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| Où l'on s'échoue, mais pas sur une plage | |
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Aymeric de Brochant
Humain
Nombre de messages : 714 Âge : 33 Date d'inscription : 22/02/2014
Personnage :.: MANUSCRIT :.: Âge : 35 ans Taille : 6 pieds Niveau Magique : Non-Initié.
| Sujet: Où l'on s'échoue, mais pas sur une plage Ven 23 Juin 2017 - 18:12 | |
| 3ème jour de la 1ère énéade de Karfias, 10ème année du 11ème cycle.
L'hiver donnait au lieutenant Heinrich un beau teint. Usuellement, la face cramoisie de l'homme, dont la caboche, autrefois brûlée par le feu magique du drow, arborait une lézarde violacée et sanguinolente, ne manquait pas d'attirer l'attention parmi les hommes. Trop près des flammes, ou sous un soleil de plomb, elle suppurait, ajoutant encore plus d'humeur à un corps qui n'en produisait que trop. Les épaisses favorites du lieutenant, vestige de sa pilosité roussâtre, autrefois proverbiale, avait grand peine à éponger tout ce liquide, et d'ordinaire, on pouvait voir l'homme les triturer régulièrement.
L'hiver ne rendait pas moins rouge notre héros du jour, non. Cependant, il infligeait la même condition aux autres, et ça, c'était une forme de victoire. Car le bon Heinrich ne se trouvait pas seul : entouré d'une coterie frappés des armes du marquis, il avait ainsi piqué au Sud, depuis l'Ostotelie désormais purgée de ses vauriens, traversant la lande jusqu'aux frontières d'Odelian et du pays de Prademont, débusquant la canaille sur son passage, jusqu'à ce que la tempête ne le pousse loin de ses pénates.
Lui et ses hommes, aux joues toutes rosies donc, vinrent s'échouer devant les murs de Prademont, tandis que la tempête redoublait de vigueur. On avait redouté de pénétrer ainsi dans le pays odélian, et le lieutenant eut assurément préféré se retrouver dans la demeure de Montvaux, mais force était de constater que la neige en avait décidé autrement : les hommes s'étaient égarés. Au moins espérait-on qu'il en était de même pour la canaille poursuivie : celle-là, mourrait de froid, esseulée, privée de tout asile.
Car d'asile il était bien question, avec ce temps là, aussi les hommes n'en menèrent pas bien large, quand tout penauds, tout grelottants, avec leurs lèvres bleuies et la honte au ventre d'avoir été jeté hors des sentiers qu'ils pensaient si bien connaître, ils vinrent héler la garde aux portes de la ville. On demanda humblement l'hospitalité au seigneur Foulques, et tandis qu'une enseigne filait vers la citadelle, les hommes se tinrent coi, serrés contre leurs montures, et entre eux aussi.
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| | | Gaston Berdevin
Humain
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| Sujet: Re: Où l'on s'échoue, mais pas sur une plage Jeu 13 Juil 2017 - 15:12 | |
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La Tour-Penchue se dressait comme un éperon noir et bancal au milieu des champs blancs encerclant la butte escarpée de Prademont. Dernier vestige d’une civilisation morte des millénaires auparavant, la grande flèche allait percer un ciel de lumière grise et pâle dans un élan incliné. Ce vestige des royaumes des ères d’autrefois, frappé par un soleil invisible, donnait aux hommes de Serramire, placés dans le contre-jour, l’impression d’une grande lame donnant sur une nuit sans étoile au beau milieu de cet enfer à l’albe éclatant. La lance colossale n’avait d’abord été qu’une colonne vague dans la brume du frimas, et comme les mortels s’en rapprochaient, la tenue gracile de la Tour-Penchue, son port élégant et si vertigineux leur rappelaient un peu des bâtisses plus jeunes mais d’un style cousin des remparts et des donjons d’Osto Tel.
Sur l’horizon blanc, dans l’océan de neiges, des points gris, minuscules, se déplaçaient en file et s’approchaient de la troupe perdue. Tandis qu’ils s’avançaient jusqu’à la colline où était perchés en hauteur les murs trapus et crénelés de Prademont, l’impression de petitesse qu’imposait l’antique beffroi nu au reste de la cité compacte s’effaçait pour laisser parler la puissance de cette enceinte de pierre qu’au fil des siècles, les hommes avaient fait et refait toujours sur les fondations, en suivant religieusement un plan originel aux naissances immémoriales.
La légende voulait qu’au plus profond de ce contrefort des Vouges, la colonne de rases montagnes accidentant le Pélanchon et donnant sa source et sa force au Crochin et à ses tributaires, sur ce pic abrupt dominant la trouée des Pradelles, les sorciers et les druides y avaient tissé des sortilèges prévenant la magie au sein de la cité désormais disparu. Vérité ou simple probabilité statistique, on n’avait jamais déploré d’irruptions magiques entre ces murs de mémoire d’hommes, sinon quelques démoneries qu’on attribuait, pour préserver la croyance ou en s’appuyant sur de solides bases, à des interventions divines.
La bande confuse arriva devant la carcasse de faubourgs, où quelques poutres, quelques creux et quelques planches gonflées gisaient, seule trace d’un naguère menus village de toiles et de bric et de broc que les manœuvres errants, les prolétaires odélians, les étrangers de toutes races et les réfugiés des vallées nordiques avaient autrefois planté au pied du châtelet. Lequel, gardant un fort pont-levis surmontant les douves où l’eau des torrents des collines vougiennes dormait dans son lit, en glaces immobiles et bleuâtres. Sur la herse entr’ouverte, deux longues bannières déployaient les ailes des cygnes noirs, emblème des seigneurs du nord des plaines d’Odélian. On leur donna l’accès.
« Entre, entre donc, Heinrich Barbe-Rousse, tes hommes et toi êtes les bienvenus près de mes feux. Il ne sera pas dit qu’Odon de la maison de Prademont refuse son hospitalité aux enfants de la déesse par cet hiver de mort. » La grand-salle où ils furent introduits était sombre. Les rares fenêtres, étroites comme des meurtrières, avaient été clouées de battants habillés de lourdes tapisseries de laine. La pièce était enfumée, mais la paille mélangée d’herbes sèches donnait à l’air étouffant quelque chose d’apaisant. Des dizaines d’hommes d’armes déshabillaient les intrus, les quelques fils d’Odon, si Heinrich les avait déjà aperçu dans les temps de paix ou les campagnes de guerre, encadraient leur vieux père, assis sur une estrade de bois. C’était le frère du seigneur Foulques, on le lisait sur ses traits, qui étaient moins graves et moins tirés. Un sempiternel rictus donnait quelque chose de goguenard au cadet des Prademont, que l’on disait versé dans les sciences des bardes et des druides, comme l’étaient beaucoup de puînés des bonnes familles. Des pages apportèrent quelques calices aux Serramirois. « Buvons ensemble et soyons amis, vous êtes bienvenus sous les toits des Prademont. » Ils burent pour sceller l’hospitalité et après quelque répit, l’hôte demanda à son invité la raison de sa présence. « Tu n’es guère loin des domaines de ton seigneur, Heinrich, mais tu n’y es plus. Quelle raison t’amène à Prademont ? »
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| | | Aymeric de Brochant
Humain
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| Sujet: Re: Où l'on s'échoue, mais pas sur une plage Jeu 13 Juil 2017 - 16:02 | |
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L'atmosphère fumeuse du donjon de Prademont ragaillardit bien vite les hommes. On les avait délesté de leurs hardes gelées, et bientôt, la cohorte s'égailla au devant des feux et des braseros qui parsemaient le hall du vieux Foulques. Heinrich en dévisageait les parents : à travers la mi-pénombre, il lui aurait été bien ardu de savoir s'il avait déjà rencontré ces ladres, à Amblère où ailleurs. La fumée estompait leurs traits, rendant ces frères presque jumeaux. À Heinrich, elle donnait des allures de véritable éfrit : sa complexion rougeâtre avait viré au cramoisi, et l'on eut juré que les fumerolles échappaient de ses oreilles boursouflées.
Après qu'il fut réchauffé, et soit redevenu plus rougeaud que jamais, le zélé factionnaire fut rapidement mandé auprès de son hôte. La question que ce dernier lui adressa, après les bienvenues de circonstance, acheva de plonger dans l'embarras un Heinrich déjà penaud de s'être égaré au sein du pays qui l'avait vu grandir. Que devait-il répondre à Odon ? Que le blizzard lui avait fait prendre du bétail pour une troupe de cavaliers ? Qu'il avait erré sans but dès lors que son gibier s'était échappé ? Sa fierté n'y aurait survécu.
« La neige, seigneur. Cette damnée neige qui ne cesse de tomber depuis des énéades, je le crains, et qui m'empêcha de voir que j'étais entré sur les terres de votre frère. » C'était un demi mensonge auquel l'homme pouvait consentir : il lui était plus aisé d'admettre qu'il n'avait vu la frontière, que d'avoir perdu le chemin lui-même. L'histoire comportait en outre assez de vérité pour qu'il n'eut l'impression de de broder un tissus de conneries, ce qui, en sus de lui éviter de passer pour un imbécile, épargnait son sens de l'honneur. « Nous pourchassions une bande de croquants, que l'hiver enhardit toujours plus, quand nous sommes entrés par inadvertance sur les terres d'Odelian, seigneur. C'est cela même. »
Un instant plus tard, il regretta ses paroles. Odon ne considérerait-il pas que l'on rabattait la canaille chez lui ? À cette idée, notre héros aux allures fulminantes s'ébaudit : qu'on le lui reproche, au diable! Après tout, c'était bien parce que les hommes d'Odelian peinaient à mater leurs mauvais vassaux, que la chienlit proliférait dans le Pélanchon. Il se garda cependant bien d'objecter cela, tenu coi en attente d'une réponse de son hôte.
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| | | Gaston Berdevin
Humain
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| Sujet: Re: Où l'on s'échoue, mais pas sur une plage Ven 14 Juil 2017 - 12:21 | |
| Les bardes ont cette chose, dit-on, de savoir mieux lire les hommes dans la fumée des foyers. A Othar l’éclat franc de la flamme, à son puîné le brouillard trouble provoqué par le feu glorieux de l’aîné. Les deux dieux portaient en commun une étrange dualité, à l’Othar glorieux traqueur répondait un barde joyeux, à l’Othar infernal et aveugle le dieu des sournoiseries et des turpitudes.
En vérité, ceux qui s’étaient essayé à l’art sacré des mises en scène savaient simplement mieux lire un langage corporel. Or la foule de silhouettes serramiroises en disait un peu à leur hôte sur les paroles que lui rapportait Heinrich. Et bien qu’assez clairvoyant quant aux gestes et aux signes de chacun, les initiés savaient également lire une situation plus vite que le commun des mortels.
Or ici, l’opportunité pouvait être belle. Des centaines de chevaliers de Prademont et l’arrière-ban qui les suivit n’arriveraient pas encore avant plusieurs jours, mais en attendant, la canaille serramiroise venait se déverser dans leur beau pays en sus de la racaille des forêts d’outre-fleuve. On n’avait pas fini son premier pot de merde qu’on nous en resservait une semi-plâtrée. La belle affaire que voilà.
« Mains Heinrich, n’avez-vous pas vu Tour-Penchue au loin ? Les confins de Brochant s’arrêtent quand on ne la voit qu’à peine, comme un fil gris perdu dans le bleu par les beaux jours. Pourtant les tiens et toi avez continué votre marche jusqu’ici. Ces coquins vous ont mis la rage au coeur, palsambleu ! Comme Othar pourchassait sans relâche ni entrave la déesse des forêts, vous voilà qui vous risquez sur des terres où l’autorité de votre seigneur n’est pas. Mais je sais ce qu’est une traque, j’ai eu mes bons jours comme chacun. Je devrais aller moi-même poursuivre la chasse et rendre la justice à ses écorcheurs dont tu m’as parlé… Cependant, pourquoi priver un homme du sang que des jours de piste ont dû rendre assoiffé ? Si tu es prêt à respecter mon commandement, tu laisseras les plus fatigués ici-même et les miens renforceront cette petite horde sauvage d’hommes, de chevaux et de chiens frais. »
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| | | Aymeric de Brochant
Humain
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| Sujet: Re: Où l'on s'échoue, mais pas sur une plage Lun 24 Juil 2017 - 15:17 | |
| Surenchérissant d'infortune, le zélé Heinrich se voyait pris au piège par l'homme chez qui il était venu chercher asile. Il se maudissait, lui et son piètre sens de l'orientation, intérieurement. Le cadet des Prademont avait aisément flairé qu'il pouvait obtenir quelque chose de la coterie serramiroise ; après leur avoir offert l'hospitalité, le voila qui leur demandait des faveurs. Heinrich, qui en sus d'avoir joui des feux et de la nourriture du vieil homme, venait de rabattra sur ses terres une horde de croquant, avait entendu la proposition d'Odon en sachant qu'il ne pourrait y couper.
Non que l'homme fut rétif à traquer plus loin encore la canaille, ni à s'acoquiner avec ses voisins ; mais las! le voisin en question était le vassal du Berdevin, dont on se méfiait grandement. Se rendre redevable envers ces gens là arrachait à chaque fois un peu d'amour-propre ; faire copain copain avec eux demeurait humiliant. Las, Heinrich avait d'ors et déjà porté les lèvres au ciboire, en acceptant l'hospitalité de Prademont ; il lui fallait désormais boire jusqu'à la lie.
Du reste, la proposition d'Odon n'était infamante pour autant. Ainsi, on accepterait de bonne grâce l'aide de l'homme, si tant est qu'il n'exige pas trop en retour. « Soit, j'y consent : il ne sera pas dit qu'un serramirois oublie ses devoirs à la frontière, pour les remettre à ses voisins. » À bien y réfléchir, c'était même là bénéfique : combien de fois avait-on renoncé à pourchasser quelque ladre, dès lors qu'il s'aventurait hors de la juridiction des argousier ? « Hâtons nous, seigneur ; tandis que nous parlons, il vente et neige. Je gage que nous perdrons bien vite la trace de ces gredins si nous ne nous mettons pas à leur poursuite céans. »
La chaleur de l'âtre et du brouet lui avait redonné de l'entrain, comme à la plupart de ses gens. D'aucuns, cependant, avaient les doigts ou les pieds perclus d'engelures, et on les laissa se réchauffer plus longtemps encore. Peu de temps après, une nouvelle troupe, mêlant odelians et serramirois, faisait irruption de Prademont.
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| | | Gaston Berdevin
Humain
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| Sujet: Re: Où l'on s'échoue, mais pas sur une plage Jeu 10 Aoû 2017 - 2:59 | |
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Aux paroles d’Heinrich, Odon répondit par un, deux, trois applaudissements complaisants. Son rictus rogue et amusé était toujours épinglé aux ourlets de ses lèvres fines. « Tu parles peu, doux seigneur, mais tu parles bien ! Soit, pas de répit pour ces ruffians. » Ses mains claquèrent de nouveau, mais de façon plus sèche et bruyante. Le seigneur allait commander.
« Qui sont les dix plus braves hommes de cette mansarde ? » Il attendit que les volontaires se désignent en jetant un regard appuyé à un jeune homme qui lui eut ressemblé à s’y méprendre s’il n’avait pas vingt années de moins que lui. Ce dernier s’avança le premier : « Moi, cher père, j’en suis. » Il agrémenta son entrée en matière d’un sourire gouailleur qui termina de convaincre les Serramirois qu’il était le fils de son père. D’autres chevaliers suivirent prestement. « Eh bien, qu’attendez-vous ? Rassemblez vos valets, qu’ils sellent autant de chevaux qu’il faudra et libèrent les chiens des chenils, vous êtes déjà en retard ! »
Une fois Serramirois et Odélians habillés, les montures se jetèrent hors des murs. La traque infernale reprenait vie, plus animée que jamais. Les chiens jappaient en courant devant ou après leurs maîtres, qui suivaient les traqueurs serramirois qui étaient restés pour la partie de plaisir, en direction des dernières traces qu’avait laissé la bande de vauriens. A mesure qu’ils se perdaient sur les coteaux des Vouges, l’équipage était pantois. Bien que nombreux, les brigands étaient portés disparus depuis trop longtemps, leurs marques avaient disparu sous un tapis de neige. Il fallut que les chasseurs rencontrassent des patrouilleurs de Prademont pour être mis dans le bon sens.
Bientôt, ils découvrirent une estafilade boueuse trahissant le passage des forbans. Et les chiens de japper, et les hommes de crier victoire en reprenant leur traversée au flanc d’une colline couverte d’un sous-bois. Un des traqueurs, cependant, ne partageait pas l’enthousiasme des autres. C’était le fils d’Odon, qui tourna un regard inquiet vers Heinrich. « Ils se dirigent vers la Maucombe. On dit qu’elle est hantée. Les suppôts de Karamstra… »
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| | | Aymeric de Brochant
Humain
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| Sujet: Re: Où l'on s'échoue, mais pas sur une plage Jeu 24 Aoû 2017 - 22:30 | |
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« HARDI, nous les tenons! », s'était exclamé un Heinrich à l'entrain retrouvé, dès la reprise de la traque. Tandis que le groupe s'égarait aux pieds des Vouges, le zélé factionnaire aux favorites cramoisies avait redoublé de hardiesse. Son instinct de traqueur, celui-là même qui lui avait valu sa déconvenue matinale, ce sens pour la vénerie lui disait que l'on se rapprochait du but.
Le hasard vint donner cette fois-ci raison au lieutenant, quand au détour d'un coteau, la gueusaille les instruise des allées et venues des canailles. Tout ébaudi, plus rougeaud que jamais, Heinrich talonnait sa monture au devant de ses comparses. Quand, faisant éruption d'épais taillis, le jeune fils de Pradmont lui confia ses doutes, il n'eut que faire de ceux-ci : « Baliverne! Sont-ce ces gueux impies qui t'épouvante, Prademont ? J'ai ferraillé en acontre du Drow! SUS! ». La chevauchée infernale reprit.
Cette dernière ne devait cependant s'assortir d'une apothéose : après une demi-heure de traque, on déboucha dans une clairière reculée, où, en lieu et place d'une coterie de brigands demeuraient quelques pauvres hères épuisés. Les ladres, qui avaient toute la journée durant couru de Serramire à Odelian, ne tenaient presque plus debout, quand leurs poursuivants avaient eux joui de montures fraiches, de fourrure chaudes et de repos.
Ce qui s'ensuivit ne mérite guère d'être portée en chanson par les trouvères. Donnant l'assaut, les hommes de Serramire et de Prademont occident promptement ce qu'il restait de canaille. On massacrait gaillardement dans la clairière : s’égaillant, les malfrats finirent pour la plupart frappés de dos, ou piétinés par les puissantes montures des soldats. Les plus chanceux furent faits captifs, capturés à la corde, ou à l'attrape-coquin à ressort.
Un si piètre combat avait laissé le zélé Heinrich sur sa faim ; bientôt, il fit mander devant lui l'un des prisonniers, désireux de le questionner. Alors qu'il lui demandait où étaient donc bien passés ses comparses, le brave homme se figurait intérieurement les manières dont il aurait pu tourmenter le pauvre hère. Il aurait fallu le prendre jusqu'à Pradmont, tant il est vrai que le ladre tremblait déjà de froid et demeurait blafard. Les projets de Heinrich tombèrent cependant bien vite à l'eau quand la canaille obtempéra, désignant la clairière tout autour de lui et enjoignant Heinrich à creuser.
Deux hommes s'y attelèrent aussitôt. Bien vite, on fit alors une sinistre découverte, car sous la neige reposait ici une coterie imposante : morts gelés dans leur sommeil, ou qui sait, faute de n'avoir pu se sustenter, les brigands du Pélanchon avaient trépassé d'eux-même. « Hé bien Prademont, tu le vois : il n'était nul besoin de s'inquiéter! La magie du Karam et du Stra ne semble épargner à ses suppôts les affres du froid, arharharh. »
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| | | Gaston Berdevin
Humain
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| Sujet: Re: Où l'on s'échoue, mais pas sur une plage Mar 29 Aoû 2017 - 17:51 | |
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La bataille fut un beau bain de sang, et la neige empourprée dans ce lieu réputé impie, étonnamment, donna un entrain furieux aux Odélians comme aux Serramirois. La tuerie de cette chasse infernale se termina à Prademont sur une cène fraternelle entre gens de bien. Tuer des bandits et autres pouilleux d’Aduram, autant dire des marginaux, avait un effet fédérateur pour les chevaliers et les autres gens de guerre. Cette entreprise d’abord fortuite fut plus fructueuse qu’elle aurait dû. Les deux marquis s’associant pour lutter contre la racaille, Odélians et Serramirois, convolaient ensemble contre les nids de brigands repérés par les villageois chassés de leur logis ou les rares garde-chasse qui s’aventuraient encore dans les bois. Quand, ou plutôt si, selon les conditions climatiques, les chevaliers odélians, vers la troisième ennéade, retournèrent à leurs pénates, les chasses à l’homme et au gibier se multiplièrent contre un ennemi qui, en plus d’être embourbé et souvent incapable de prendre les villages avant d’être rattrapé par les veneurs, perdait l’élan de l’automne où ils pouvaient jouir de l’absence d’une partie des guerriers du marquisat.
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