[C'nros] Prémices d'un avenir | Khernal

Le vent des Terres Stériles soufflait violement, projetant des volutes de poussière de les drows et leur monture. Une cape masquant son visage et son corps des agressions au caprice de la météo, Khernal progressait péniblement dans la presque-tempête. La fin de son périple approchait, seul point positif de la situation. Le retour au Puy, voilà longtemps qu'il l'attendait. Point de marche triomphale, mais une victoire au bout de doigts. Son faciès s'éclaira dans rictus amer dans la pénombre de son vêtement. Le véritable triomphe l'attendait encore entre les cheminées et les galeries de pierre.

"– Maître, j’aperçois l’Elda. " entendit-il dire le mage à travers le souffle du vent.

Quel idiot. Un de ces prétentieux recruté par l’Etude Noire pour servir le Puy de sa douce inutilité. Et le hasard l’avait mené à conduire le Ditronw Da’re à travers les Terres d’Errance. Les combats l’avaient épargné, ses pairs l’avaient gardé en vie, mais Khernal ne serai si tendre avec cet incapable. Une promesse silencieuse fut faite qu’arrivés au volcan, le sbire finirait sa vie à taper de la pierre à la pioche. Ou esclave de la volonté du Maître-mage. Deux destins que l’on pouvait espérer plus prometteurs que le sentier de la magie.

Une nouvelle heure passa avant que le Puy ouvre ses portes à l’éminent maître du C’nros. Les deux arcanistes pénétrèrent l’antre millénaire du peuple sombre, un paysage que nul étranger ne pouvait se vanter d’avoir jamais vu. Le port droit et digne, perché sur sa monture imposante, Khernal jouait de sa stature pour s’imposer en véritable maître des lieux. Il soulevait les regards et les voyait s’abaisser au contact du sien. Deux prunelles rouge sang brillants tout autant que sa magie était ténébreuse.

Les couloirs les menaient jusqu’aux installations du C’nros aux étages intermédiaires. A l’image de l’Institution, sans plus de fioriture que celle nécessaire pour montrer à tout visiteur que nul ne ressort sans l’aval du maître des lieux. Ledit personnage devant qui on s’inclinait à présent. Les mages inclinaient la tête en direction de Khernal, qui leur rendait leur salut par un regard froid et dur. Il avait construit lui-même son autorité et se réjouissait qu’à présent, elle ne fût plus contestée que par quelques uns qui se gardaient bien de le faire savoir.

Le Ditronw Da’re congédia le mage et regagna ses appartements. Tels qu’il les avait laissés. Le bureau de bois massif, luxe rare dont il ne se privait pas, trônait toujours dans la pièce. Il s’y assit et sa main glissa machinalement où se trouvait sa bague. Auparavant. Le poing frappa l’ébène lorsqu’il en reprit conscience. La perte de son focalisateur avait été un véritable coup dur dont le Ditronw Da’re se remettait avec peine. L’étui de cuir accroché à sa ceinture abritait à présent ce qui lui permettait de pratiquer son art : une simple feuille aux arabesques complexes et incompréhensibles pour quiconque. Excepté son auteur.

D’une poche de sa robe le mage sorti un autre objet centre de ses convoitises. Il résista à la forte tentation de passer la bague léguée par son oncle. Son père ! La bague de son père. Celle qui lui revenait de droit et qu’il avait tout loisir à utiliser. En oubliant le « léger » désagrément qu’elle présentait.

"– Kel’our’Berkael ! "

Le nom du professeur de l’institution au savoir précieux en Façonnage lui arracha un nouveau rictus. Quel heureux retour.

L’An'kin d'Thalack lui fuit mené à travers le dédale de galerie. Le vieux drow s’introduit dans la pièce et ploya le genou devant Khernal.

"– Maître. " salua-t-il.

Il était de ceux que même à l’Elda on pouvait qualifier « d’étrange ». Il ‘appliquait jamais les consignes stricte en matière d’uniforme ou de discipline, mais la Ditronw Da’re savait que c’était avec ce personnage qu’il faudrait compter. Aussi, et au vu du précieux travail fournit, il ne tenait pas rigueur des débordements du professeur.

Sans un mot de plus, le maître du C’nros dévoila la bague du Ditrow Da’re, le joyau tant recherché mille fois perdu et retrouvé. Une certaine fièvre brillait dans ses prunelles vermeilles. Dans les yeux du drow en face, la même fébrilité semblait l’avoir affecté lorsqu’il avait reconnu l’objet.

"– Vous… vous… Comment… ? "

Il s’interrompit, comprenant d’où venait la relique d’un ancien temps. Le nom d’Haldren Baenfere sembla se lire sur son front et une histoire grandiloquente se former dans son esprit. Khernal ne le reprit pas quant aux circonstances de sa rencontre avec l’ancien Ditronw Da’re mais l’incita à prendre l’objet. Des pulses magiques s’en échappaient toujours, rendant la bague extrêmement instable.

"– Vous savez ce que j’attend de vous, An'kin d'Thalack. Votre crédibilité en dépend. Une récompense à la hauteur de vos efforts vous sera apportée si vous réussissez. Si vous échouez… vous savez sans doute quel sera votre sort. "

La mine grave, le visage n’exprimant rien : ainsi l’on donnait une tournure importante aux évènements. Le silence qui suivit marqua la fin de la conversation, ce que comprit le vieux mage, qui s’en fut avec l’objet posé dans un écrin, laissant le Ditronw Da’re seul et pensif.

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Le laboratoire était une pièce attenante au bureau. Ici s’étaient entassés des centaines de grimoires, lettres et papiers de toutes sortes. Réservé aux expériences les plus tordues de générations de Ditronw Da’re, on y trouvait tout le matériel nécessaire à la pratique de la magie : des rituels les plus mystiques aux sorts les plus banals.

Dans un coin, une vieille cage dont les barreaux resserrés et rouillés par le temps et la grandeur donnait une apparence effrayante _ pour tous ceux amenés ici. A l’intérieur de la cellule : un être recroquevillé, un quignon de pain intact et une cruche d’eau sale sur son côté. Khernal s’amusa de voir son « protégé » dans une telle position. Il était loin le temps où celui-ci gambadait dans la forêt, une épée au flanc et un arc bandé entre les deux. Désormais, l’elfe était un parfait esclave destiné à un avenir radieux.

"– Lève-toi. "

Les tremblements de l’elfe cessèrent et il leva la tête pour fixer le Ditronw Da’re dans les yeux. Soudain reprit d’une vigueur factice inspiré par la magie de celui-ci, il se leva et toisa le mage de ses prunelles vides où la volonté avait déserté.

"– Seigneur ? "