Quand la passion détrône la haine, passer de maître à dévoué. [ Krish ]

Avant même de franchir la porte menant au couloir, il s’attendait d’ores et déjà à subir les railleries –ou au moins, les regards indiscrets- des serviteurs de la maîtresse des lieux. Et cela ne l’emballait pas des masses, vous devinerez. Qu’à cela ne tienne, il conquit tout de même les dédales des couloirs avec dans les bras la forgeronne au regard à moitié clos, presqu’endormie. Quant à lui, les traits de son visage se montraient sévères à l’habituelle, cherchant a dissuader quiconque lèverait les yeux devant lui et son corps bien estampillé « Al’Serat », vu le nombre de blessures, d’estafilades et du bijou à son oreille poisseuse. La bonne fortune était au rendez-vous ; aucune tête ne tombera ce soir-là, car sa marche de la honte jusqu’à la chambre de sa conquête se passa sans accrocs.

Arrivés à destination, tout était déjà prêt et brillamment préparé pour recevoir la forgeronne. Était-ce ainsi qu’elle était traitée quotidiennement ou s’était-elle assurée justement que sa couche soit ainsi pour ce soir, spécifiquement ? Après tout, rien ne l’étonnait plus désormais ; la richesse et le pouvoir faisait faire du quotidien de l’extraordinaire pour celui qui n’en avait l’habitude. Il la déposa sur son lit à perte de vue, prudemment, puis l’aida à trouver le confort des nombreuses pelisses douillettes. Un brin d’eau passé à torcher son corps meurtri, il vint la rejoindre sans piper le moindre mot. Tous deux étaient éreintés à outrance et pour une fois, le silence avait quelque chose de doux à l’oreille … Lorsqu’elle se calla contre lui, automatiquement son bras s’enroula autour de ses épaules afin de la maintenir fermement, qu’elle se sente protégée, appréciée, aimée. Le jeu était terminé, de même que cette lutte au pouvoir afin de savoir qui des deux devaient porter le chapeau de maître. Ils n’étaient plus que deux anciens mariés, cherchant à se tenir compagnie … Dans l’espoir peut-être de revivre ce sentiment de sécurité que l’un pouvait offrir à l’autre.

Elle trouva sans doute le sommeil assez rapidement, mais lui, malgré la fatigue qui le tenaillait, il ne désirait pas fermer les yeux. La bouille légèrement au-dessus d’elle, il humait son odeur, il profitait de sa proximité, se surprenait même parfois à laisser la trace de ses lèvres contre le sommet de son crâne … Et d’un souffle apaisé, comme si les paroles venaient d’un rêve éveillé, elle se prononça. Un spasme secoua la main de Velkyn contre celle de Krish qu’il tenait entre ses cinq doigts … Avait-elle vraiment dit ça ? Se pouvait-elle qu’elle soit encore enivrée par l’alcool ? Certainement, car une nuit aussi intense ne pouvait certainement pas lui faire ravaler les raisons de son départ du Vatna, non! Cela, il ne pouvait le concevoir … Voilà pourquoi il ne donna suite à cette idée saugrenue, pas tant qu’elle lui en reparle de vive voix, à tête reposée et … En le regardant directement dans les yeux. Alors là seulement, il saurait juger de son sérieux.

Pour le moment, profiter de cet instant primait sur tout. Peut-être ne reviendrait-elle jamais la chance de la tenir contre lui, aussi fragile et paisible.