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| Retour à la civilisation | |
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Solange d'Escault
Humain
Nombre de messages : 261 Âge : 38 Date d'inscription : 19/02/2020
Personnage :.: MANUSCRIT :.: Âge : 23 ans Taille : 152 cm Niveau Magique : Non-Initié.
| Sujet: Retour à la civilisation Ven 28 Jan 2022 - 19:47 | |
| Bàrkios de l'An 19:X1 4ème jour de la troisième ennéade Le temps n'avait plus cours, n'avait plus de signification. Combien de longues ennéades ce voyage aux confins des Enfers avait-il duré ? Combien de lieux était-elle encore capable de parcourir, combien de haltes et de longues nuits insomniaques devraient être supportées avant de parvenir, enfin, à serrer sa douce, sa précieuse enfant chérie dans les bras ?
La boue, la neige et le froid était devenu son quotidien. La futile jeune fille, et la fière comtesse, semblaient avoir toutes deux disparues dans cette tourmente infernale, dans cette épreuve ultime qu'avait été son enlèvement. Et c'était désormais une jeune femme aux yeux graves et à la silhouette diaphane, presque émaciée, qui entra enfin de la bourgade que surplombait le château de Fernel. Accompagnée du même bandit qui avait accepté de l'emmener loin de ses geôliers, elle avait éprouvé pour lui des sentiments ambivalents. Il avait été tour à tour bourreau, moqueur, insolent, sauveur, seul compagnon de sa solitude, guide ; et même aujourd'hui, il était celui qui la nourrissait, qui chassait pour elle pour l'aider à survivre, qui volait une robe, pour la protéger du froid. De ses beaux souliers de peau qu'elle portait en partant d'Isgaard, il n'en restait rien - et elle ne portait plus qu'à la place, une vieille paire de bottes, dans lequel ses pieds saignaient chaque jour de la route parcourue. Une pauvre cape de tissu grossier couvrait ses épaules minces, couverte de boue.
Enfin, au terme de cette terrible expédition, où elle avait redouté chaque jour la venue des bandits, ils s'étaient tous les deux retrouvé dans cette charmante petite ville. La vue des soldats lui réchauffa le coeur - enfin, de la sécurité ! - et, instinctivement, elle avait pressé le pas, en voyant le château se profiler. Qui aurait fait attention à cette pauvresse, qui se tenait étonnamment droite, et dont les paumes crasseuses se révélaient étrangement douces ? Solange n'en avait cure. Enfin, elle rentrait dans un château, où elle ne doutait pas de l'hospitalité de la châtelaine. Peut-être cette dernière n'avait-elle même pas eu vent de la demande de rançon ; peut-être que cette dernière s'était perdue en chemin. Qu'importait ! D'ici là, si on la croyait, elle retrouverait peut-être son enfant, pourrait enfin... enfin la serrer dans ses bras ? L'espoir gonflait son cœur meurtri, trembler ses poings serrés, aux ongles rongés.
Et si on se moquait d'elle ? Qu'on la jetait dehors ? L'angoisse saisit son ventre vide, fit hésiter son pas. Il était vrai que venir ici, à Fernel, pouvait être un choix étrange. Mais dans un monde où son propre époux avait peut-être fait ordonner son enlèvement, elle ne pouvait prendre aucun risque. La sécurité de son père et de sa fille en dépendait - et peut-être même sa propre sécurité. Qu'était une épouse, si l'on pouvait tuer les enfants de son cousin sans sourciller ?
La noble, à l'entrée du château, ferma les yeux brièvement, murmura une prière à la Damedieu. Elle se tourna vers son compagnon - qui, bien que populaire et sans scrupules, ne l'avait jamais touché - lui offrit un sourire délicat, empli d'hésitation.
- "Je dois aller seule au château. Dès que.. j'en saurais plus, je vous ferai quérir. Prenez une chambre à l'auberge... dans tous les cas... nous pourrons la payer, ne vous en faites pas."
Elle fixa quelques secondes la haute et massive stature s'éloigner, avant de se rapprocher des deux gardes qui la considérèrent avec hauteur. Une terreur familière naquit dans les entrailles de la jeune femme, dont le souffle s’accéléra. Allaient-ils l'humilier, se moquer d'elle ? Allaient-ils la toucher ? Elle fit de son mieux pour garder contenance, força un pauvre sourire qui ne pouvait dissimuler la peur panique d'être séparée de son seul protecteur.
- "Braves soldats, je me nomme Elisabeth de Fernel. Je suis la cousine de Dame Louise de Fernel, et elle m'attend. J'ai été dépouillée par des bandits, et je dois absolument la voir. Je dois la voir.. Je vous prie de m'escorter à l'intérieur, et de m'annoncer auprès de votre maitresse."
Comme d'habitude, son parler était excellent, aussi fluide que celui de la Haute noblesse dont elle faisait partie ; mais elle se sentait sur le point de s'évanouir, à deux doigts de s'enfuir en courant. Il lui pressait tant de retrouver son enfant, de retrouver les bras de son père ; de passer du temps au pied d'un Autel de la Damedieu...
Dernière édition par Solange d'Escault le Dim 6 Fév 2022 - 10:02, édité 1 fois |
| | | Louise de Fernel
Humain
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| Sujet: Re: Retour à la civilisation Dim 30 Jan 2022 - 14:51 | |
| La haute et massive stature n’a pu s’éloigner bien longtemps sans avoir été interceptée par quelques soldats en faction aux portes de l’enceinte extérieure. Si le bon accueil est une affaire entendue, la sécurité de la petite cité et du château ne sont guère pris à la légère. Quiconque veut entrer à Fernel doit à tout le moins décliner son identité et le motif de sa visite ainsi qu’il est communément admis de le faire un peu partout en Péninsule.
Les deux gardes en faction à l’enceinte extérieure, eux, avisent la pauvresse de l’œil neutre de ceux qui en ont vu d’autres. Deux hauts soldats aux cheveux blonds et aux yeux bleus, visibles sous le casque, tenant fermement leur vouge, observent le manège de l’inconnue avant que l’un d’entre eux n’aie un regard vers les remparts, juste au-dessus d’eux. Aymeric et Enguerrand ont une discussion assez vive sur ce qu’il convient de faire ou pas à propos de la défense de Fernel et le bruit de leur désaccord est audible en écho sur les pierres encore humides des derniers jours de pluie.
Un rire accueille alors les propos de l’inconnue. Un rire gras, un peu moqueur avant que l’un d’entre eux ne place son index et son pouce en sa bouche pour émettre un sifflement strident.
- Hola du rempart ! On a de la compagnie de qualité ! Une demoiselle de Fernel demande à entrer au château !
Les deux soldats ne bougent pas d’un centimètre, ni agressifs, ni accueillants mais franchement railleurs, ils semblent trouver en cette inconnue enguenillée une source d’amusement plutôt distrayante. Alors appuyés sur leur longue arme, ils sourient à Elisabeth de Fernel, l’œil pétillant de gaieté.
- Mais bien sûr, ma Dame ! On va dépêcher le meilleur de nos hommes pour vous accompagner jusqu’au château, ça c’est sûr !
L’autre soldat se gratte le cou, sous le casque, en ajoutant :
- Le meilleur ! Je l’entends dans les escaliers, déjà…Ha ! Messire Aymeric !
Aymeric Atréis, Capitaine de la garde de Fernel, vient en effet de surgir des larges escaliers provenant des remparts. Jeune, le regard perçant, les cheveux marrons coupés court et une épée magnifique au côté, il vient de dépasser les deux soldats et de s’arrêter devant l’inconnue, l’observant de toute sa haute taille, sans dire un seul mot. Il connait la famille de Fernel aussi bien qu’Enguerrand. Il sait parfaitement que la dernière Elisabeth de Fernel était la mère de l’actuelle châtelaine qui n’a plus aucune famille apparentée si ce n’est peut-être du côté de Paville dans le Médian. Alors quand cette jeune personne se présente là, en habits si pauvres et émaciés qu’ils ne pourraient même pas servir de chiffons aux écuries, il a préféré venir observer de lui-même ce qu’il en est, mesurer le danger.
- Une demoiselle de Fernel, Messire Aymeric ! Peut-être que ce serait mieux que vous la conduisiez vous-même au château, non?, dit un des soldats avec un sourire fendu jusqu’aux oreilles. La noble dame n’est pas venue seule, Messire !, ajoute son compagnon. - Je sais tout cela. - Est-ce qu’on fait sonner les trompettes, Messire Aymeric ?? - Ce ne sera pas nécessaire, dit le Capitaine en vrillant un regard particulièrement froid sur l’inconnue. Suivez-moi, ma Demoiselle.
Il s’écarte d’un pas et lui montre la direction du château d’un bras non sans aviser l’entièreté du maintien et la noblesse de ce port de tête. Peut-être est-ce cela qui l’empêche de s’emparer de cette femme et de la placer directement dans les geôles du château. On ne prétend pas être de Fernel pour se présenter ensuite à ses portes sans avoir une excellente raison de le faire. Aymeric sent qu’il y a là-dessus un bien épais mystère qui ne peut être résolu ici, face aux soldats. C’est une affaire délicate qui doit être réglée devant Dame Louise, puisqu’on a usurpé son nom pour un motif qui lui échappe.
Le chemin jusqu’au château n’est pas long, quelques centaines de mètres, mais il faut traverser la cité, le grand corral et tout cela aux côtés d’Aymeric qui s’adjoint deux hommes afin de surveiller la demoiselle. Il se méfie des femmes. Qui sait ce que dissimulent leurs atours, aussi vilains et en piteux état qu’ils soient.
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| | | Solange d'Escault
Humain
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| Sujet: Re: Retour à la civilisation Dim 30 Jan 2022 - 20:24 | |
| La terreur vrilla l'estomac de la comtesse d'Odélian. Les moqueries transpercèrent son coeur traumatisé, la laissant glacée, figée comme une statue, la respiration irrégulière.
Elle se força à continuer de fixer les soldats, silencieuse, pâle et sans réaction ; mais elle n'avait qu'une envie. Fuir. Fuir loin d'ici, rentrer à la maison, au château d'Escault, serrer sa fille dans ses bras. Renoncer à tout, au procès, au titre, à vivre même - comment supporter encore de nouvelles moqueries, de nouvelles humiliations, subir encore et encore ces rires gras et l'ignominie de ces hommes si prompts à la rabaisser, sans scrupules aucun ?
Avait-elle fait une erreur ? Aurait-elle dû aller à Diantra directement, malgré la route et ses dangers ? Aller à Escault, dormir dans les bras de sa mère, au risque de se faire tuer par son mari ?
Il était trop tard, pourtant. Déjà, un capitaine au regard froid l'examinait de haut en bas, comme une marchandise pouilleuse, et l'entrainait par delà la porte. Deux autres hommes d'armes les rejoignirent, et la noble s'obligea à avancer la tête droite - elle n'avait plus que sa dignité pour exister, pour demeurer une personne à part entière. Alors, avec politesse, elle avait gratifié le Capitaine d'une délicate inclinaison de la tête, avait forcé ses pieds douloureux à marcher droit. Mais la peur demeurait, tapie dans l'hombre de son cœur précipité, de la sueur glacée qui couvrait son front. La conduisait-il dans les geôles, après qu'elle eut effectivement usité d'une identité qui ne lui appartenait pas ?
Et toujours, la même question demeurait en suspens, comme prise dans une toile d'araignée : avait-elle bien fait de se rendre à Fernel ?
Les quelques centaines de mètre lui semblèrent une éternité. Mais enfin, on la fit gravir des escaliers, parcourir un couloir qu'elle n'entrevit qu'à peine. Puis un soldat poussa une porte, et elle se retrouva dans un univers masculin et martial, à proximité de deux gros tonneaux sentant le vin et l'huile et d'un ratelier d'armes particulièrement fourni. Une salle des gardes, aux couleurs des Fernel.
L'antichambre de la prison, si elle ne donnait pas les bonnes réponses à l'interrogatoire qui l'attendait.
Pâle comme une morte, la jeune femme s'installa sur la chaise qu'on lui indiquait, gardant sa posture roide et éduquée. Sans protester, et sans supplier, mais à deux doigts de s'évanouir.
- "Et maintenant, Capitaine ? Qu'escomptez-vous faire de moi ? Je dois rencontrer votre maitresse, en raison... d'une certaine missive de rançon qui lui a été adressé. C'est une longue histoire, mais je ne peux consentir à en livrer le récit qu'à ses seules oreilles."
Dans ses propos, point de hardiesse, mais surtout un langage fluide, aisé, qui n'était pas accessible à toute la populace.
Les cernes bleus sous ses yeux formaient des poches de fatigue, bistraient sa peau délicate d'une nuance maladive. Ses doigts, agités d'un tic nerveux, s'efforçaient de se détendre en tirant sur le fil grisâtre de sa robe usée et de mauvaise qualité. Elle tenta d'esquisser un sourire pâle et fiévreux, y renonça finalement. Oh, comme elle eut aimé dormir enfin, rien qu'une nuit, en totale sécurité dans des draps chauds ! |
| | | Louise de Fernel
Humain
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| Sujet: Re: Retour à la civilisation Lun 31 Jan 2022 - 21:54 | |
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Il n’a pas échappé au capitaine que la « demoiselle de Fernel » semble éprouver une certaine difficulté à arpenter les gros pavés de la cité. Un rapide coup d’œil sur les bottes et un froncement de sourcil plus tard, il se rapproche, prêt à récupérer la demoiselle en cas de chute inopinée. Cependant, il semble que l’inconnue préfère garder son allure légèrement claudicante, y compris en atteignant enfin les portes du château. Le grand hall, rempli de personnes vaquant à leurs occupations, ne prête guère attention à cette jeune femme en haillons et entourée de gardes qui se dirigent vers la salle d’armes.
A l’intérieur de cette salle par contre, l’entrée d’Aymeric fait cesser instantanément tout mouvement de ceux qui étaient en train de s’entraîner ou de deviser gaiement. Tous les regards se portent sur Elisabeth de Fernel qui va s’asseoir sur une chaise de chêne, entre un tonneau d’huile et un autre de vin, comme si elle était elle-même une marchandise. Des murmures se font entendre, une remarque crue tout autant qu’un rire gras lui répondant, un rire général bien vite éteint par le regard glacial d’un Capitaine qui observe toujours la nouvelle venue. Un regard à un de ses deux compagnons et ce dernier s’éloigne, en armes, pour sortir de la grande salle tandis qu’Elisabeth consent à expliquer, avec des mots choisis, pourquoi elle est présente et pourquoi elle ne peut rien lui dire.
Aymeric inspire profondément.
- J’ai envoyé un de mes soldats l’avertir. Elle sera ici sous peu, pour autant qu’elle consente à son tour à vous recevoir et que j’estime que vous ne représentez aucun danger.
Il noue ses mains dans son dos et effectue une marche devant elle, lente et calculée, tout en la regardant à intervalle régulier.
- Vous serez étonnée d’apprendre que la seule autre demoiselle de Fernel que nous connaissons repose ici même, dans la crypte familiale. Vous me permettrez dès lors de douter de votre identité tout autant que de cette histoire de rançon. Vous n’obtiendrez donc audience qu’à la seule condition qu’une femme vérifie que vous ne cachez point une arme sous vos…habits.
Un regard à l’autre garde et le voilà qui s’en va vers le grand hall, à la recherche d’une domestique.
- Si vous n’êtes pas encore dans nos geôles, c’est uniquement par égard pour le digne nom d’une famille que je respecte et que vous portez indument, j’en suis convaincu. En attendant que nous nous assurions de tout cela, vous resterez ici, sous bonne garde.
Quelques instants plus tard, une jeune fille des cuisines approche, jolie comme un cœur, blonde aux grands yeux verts qui oscillent entre le grand Capitaine et la pauvresse, là, sur sa chaise.
- Messire, vous avez besoin de moi ? - Oui, Varella. Je voudrais que tu fouilles cette femme. S’il y a la moindre arme, tu m’appelles tout de suite. Allez donc derrière ces tonneaux, cela sera suffisant pour épargner sa pudeur.
Déjà, le grand Capitaine s’éloigne, les mains toujours dans le dos, demandant aux autres hommes, d’un regard, de bien vouloir se détourner le temps que Varella exécute son office. La jeune servante, elle, s’est approchée de l’inconnue qui n’a pas l’air bien agressive et lui parle avec douceur tout en montrant les grands tonneaux :
- Viens mad’moiselle. Ce s’ra pas bien long. Veux-tu que je t’aide à te lever ou ça ira bien ?
A l’étage, dans le petit boudoir qui jouxte la grande chambre seigneuriale, Louise est totalement inconsciente de ce qui se trame dans la salle de garde. Elle a à la main un petit pinceau teinté d’ocre, elle est en train de dessiner sur une toile fine les contours d’un visage souriant, une ébauche d’un large sourire étincelant, avec un petit rire satisfait. Elle allait remplir un œil de cette même couleur ocre mais elle est interrompue par un bruit à sa porte. Un soldat dont l’armure provoque un bruit épouvantable.
Fermant les yeux de dépit, elle dépose donc tout son attirail et se lave soigneusement les mains dans une bassine avant de rajuster sa robe de laine simple et ses cheveux tombant librement sur son dos, en un soupir. Ce n’est qu’après quelques minutes qu’elle réintègre sa chambre et demande au soldat d’entrer.
Un soldat qui lui raconte donc tout ce qu’il a entendu.
Et le visage de Louise de s’assombrir à chaque seconde un peu plus.
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| | | Solange d'Escault
Humain
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| Sujet: Re: Retour à la civilisation Lun 31 Jan 2022 - 23:51 | |
| Les rires gras et virils la transpercèrent comme une épée.
En une seconde, elle se retrouva dans ce camp, dans la forêt d'Aduram. Les remarques crues résonnèrent à ses oreilles, alors que le vent glacé s'immisçait sous ses vêtements trop légers, comme le regard lubrique, vulgaire, de ces odieux brigands. Les humiliations quotidiennes, les moqueries, ces mots lancés comme des flèches dans la carapace brisée de son intimité et de son ego étaient autant de souvenirs qu'elle avait tenté de refouler tant bien que mal ; mais ils revenaient par torrent dans son âme fragilisée, lui faisant courber irrépressiblement l'échine, quelques brèves secondes.
Le cœur au bord des lèvres, les yeux fixes, Solange d'Escault avait posé ses deux mains roides sur la table de bois, en déglutissant discrètement, alors que le silence s'établit autour d'elle. Elle devait se reprendre. Il fallait se reprendre, à tout prix. La noble savait désormais qu'elle avait eu tort de venir au château des Fernel, qu'elle avait fait une erreur monumentale - une de plus - mais il était trop tard pour reculer.
Elle était belle et bien prisonnière de ce château, de cette pièce sordide. On doutait d'elle, de son identité, et d'ailleurs à raison ; mais il était évident que la jeune noble avait bien fait de dissimuler son identité. Comment aurait-elle pu fouler aux pieds le nom d'Odélian ? Le nom de son père, la cité d'Escault ? Elle était misérable désormais, n'était guère plus qu'une poupée vide et abimée, qui n'avait plus guère de valeur. Mais elle réalisa qu'elle n'avait pas encore touché le fond.
L'humiliation lui brûla la gorge, tandis que son visage pâlissait plus encore, s'il était possible.
Ils allaient la fouiller.
Solange eut du mal à garder conscience, à ne pas s'évanouir sur place. Elle eut comme un violent vertige, s'efforça de garder contenance, en se raccrochant désespérément à son nom, à la présence du bandit qui lui servait de protecteur, là-bas, dans l'auberge non loin du château. Il n'y aurait pas de repos pour elle. Il n'y aurait pas de fin à son supplice ici même : il faudrait fuir un nouveau danger, se cacher encore. Comment ? La comtesse d'Odélian n'en savait rien, mais quel choix avait-elle ?
Solange tenta de fixer son attention sur la fille de cuisine. Elle admira en pensée ses beaux cheveux blonds et ses belles joues roses, symbole d'une douce insouciance, qu'elle lui envia ; puis, enfin, essaya d'esquisser un pâle sourire, tandis qu'on lui proposait de l'aide pour se lever. Une nouvelle épreuve l'attendait, il fallait l'endurer. C'était elle qui s'était jetée dans la gueule du loup - elle, qui devait payer pour les péchés de son époux. Pour son propre péché, car elle avait commis l'horrible erreur d'avoir fermé les yeux sur les actes louches qu'elle avait pourtant soupçonné.
- "Bien."
Un seul mot. La jeune femme aurait voulu exploser en sanglots, se boucher les oreilles, se réfugier dans un coin. Elle aurait voulu que les souvenirs s'enfuient, que tout ceci, que la sinistre réalité ne soit qu'un terrible cauchemar. Qu'avait-elle espéré en venant ici ? Quelle sottise de sa part ! Pourquoi Fernel serait-il devenu un refuge, dans son cerveau futile et stupide !
Avec effort, Solange finit par se lever, se laissa entrainer derrière des tonneaux. Les yeux vides, le souffle irrégulier, en proie à une crise de panique silencieuse, elle sentit les mains tâter sa mise modeste et crottée, tandis qu'elle s'accrochait au mur, pour ne rien voir. Elle sentit la servante s'éloigner, minauder devant les gardes, avec un gloussement jeune et joyeux.
- "Capitaine, elle n'a pas d'armes sur elle. Tout va bien! Avez-vous encore besoin de moi ?"
Sans un soupir, la demoiselle d'Escault la suivit. Elle s'obligea à supporter les regards curieux, ces visages péninsulaires qu'elle ne voyait plus, car il n'y avait plus, dans la salle, que les marauds qui l'avaient enlevé.
Cependant, son esprit eut comme un sursaut de fierté, non teinté d'une certaine fragilité dans la voix, car celle-ci s'enroua brusquement, avant de dégénérer en une brusque quinte de toux. Puis, portant la main à sa gorge, la dame d'Escault finit par offrir un sourire au Capitaine.
- "Je suppose que vous devez être rassuré, Capitaine. Bien que cette mesure de sécurité soit compréhensible, je vous assure que je ne suis pas un danger pour votre Dame. Je suis venue parce que je devais absolument la voir, mais soyez tranquille, je repartirai bientôt."
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| | | Louise de Fernel
Humain
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| Sujet: Re: Retour à la civilisation Jeu 3 Fév 2022 - 13:51 | |
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Varella n’est pas particulièrement heureuse d’être là. La présence de tous les gardes la gêne un peu et puis il y a cette dame, là sur cette chaise, qui semble sur le point de défaillir. Un grand mouvement de compassion fait que la servante touche le moins possible l’inconnue, pour ne pas la gêner outre mesure tout autant que pour se ménager elle-même. Cela étant, elle comprend pourquoi le Capitaine lui a demandé de faire cela : il aurait été totalement inconvenant qu’il s’en charge lui-même et même s’il parait froid et dur au premier abord, il est plutôt gentil, Aymeric. Enfin du moins il l’est avec les personnes qui n’ont rien à se reprocher.
Lorsque la fouille se termine enfin, elle replace correctement un pan de vêtement de la femme qu’elle vient de fouiller, un tout petit geste d’attention accompagné d’un regard un peu désolé, avant de s’éloigner et de dire au Capitaine que tout est en ordre. Varella s’enfuit en courant pour raconter l’histoire aux cuisines, une histoire que l’on écoute avec la plus grande attention.
Le garde envoyé à l’étage fait son entrée dans le même temps, glissant un mot à l’oreille d’Aymeric qui vient de se retourner pour voir la « demoiselle de Fernel » se rasseoir.
- Bien.
Il a un regard pour deux hommes qui cessent de s’appuyer contre le mur de pierre pour venir encadrer l’inconnue.
- Suivez-nous, je vous prie.
Aymeric n’attend guère, il s’éloigne déjà et sort de la salle d’armes pour traverser en quelques pas le grand hall. Il y a une haute double portes grande ouverte, la porte ouvrant sur la grande salle qui fait office de salle de réception officielle. On pourrait penser que la Dame de Fernel aurait privilégié les fleurs et les tapis, les jolis guéridons ou les grands candélabres, dignes d’un intérieur de dame mais il n’en est absolument rien. Des armes sont accrochées au mur, tout autant qu’une immense tapisserie représentant des scènes de guerre et de chasses, des drows décapités, des chevaux de Fernel fiers et carapaçonnés, des lances, des épées…Les murs sont de grosses pierres grises, des pierres issues de la montagne voisine, et le mobilier, rustique et pratique, tout de chêne patiné par le temps, ne fait qu’apporter une touche supplémentaire de martialité à un intérieur dépouillé et tout entier dédié aux souvenirs du combat. Seule touche féminine admise dans cette grande salle réchauffée par un immense âtre dans lequel brûlent d’énormes bûches de bois sec, un vase de verre opaque contenant quelques fleurs fraîchement cueillies, posé sur un bord de fenêtre.
Aymeric désigne un siège simple, sans coussin, devant la cheminée.
- Asseyez-vous là.
Les deux gardes encadrent toujours l’inconnue qui peut enfin se réchauffer les mains et les pieds à la bonne flambée. Une douce chaleur irradie depuis l’âtre ce qui diminue au moins la froide ambiance de cette grande salle.
Une silhouette se présente enfin à la porte, petite et fine, vêtue d’une robe simple, de laine verte et propre. Par-dessus cette robe, une cape d’intérieure bordée de fourrure bien chaude, et dans ses cheveux librement épars sur son dos en lourdes boucles marrons, un cercle de métal martelé. A son entrée silencieuse, les trois hommes s’inclinent respectueusement.
- Dame Louise, la demoiselle qui s’est présentée aux portes du château en se réclamant « de Fernel », dit Aymeric en désignant la pauvresse d'un geste de la main.
La châtelaine s’arrête face à Solange et le regard noisette se plonge sans bonté aucune en celui de la jeune femme, une jeune femme qui pourra voir la ceinture de cuir ornée de feuilles de chêne à laquelle est suspendue une lame courte provenant d’outre-mer.
- Vous pouvez nous laisser mes sieurs. - Dame Louise ? - Faites ce que je vous dis, Aymeric.
Les gardes s’inclinent à nouveau et ferment la porte, laissant les deux dames seules dans la grande salle. Louise va s’asseoir sur son propre fauteuil garni d’un coussin de velours rouge, les mains nouées sur ses genoux, le dos droit, le regard invariablement posé sur cette femme là devant elle.
- Je suis Louise de Fernel. Qui êtes-vous ?
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| | | Solange d'Escault
Humain
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| Sujet: Re: Retour à la civilisation Jeu 3 Fév 2022 - 22:40 | |
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Un peu comme dans un rêve, la noble en haillon se lève, sur l'invitation - ou l'ordre - du Capitaine.
Prise d'une légère nausée, elle suivit la haute stature du soldat, en tentant de repousser la douleur que lui coûtait chaque pas, le froid qui tentait de s'infiltrer sous ses vêtements trop légers. Encadrée par les deux gardes, elle continuait de tenter de donner le change, gardant son excellent maintien avec obstination, promenant son regard sur la demeure martiale, qui ne semblait, par ailleurs, guère la choquer.
En réalité, Solange revoyait sa propre demeure dans lequel elle avait grandit. Le château d'Escault était celle d'un chevalier, couverte d'épées, de boucliers, d'armes diverses et de trophées de chasse ; aussi sentit-elle, instinctivement, un peu plus détendue dans cet univers familier.
Bien qu'elle fut vue comme une prisonnière, la comtesse se sentait enfin dans son élément. Il était facile, simple de déambuler sur ces vieilles pierres, de sentir l'odeur de la fumée de cette belle et grande cheminée, de dessiner du regard les moulures et les blasons épars. Comme dans un rêve, elle se sentait un peu plus légère, plus apaisée, aussi, et elle eut presque un sourire en s'installant sur le siège inconfortable, près de la chaleur amicale d'une bonne flambée.
Du bout des lèvres, elle remercia son geôlier, tourna la tête, au soudain mouvement de la lourde porte de bois. Louise de Fernel. Une jeune femme en robe verte de bonne laine, qui avait su susciter le respect de ses chevaliers - elle songea aussitôt à ses propres gardes, à son caapitaine qui avait péri dans la forêt. Sans cérémonie, sans feu pour les envoyer à Néera.
Une boule se forma dans sa gorge.
Elle se força pour refouler ses larmes, en se carrant un peu plus dans son maintien obstiné, comme si elle portait un corset. La châtelaine la dévisageait sans aménité, et il n'échappa pas à son regard qu'elle portait une dague à son côté ; mais la jeune femme se sentit un peu plus rassurée, lorsque les soldats quittèrent la pièce, en les laissant seules.
Dame Louise de Fernel se présenta, et la question fut enfin posée. Qui était-elle véritablement... Le cœur de Solange se mit à battre plus vite. Ses joues se décolorèrent. Le rythme de sa respiration se fit plus court et plus rapide. Elle avait gardé son nom en elle tellement d'ennéades cruciales, comme un talisman de sa propre survie, que désormais, l'avouer à une inconnue devenait effrayant, dangereux. Terrifiant. Pouvait-elle vraiment lui faire confiance ? L'enverrait-on en prison, en la croyant menteuse ? D'un autre côté, c'était sa sottise qui l'avait emmené ici. Maintenant, la jeune femme ne savait même plus très bien ce qui l'avait amené ici - peut-être l'envie de trouver un refuge, un abri avant de se lancer sur la route de Diantra. Peut-être le besoin de nouer un lien avec la femme qui portait le nom qu'elle avait usurpé, aussi...
- "Je suis..."
Ses mains se mirent à trembler, et elle déglutit. Elle ne pouvait mettre son comté en danger. Mais pour autant, elle n'avait ouïe Fernel comme une seigneurie particulièrement cruelle ou déshonorante.
- "Je suis la Comtesse d'Odélian, Solange d'Escault. Et j'ai besoin de votre aide. J'ai... j'ai besoin d'aide."
Proprement terrifiée, elle ferma les yeux un instant, se domina à nouveau. C'était comme si une barrière venait de s'ouvrir, et elle reprit hâtivement la parole, pour ne pas éclater en sanglots.
- "Je vous présente mes sincères excuses d'avoir abusé de votre nom, de vous avoir indiqué comme la personne qui paierait ma rançon. Je ne pouvais pas, je ne pouvais le demander à mon époux. Il.. Je... Il faut que vous me croyiez. Il le faut. Je ne savais pas où aller et... Je... Je n'ai pensé qu'au nom de votre mère qu'après celui de mon enfant. C'était simplement... une manière d'entendre le nom de ma douce fillette, que j'ai nommé de la même façon. La situation est compliquée, mais si vous me laissez écrire à mon père, il enverra peut-être des hommes d'armes discrets. Mon époux ne doit pas être au courant de ma venue. Il ne doit pas savoir où je me trouve. Je crains qu'il n'ait organisé mon ... enlèvement."
Solange se calma un peu. Cela faisait tant de bien d'exprimer enfin ses doutes à voix haute, de s'entendre enfin se redonner son nom ! Ses ongles cassés rentraient dans la chair tendre de ses paumes, sous sa tension intérieure.
- "Je ne suis pas très claire. Mais bien que vêtue de haillons, mon père est bien le seigneur de la ville d'Escault."
Et son mari, le pire meurtrier de toute la noblesse de la Péninsule. Au moins était-il civilisé, lui, ou semblait-il l'être. Toute pâle et fluette dans ses habits noirâtres, elle esquissa néanmoins un pauvre sourire fragile, tâchant de se montrer au moins sociable et avenante. N'étais-ce pas, autrefois, son plus grand talent ?
- "Vous devez avoir des questions à me poser, et je vous répondrais bien volontiers. Mais que vous me croyiez ou pas, je dois aller à Diantra, pour une affaire urgente, le plus tôt possible. Il fallait simplement que je passe ici... Pour vous remercier. Votre nom a sauvé mon comté, sinon ma vie, et je vous en suis bien reconnaissante. Les... dernières circonstances étaient... compliquées."
Quel doux euphémisme, comparé à l'enfer qu'elle avait vécu entre les mains des brigands d'Aduram... |
| | | Louise de Fernel
Humain
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| Sujet: Re: Retour à la civilisation Ven 4 Fév 2022 - 16:44 | |
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La question la plus simple semble placer l’inconnue sur des charbons ardents. Louise ne manque pas d’observer la pâleur soudaine tout autant que les mains sales, la tenue ignoble et les souliers crottés. Aymeric a du s’assurer qu’elle ne présente aucun danger mais Louise reste tout de même sur ses gardes. Elle sait d’expérience que l’habit ne fait pas la prêtresse et que sous un minois joli et triste peut parfois se dissimuler la pire des crapules. Alors, elle est attentive. Elle ne quitte pas la pauvresse du regard et note tous les petits changements survenant sur ce faciès émacié, les mains prises de tremblements légers, les mouvements de la gorge, jusqu’à ce qu’elle consente enfin à donner une identité.
Louise reste parfaitement stoïque à cette annonce absolument stupéfiante.
Elle n’a jamais rencontré la Comtesse, par contre elle sait parfaitement quels moyens ont été mis en œuvre pour que son époux parvienne au titre qu’il porte. Un titre tâché du sang de toute une famille pour que le tout nouveau Comte d’Odélian puisse occuper le trône encore chaud occupé par Gaubert de Prademont, son prédécesseur et cousin. Les rumeurs, d’abord simples murmures de cour et de couloirs, se sont bien vite amplifiées de manière à remplir les auberges de quelques chansons. Il est donc fort probable que la Comtesse soit, d’une manière ou d’une autre, au courant de tous les agissements de son époux. Que Solange d’Escault – pour autant que ce soit elle – se présente à Fernel pour réclamer de l’aide est décidément la preuve que le destin peut parfois faire preuve d’un sens de l’humour qui n'appartient qu’à lui.
La châtelaine inspire profondément tout en passant sa main sur sa jupe, lissant un pli imaginaire. Que le Comte d’Odélian ait manœuvré dans l’ombre pour faire disparaître sa femme n’est pas totalement dénué de sens. Il n’a après tout pas hésité à faire massacrer toute une famille pour parvenir à ses fins. L’on peut tout attendre de ce genre d’individu.
Louise demeure pour l'instant sur ses gardes.
Cette femme se présente en son château, en portant le nom de sa mère, puis en portant le nom de la comtesse d’Odélian dont elle semble connaître l’ascendance, ce que n’importe quelle paysanne un peu fûtée peut apprendre en posant les bonnes questions.
- C’est donc vous la malheureuse captive dont j’ai appris l’infortune lors de mon dernier séjour en la capitale…Il semble que le sort ait décidé de s’acharner sur votre personne, quelle tristesse.
La jeune femme sourit brièvement en coin avant de se lever lentement et de s’éloigner pour tirer sur une cordelette dissimulée derrière la tapisserie. Une clochette résonne quelque part et un domestique entre, cherchant Louise du regard.
- Apporte moi une carafe d’eau claire et un gobelet je te prie. J’ai grande soif.
Le serviteur sort et la châtelaine reprend sa déambulation dans la pièce, non sans regarder de temps en temps l’inconnue qui est présente.
- J’ai eu l’occasion de rencontrer le Comte d’Odélian, il y a de cela quelques mois. Il s’est présenté à Fernel pour établir quelques accords commerciaux entre le Comté et ma seigneurie.
Louise s’interrompt, le serviteur vient de refaire son entrée avec ce que souhaitait la Dame des lieux. La carafe et le gobelet sont déposés sur une petite table de bois de chêne et la châtelaine attend que le serviteur s’en aille pour se servir, pensive.
- Un homme charmant, ajoute-t-elle en versant le liquide clair sans en renverser une seule goutte. Elle ment avec un sourire. Elle l’a trouvé parfaitement détestable, imbu de lui-même et parfaitement hautain en plus d’afficher une condescendance atroce qui a passablement tendu les discussions. Et très avenant. Je lui ai fait compliment ce jour-là, sa tenue s’accordait parfaitement à ses cheveux marrons et ses grands yeux gris. Nous avons gaiement devisé à propos des tissus d’Odélian et ceux qu’il est possible de trouver ici, tout autant que des chevaux d’Escault dont il m’a dressé un portrait tout à fait remarquable.
Elle boit une gorgée d’eau fraîche tout en observant les réactions de la prétendue comtesse assise là. N’importe quelle fille de ferme peut apprendre à se tenir comme une dame, le maintient n’est jamais une preuve en soi. Par contre, si cette femme est réellement la Comtesse, elle ne manquera pas de souligner que son époux possède de longs cheveux blonds et non marrons…
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| | | Solange d'Escault
Humain
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| Sujet: Re: Retour à la civilisation Ven 4 Fév 2022 - 22:27 | |
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Solange était épuisée.
Assise devant ce bon feu, aux crépitements rassurants, mais surtout à la chaleur enveloppante, presque étouffante, elle prenait soudain conscience de son corps las, de ses pieds douloureux et de l'envie intense de manger quelque chose avant de s'endormir. De l'envie presque animale d'une chambre à elle seule, d'un bon lit, aux couvertures moelleuses. De paix, de calme et de sécurité.
Et bien qu'il n'y ait encore rien de tout cela, la comtesse gardait encore et toujours la tête droite. Elle se forçait à fixer son interlocutrice au regard sévère, qui semblait l'avoir déjà condamnée. Elle était une menteuse, une femme misérable qui avait osé s'approprier le nom des Fernel, et sans doute celui des Escault. Et le problème était que la réalité était pire encore.
Dans un long étourdissement, elle entendit la Dame compatir à son enlèvement, demander à boire pour elle-même. La vision un peu obscurcie, floue, elle vit la servante arriver, la noble se servir, sans rien lui proposer. Bientôt, la sensation de soif l'obséda ; mais l'habitude de reléguer ses désirs, de s'accrocher à sa fierté, l'empêcha de quémander.
La châtelaine reprit la parole, et elle croisa son regard, alors que son interlocutrice évoquait les cheveux marrons de son époux. Charles, brun ? Lui ? La jeune femme se frotta le front, eut une nouvelle quinte de toux, qu'elle réprima dans son poignet.
- "Charles a les cheveux blonds, mais il est si facile d'oublier... Je suis heureuse que vous vous soyez entendus."
Elle exhala un soupir, ferma ses yeux quelques secondes. Elle avait du mal à imaginer Louise et Charles devisant gaiement en sympathisant, mais elle s'obligea à réitérer un sourire.
- "Il est bon que le commerce prospère, que le peuple puisse en bénéficier."
Son ventre émit un drôle de bruit, et elle devint brusquement cramoisie. Elle avait été d'une sottise incroyable d'être venue ici, et elle se raccrocha à la douce image de sa fille dans ses bras. Il fallait qu'elle tienne, absolument... Au moins jusqu'à son audience chez le Régent.
Solange considéra la noble d'un air grave, la gorge nouée. Il fallait se jeter à l'eau. Et expliquer enfin pourquoi elle se trouvait ici...
- "Dame Louise, je sais que vous doutez de mon identité. A raison. Je... Je .. Rien ne dit que vous me croyez. Je n'aurai pas dû venir ici, mais... Je ne savais pas où aller. Parce que... Diantra est encore si loin, et je ne pouvais pas revenir à Odélian. J'ai quelques ... différents.. avec le Comte."
C'était peu de cas de le dire ! Son souffle s'accéléra. Comment pouvait-elle s'épancher sur cette inconnue ? Il fallait partir. Elle n'était pas la bienvenue, et elle n'avait pas sa place ici. Reprendre la route la terrifiait, mais elle n'avait pas le choix. Un long frisson s'empara de ses mains fines, dont les poings se crispèrent avec nervosité.
- "Je me suis fourvoyée. Le plus important, c'est que ma fille soit en sécurité. Elisabeth est un adorable bébé, et elle sourit tout le temps. C'est un véritable don de la Damedieu... Je rêve de la revoir bientôt."
Est-ce que son esprit s'égarait ? Elle se sentait à nouveau près de l'évanouissement ; mais elle se força à se redresser.
- "Je vous remercie pour votre hospitalité. Je suis désolée d'avoir pris votre nom. J'avais peur de faire peser sur le comté... une menace supplémentaire. Qu'ils me tuent. Alors j'espère que vous saurez me pardonner."
Mais cela aurait été presque plus simple. Elisabeth, elle voulait son Elisabeth...
- "Que la Damedieu vous bénisse, Dame Louise."
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| | | Louise de Fernel
Humain
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| Sujet: Re: Retour à la civilisation Sam 5 Fév 2022 - 21:02 | |
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Il y a un long moment de flottement dans la grande pièce de réception, ce moment où deux personnes qui ne se connaissent pas se parlent pour la première fois, ce moment où, dans les faits, l’une plaide sa cause tandis que l’autre mesure le pour et le contre, attentive aux détails et au moindre petit faux pas possible.
Louise, debout près de cette table et un verre à la main, reconnaît que cette femme n’en a commis aucun. Elle a appelé d’emblée le Comte par son prénom et très adroitement corrigé l’erreur. Un fin sourire s’affiche sur le visage de la châtelaine qui ne répond rien au vibrant plaidoyer de la jeune dame en piteux état. Jusqu’au bout, elle est restée digne là où, sans aucun doute, le manque de retenue et de bienséance manquant parfois au peuple se serait manifesté.
Lorsque la nouvelle venue fait mine de vouloir s’en aller, Louise pose alors doucement son verre sur la table avant de se diriger vers elle, le dos droit, le port de tête fier et le regard désormais d’une douceur à faire fondre le plus glacé de tous les cœurs.
A deux pas de Solange, la châtelaine s’arrête, sourit un peu avant de baisser la tête et de s’incliner, le plus gracieusement du monde en saluant enfin Solange comme il se doit.
- Madame la Comtesse…
Un court instant plus tard, Louise est de nouveau debout et approche de la jeune femme en soufflant :
- Je devais m’assurer que vous êtes celle que vous prétendiez être…Je n’ai plus aucun doute désormais.
Presque timidement, elle s’empare de la main de Solange et ajoute, en serrant sans aucune répugnance la main salie aux ongles meurtris :
- Soyez la bienvenue à Fernel. Considérez ce château comme le vôtre tout le temps dont vous aurez besoin pour vous remettre, mes hommes, mes serviteurs, moi-même serons là pour vous. La nouvelle de votre disparition est connue en Péninsule mais je ne m’attendais guère à ce que vous réapparaissiez en mes terres.
Un doux sourire gentil, sincère, ponctue les propos.
- Il semble que nous ayons beaucoup de choses à nous dire et à discuter mais…pas aujourd’hui. Vous êtes exténuée, votre Grandeur, et en un très triste état. Que puis-je faire dans l'immédiat pour vous? Demandez, n'ayez crainte...
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| | | Solange d'Escault
Humain
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| Sujet: Re: Retour à la civilisation Dim 6 Fév 2022 - 12:49 | |
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Il est de ces instants où plus aucun espoir ne subsiste. Où le bout du chemin semble noyé dans l'obscurité, car plus rien ne peut venir l'éclairer.
Debout devant le feu, elle observait la maitresse des lieux déposer sa coupe d'eau à côté d'elle, se redresser. Allait-elle passer le reste de son existence en prison ? A dire vrai, la noble s'y préparait déjà depuis des semaines - elle était presque soulagée de croupir dans la cellule des Fernel, où le Capitaine ne semblait pas autoriser l'agression des prisonnières. Voilà où en était arrivée son degré de désespoir, ce qu'elle attendait désormais de la vie. Aussi, lorsque dame Louise leva des yeux doux dans sa direction, qu'elle s'inclina en une révérence formelle devant elle, qu'elle l'appela par son rang, en lui saisissant doucement sa main crasseuse, le cœur de Solange faillit s'arrêter.
Elle se mit à trembler, plus faible dans le bonheur que dans l'épreuve, essaya de répondre, mais ne parvint qu'à un sourire enfantin, emplie d'un espoir insensé.
Avec politesse, et parce que l'étiquette lui avait été inculquée depuis l'enfance, la comtesse reprit suffisamment contenance pour s'incliner avec fierté à son tour, dans un mouvement parfait qui fit bruisser le tissu de ses vêtements infâmes. Après tout, c'était essentiellement ce qu'on lui avait inculqué durant l'enfance, et ses manières semblaient revenir naturellement, comme une seconde nature.
Comme il était étrange de se voir enfin inviter au château, de se voir accueillir ! A la déception initiale se mêlait un soulagement intense, qui la prit dans un nouvel étourdissement. La comtesse fit un pas de côté, se raccrocha à son fauteuil de sa main libre.
S'excusa d'un nouveau sourire embarrassé.
- "Dame Louise, vous ne pouviez savoir qui j'étais, et je serai bien sotte de vous en tenir rigueur. Vos gens se sont trouvés parfaits, rigoureux, respectueux et compétents. J'admire votre château, et ce que vous avez su créer ici."
Sa voix était étrangement faible mais emplie d'une grande sincérité, alors que ses yeux bleus brillaient de larmes qu'elle s'efforçait de contenir. Il fallait absolument se tenir, refouler les émotions qui lui brûlaient la gorge. C'était le plus important, car elle savait les lendemains encore difficiles.
- "Je... Je ne voudrais pas vous déranger plus que je ne l'ai fait jusqu'ici. Si j'osais vous demander un repas chaud, un bain et des vêtements décents, je vous en serai déjà fort reconnaissante. Je dois avouer que la route fut longue et difficile, et que je suis très fatiguée. ...Merci, Dame Louise."
En respirant profondément, l'épouse du Comte d'Odélian serra doucement la main de son hôtesse.
- "Je répondrai à toutes vos questions, soyez-en sûre. Il est bon de retrouver... un toit décent et une compagnie agréable."
Il n'y avait pas plus sincère que Solange d'Escault en cet instant ! Intérieurement, elle balbutiait une prière à la Damedieu, bien décidée à prouver sa reconnaissance - pour l'instant, pour les quelques heures ou jours à venir, elle serait protégée et nourrie. Que pouvait-on demander de plus à la vie ?
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| | | Louise de Fernel
Humain
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| Sujet: Re: Retour à la civilisation Dim 6 Fév 2022 - 15:58 | |
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Louise a une conscience aigüe de ce que traverse cette femme. Elle aussi, en d’autres terres, elle a été heureuse de recevoir le soutien d’une personne après une épreuve difficile. La châtelaine compatit donc pleinement à la souffrance muette, une souffrance qu’elle perçoit à chaque tremblement, à chaque mot étranglé, à ces yeux remplis de larmes qui ne tomberont pas par fierté. Louise est rude, elle est parfois brutale, directe, et l’habitude du commandement donne souvent à sa voix cette inflexion sèche, qui ne souffre aucune contradiction. Pourtant, sans dire un mot, elle presse la main de la Comtesse et approche encore passant un bras autour de la taille toute menue, peu incommodée par la saleté ou par l’odeur de ces vieilles nippes que porte Solange.
- Tenez-vous à moi.
Doucement, avec d’infinies précautions, Louise dirige Solange vers son propre siège garni d’un épais coussin de velours rouge et y fait asseoir la comtesse, s’assurant qu’elle soit bien, au plus près du feu. Elle s’éloigne ensuite, verse de l’eau claire dans le verre qu’elle a utilisé juste auparavant et revint près d’elle pour lui tendre la boisson fraîche.
- Tenez.
Louise, tout aussi naturellement, s’en va prendre la place qu’occupait Solange un peu auparavant et s’y installe sans paraître le moins du monde gênée ou incommodée. La réalité est qu’elle réfléchit, évidemment, à cet événement assez singulier.
La Comtesse d’Odélian est donc sous sa protection, désormais, le temps qu’elle se remette et qu’elle puisse reprendre des forces. Un repas, un bain et des vêtements chauds ne seront pas suffisants. Il lui faut des soins urgents, des soins que seule une femme peut apporter à une autre. Il faut donc appeler une prêtresse. En attendant qu’une représentante de la Damedieu se présente, il faudra composer avec l’herboriste de la petite cité. Quelques jours ne seront donc pas de trop pour que la Comtesse puisse reprendre des forces, soin d’elle, dormir sans crainte.
- Je vais faire préparer une chambre pour vous et affecter une servante à votre service exclusif. Madame la Comtesse, vous avez grand besoin de vous reposer et de prendre soin de vous. Vous n’avez rien à craindre à Fernel. Ceci est une forteresse et une multitude d’hommes en armes la parcoure jour et nuit. Quand vous serez rétablie, je mettrai tout ce que j’ai à votre disposition pour que vous puissiez entrer en contact avec votre père.
Louise sourit toujours en ajoutant.
- Je dispose d’une salle d’eau et d’une dame des offices absolument fantastique qui se coupera en quatre pour préparer le repas de votre choix. Vous êtes en sécurité, Madame. Soyez sans crainte, désormais. Je ne vais pas poser de questions aujourd’hui, j’attendrai demain. Quoiqu’il en soit…
La châtelaine se lève et s’éloigne un bref instant pour ouvrir la porte. Deux hommes approchent et s’inclinent, dans l’attente de ses ordres. Des ordres que Solange ne peut entendre mais une conversation débute, brève et directive, dans laquelle plusieurs soldats interviennent en peu de mots. Bientôt le hall résonne de bruit de pas lourds et précipités tandis que Louise revient vers Solange pour l’aider à se relever.
- Il faut prendre soin de vous. Venez, Madame.
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| | | Solange d'Escault
Humain
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| Sujet: Re: Retour à la civilisation Dim 6 Fév 2022 - 18:17 | |
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La sollicitude dont l'entoure brusquement la Dame de Fernel lui semble presque irréelle. Pourtant, ce n'est pas un rêve. A peine consciente, elle se laisse guider vers le fauteuil le plus confortable, remercie Louise à voix basse, tandis qu'elle lui offre un verre d'eau. L'eau est fraiche et délicieuse, et elle en savoure chaque gorgée sur son palais desséché. Elle le repose sur le guéridon, réfléchit qu'il faut le laver - ou pas. Elle est rentrée en sécurité, et personne ne la brutalisera plus pour si peu. A travers une vision plus flou, comme si le sommeil l'appelait déjà pour l'entrainer dans ses filets, la comtesse entend la noble lui expliquer ce qu'il va se passer. Un lit, une domestique de confiance... Elle sait manifestement recevoir, et comment mettre à l'aise ses invités. Écrire à son père, quelle douce perspective ! Un pâle sourire naquit sur ses lèvres, et elle se laisse aller à la douce mélodie du feu et du bois qui craque dans la cheminée, un bref instant, jusqu'à ce que la maitresse des lieux vienne l'aider à se redresser. - "Chère Dame Louise, Odélian et Fernel seront toujours amies, je vous le promet. Je serai toujours votre amie."C'est une servante qui la conduisit à une salle de bain accueillante, au baquet fumant d'une eau parfumée, postée devant une autre cheminée. Gênée devant les nippes répugnantes de l'étrangère qui se révélait être comtesse - en voilà de quoi ragoter à l'office ! Décidément, ce soir, elle aura tant à raconter ! - elle les lui retira du bout des doigts, pour se heurter à la résistance de la "noble", qui refusa de se dévêtir entièrement. Ce ne fut qu'après l'avoir convaincue d'enfiler une chainse propre qu'elle accepta enfin de se plonger dans l'eau et laver ses longs, très longs cheveux noirs. Comme il était bon d'être propre, de sentir enfin bon ! C'était comme une renaissance, une bénédiction de la Damedieu ! Et si ses pieds étaient toujours douloureux, couverts de plaies diverses et d'une couche calleuse qui s'était formée, les longs massages de la servante achevèrent de l'endormir, couverte d'une longue chemise de nuit sèche et douce, sur un fauteuil confortable recouvert d'une fourrure épaisse. **---** Les hommes l'encerclaient. Ils crachaient des choses noirâtres par terre, riaient grassement, à gorges déployés. Ils arrachaient sa robe, avant de la forcer à s'agenouiller, la frappant de leurs bottes immondes. - "Plus bas, par terre, chienne, par terre, mademoiselle !"La tête dans la boue et pelotonnée comme un chien par terre, leur chef s'assit sur une chaise, se servant de son dos comme repose-pied, avant qu'une main moite ne flatte son dos nu... **---** Solange d'Escault se réveilla en hurlant. Se redressant violemment sur son séant, les yeux grands ouverts, la respiration irrégulière et rapide, elle mit de longues secondes avant de comprendre qu'elle n'était plus au camp. Autour d'elle, une jolie chambre, vaste, pourvue d'élégantes tapisseries aux broderies martiales. Les rideaux de ses courtines s'écartèrent, révélant la domestique qui avait pris soin d'elle la veille. - "Madame la Comtesse... Comment vous sentez-vous..? Il est déjà tard dans la matinée, et je vous ai préparé une robe, sur la demande de ma maitresse. Vous voudrez peut-être prendre votre petit-déjeuner ?- Je te remercie, car j'ai grand-faim, en effet."La tête emplie de souvenirs, la jeune femme se leva résolument, forçant son corps fourbu à se secouer un peu. Elle n'avait aucun souvenir d'avoir été conduite ici ; mais quelque chose lui disait qu'elle n'était pas prisonnière. Pas encore. Ici, le silence même était amical. Dehors, le bruit des hommes d'armes l'angoissa - mais les chiens qui aboyaient et les serviteurs qui riaient aimablement quelque part ailleurs la calma vite. Après avoir été habillée d'une robe de velours rouge aux broderies d'argent, et que l'on ait tressé ses cheveux, elle mangea une collation légère dans sa chambre sous les yeux curieux de sa femme de chambre ; avant de finalement reprendre la parole, d'une voix légère. - "Pourrais-tu aller demander à Dame Louise si elle désire que nous prenions le déjeuner ensemble ? Je serai bien aise de profiter de son aimable compagnie, si elle en a le loisir, bien entendu."Elle se retrouva seule. Elle ouvrit aussitôt la fenêtre, inspira l'air frais à plein poumons, puis, saisissant un livre, s'abima bientôt dans sa lecture, jusqu'à ce qu'on la conduise dans une salle dominée par une table plutôt intime d'une dizaine de place et d'une tête de drow décapitée. Les traits tirés, très pâle, la comtesse d'Odélian arborait cependant un grand sourire heureux. Elle inclina gracieusement sa tête devant son hôtesse, lissant délicatement les plis de la robe qu'on lui avait prêté, consciente de donner bien meilleure allure d'elle-même que la veille. Ses pieds convenablement bandés la faisaient encore souffrir dans les souliers de vair qui avaient été mises à sa disposition, mais peu importait ! Elle se sentait à la fois forte et faible. Portée par l'euphorie d'un bon repas et d'une robe chaude, elle était décidée à ne plus faire attention à sa fatigue ni à ses cauchemars. Désormais, elle recommencerai une vie qui en vaudrait la peine aux yeux de la Damedieu. - "Chère Dame, je vous souhaite le bonjour. Avez-vous bien dormi ? Je vous remercie de manger en ma compagnie. Il est plus agréable de passer du temps avec vous, car je désire désormais pouvoir mieux vous connaitre."Elle savait qu'il faudrait passer par l'épisode pénible de questions embarrassantes, mais à dire vrai, Solange avait hâte d'en avoir enfin terminé.
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| | | Louise de Fernel
Humain
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| Sujet: Re: Retour à la civilisation Lun 7 Fév 2022 - 20:18 | |
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Lorsque la Comtesse sort de la grande salle de réception, entourée par deux servantes qui la soutiennent, Louise la suit des yeux avant de se rasseoir sur la petite chaise simple, les iris noisette fixés sur ce voluptueux coussin de velours rouge qu’il faudra sans doute penser à faire nettoyer. L’état physique de la Comtesse est absolument ignoble. Sale, crottée, les mains abîmées, cette pauvre femme a du subir des horreurs entre les mains de ceux qui la retenaient contre son gré, elle est en certaine. Ce regard vide, ces absences, ce teint brouillé, tout cela lui rappelle sa propre réaction après avoir rencontré la Haute-Prêtresse de Kiel. Solange d’Escault est probablement encore en état de choc…Il faudra donc être vigilant au choix des mots lors de leur prochaine rencontre.
Accoudée sur la petite chaise, Louise regarde danser les flammes de l’âtre alors qu’un homme entre dans la pièce et fait son rapport, ainsi qu’elle le lui a demandé plus tôt. Elle écoute, se redresse sur sa chaise et croise les mains sur son ventre, l’œil inflexiblement rivé sur ces flammes grignotant d’énormes buches de chênes.
- Surveillez-le. Je veux que trois hommes le suivent, jour et nuit. Postez-en un dans l’auberge et avertissez le tenancier. Qu’il ne quitte pas la cité. S’il tente de s’échapper, vous pouvez l’enfermer dans les geôles.
Que l’on se présente à Fernel en ami, l’on sera reçu comme tel. Que l’on se présente sous un autre jour, l’on découvrira que Fernel vue des geôles n’a absolument rien d’idyllique.
La châtelaine restera un long moment avant de réintégrer ses appartements et de commencer la rédaction de plusieurs courriers.
Le lendemain
Louise est matinale. Après avoir passé de longues minutes à s’entraîner avec Enguerrand, elle a pris soin de son cheval, elle a répondu aux questions que ses hommes lui posaient, elle avait, enfin, accompli l’essentiel de ses tâches quotidiennes de gestion habituelle de sa seigneurie. Lorsqu’une domestique lui glisse que la Comtesse désire prendre le petit-déjeuner en sa compagnie, elle donne son accord bien entendu et délaisse son courrier pour descendre en la salle plus petite, plus intime, qui sert de salle de réception à tous les invités dans un cadre un peu moins formel.
Lorsque Solange entre enfin dans la pièce, Louise est là, tranquillement assise à table, vêtue d’une robe toute aussi simple que la veille, de la laine bleue confortable, une cape d’intérieure dépourvue de manches mais bordée de douce fourrure, les longs cheveux répandus sur son dos. Elle se lève et vient saluer la Comtesse, polie, pour ensuite l’observer de ses grands yeux noisette, satisfaite pour l’instant de ce qu’elle voit.
- Vous semblez vous porter un peu mieux, Madame, je m’en réjouis. Venez…
Elle passe son bras sous celui de Solange et l’aide à avancer jusqu’à la place d’honneur, en bout de table avant de reprendre la sienne, à ses côtés.
- J’en déduis que vous avez passé une nuit agréable ?
Louise présente alors d’un geste de la main un petit déjeuner fabuleux préparé par Maïeté, la dame des offices. La châtelaine glisse, avec un sourire :
- Il y a un petit gâteau aux pommes, tout frais de ce matin. Il doit être encore tiède. Je vous en prie, servez-vous, nous sommes entre nous, aucun domestique ne viendra nous déranger, j’ai demandé qu’on nous laisse seules.
La châtelaine avait ses raisons pour que cela soit, la principale étant un réel souci d’intimité et de pudeur dus à une femme qui n’en a probablement pas bénéficié depuis un long, très long moment. Si Solange veut parler, cela sera sans doute un peu moins difficile sans autres oreilles que celles de Louise. La châtelaine ne brusque d’ailleurs en rien les choses, elle laisse le temps à la Comtesse de se familiariser avec Fernel, son hôte et tous les belles victuailles fraîches qui sont offertes sous son nez. Louise, pour sa part, s’empare d’un morceau de gâteau, elle en coupe d’ailleurs quelques parts d’avance pour faciliter la tâche à la Comtesse si elle souhaite y gouter et s’empare également d’un tout petit pot de confiture de fleurs rouges.
- Je réitère ce que je vous ai dit hier. Vous êtes ici chez vous, en sécurité. Vous n’avez rien à craindre de personne en ces murs, j’y veille personnellement.
Une merveilleuse odeur s’échappe du pot de confiture dans laquelle Louise plonge une petite cuillère d’argent pour en napper la portion de gâteau.
- J’ai fait quérir une prêtresse de Néera pour vous. Notre temple subit quelques travaux d’aménagement mais il reste accessible si vous désirez y prier. Y a-t-il quelque chose que je puisse faire afin de vous soulager ? Parlez, n’hésitez pas à demander…
Une merveilleuse bouchée de gâteau plus tard, la châtelaine regarde Solange, un regard droit et franc, sincère.
- Peut-être…avez-vous envie de vous confier ? Je ne vous y oblige en rien mais peut-être désirez-vous soulager votre cœur et votre esprit…Vos épreuves ont du être particulièrement difficiles…Je ne suis certes qu’une étrangère mais si vous souhaitez vous apaiser de cette façon…
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| | | Solange d'Escault
Humain
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| Sujet: Re: Retour à la civilisation Lun 7 Fév 2022 - 23:35 | |
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L'odeur du gâteau frais et de la confiture lui mirent l'eau à la bouche.
La chaleur et le respect de son hôtesse à son encontre la fit frissonner - de bonheur évidemment - et elle se retrouva assise là, à la place d'honneur, entourée des attentions de Louise de Fernel, comme si tout cela était naturel, qu'elle devait retrouver sa place, celle qu'elle occupait en ce monde. Mais cela lui paraissait irréel, étrange, de s'asseoir dans ce siège qui dominait la tablée, de se poster en grande dame, alors qu'elle ne pouvait se débarrasser des terribles images qui hantaient ses pensées. Que le jour précédent, elle n'était qu'une pauvresse dont les gardes se moquaient, et qui n'auraient jamais retenue l'attention de son interlocutrice... Et parce qu'elle était différente désormais. En quoi méritait-elle les honneurs, finalement ?
Elle ne devait sa position qu'aux meurtres de son mari.
Un frisson la secoua toute entière. Une nausée monta, redescendit, tandis que Solange se forçait à sourire. Louise était si charmante, si intéressée par son bien-être que la jeune comtesse ne pouvait décemment la décevoir, et elle accepta une part de gâteau aux pommes, en la remerciant poliment.
Et se mit à badiner, comme si rien n'avait changé, qu'elle était toujours la même ; mais ses yeux restaient fixes, et ses mains ne pouvaient s'empêcher de trembler subtilement.
- "J'ai très bien dormi, je vous remercie, Dame Louise. Après cette route, j'avais presque oublié combien le sommeil était important. Je serai ravie de pouvoir prier, évidemment, et de rencontrer votre prêtresse. Je crois que la religion m'a manqué ...Terriblement manqué. Il était effroyable d'être... si loin... si loin de ce qui peut soutenir si fort votre âme."
Elle eut un silence. Malgré son envie, Solange d'Escault n'arrivait pas à toucher à ce si délicieux gâteau. La proposition de son interlocutrice la touchait en plein cœur - et bien qu'elle se sache en sécurité, qu'elle sache Louise sincère (qu'elle l'espérait, en tout cas !), une peur confinant à la panique retenait les mots sur ses lèvres. Mais c'était la meilleure occasion de se montrer enfin sincère, d'expulser le mal, les horribles choses que son âme retenait depuis des ennéades. S'il n'était pas question de parler des conditions de vie qui étaient les siennes au camp des brigands en Aduram, la châtelaine de Fernel méritait la plus importante des vérités.
Le regard de sa voisine était franc, sincère - et pardessus tout, Solange se sentait d'une fragilité extrême.
Après cela, elle serait entre les mains de Dame Louise, mais ce serait mieux ainsi.
- "Dame Louise, vos attentions vous honorent. J'ai... Je ne peux pas... parler de ce qui s'est passé. Je crains que cela ne soit trop récent... Mais j'aimerai partager une autre... confidence. Je vous en parle, parce que je désire être honnête, afin que ... s'il m'arrive malheur en reprenant la route, vous puissiez alors reprendre le flambeau."
La jeune femme se rafraichit avec un peu d'eau fraiche, ferma les yeux pour se calmer. Sa respiration avait forcit, et elle entendait, très nettement, les ricanements de son geôlier, comme s'il était dans la même pièce, qu'il attendait de la reprendre sous son joug implacable.
Etait-elle folle de se confier à une inconnue ? Et si elle prenait partie pour Charles, si elle ne la croyait pas ? Si elle la mettait en prison ? Toute couleur avait quitté ses joues, et elle résolut de se lancer. Peu importait les conséquences : ce secret était trop lourd, trop monstrueux. Elle n'était plus en état de le garder en elle.
- "Vous avez dû ouïr les rumeurs épouvantables sur mon époux, que je n'avais guère entendue moi-même, avant qu'un homme étrange, un mercenaire semble t-il, ne me les conte, au château d'Odélian. La vérité est que mon époux est un meurtrier."
Elle se sentait mal. Elle n'aurait jamais dû parler. Sa respiration s'accéléra, et, en croisant les bras, elle saisit le tissu précieux de ses manches.
- "A vrai dire, je ne me mêle pas de politique. Mon père et mon mari me l'ont interdit, mais .. Je me suis toujours sentie très mal d'accéder à la position comtale. Ces enfants... toute cette famille décimée ... Il y a peu.. Enfin... plusieurs ennéades, mais je ne sais pas combien précisément... Un homme est parvenu à ma chambre, sans que les gardes ne le repère. C'était... l'assassin du comte Gaubert d'Odélian. Il m'a donné... sa confession du capitaine de la garde... qu'on a retrouvé pendu le lendemain... la confession aussi de l'assassin. Tout... tout devrait être à l'orphelinat que j'ai créé, à Diantra. Je-je n'ai aucune preuve à vous offrir concernant mon innocence, aucune. Mais je n'aurais jamais osé faire de mal à qui que ce soit. Je n'aurai jamais osé tuer ma parentèle, et surtout des enfants. Je laisserai le Régent en être juge, et je me soumettrai à tout ce qu'il jugera bon. Je vous en prie, dame Louise, je vous en supplie... ne me voyez pas comme... une meurtrière. Je ne suis pas comme ces bandits. Je ne suis pas... Tout cela m'obsède depuis tant d'ennéades ! Je..."
La force lui manqua soudain. De grosses larmes roulèrent sur ses joues émaciées, bien qu'elle gardait la tête haute, et que ses tremblements s'accentuaient.
- "C'est pour cela que je dois aller à Diantra de toute urgence. S'il a organisé mon enlèvement, c'est qu'il devait se douter que les papiers... Que j'avais lu ces odieux papiers. Que je suis résolue à le dénoncer, à renoncer à tout pour rétablir la vérité. Peu m'importe d'être comtesse ou de mourir, si je peux... me montrer digne de la Damedieu, de sa Vertu et de sa Droiture."
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| | | Louise de Fernel
Humain
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| Sujet: Re: Retour à la civilisation Mar 8 Fév 2022 - 16:44 | |
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Si du point de vue de Solange, Louise est parfaitement charmante et prévenante, cette dernière n’en est pas moins terriblement attentive à chaque détail. L’expérience lui a appris que ce sont souvent les petits éléments les plus insignifiants qui dévoilent tout et en l’occurrence, malgré le ton enjoué et le teint plus ou clair de la Comtesse, le tremblement des mains et les yeux vidés de tout éclat n’échappent en rien à la chatelaine qui mange tranquillement son repas. Elle laisse la Comtesse s’exprimer, en une technique maintes fois éprouvée et qui ne manquent pas de donner un résultat une fois encore.
Un résultat assez inattendu.
Dans un élan totalement imprévu, la Comtesse se livre sans détour, petit Souffle charmant qui ne peut plus garder le secret visiblement trop lourd pour ses menues épaules. La châtelaine accueille cette confession d’un air totalement impénétrable, déposant le petit morceau de gâteau sur son assiette, pour croiser les mains sur ses cuisses.
Ainsi, la Comtesse confirme donc ce qu’elle savait déjà depuis bien longtemps : Charles de Prademont a bel et bien fait exécuter l’ensemble des héritiers de son cousin afin de s’emparer du trône comtal. Louise plisse un instant les yeux, songeant au sort de cette femme dont les mains tremblent si fort. Jeune épouse, mère, compagne d’un homme totalement indigne qu’elle a elle-même rencontré et qui lui a déplu d’emblée par ses manières et ses façons, enlevée par des bandits et maintenant potentiellement poursuivie par son époux pour une raison indigne... Louise ne peut que compatir, évidemment, même si elle sait très bien par quelles mains ces Souffles ont été rompus…Les grandes mains d’artiste de la mort qu’elle connait si bien.
La chatelaine ne dit pas un mot, elle approche tout simplement sa chaise de celle de Solange et sans un bruit s’empare d’une des petites mains qui tremblent pour la serrer en douceur dans la sienne, chaude et apaisante.
- Madame la Comtesse…J’ai entendu les rumeurs, je me suis arrêtée dans nombre d’auberges lors de mon retour de la capitale. Les chansons racontant Odélian venaient bien après les éclats d’une guerre que nous avons de justesse évitée. Il n’a pas échappé au petit peuple que tous les décès successifs survenus dans la famille de l’actuel Comte n’ont servi qu’à une seule et unique personne, ces trépas fort à propos n’ont bénéficié qu’à votre époux. Les petites gens, Madame, pour voir les choses de loin n’en sont pas aveugles pour autant…
La pression sur la main de Solange se fait plus présente.
- Il n’y a point de jugement en mes paroles, je vous énonce de simples faits. Je sais, Madame, à quel point l’on nous tient, femmes de Péninsule, dans l’ignorance la plus totale de toutes ces choses politiques et martiales. Tout ceci n’est pas de votre fait, j’en suis absolument convaincue.
Un sourire étire les lèvres de la châtelaine.
- Je ne vous considère nullement comme une meurtrière, Votre Grandeur. Vous avez obéi à votre père et à votre époux, ainsi que l’on nous l’enseigne dès le berceau. La Bienveillante a guidé vos pas jusqu’à ce château parce qu’elle sait que je suis en mesure de vous aider, j’en suis absolument convaincue.
La châtelaine est rude, certes, elle parfois brutale, directe et sans détour, impitoyable en ses haines mais elle a un cœur sous l’armure qu’elle s’est elle-même forgée au fil des mois. Elle est sensible à la détresse de cette femme qui pleure à sa table, dont les mains tremblent et qui semblent à présent si démunie qu’on dirait une enfant. La châtelaine s’empare d’une serviette propre et la tend à Solange, avant de dire d’une voix douce :
- Séchez vos larmes, Madame la Comtesse. Les femmes de Péninsule ne sont pas des agnelles que l’on peut mener à l’abattoir ou au pilori sans qu’elles ne se défendent. Parfois, sous les fourrures blanches se cachent des louves.
Un autre sourire avant qu’elle ne se lève et fasse quelques pas, pensive.
- Ma charge d’Emissaire de la Couronne auprès des Nains du Zagazorn me donne une entrée au palais royal. Vous pourrez vous y présenter avec le seul carrosse qui existe en cette seigneurie et qui était précisément utilisé par Dame ma mère. Cela conservera donc votre identité secrète et vous pourrez donc voyager sous couvert de ce nom, si vous le souhaitez. Ma mère était une Dame soucieuse de son prochain, elle aurait agi comme je suis en train de le faire, j’en suis convaincue…
Elle sourit en songeant à sa mère, cette femme si douce qui a pleuré son amour perdu jusqu’à la mort.
- Pour garantir votre sécurité, je vais diligenter les reîtres que le Comte d’Arétria m’a cédé. Ces hommes sont de redoutables guerriers, je ne doute pas qu’en leur compagnie vous pourrez atteindre la capitale sans le moindre problème. Une demi-douzaine de ma propre garde sera également du voyage. Ce sont de rudes hommes mais ils sont loyaux, j’ai une totale confiance en eux.
Elle s’arrête à la fenêtre, toujours pensive et demande :
- Cet homme qui vous accompagnait et qui réside désormais à l’auberge…Qui est-il ?
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| | | Solange d'Escault
Humain
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| Sujet: Re: Retour à la civilisation Ven 11 Fév 2022 - 11:11 | |
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Une quinte de toux déchira la gorge de la jeune femme, qui la cacha derrière la serviette offerte, avec lequel Solange d'Odélian venait de sécher ses larmes.
Le soutient inattendu de Dame Louise de Fernel lui procurait un étrange sentiment de surprise et de bonheur. On la croyait ! Quelqu'un d'amical lui tendait la main, l'encourageait à se battre, à agir - une éminente diplomate la croyait innocente, la savait innocente. Jamais elle n'aurait pris ces vies, et entendre son interlocutrice le reconnaitre la bouleversait.
Oui, elle serait bientôt une louve. Elle deviendrait un mur de loyauté et de droiture contre le mal, et elle éduquerait sa fille dans cette voie.
Tout en suivant son interlocutrice du regard, la Comtesse garda le silence, durant de longs instants. Peu à peu, ses tremblements s'apaisèrent, et bien qu'ils ne disparurent pas, un peu de lumière et de vivacité étaient revenus dans ses yeux. Son souffle s'était un peu accéléré, et la jeune femme se redressa à son tour, en posant ses deux mains sur la table.
- "Je... Je ne savais pas que occupiez un poste si important, Dame Louise, et.. je vous adresse mes sincères félicitations. Je comprends pourquoi le Régent vous a choisi, votre verve est aussi aiguisée que votre intelligence. J'avais presque oublié que le monde recelait encore de personnes capables de compassion. Je partirais aussi rapidement que possible, dès que vos hommes seront prêts. Soyez assurée qu'Odélian, si le Régent le permet, ou Escault, vous rendra la pareille. Je m'engagerai par écrit, dans l'éventualité où je serai également condamnée avec mon époux."
A dire vrai, savoir que quelqu'un la savait innocente lui donnait la force d'affronter la mort prochaine. Pouvait-elle être encore humiliée, après tout ce qu'elle avait subie ? Certes non : elle était immunisée pour le restant de ses jours.
Alors Solange releva ses yeux de saphir sur son interlocutrice, s'efforça de lui offrir un sourire aimable, qui s'effaça presque aussitôt.
- "Eran... Oui, évidemment. Je n'ai pas eu le temps de vous en parler. Voyez-vous, il s'agit de mon sauveur, et de mon protecteur. Il... Il... Il m'a aidé à fuir le camp, en Aduram. La rançon n'était pas arrivée. Elle n'était pas arrivée. ils devenaient chaque jour plus cruels. Leur chef les laissaient faire... p-plus... plus. Un jour, au milieu de la nuit, il m'a prise par la main, et nous sommes partis. Nous sommes partis. Il s'agissait de mon ... "surveillant" principal, qui devait m'accompagner partout. C'est... Un bandit de la pire espèce. Je ne sais pas pourquoi il a décidé de me ramener à ce qu'il croyait ma maison, mais il l'a fait. Je sais qu'il n'est pas mauvais. La Mère me demande de croire en lui."
Elle baissa la tête, la releva brusquement. Le souvenir vivace, traumatique, d'un jeu cruel remonta brusquement à la surface. Elle tourna la tête en entendant le son d'un couteau qu'on lançait vers elle, et elle ne put s'empêcher de sursauter en poussant un petit cri de terreur. Elle vit distinctement le couteau à ses pieds ; puis, d'un battement de cil, il disparut, la laissant estomaquée et incertaine sur sa santé mentale.
Il fallait absolument chasser tous ces horribles souvenirs. Maintenant. Mais comment faire ...?
Elle décida de se focaliser sur un sujet plus heureux, celui qui lui avait permis de tenir durant toutes ces ennéades.
- "Vous savez, ma fille s'appelle Elisabeth, comme feu votre mère. Je suis si heureuse qu'elle soit bien en sécurité à Odélian.. Un jour, je vous la ferai connaitre. C'est encore un bébé, mais elle est très intelligente. Je vous la présenterai lorsque vous viendrez me rendre visite au château. Car, ma chère, vous y serez toujours la bienvenue."
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| | | Louise de Fernel
Humain
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| Sujet: Re: Retour à la civilisation Dim 13 Fév 2022 - 18:02 | |
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Louise a un sourire vague depuis sa position à la fenêtre. Elle regarde à l’extérieur, elle semble plongée dans ses pensées.
- Je vous remercie, Votre Grandeur. Vous ne pouviez guère le savoir, je n’en parle que rarement et je ne l’évoque que très peu ici à Fernel. De plus, vous avez été longtemps…écartée de la vie en Péninsule, si je puis dire. Il y a probablement des choses que vous ignorez, des choses importantes qui plus est mais il n’est pas l’heure de débattre de cela. Le Régent aura sans aucun doute tout le loisir de vous informer en détails.
Si Solange désir poser des questions, Louise y répondra sans aucun doute mais la conversation n’a pas pour but d’évoquer les derniers et terribles incidents qui ont bien failli provoquer une guerre et qui ont pourtant couté si cher à la Péninsule. Ici, il est d’abord question d’Odélian et de Solange.
- Votre escorte peut être prête en deux jours, ce qui n’est pas votre cas, Dame Solange. Il faut que je fasse réviser ce carrosse que je n’utilise jamais et que je vous fasse préparer un trousseau pour ce voyage. Il faudra attendre quelques jours, le temps qu’un tailleur crée des habits à votre taille.
Et c’est sans doute cela qui va prendre le plus de temps. Louise ne s’encombre guère de ce genre de détails. En voyage, sur de très longues distances, elle monte à cheval, habillée comme ses hommes pour des soucis de praticité et de confort durant les longues heures de chevauchée et quelques hommes portent le trousseau, lui aussi toujours minimaliste. Être rapide et voyager léger est un atout qu’elle n’a jamais négligé et qui lui a souvent été bénéfique dans la gestion de certaines crises. Pourtant elle sait aussi que ce n’est guère à la portée de toutes les dames et encore moins de celle-ci qui a besoin d’une réelle protection en chemin. Le carrosse sera parfait, ses reîtres le seront également et elle y adjoindra une servante pour son service personnel. Il y a beaucoup de choses à gérer, Louise s’en chargera sans en dire un mot à Solange. La châtelaine porte assistance à une noble dame, tout simplement.
- Vous avez besoin de repos, le voyage vers Diantra en carrosse est très long et épuisant et vous êtes vous-même dans un profond état de fatigue, Madame la Comtesse. Il serait totalement déraisonnable de vous jeter ainsi sur les routes, sans préparation et sans repos. Souffrez donc que l’on prenne soin de vous…Vous n’en serez que plus présentable aux yeux du Régent.
Oui, Louise est directe mais elle est objective. La Comtesse ne peut pas se présenter à Diantra, ce nid de vipères, sans être apte à se défendre un minimum. Se rendre là-bas en état de faiblesse revient pratiquement à se suicider, d’autant qu’elle aura sans doute à plaider sa cause.
Et songeant à ces défenses à venir, la Comtesse répond aux questions concernant son accompagnateur qui réside à l’auberge comme s’il était en terrain conquis. Il a une attitude ouvertement déplaisante envers l’aubergiste et les autres résidents, ce que n’a pas manqué de rapporter le tenancier au garde venu poser des questions.
S’il y a une chose qui dégoûte Louise, c’est la violence envers les femmes, qu’elles soient paysannes ou nobles dames. Jamais elle n’a ressenti autant de joie que le jour ou Geoffroy, ce sinistre violeur, horrible personnage, s’en est allé nourrir les rapaces des montagnes de son vieux corps décharné et bleui par le froid autant que par les coups d’Elazar. C’est probablement une des rares choses qui font sortir la châtelaine de ses gonds. Imaginer la douce et fragile Solange entre des mains pareilles…Louise baisse d’un ton en répondant à la Comtesse, les poings brièvement serrés :
- Il a sans doute voulu garder la rançon pour lui tout seul en vous amenant ici. Je vais le faire amener au château, je déciderai de son sort plus tard, mais je ne veux pas le laisser en compagnie d’honnêtes gens qui travaillent dur pour obtenir ce qu’ils possèdent. Ce malandrin goutera une autre forme d’hospitalité nordienne. L’un dans l’autre, il aura toujours à manger et un toit, c’est bien assez pour ce misérable.
Le comportement de la Comtesse lui imposera pourtant silence. Elle sait déjà que cet Eran finira au cachot, ne serait-ce que pour avoir participé à l’enlèvement de la comtesse. Il pourrait être un témoin intéressant dans un procès futur, autant le laisser en vie, en bas. Un fin sourire étire brièvement les lèvres de la châtelaine avant qu’elle ne la rejoigne, tranquillement.
- N’ayez crainte, vous reverrez votre enfant, Dame Solange. Je serai ravie de vous rendre visite en Odélian, à votre meilleure convenance, mais pour l’heure, il faut songer à vous et à vous préparer pour le long voyage qui s’annonce. Souhaitez-vous que je fasse avertir votre père ? Avez-vous peut-être des besoins particuliers, un souhait ?
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| | | Solange d'Escault
Humain
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| Sujet: Re: Retour à la civilisation Dim 20 Fév 2022 - 21:29 | |
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Solange posa les mains sur la table, ferma brièvement ses yeux. Bien qu'elle soit comtesse, nul n'obligeait la châtelaine à l'aider, sinon la bienséance ; et seul cet endroit calme, paisible, l'aidait à refaire surface et à essayer de penser clairement.
Les préparatifs iraient certainement bon train - des hommes d'armes seraient alloués à sa suite, et elle serait protégée durant tout le voyage. Mais comment rester sereine, empêcher à nouveau cette terreur insigne de monter, quand son dernier voyage s'était soldé par les pires heures de toute son existence ?
Elle s'obligea à se calmer, à respirer doucement, à se concentrer sur la danse hypnotique des flammes dans la cheminée. Il fallait rester ici et maintenant : il y aurait bien assez de nouveaux problèmes, plus tard. Pour l'instant, il fallait songer à Eran. Elle avait tout autant peur de lui, qu'elle avait eu besoin, viscéralement, de sa présence protectrice ; et cela ne lui semblait pas juste de le punir pour l'avoir amené à bon port, bien que son interlocutrice ait potentiellement raison. Après tout, il devait être intéressé par sa rançon, ce qui s'avérait logique.
Elle frissonna.
- "Dame Louise, je vous remercie de votre sollicitude. Je me rendrais évidemment présentable, et cela me fera du bien, il est vrai, de pouvoir me reposer en attendant que les robes soient prêtes. Je dois me reprendre et me concentrer sur ce qui est réellement important."
Et pourtant, la jeune femme n'avait qu'une envie : se laisser aller à sangloter, dans les bras chauds et rassurants de sa mère. Ce qui était exclu pour le moment. Une longue quinte de toux déchira à nouveau sa gorge, l'obligea à se rasseoir, le dos droit, les yeux posés sur la délicieuse tartine qu'elle n'avait pas touché pourtant.
- "Si cela vous est possible, pourriez-vous faire envoyer une missive à Escault, en l'adressant à ma mère, dame Clothilde d'Escault. Elle gardera le secret, et cela lui fera sans doute du bien de me savoir en vie. Mais si chacun me croit morte ou disparue, je serai moins aisément démasquée, et je prendrais mon époux par surprise en me dévoilant à Diantra. Sur la route, personne ne doit connaitre ma véritable identité."
C'était comme une obsession. Si son époux payait d'autres mercenaires ? Si un nouvel "accident" lui arrivait ? Reprendre la route semble semblait terrifiant - et pourtant, la question ne se posait pas. Il fallait y aller.
Avec douceur, Solange d'Odélian reprit la parole, en songeant à nouveau au bandit qui ne se doutait pas de ce qui se décidait pour lui.
- "J'ai peur d'être terriblement ingrate envers cet homme, comprenez-vous. Je vous en laisse juge, car vous avez probablement les idées plus claires..."
A nouveau, elle faillit s'étouffer dans sa serviette, en tentant de se faire aussi discrète que possible. Il semblait que sa gorge était en feu, et que son nez n'était guère dans un état plus brillant.
- "Hm, plus claire que les miennes. Mais je vous prie de lui laisser la possibilité de se repentir de ses actes. Je sais que ce n'est pas une mauvaise personne... et j'en serai une moi-même si je ne soulevais pas la question de la protection qu'il m'a prodigué, tout au long de la route. Je crois... Que ce n'était pas par pure avidité, mais rien ne me le prouve."
Un soupir s'échappa de ses lèvres, malgré elle. La comtesse offrit un sourire vulnérable à son hôtesse, songea à ce qui avait dû se passer sur la scène politique en Péninsule, se redressa. Ses idées n'étaient pas claires, et elle se rendit compte qu'elle n'avait que le désir d'une discussion amicale, qu'elle n'avait de besoin que de voir une prêtresse et se reposer, dans un bon lit chaud et confortable. Qu'elle désirait avoir une véritable amie, un refuge où elle se sentirait chez elle, à l'aise et en sécurité. En sécurité...
La noble péninsulaire se redressa, se remit à tousser, dû se retenir de sa main valide à la table, en faisant semblant de rien.
- "Si je pouvais voir une prêtresse de Néera, afin de soulager mon âme, cela suffira à mon entier bonheur, chère dame. Je ne me sens pas très bien... Je crains de devoir prendre congé de vous pour ce matin. Mais je serai enchantée de vous revoir dès ce soir, si votre emploi du temps vous permet de savourer le repas du soir en ma compagnie."
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| | | Louise de Fernel
Humain
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| Sujet: Re: Retour à la civilisation Lun 21 Fév 2022 - 19:14 | |
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Louise fronce soudain les sourcils en regardant Solange. Cette toux déchirante et cette mine grise n’augurent rien de bon. Quelle misère a du être la sienne pour être à ce point accablée…et soucieuse du bien être d’un scélérat qui n’aurait sans doute pas hésité une seconde à l’abandonner s’il n’y avait eu cette perspective de rançon.
- Dame Solange, je ferai parvenir un billet à votre mère. Pour le reste, ne vous souciez plus de cet homme. Son sort n’est plus en vos mains.
Inutile d’entrer dans les détails. Solange d’Escault n’est pas en état d’entendre la suite, elle est faible, visiblement fébrile et atteinte d’une toux qui l’empêche de se tenir correctement à table. Louise approche et se laisse aller à un geste totalement désintéressé : elle passe son bras à la taille de la Comtesse et dit, tranquillement, tout en la soutenant :
- Peut-être avez-vous un peu présumé de vos forces pour ce jour, Madame la Comtesse. Je vais vous reconduire à votre chambre et faire venir une prêtresse tout comme mon guérisseur. Je gage que les soins conjugués de ces deux personnes parviendront à au moins apaiser vos maux…Laissez-moi vous aider. Nous nous reverrons quand vous serez mieux.
Elle conduit alors la Comtesse en dehors de la petite salle de réception et sort sous les regards de ses hommes et des serviteurs qui accourent pour les aider toutes deux.
Dès que Solange sera bien au chaud dans sa chambre, Louise se rendra dans la sienne pour écrire un petit courrier assurant à Clothilde d’Escault que sa fille est en sécurité à Fernel et que par souci de discrétion la châtelaine prendra en charge tout le soin prodigué à la Comtesse. Le petit message sera envoyé par porteur, le matin même, un cavalier de Fernel quittant l’enceinte au triple galop.
Plus tard, elle fera mander une prêtresse ainsi que le guérisseur du village afin qu’il concocte quelque baume et une potion pour soulager la Comtesse.
Enfin, elle fera venir Aymeric pour lui expliquer la situation et ce dernier s’en ira appréhender le malandrin vivant aux crochets de la châtelaine pour l’enfermer dans les geôles du château. La place ne manque pas dans ces grands cachots humides et froids et il pourra bien hurler tout son saoul, seul l’écho des pierres lui répondra, avant qu’Elazar ne vienne l’interroger.
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