Bal-La nuit des paradoxes [Libre]

Ce que Hannibal avait omis de dire à la Comtesse, c'est qu'il y était déjà retourner une fois. Avant de revenir en Ydril après 10 d'absence, le Loup Noir fut de passage dans cette Ydril à la Missèdoise. Et cette demeure aux souvenirs heureux l'avait comme appelé durant ce séjour.
Il avait pénétré ce manoir moisi, poussiéreux, rouillé, à la gloire outrepassée. Mais ce fut pour lui une réconciliation avec son passé que de retrouver des pièces, des endroits qu'il avait connu. Néanmoisn,
il ne se rappelait d'y avoir croisé quelqu'un ni aucun signe de vie. Le lieu était resté inviolé,
scellé par une chaîne invisible qui avait préservé le temps. Et si ce n'était plus le cas ?

-Quand je repasserai à Chiard, je lui demanderai sans doute. Laissons-le profiter de la fête.

La Comtesse posa ensuite une question intéressante qui fit sourire Hannibal.

-Seulement au-delà de la frontière, dans la forêt. Il y a quelque chose de mystique là-bas, quand les Noss n'essayent pas de tuer l'intrus qui est en vous.

Il se souvenait de cette rencontre imprévue avec un Noss et un énorme loup. Ils lui avaient donné une bonne leçon, à ce maître d'armes trop confiant pour se promener ainsi seul dans la forêt elfique.

hrp:

" Racontez-moi. " ne put-elle s'empêcher de demander avec le ton emphatique, impérieux et innocent des enfants auxquels on promet des histoires incroyables en des lieux mystérieux. Si Rose lui avait surement lu tous les livres de Missède et qu'elle avait fini par apprendre l'Histoire comme on se rappelle du scénario et des personnage de romans, elle n'avait jamais rencontré en personne quelqu'un qui ait franchi les frontières de la forêt des elfes. Elle avait toujours aimé les contes à leur sujet. Les rares musiques et les rares textes qu'elle avait eu l'occasion d'entendre l'avait ravie. Même leur langue ressemblait à une chanson et même sa première rencontre avec des elfes n'avait pas totalement tué l'admiration qu'elle avait pour eux.

Elle s'était à demi tourné vers son cavalier, l'oreille aux aguets, approchant la main du le bras sous lequel le sien était déjà passé, ne pouvant l'y poser à cause du verre glissé entre ses doigts. Un seul mouvement fluide et joyeux. Puis elle se rappela où elle était et son air doux et posé, son maintien régaliens, tous les petits détails contrôlés pour donner une bonne image revinrent avec le plus grand naturel.

" J'ai moi-même rencontré des elfes en Serramire mais je ne suis jamais allé jusqu'à leurs frontières. Cela doit être un spectacle enchanteur. "

-Eh bien.. hésita-t-il un instant. Comment raconter un tel souvenir, qui semblait presque être un rêve dans son esprit. La raconter une dame aussi éprise de musique et d'harmonie ? Car voilà comment Hannibal voyait les elfes et leurs terres, ce mot, harmonie était si magnifique. Les hommes en manquaient cruellement, ils cherchent à dominer la nature plutôt que de la respecter, ils cherchent à se dominer entre eux plutôt que de s'entraider. Et dans sa tête, le maitre d'armes se représentait son fidèle ami Francesco qui lui disait "Merda Hanni, l'ora n'est pas alla pleuniche" et cela le fit rire. Qu'il riait beaucoup en cette soirée d'ailleurs.

La réaction de la comtesse l'avait légèrement surpris, mais cela semblait compréhensible. Quel aveugle ayant entendu parler de la beauté de l'Anaeh ne réagirait pas ainsi ? Ce fut sa manière enfantine d'en demander plus qui déconcerta Hannibal. Il se sentait comme l'ancien du village à qui les enfants demandaient de raconter les histoires qu'il avait vécues lors de ses voyages, ses aventures..Mais Cécilie n'était plus une enfant, bien que presque vingt ans séparaient l'étrange "couple" que le bal avait réunis. En y réfléchissant, Hannibal ne put s'empêcher de penser à tout ce que la Comtesse n'avait pas vécu contrairement à lui. Une réflexion pleine d'orgueil qu'il balaya d'un élan d'humilité. L'Aveugle de Peyredrac revenait en lui. Non. On ne mesure pas l'expérience d'une personne à son âge. Cécilie avait sûrement vécu de bons moments comme de lourdes épreuves, peut-être même plus que lui. Hannibal s'était tellement habitué à ce que les gens meurent ou disparaissent autour de lui que la perte d'un proche était devenu ordinaire. Sans doute avait-il trop endurci son cœur.

La comtesse rapprocha sa main de la sienne dans un air enjoué. Le Loup Noir eut une sensation étrange qui lui prit d'assaut son coeur et son esprit. Encore de vieux souvenirs qui revinrent le hanter. Et la chevelure rousse de la dame de Missède ne l'aidait pas à passer à autre chose dans l'immédiat. Ouf, tout redevint normal quand elle reprit naturellement son air de noble Missèdoise. Hannibal ne voulait point entacher la réputation de Mériale de Beaurivages devant ces nobliaux de campagne qui devaient bien trouver louche l'apparente complicité entre les deux personnages. Sa propre réputation à lui était quant à elle déjà faite.

-Aimez-vous la poésie ? C'était une question rhétorique pour laquelle il n'attendait aucune réponse venant d'une musicienne. -Je gage que oui. Voyez-vous, ma tante m'a baigné dans la littérature et la poésie quand j'étais un enfant comme vous. Il avait chuchoté les derniers mots pour railler la précédente manière dont elle avait interpellé Hannibal. Le combattant aguerri espérait qu'elle prendrait avec humour cette taquinerie. Mais ayant enfin trouvé les mots, il continua sans attendre sa réaction : -Eh bien, j'ai grandi en écoutant tous ces poèmes sur l'Anaëh. Ceux que l'on prend pour des légendes ou des fables. Je ne demandais qu'à y aller et je vous assure : il n'en n'est rien. Les terres de l’Épine dorée sont bien plus magnifiques que ne le disent les poètes. Les arbres y sont majestueux, si nos forêts sont parfois agréables, celles des elfes sont bienveillantes. On aurait dit qu'elles avaient une âme, du moins ce fut ce que je ressentais.
Je suis sûr que vous pourriez vous aussi le sentir même sans la vue. On s'y sent comme dans un cocon protecteur. Il marqua une pause pour que la Comtesse puisse suivre. --Malheureusement ce n'est pas le cas. J'avançais en tant qu'intru, je faisais fuir les animaux, et parfois j'avais l'impression que même les fleurs fanaient à mon passage. De plus, un Noss tenta de m'en chasser, lorsqu'un loup géant vint nous attaquer. C'est pourquoi j'ai choisi de quitter rapidement les lieux : je ne voulais pas que ma présence lui retire toute féerie. C'est un domaine que ses gardiens gardent jalousement des hommes, et à raison.

En fait il aurait pu en parler pendant des heures, mais aucun d'eux n'avait le temps aujourd'hui. Un jour si Néera le voulait. Parler de cette aventure avait rempli Hannibal d'un nouveau désir de voyager. Encore.

Cécilie sourit un peu plus en entendant le rire d’un de ses accompagnateurs. Elle n’était toujours pas convaincu de ce qu’il pouvait bien faire ici ce soir en réalité ni de la dangerosité qu’il représentait pour elle, mais dans tous les cas, elle passait un bon moment. Elle regrettait un peu le départ de Franco, mais au moins Hannibal ne la questionnait pas sur son mari… Non d’un chien elle n’allait pas encore penser à lui !

Pour faire bonne mesure pendant que le voyageur cherchait ses mots, elle lampa une gorgée de vin. Au moment ou le nectar toucha ses lèvres, elle fut surprise par sa charpente et renonça a bêtement s’en envoyer une giclée. Voyons… Un nez complexe et lourd, presque musqué. Le liquide dont elle ne pouvait voir l’élégante robe rouge violacée roula sur sa langue, laissant cette habituelle sensation si particulière du tanin. Un vin gras, étonnamment fruité presque liquoreux pour un rouge, comme seuls pouvaient l’être les vin du sud. Un arrière goût de baies d’été… Elle ferma les yeux en déglutissant. Il lui manquait – à son goût – le relief du Charmeroux, mais le vin qu’avait choisi la Duchesse était des plus appréciables. Elle profita encore un peu de son parfum en faisant lentement chavirer le globe de son verre.

« Un enfant comme moi… ? » rit-elle à demi en reportant son attention sur l’ydrilote. « Seriez vous d’un si grand âge que vous n’appréciez plus de frémir en écoutant une bonne histoire ? Après les compliments que ma chanson vous a coûté, je gage que non pourtant... » murmura-t-elle en retour malgré l’empressement qu’il avait eu à tenter de continuer sur sa lancée.

Inconsciente du fait que l’homme a son bras était bien plus près de l’âge de son père que du sien, Cécilie se réjouissait simplement du retour du badinage qui existait entre eux avant qu’elle ne commence à paniquer pour une histoire qu’elle se devait de considérer sans importance.

« Un Noss... » répéta-t-elle, ne comprenant pas le sens du mot. Elle avait envie d’en savoir plus. La curiosité dévorante qui l’habitait jadis pointait de nouveau le bout de son nez. Moins affamée qu’autre fois, mais tirée d’un sommeil profond par un homme étrange et une histoire mystérieuse. « Je... »

Elle n’eut cependant pas le loisir de demander plus de précision sur ce loup géant qui semblait si simplement existé dans la bouche de son interlocuteur d’une voix bien connue s’éleva non loin.

« Ma chère ! Enfin je vous trouve. J’ai un ami Nelenite qui aimerait beaucoup vous rencontré. Et votre dame de parage était des plus inquiète à votre sujet. » ajouta Renard en venant à la rencontre de sa nièce… avant de lever les yeux sur le – très – grand homme à ses côtés. Décidément, elle avait le chic pour trouver des montages, où qu’elle se trouve ! Nulle suspicion dans le regard de l’ancien capitaine cependant. Il offrait un air avenant et prompt à la sympathie. Un verre de vin bien entamé dans la main gauche mais le visage ne trahissant pour l’instant aucun enivrement, il faillit attendre qu’on le présente aux deux compère de la Comtesse, heureusement pour lui, elle était relativement débrouillarde et le travail fut vite fait.

« Enchanté, messieurs ! Et navré de vous arracher à une si charmante compagnie, mais la famille, vous savez ce que c’est... » plaisanta-t-il avec légèreté en passant son bras autour de celui de la jeune femme. « Vous aurez tout le loisir de les retrouver plus tard, j’en suis certain. » ajouta-t-il a l’attention de la dite famille. Il était si énergique que Cécilie ne put que lâcher quelques éclats de rires.

« Très bien. Très bien. Je vous suis. C’était un plaisir Hannibal. Messire. » s’excusa-t-elle également auprès du jeune chevalier. « Oh. Je serais à Chiard pour affaire à la fin de la troisième ennéade du mois prochain. Si vous y passez, nous pourrons définitivement régler ce problème de domaine si vous le souhaitez. Et vous pourrez m’apprendre ce qu’est un Noss si l’occasion ne se présente pas ce soir. » sourit-elle, légère, avant de tourner les talon sur une rapide et gracieuse révérence.