens faits d'armes, dont ils n'étaient aujourd'hui les seuls témoins.

La discussion tourna court, lorsque trop enorgueilli par ses souvenirs à demi-mensongers, Ganelon suggéra que son suzerain défiât le baron, "histoire de voir ce qu'il valait vraiment, celui-là". Anseric, qui, peut-être car de vingt ans plus jeune que son vassal, avait su raison garder, se dédit aussitôt d'en faire ainsi. "Ne nous laissons point abâtardir par nos vieilles caboches, ami. Sapience n'est pas vaillance, et celui-là aurait tôt fait de me faire manger le sable de l'arène. Et puis, qu'y ai-je à gagner ? J'ai bien assez prouvé ma valeur, dans le temps ; que ne le ferais-je aujourd'hui, quand mes os sont friables et mes reins dolents ? répondit-il, exagérant avec malice sur cet habit de vieillard dont il aimait se parer. Non, vraiment, ce ne serait pas sage, les jeunes peuvent gagner cette victoire à ma placer, je n'y tiens guère." Il entraperçu alors ces vingt ans de femme lui tenant lieu d'épouse, et au travers de ce regard vif, et de ces lèvres purpurines, se vit dans tout l'éclat de cette jeunesse que lui aussi avait eut.

...


Une heure plus tard, on le retrouvait dans le sable de la lice, piaffant, caracollant, haranguant la foule, dressé debout sur un destrier qu'il ne cessait, pour son plaisir, de faire ruer. "Encouragez moi, ma mie!", cria-t-il à l'adresse de Clélia, avant de lancer sa monture contre un premier opposant.

Tout le jour durant, Anseric s'était démené dans la lice tel un fauve, arrachant leurs cimiers à plus d'un jeune concurrent. Il s'était, à plusieurs reprises, surpris lui même -fait peur, également- en osant des acrobaties périlleuses dont il se serait cru incapable depuis maintenant des années. Il achevait sa journée soufflant comme un buffle, la sueur dégoulinant de son harnois, quand le héraut annonça la dernière joute l'opposant au baron d'Etherna. Remontant péniblement sur son destrier lui aussi fourbu, le comte embrassa du regard son brin d'épouse, bien décider à clore cette journée de la manière la plus ébaudissante qui soit. Talonnant sa monture, il se laissa pencher sur le flanc de sa monture, à la manière des habiles cosaques arétans, bien décider à arracher le panache de son adversaire sans que celui-ci ne puisse rien balayer d'autre que du vide. La manœuvre eut certainement fait l'admiration de tous, si au moment de frapper, ses reins ne lancèrent point tant Anseric. Pris d'une douleur aigüe, l'homme se releva prestement, frappant son adversaire dans la tronche en même temps que son écu encaissait la frappe de plein fouet. Déséquilibré, il chût lourdement, les tronçons de lance volant entre ses mains. Cloué au sol par sa pesante armure, Anseric fut incapable de se relever, la douleur dans ses reins l'immobilisant. Ce ne fut que quelques instants plus tard, une fois debout grâce à l'aide d'un page, qu'il constata le match nul. Son adversaire, sans qu'il ne se l'expliqua, avait également mordu la poussière. Son cimier gisait au centre de la lice ôté du heaume par la frappe du comte. Ce dernier s'en saisit lentement, gémissant au moment de se pencher, avant de le brandir à l'adresse de la foule, qui exulta. S'il n'avait pas gagné, au moins s'était il débrouillé pour ne pas perdre. Le cimier alla rejoindre son propriétaire légitime, quand Anseric vint le lui rendre de bonne foi.

"Doux sire, je n'espère pas avoir à vous décheffer trop souvent, vu ce qu'il m'en coute!"

Ils regagnèrent la tribune, tandis que le bon vassal Ganelon faisait gentiment distribuer du pain aux gueux, tout en ordonnant que l'on sorte un porc rôti du tournebroche. Peu après, les seigneurs et leurs épouses se trouvaient assis sur de grands bancs, devant des tables dressées à même la plaine. Le seigneur de Wenden leva son verre à la santé du comte et du baron, leur souhaitant "une bonne entente et bonne amitié". Anseric, bien installé, jeta un regard rapide à sa douce, avant de fixer son voisin ethernien et de commenter ainsi "Je ne demande qu'à cela, doux sires, je ne demande qu'à cela."

La finale de la joute, voila où Jérôme avait réussit à se hisser et ce n'était pas sans avoir lutté qu'il était parvenu jusque la. Alors qu'il se préparait et montait sur sa monture, il vit que des couleurs étaient attachées à la lance d'Anseric, c'est à ce moment seulement qu'il prit conscience que son épouse était présente et tout le monde savait qu'elle était la baronne d'Olyssea, un autre voisin direct d'Etherna. Voila un nouvel élément à prendre en considération.

Le Comte était face à lui et les deux chevaux s'étaient élancés à la rencontre l'un de l'autre. Des coups vicieux, il y avait dans ce "sport" et désarçonner son adversaire était ce qu'il y avait de plus humiliant. Le Baron n'était certainement pas venu ici pour ridiculiser Anseric, ni pour l'offenser, encore moins devant ses propres sujets, c'est pour cette raison que Jérôme choisit de viser tout simplement l'écu de son adversaire. Vu son habileté qui n'était plus à prouver, encore moins en étant arrivé à ce stade de la compétition, il n'y avait aucun doute qu'il réussirait à bloquer le coup. De son côté, le dirigeant d'Etherna se concentra afin de ne pas faire pale figure et de conserver l'image qu'il avait acquis en si peu de temps auprès de la populace.

Lorsque Anseric se pencha sur le flanc de sa monture, Jérôme écarquilla les yeux, surpris par cette manœuvre des plus audacieuse, même sans prendre en compte l'âge du Comte. Perturbé par cela, il n'eut pas la présence d'esprit d'ajuster sa frappe et cela fut heureux car aussi soudainement qu'il s'était penché, Anseric se redressa, bien droit sur son cheval et de nouveau la lance du Baron était orientée sur son écu. La déconcentration n'aidant pas, il ne vit pas que la lance du Comte s'était levée dangereusement vers sa tête, il encaissa le coup de plein fouet et il vida ses étriers. La violence du choc lorsqu'il toucha le sol, cumulée avec la frappe en haut de son heaume l'étourdit pour de bon, il était maintenant à terre et ne bougeait plus, voyant une multitude d'étoiles tourner.

Son écuyer accourue et lui demanda si tout aller bien, le Baron finit par redresser sa tête tout en restant allongé et il la secoua pour retrouver ses esprits petit à petit. Il finit par repousser doucement l'écuyer et il se releva seul, c'est alors qu'il vit le Comte en train de lever son cimier vers la foule exultant, l'écuyer lui expliqua ce qu'il s'était passé

"Vous l'avez aussi désarçonné, c'est un match nul"

N'ayant pas de réponse, il s'abstint de parler et se mit en retrait derrière le Baron au moment où le Comte lui tendait son précieux cimier et lui faisait un compliment. Jérôme ôta son casque qu'il mit dans le creux de son bras gauche et il prit délicatement son ornement de la main droite en faisant un signe de tête amical à Anseric

"Votre grandeur, ce fut un honneur de jouter contre vous, votre force fait honneur à votre nom, quel coup magistral"

Les deux hommes regagnèrent la tribune sous les acclamations de la foule, surtout destinées au Comte et les festivités débutèrent. Jérôme retourna vers sa tente et il se fit retirer son armure, il se vêtit d'une chemise chaude blanche et il passa une tunique de couleur rouge. Il ceignit une épée courte à son côté, laissant sa précieuse flamberge à la garde de ses hommes, il n'était pas venu pour outrager ses hôtes mais il voulait pouvoir se défendre au cas où.

Il se présenta à l'endroit du festin où des tables avaient été disposé sur la plaine. Le Comte et son épouse étaient naturellement à la place d'honneur, Jérôme s'assit la ou on lui dit et il se prépara à passer une soirée longue et ennuyeuse du fait qu'il ne connaissait personne. Pourtant le prestige qu'il avait acquit dans la journée fit que ses voisins de tablée était enclin à entamer la conversation. Le seigneur de Wenden, un certain Ganelon, organisateur de la joute se leva et il fit un toast à la santé du Comte et du Baron, espérant qu'une bonne entente et amitié verrait le jour entre les deux nobles.

Son esprit reprenant le dessus, Jérôme se retrouva de nouveau sur ses gardes quand à la raison de son invitation à la joute, étant le seul à avoir été invité en dehors des vassaux du Comte. Il ne manqua d'ailleurs pas le regard rapide, voir furtif, qu'Anseric jeta à son Clélia avant de prendre la parole et d'aller dans le sens de Ganelon. Le Baron fut de nouveau assaillit par les doutes sur le fait qu'Etherna était auparavant une terre qui faisait partie du Marquisat de Sainte Berthilde. Ajoutant à cela les évènements récents et l'avenir plus qu'incertain, il ne savait pas sur quel pied danser.

Jérôme se leva de sa chaise et il en fit de même pour son verre en direction du Comte, il était entièrement dans le monde de la politique et il fallait aujourd'hui qu'il donne le change sans montrer qu'il s'y connaissait peu

"Il en va de même pour moi votre grandeur"

Il fit ensuite un appel au Comte, demandant (et espérant) ainsi un entretien plus....discret......mais également à la baronne en faisant voyager son regard de l'un à l'autre en même temps qu'il parlait

"Je ne doute pas que nous nous reverrons sous peu afin de sceller cette nouvelle amitié entre nos régions."

Voila qui était fait, il priait pour que ses mots n'aient pas été trop directs

Le comte répondit aux déclarations de son voisin par un sourire voilé. Quoiqu'elles fussent empreintes de langue de bois, à laquelle on échappe jamais, ces paroles correspondaient plus où moins à ce qu'Anseric voulait entendre. Satisfait, il anima le reste du banquet par son verbiage abondant, ne ratant pas une occasion de faire un bon mot ni de trinquer.

Lorsque la cohorte se retira, Hans se saisit du moment pour aborder le baron. Tout le monde regagnait ses tentes, laissant sur la plaine des bancs et des tables souillées, comme un écho à la précédente agitation. Notre héros s'écarta de ce triste spectacle, avançant de quelques pas dans la malelande, cette plaine âpre propre au comté. Lorsqu'il fut tout près de son ancien adversaire, le comte lui glissa ces quelques paroles, d'un ton qui se voulait sincère, voire confidentiel :

"Le pensiez vous vraiment ? entama-t-il, ce que vous disiez, ce tantôt ; sceller notre amitié, y croyez vous de manière lucide ? laissant sa phrase en suspens, l'homme parut chercher ses mots Les Cinq, hélas, ne vont pas nous offrir cette chance, je le crains. Vous êtes lié à des hommes que je ne saurais aujourd'hui rejoindre moi-même, fallu-t-il en passer par la lutte, et je crains que nous ne retrouvions à d'autres occasions moins réjouissantes qu'une joute." conclu-t-il, avec la certitude de l'homme qui s'apprêtait à déclencher une guerre. Faisant trois pas en avant, notre héros embrassait de sa vue l'étendue de plaine, guignant l'horizon (et au delà) dans la direction d'Ack.

"Et que m'en couterait-il! explosa le comte, n'y tenant plus, car diables, comment se fait-ce que l'on devinsse ennemis, nous que la même terre a vu naître. Parbleu, aussi vrai que la lande s'étend jusqu'à vos domaines, je vous le dis, venir acontre votre personne me semblerait être un fratricide."

Conscient qu'il dévoilait peut-être trop de ses rêves les plus inespérés, Anseric se ravisa, afin de camoufler sa déclaration en un souhait de gentilhomme : "Eh! Si d'aventure, nous nous retrouvions ainsi face à face, je vous fais la promesse de ne pas lever ma lance contre vous ; nos hommes liges peuvent bien s'entretuer, mais tudieu! je ne vous affronterai plus que sur une lice. Voila, c'est dit!"

Alors qu'il lançait cette demande d'entretien voilé en s'y prenant aussi mal qu'il l'aurait pu, le Baron espéra qu'il ne s'était pas trompé dans les mots qu'il aurait été convenu d'employer. En effet parler d'une nouvelle amitié alors qu'il ne connaissait absolument pas le Comte était peut être un peu trop présomptueux, voir direct. Il allait se rassoir lorsque la Baronne d'Olyssea lui sourit et prit la parole. Elle demanda à ce que les deux hommes ne joutent pas trop souvent, arguant une frayeur qu'elle avait ressentit lors de leur duel, amenant des rires dans l'assemblée alentour. Buvant à sa coupe, elle reprit de plus belle en félicitant l'échange qui avait eu lieu et s'étonna que le Baron d'Etherna n'ait pas fait parler de lui plus tôt.

Rosissant légèrement sous le compliment avant de se reprendre, Jérôme posa son verre et se passa la main droite derrière la tête, se grattant de façon puérile avec un sourire sur les lèvres. Sa première partie de réponse fut en regardant tantôt la Baronne, tantôt le Comte droit dans les yeux

"Madame la baronne, votre époux est un jouteur hors pair et je pense que c'est la chance qui m'a permit d'en tirer un match nul. Quand à mes capacités de lutteur, je vous remercie pour le compliment, ces dernières années ne m'ont pas laissé trop le temps de m'adonner aux joutes, ni de faire montre de mes capacités. De plus la charge qui m'incombe maintenant que le Comte d'Odélian m'a confié la baronnie d'Etherna ne me laisse plus guère le temps, non que je le regrette."

N'importe quel politologue ou noble ayant l'habitude des tractations pu aisément deviner que Jérôme n'était pas à son aise à cet instant. Il fallait dire qu'en dehors de Grégoire et de sa cours, à laquelle il était bien plus habitué et où il n'avait que rarement de décision à prendre étant donné que c'était au Comte de la faire, il s'agissait la de sa première sortie en tant que Baron d'Etherna et il était désormais seul pour cette tâche.

La soirée continua dans la bonne humeur, seul Jérôme semblait un peu sur la défensive tout en se montrant très cordial envers les personnes autours de lui. La nuit était bien entamée quand les convives commencèrent à évacuer les lieux, laissant la pagaille derrière leur passage que des serviteurs devraient nettoyer alors que les nobles se rendaient au lit. Le Baron se leva à son tour et commença à se diriger vers sa tente lorsque le Comte le rattrapa furtivement et lui parla.

Les mots utilisés par Anseric furent très fort et désarçonnèrent le Baron qui fit tout son possible pour le dissimuler. Il demanda d'abord à Jérôme si ce qu'il avait dit n'étaient pas des mots en l'air et s'il croyait vraiment à l'amitié qui pouvait naitre. Il entra ensuite dans le vif du sujet concernant les évènements en cours, parlant sous des mots voilés la guerre qui menaçait et des liens qui unissait Etherna avec d'autres personnes, surement le Comte d'Odélian mais également le régent.

Jérôme ne répondit pas, il laissa Anseric dire tout ce qu'il avait décidé, ce dernier s'avança alors de trois pas en avant, menant le Baron vers une vue dégagée de la plaine. La, il fit allusion à ce que le dirigeant d'Etherna craignait, à savoir que sa terre faisait autrefois partie du Marquisat de Sainte Berthilde, qu'il lui couterait de devenir des ennemis alors que les terres d'Aretria et d'Etherna faisaient parti autrefois d'un seul et même territoire. Il conclut en clamant que s'ils se rencontraient sur un champ de bataille qui les voyait adverse, lui même ne lèverait pas la lance contre Jérôme.

Un silence pesant s'installa, Jérôme était prit entre plusieurs sentiments contradictoires. Déjà il était hors de question qu'il ne trahisse Grégoire mais d'un autre côté, même sans le connaitre plus que cela, Anseric, avec sa franchise et son franc parler, avait interpellé, le Baron. Certes il ne se voyait pas déjà ami avec son hôte car il ne le connaissait pas suffisamment mais il s'était passé quelque chose tout de même et il n'avait pas envie de s'en faire un ennemi mais plutôt d'apprendre à le découvrir. Il finit par rompre le silence, sa voix était posée et neutre et ne reflétait absolument pas l'état d'alerte dans lequel il se trouvait, il parla toutefois rapidement afin de ne pas laisser le temps de répondre car il débuta par le mauvais côté de sa réponse

"Votre grandeur, bien des mots son jetés en pâtures alors qu'ils ne sont pas sincères. L'amitié que je vous ai annoncé en fait partie, jusqu'à un certain point, c'était surtout par courtoisie. Vous n'êtes pas sans savoir que j'ai un serment de vassalité envers le Comte d'Odélian et je compte bien l'honorer.

Toutefois, je vous accorde que vous me paraissez un homme d'honneur et je ne suis pas de ceux qui n'y répondent pas. Ainsi, cette amitié, j'aimerais vous l'accorder et pour cela j'apprécierais d'apprendre à vous connaitre de manière plus approfondie. Je fais donc la même promesse, à savoir que si nos armées se retrouvent en conflit dans des camps opposés, je ne lèverais pas personnellement mes armes envers votre personne, ni celle de votre épouse. J'espère de tout mon cœur que nous n'en arriverons pas la, que Néera nous guide."

Jérôme espérait qu'il n'avait pas froissé le Comte, il avait tenté d'être le plus sincère de son côté mais il n'était pas maitre de son destin pour le moment, il était lié et de toute façon, il était redevable envers Grégoire même sans ce lien de vassalité. Il escomptait ne pas s'être fait un ennemi, surtout lors de sa première sortie et personne ne connaissait l'avenir, peut être qu'ils deviendraient de vrais amis dans le futur