Mise en bouche[Louis PNJ]

De la troupe, s’étaient réunis chevaliers, guerriers solitaires, jouteurs et même cavaliers lourds, tous œuvrant sous la même bannière de ceux qui ne se pouvaient plus d’attendre qu’enfin éclate les hostilités. Si de métiers tous ou plusieurs différaient, une chose restait certaine : leur envie d’en découdre dépassait l’entendement! Était-ce lié au fait qu’ils s’étaient motivés entre-deux, le temps de piéter jusqu’à destination, où tout simplement l’adrénaline qui commençait d’ores et déjà à affecter le cœur vaillant des rustres cavaliers. Ainsi, comme va et vient le mauvais temps lors du passage tempétueux des bourrasques, sans crier gare, le souffle d’infortunés innocents vinrent s’étouffer dare-dare au passage impardonnable de la cavalerie. Si certains hurlaient, criaient, gueulaient et même, riaient, cela n’était en rien le cas du chevalier Leudaste. Intrépide, un éternel buveur d’émotions fortes, mais surtout, un vaillant au cœur bon, le costaud talonna son canasson jusque dans la petite bourgade, pour arriver bon dernier. Sa tâche? Ratifier les moindres recoins du coquet village afin de s’assurer que leur message était entendu de tous et que d’aucuns ne viendraient se plaindre d’avoir été épargné! Était-ce tactique du chef des troupes, que d’attribuer telle tâche au plus miséricordieux d’entre-deux?

Tandis que le sol grondait toujours du piétinement des chevaux endiablés, que les maisonnées s’unissaient afin de former l’un des plus grands bûché de l’année, faisant monter haut dans les cieux une colonne noircie et épaisse de fumée étouffante, main au pommeau de son épée, Leudaste inspectait calmement les lieux. Au détour d’une rue jusqu’alors encore épargnée, il fit la rencontre d’une famille déconstruite : deux jeunes filles et leur mère, cherchant à éteindre le feu de ce qui semblait être, a priori, leur petit nid familial. Alors que nombreux seraient tétanisés de voir le visage d’un de leurs assaillants, les trois jouvencelles poursuivaient de manière affolée leur labeur sans freiner leurs ardeurs. Alors, pieds joints, il sauta en bas de la selle de son destrier, s’approchant froidement du trio. Son pas était lourd, mais pas plus que l’était son regard, alors qu’il s’apprêtait à renvoyer à la Damedieu trois de ses filles.

Ce ne fût qu’une fois arrivé près d’elles, qu’un flot de pleurnichement se joint au crépitement des maisons embrasées et des cris d’horreurs de certains. Elles chialaient comme jamais, jusqu’à s’en pisser dessus ; pourtant, avait-il seulement la gueule d’un envahisseur cruel et sadique? « Foutez-moi le camp! Votre cabane à moineau est perdue, tout est perdu! Partez, MAINTENANT! » Ce qu’elles firent bien évidemment sans autres sommations, en prenant les jambes à leur cou. Il en fut incapable, elles étaient innocentes, sans défenses et complétements détruites, jamais il n’aurait eu le courage d’abréger leurs vies …

La chaleur montait, toujours et encore, alors que le feu devenait totalement hors de contrôle, alors prestement Leudate conquis sa bête afin de la monter et de la talonner pour reprendre ses recherches. Alors, enfin, ce fût son moment. Un cri non pas de guerre, mais de désespoir, l’avertit in-extremis, sortant son glaive à la dernière minute afin de faire se cogner l’acier. Peut-être le père du trio des chialeuses, qui sait! La guerre était maintenant déclarée entre eux deux et de côté se plaçait le cœur d’or du chevalier : car la compassion n’avait pas sa place entre deux hommes armés. Du haut de son percheron, Leudaste rudoyait son adversaire de coup, comme si son allonge bénéficiait des hauteurs. Enfin, une attaque bonifiée de haine déstabilisa le cavalier, faisant glisser le fil de sa lame le long de la sienne pour aboutir sur sa garde et ainsi, le désarmer d’un coup de poignet. Une manœuvre qui lui assurait la victoire, n’eut été de l’intervention revêche du cheval. Imposant et puissant, ce fût d’un risible effort qu’il balaya de sa tête et de son cou large comme un tronc d’arbre, l’impudent homme. Se retrouvant sur son séant, un brin étourdi, sa vie s’acheva non pas de la main d’un chevalier, mais des sabots crottés de boue d’un cheval un brin trop affolé. La mâchoire du pauvre se disloqua, carrément, alors qu’une partie de cet organe se retrouva un peu plus loin, après avoir bouffé la pesanteur des sabots, tandis que son crâne émit moult craquements peu encourageants en ce qui attrayait ses chances de survie. Leudaste avait vaincu, de peine et misère, mais tout de même. Comme quoi, même les plus petites bourgades avaient en leur sein, quelques talents cachés.

En rejoignant les prés, là où s’était rameuté la troupe de cavalier, il croisa sur son chemin le corps de trois malchanceuses, pour l’une décapitée, pour les deux autres tailladées dans le dos. D’un air un brin désolé, il se dit qu’il aurait au final, sans doute mieux fait de les forcer à pousser leurs derniers souffle plus proprement, à l’abri des regards et dans la dignité.

Par tous les dieux, faites que la résistance soit de mise au prochain exercice, car Leudaste n’entendait pas tourmenter plus longuement les sans défenses.