Le désespoir est le suicide du coeur | Cécilie de Laval [Missive]

En ce 4ème jour
de la 2ème  ennéade de Barkios
En l’an 9 du 11ème cycle.

A Cécilie de Laval
Baronne de Nelen, ma cousine bien aimée.

Ma chère Cécilie. Je ne m’attendais pas à ce que ton éloignement me pèse autant, à ce que celui-ci me prive de certaines de mes capacités, qu’il fasse de moi une pauvre vieille femme titubant douloureusement après avoir perdu son principal appui.

Tu me manques cruellement Cécilie. Que les dieux soient témoins de ma souffrance. Que Néera ait pitié et me soulage de cette tristesse grandissante qui s’empare de moi. Mais si je t’écris ces mots aujourd’hui, ce n’est certainement pas pour blâmer ton départ ou même d’éveiller le moindre sentiment de culpabilité en ton cœur, mais bien pour t’appendre des nouvelles bien plus sombres encore.

J’ose espérer que l’encre de mes mots saura t’apporter cette annonce avec autant de légèreté que la plume nécessaire à l’incruster sur ce parchemin. C’est donc le cœur emplit d’incompréhension et d’appréhension que je noircis cette page en ce jour troublé.  

Jérôme, ton ami. Notre ami, a décidé en ce 2ème jour de la 5ème ennéade, d’abdiquer de son rang de Baron. Léguant ainsi ses titres Etherniens à Guillaume, son frère… Mon époux. Il a annoncé cette nouvelle après avoir rassemblé les vassaux en sa citadelle sans nous avoir prévenus au préalable. Ce qui fut pour moi un grand bouleversement ne l’était que plus encore pour Guillaume, et saches, Cécilie, que je ne suis point portée dans le cœur de ces hommes qui me croient uni à lui par simple profit et pour orchestrer un complot qui vise le Marquis d’Odélian lui-même.

Notre couple était déjà bien trop à fleur de peau pour pouvoir supporter une telle accusation de plus.

Il sait… pour Lui, Cécilie. Il ne sait pas tout, mais suffisamment pour m’en tenir rigueur. Et malgré la dévotion que je lui porte actuellement, ce serait vain de croire qu’un jour, j’obtiendrais sa confiance. Je me sens dévoyer petit à petit de ce chemin que m’a tracé la Damedieu depuis que sa gardienne elle-même m’a permis de continuer de fouler ce monde. Désorienté par rapport aux décisions que je me dois de prendre pratiquement dans l’heure. Que dois-je donc faire ? Que dois-je décider ? Je m’obstine encore à te poser bon nombre de questions, toi qui as toujours été l’une des rares personnes à me comprendre et à me soutenir contre vents et marées. Je m’obstine à croire qu’il me suffit de battre des cils pour te voir apparaître, là, devant moi. Pourtant, je suis consciente que je n’aurais réponse qu’une fois l’échéance dépassée.

Je fais donc face à un dilemme qui semble me consumer et ce, d’heure en heure et de jour en jour. J’apprécie Guillaume pour ces nombreuses qualités mais supporterais-je pour autant d’être constamment  soupçonnée de trahison ? J’en doute fortement.

Pour l’heure, je ne peux guère t’en apprendre plus et je ne peux te promettre que mes futures lettres contiendront de meilleures nouvelles. Je n’ai toujours pas reçu de vélin signée de ta plume mais saches que je risque d’être en déplacement et ce jusqu’aux portes de l’hiver.

J’ai tant besoin de toi, Cécilie. Écris-moi… au plus vite.



Que la Damedieu te garde.

Maélyne, ta cousine.

Cécilie n'avait put s'en empêcher. A la lecture de la lettre de sa cousine et malgré le stoïcisme de Rose qui avait tenter de la consoler, elle n'avait put que fondre en larmes...

Maélyne lui manquait, mais savoir que c'était réciproque à ce point et qu'elle affrontait seule tant de choses... Même savoir sa mère auprès d'elle ne lui suffisait plus à ravaler la bulle d'émotions qui lui nouait à la gorge. D'après la date, Maélyne l'avait écrite peu avant qu'elle même ne lui envoie de ses nouvelles. Elle aurait voulu se scinder à l'instant. Se couper en deux. Le devoir ici. Le cœur là-bas. Ici la famille, son époux, les problèmes de Missède, les choix qu'il faudrait bientôt faire avec le doigté d'un marionnettiste, repoussant peut-être les limites de ce que la morale réprouve pour arrivé aux meilleurs des fins. Là-bas sa cousine, les soirées paisibles du château, les rires d'enfants, Jérôme, Mathilde, ses amis et les souvenirs d'espoir si prometteurs d'une vie simple et honnête de devoir et d'amour.

« Prend de quoi écrire. Tu enverras une copie à Lourmel et une a Etherna. »

Avait elle tout de suite demander à Rose lorsqu'elle avait finalement réussit à arrêté de sangloter sottement.

A Maélyne de Lourmel, Dame de Lourmel

neuvième année du 11e cycle
3e jour de la 3e ennéade de Barkios
De Missède

Maélyne,

Si tu savais comme j'aimerai pouvoir te serrer dans mes bras en cet instant. Je remercie la présence d'esprit de l'intendant de Nelen d'avoir reconduit mes missives personnelles malgré mon voyage. Mais je ne veux pas te faire languir d'une réponse qu'il doit te peser d'attendre.

Je suis sûre que ma mère t'aura déjà répété bien des fois qu'un mariage ne se brise pas pour des détails aussi menu qu'un problème d'entente quelques ennéades après les noces, et bien que tu connaisses mes réticences à l'admettre, je pense qu'en l'occurrence, elle n'a pas tort.

Votre mariage a commencé avec les plus dures épreuves que vous aurez à surmonter. Il doit composer avec ton passé de mère, de femme et de Marquise. Tu dois composer avec son futur de Baron. Trouver un équilibre entre vos deux maisons et vos deux allégeances sera sûrement complexe, mais ce n'est que le début du chemin que vous pouvez parcourir à deux pour le reste de vos vies. Et après cette passe-ci, toutes les embûches que vous rencontrerez paraîtrons aussi futiles que des grains de sable.

Guillaume est un homme droit et honnête, d'une grande intégrité. Et bien qu'un peu buté, comme tous les membres de sa famille semble-t-il, il sait reconnaître ses erreurs et reconnaître la bonté et la sincérité. Je ne le connais pas aussi bien que son frère, mais je pense tout de même être assez au fait de sa personnalité et de son éducation pour t'assurer qu'il ne te laissera pas seule, toi, une dame de sang noble, sa femme, face aux moqueries et aux injures. Qu'il ait une confiance absolue en toi ou non ne change rien à ce fait. Agir autrement ne serait pas faire acte de la noblesse d'esprit à laquelle les de Clairssac m'ont habitué.

Si l'idée de vivre longtemps au bras d'un homme que tu estimes et qui t'estime en retour est plus importante pour toi que les ragots de cour que tu devras essuyer un jour, je suis certaine que les paroles suspicieuse des chiens de gardes du marquis s'évanouiront en quelques mois. Quelques années tout au plus. Et les soutiens seront aussi présent durant cette période, qui, de toute façon, ne durera pas une vie entière.

Le pardon n'est pas étranger aux cœurs des hommes, Maélyne, cela je peux te l'assurer.

Mais si, à l'heure où tu lis ces mots, ta décision est déjà prise, sache que je te soutiendrai toujours avec toute la tendresse que j'ai pour toi.

Je t'enverrai d'autres nouvelles dans une autre lettre. Les affaires qui m'occupent, ici à Missède, sont trop enchevêtrées et longues à décrire pour que je les ajoute ici. N'aie crainte, il n'y a rien de grave. C'est seulement qu'il est déjà tard. Je veux que cette réponse te parvienne au plus vite.

Que les Cinq veillent sur toi et ton époux.

Ta cousine qui t'aime
Cécilie

Elle avait dicté d'un ton égal malgré ses yeux rougis. Avec ses tournures légères et dégagées, elle espérait sortir sa cousine du marasme, lui apporter ne serait-ce qu'une étincelle, une lueur, même à des centaines de lieues d'elle.

Cette missive, avec un peu de chance, arriverait à Etherna à la fin de la 3e ennéade. Quand à celle destinée à Lourmel... Elle préférait croire qu'elle ne servirait que de rappel.