Hiver - 8e jour 9e ennéade de Karfias 10e année du XIe Cycle Retour de Soltariel
Le chemin du retour avait été bien plus rapide que l’allée. Aucune interruption d'aucune sorte ne vint freiner leur progression et un adoucissement bien heureux avait rendu praticable certains tronçons de route qui leur avait été funeste dans l'autre sens. Si bien que deux jours avant le changement de mois, la Comtesse était de retour chez elle. Dans la journée, elle avait résolu plusieurs problèmes en souffrance que ses diligents conseillers n'avaient pas manqués de porter à son attention dès qu'elle avait posé le pied dans le Palais.
Edgard avait inquiété le poulailler avec ses lourds bandages et son flegme robuste d'homme de guerre de prime jeunesse. Anthoine l'avait couvé d'un œil mi désespéré mi amusé tandis que sa protégée se faisait enlever par des problèmes politiques. De retour au Palais, il devait retrouver ses habitudes. Une fois son rapport fait au Capitaine, on lui donna le reste de la journée pour se détendre avant de reprendre ses affectations habituelles dès le lendemain matin. Ils n'étaient pas partis longtemps mais ça allait lui faire bizarre de se remettre au pas et de retrouver la monotonie du quotidien sans les bravades d'Edgard. Dans un coin de la cour de garde, il se laissa tomber sur l'un des tronçon de bois laissés là pour servir de siège et souffla un moment, profitant du silence qu'il régnait aux caser' pour soupirer tout son saoul. D'un geste rendu fluide par l'habitude, il tira de sa poche un petit ours taillé dans ce qui avait jadis été le manche d'un couteau de chasse... avant que la lame n'en soit brisée par un grand idiot à la force colossale.
Il avait menti à Cécilie. Son intégration dans les forces du palais ne se passait pas particulièrement bien. Imposé par des contingents politiques, rétrogradé puis promu de façon rapide, étranger à la cité, il cumulait les raisons de suspicion malgré son caractère affable. En passant Lieutenant, il avait perdu la camaraderie de quelques gars avec lesquels il s'était lié. Quant à Rose... Jindanor se serait bien moqué de lui et de sa couardise. Il avait beau faire, il ne parvenait pas à lui parler. Encore moins depuis que la belle était passée de servante à dame du monde et qu'elle devait garder un rang qui n'était plus celui qu'il pouvait afficher lui-même.
Faisant sauter le santon de bois dans sa paume, il le rattrapa au vol et le fourra dans une poche en se levant. Peste soit de la nostalgie, il n'était pas non plus seul au monde ! Ses pieds alertes prirent un chemin bien connu.
En le voyant arriver, le maître chien le salua de sa grosse main couverte de cicatrices. « Vous voilà de retour ! Tragen commençait à être intenable. - Pardon Jean. Je n'avais pas prévu de partir si longtemps. Il n'a pas fait de casse au moins ? - Pas assez gros. » rit le bonhomme en frappant sa panse rebondie. « Mais ça ne durera pas. Il va falloir que tu te décides à en parler là-haut. Pour l'instant ça va, mais le Comte et sa femme vont bientôt se demander pourquoi les chiens engloutissent deux fois plus de barbaque qu'il y a deux mois. »
Comme toujours, Anthoine éluda la question, remercia chaleureusement le maître chien pour son aide et lui promis de l'emmener une fois de plus boire un coup à ses frais. A force d'éluder il ne lui resterait bientôt plus rien de sa paie d'un autre côté... Mais l'heure n'était pas à ce genres de mornes pensées. Se donnant un coup de pied au cul, il entra dans le chenil ridiculement petit par rapport à ceux qu'il avait pu voir au Nord... Et une masse aussi musculeuse que rebondissante l'accueillit en aboyant joyeusement. Une séance de grattouille bien méritée et il sortait avec le chiot qui faisait tout de même déjà la taille d'un gros bulldog... Et dire qu'il allait triplé de taille d'ici un an. Jean avait raison, il allait vraiment falloir qu'il se décide à le garder et à le dresser ou à l'offrir au couple Comtal définitivement.
Une mâchoire puissante tira sur sa manche et un coup de langue baveuse englua les doigts du soldat. « Tragen ! Qu'est-ce que tu me fais marner !? » Un jappement joyeux lui répondit alors que le chient sautait en arrière, attendant que son maître reprenne le jeu sans se dégonfler devant sa grosse voix. En le regardant se dandiner, Anthoine laissa finalement filer un éclat de rire avant de se mettre à courir en direction des jardins. Jean lui avait trop de fois répété que la bête n'était pas encore assez bien dressée pour risquer une sortie en ville. Un aboiement fort et Tragen galopait à sa suite, le rattrapant et le dépassant sans peine sous les regards amusés ou agacés des quelques serviteurs des environs.
« Il est à vous ce chien... ? » Alors qu'il regardait pour la millième fois le chiot partir en dérapant à la conquête du bout de bois merveilleux, une voix assez surprise toqua soudain l'épaule d'Anthoine. Edgard. « Erh... » Une main passa sur sa nuque en voyant un intérêt curieux se dessiné sur les traits du jeune chevalier. « … On peut dire ça, je suppose. - Longue Histoire ? » Anthoine acquiesça, maussade. « ça tombe bien j'ai du temps. Ces dames m'ont laissées la joie d'aller pisser en paix. Je suis donc tout à vous. » Réprimant une crispation qui vint démentir le flegme avec lequel il prenait son nécessaire rétablissement, Edgar vint se poster à côté de son compagnon de route des deux dernières ennéades. Ce dernier le vit bien lorgner sur l'arbre le plus proche mais ils savaient tout deux que le blesser ne pourrait s'y appuyer au prix d'une violente crampe de poitrine. Ils restèrent donc debout, l'un renvoyant périodiquement le bâton ou grattant l'infatigable bête entre les oreilles tandis que l'autre se contentait de regarder du haut son maintien guindé par les bandages. « Alors ? - C'est pas si long que ça en fait. » accorda le soldat, continuant d'une voix aussi égale que ses souvenirs le permettaient. « Un ami avait pris des dispositions pour faire venir un Angola depuis Lourmel. Il est mort avant que la bête n'arrive jusqu'ici et je me suis retrouvé a devoir m'en charger alors que je n'ai ni le temps, ni l'argent pour m'en occuper convenablement. - Et avec sa taille, vous le gardez aux casernements ? » Anthoine hésita encore un moment avant de répondre en soupirant. - J'ai un arrangement avec le maître chien et je rogne sur ma paie pour pourvoir à la nourriture. - Attendez, mon pauvre ami, notre bonne Comtesse vous fait payer la nourriture !? - Oui... Non… Elle n'est pas au courant. Ça n'a rien d'officiel. »
Cette fois Edgar ne put réprimé un sacré rire malgré ses cotes. « Aveugle au point d'en ignorer ce qui se passe sous son propre toit. Étant donné l'horreur qu'elle a pour le mensonge, j'imagine a peine quelle sera votre sort si notre Esorcelante-Grandeur vient à apprendre la vérité de la part d'un autre ! » Le regard noir qui accueillit le sens de l'humour très particulier du jeune paon lui fit dresser les mains en signe d'apaisement. « Ne me regardez pas comme ça. Je plaisante... Tien, j'avoue même que mon jugement était peut-être un peu hâtif sur son compte au début. Je m'attendais à ce qu'elle soit moins... Je ne sais pas. Mais elle m'a assez surprise pendant ce voyage à Soltariel. Je m'attendais à une manipulatrice calculatrice, jouant de ses charmes pour faire oublié une faiblesse de constitution mais j'ai été étonné j'avoue. Entre Diantra et la route à cheval... Elle a plus d'esprit et de poigne que beaucoup de mignonnes de ma connaissance. Et il n'est pas besoin de préciser que je connais beaucoup de mignonnes... »
Anthoine secoua la tête en riant devant l'incongruité de ce qui restait pourtant un compliment... d'une certaine façon. « Sauf votre respect, Messire. Vous êtes vraiment un crétin quand vous vous y mettez. » osa-t-il cependant malgré la différence de rang, amusant au passage son comparse. « ça vous n'êtes pas le premier à me le dire, figurez-vous. N'en prenez pas l'habitude sinon je vais finir par croire que ce n'est pas dénué de sens sur certains sujets ! » Le Chevalier ponctua sa phrase d'un rire grinçant en tapotant l'épaule du soldat. « Mais enfin assez de sensiblerie ! Ce chien m'a l'air bien fougueux. Il a besoin de se dépenser bien plus qu'il ne le fait. J'irai sans doute le visité si j'en ai le temps, histoire de voir ce que donne son endurance. »
Comme si de rien était, Edgard se baissa tant bien que mal pour flatter l'animal et le laisser le sentir d'un peu plus près « Votre ami avait de bon goût. Il serait dommage de le laisser se perdre. » Anthoinde resta coi devant le changement de ton. Posé et calme, légèrement moins fort. Un ton de confidence. Mais avant que le soldat n'ai put se risquer à le remercier pour ce qu'il se proposait de faire sans avoir l'air d'y toucher, le chevalier se releva en grognant. « Diantre... J'ai les côtes en long. - Un coup de main ? - Pas la peine. Il va falloir encore me faire violence de toute façon. La petite Fraviar m'attend pour une délicate chevauchée... Je vous souhaite une excellente après-midi à vous et à... - Tragen. - Tragen... Trop Nordiste tout ça. Pas étonnant que vous ne lui trouviez pas de maître. » remarqua Edgard avec un froncement de nez qui fit rire son compagnon avant de disparaître vers la galante compagnie qu'il espérait posséder ce soir, telle l'enflure qu'il était.
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Printemps - 1er jour 1ere ennéade de Favrius 10e année du XIe Cycle 5h du matin
« Bien. Il n'y a donc pas d'urgence de ce côté là. Faites leur savoir que nous ne pouvons rien changer tant que le sol n'est pas sec et totalement dégelé, mais que nous leur envoyons un architecte pour vérifier que les fondations tiendront jusqu'à la fin du printemps. » Des plumes grattaient sur du papier. Cécilie ne devait pas tarder à partir. Elle aurait même déjà du être partie mais l'un de ses conseillers avaient profité de son levé particulièrement matinal pour lui faire examiner une missive sensément urgente d'un avant poste branlant entre la Croisée et Missède-la-ville. Rien de bien grave finalement, ce qui avait passablement irrité la jeune femme, peu encline à se lever de bonne heure. Elle ne s'en cachait qu'à peine. Maître de Malehant, le conseiller chargé de l'affaire notait de plus belle, fort conscient que sa bévue serait retenue malgré la finesse dont il faisait habituellement preuve.
Le second conseiller, le gras Raymond de Palbleu, hésitait à ajouter quelques mots pour profiter de cette rencontre et régler quelques détails mais l'idée de forcer la main à la comtesse plus que ça n'avait déjà été le cas lui semblait risqué... Sans parlé du fait qu'il était lui-même passablement brumeux. Les oreillers de plume se sentaient particulièrement seul en ce matin frisquet. Pourtant, au lieu de congédier au plus vite les deux administrateurs, la comtesse semblait prendre son temps et avait même demandé des nouvelles sur l'organisation des travaux de voirie qui se mettraient en place sous peu entre Missède et Chiard. Puisque son escorte avait été envoyée prendre un solide repas, elle avait bien quelques minutes de plus à tuer. « Tant qu'à parler des méfaits du gel, l'état des lieux a-t-il pu être fait en mon absence ? - Non pas. » répondit l’inénarrable Raymond, ajoutant crûment « ça n'aurait servit à rien. » la jeune femme fronça les sourcils, attentive, mais ne dit rien, attendant qu'il lui explique pourquoi la demande qu'elle avait faite avant de partir était à ce point stupide. Elle détestait lorsqu'il prenait ce ton là mais, hélas, il avait souvent raison... Dans tous les cas, il mit comme toujours un point d'honneur à lui expliquer, grattant son crâne dégarni du bout de sa plume. « Il y aura des travaux de voirie pour la Route d'Or et vers Chiard. Les autres axes ne sont que populaires. Sans importance. Envoyer des gens se cailler les pieds pour vérifier chaque route plus ou moins entretenue aurait représenté une dépense bien plus grande que ce que vous semblez penser. L'ordre avait été donné entre deux portes. Nous ne l'avons pas suivit. - Oui mais c'est surtout que nous avons été prévenus par le Capitaine de la garde que les pavés de certaines rues autour de la caserne avaient été délogés ou éclatés par le gel. » entrepris de tempérer Maître Eloi de Malehant en contenant avec difficulté les tremblements qui lui prenait de plus en plus souvent au menton. « Nous avons jugé plus nécessaire de lancer une vérification interne dans un premier temps. »
L'habitude venait une fois de plus de se reproduire... « Et vous avez fort bien fait. » accorda donc la Comtesse, rendant les armes de mauvaise grâce sans en laisser rien paraître. Elle était toujours plus consciente de la bévue qu'elle avait encore commise que du fait que reconnaître les manquements de son inexpérience devant ses conseillers tout en continuant à essayer de progresser était vu comme une qualité plus qu'un défaut. Ce qu'elle ignorait également c'est à quel point son jeune âge et ses antécédents auraient pu lui aliéner les deux hommes qui travaillaient pourtant de concert avec elle, la reprenant impitoyablement pour lui apprendre les ficelles les plus fines du métier. « Avez-vous obtenu quelques résultats ? - Dans la Vieille Ville, les dégâts sont significatifs du point de vue du confort pour les chevaux et les charrettes mais les rues restent tout à fait praticables. Près des halles par contre, certaines rues ont été en partie disloquées par les gels et dégels successifs. La pierre a disparue et la terre se retrouve aujourd'hui à nue. - Les habitants ont sûrement récupérés les pavé délogés. »
Incongru mais logique. L'hiver avait fait peur a beaucoup de monde et les comportements de vandalisme léger avaient été nombreux. Les habitants eux même le lui avaient confié lors de ses nombreuses visites dans les sanctuaires de la ville. Mais cela n'arrangeait pas leurs affaires... Ils auraient donc également des routes à remplacer dans Missède même avant que la fonte printanière de l'eau ne transforme la terre en boue. D'ailleurs...
« Le niveau de l'eau ? » demanda soudain Cécilie sans avoir mis au clair le problème des pavements. - Peu alarmant pour l'instant. - Mais si les Pics du Breuil ont retenus trop de pluies, nous aurons sans doute des inondations à la fin du printemps. - En effet. - Y a-t-il eu des précédents de dégâts ? - Et bien... Je sais qu'il arrive souvent que l'Ossuaire du temple de Tyra soit légèrement inondé au printemps. Pour le reste, à ma connaissance, rien que de l'habituel : des fondations fragilisés, des maladies et de la moisissure. Je peux me renseigner. - Faites. »
Un nouveau silence s'abattit du côté de la comtesse alors que les deux hommes se mettaient d'accord sur ce qu'ils devraient chercher à obtenir comme informations. Elle préférait s'accorder quelques instants de réflexion. commencer des travaux maintenant alors qu'Ernest avait déjà projeté de faire allonger une route semblable à la route d'or jusqu'à Chiard pour ragaillardir leur commerce maritime était risqué, surtout s'ils devaient essuyer des inondations qui auraient tôt fait de créer de nouveaux nivellements ou de toucher les soubassements des bâtiments. Cécilie n'était pas architecte, et encore moins experte en urbanisation, mais l'éducation quelle avait eu et les voyages qu'elle avait faits lui donnaient quelques idées, quoi que peut-être un peu extrêmes, de ce que pouvaient donner un hiver rude suivie d'une crue mal gérée. Missède n'était pas conçue pour supporter de telles descentes de température alors y rajouter des inondations...
Creuser un canal de dérivation serait bien trop fastidieux dans le temps imparti et une dépense bien trop onéreuse vu l'argent qu'ils allaient devoir investir dans la voirie. Et puis il y avait toujours ce problème d'augmentation de taxes nélenites qu'elle n'avait pas réglé avant de partir pour Soltariel. Lâchant le boulier dont elle se servait pour garder les comptes qu'ils faisaient, que ce soit d'hommes, de pierres ou d'écus, elle se massa les tempes. « Comtesse ? - Tout va bien Raymond. En cherchant à trouver où nous pourrions dégager des fonds au lieu de creuser dans la trésorerie, je viens juste de repenser au coût de Nelen. - Ah. Oui. Quelques pertes le mois dernier mais votre oncle a récupérer un équilibre instable en misant - officiellement du moins - sur une régulation du sucre. Je veux pas savoir par quelles voies il est passé. Sacré lisier cette affaire... » Et encore, il ne s’épanchait pas plus par respect pour la presque veuve du baron, mais il n'en pensait pas moins. Maniées avec un doigté certain, les taxes qu'avaient instauré Piezare étaient tout a fait justifiable mais les tenaient volontairement les trafiques Missèdois à la gorge, empêchant la majeure partie des profits. Elle eu un pauvre sourire à l'intention de Raymond avant de raccrocher son masque de calme noblesse. « Bien. Nous pourrions envoyez Renard à Tall pour qu'il négocie des espaces à fond de cale sur les navires Langeciens en direction de Thaar pour nos cargaisons périssables. Et réaffecter les navires à la route du golfe mais en passant directement de Chiard à Isgaard. - Ancenis, Etherna et Olyssea vont grincer... - Nous avons garder rancune financière à Olyssea après la mésaventure du Duc Oschide ? » La brutalité de la question poussa les deux hommes à échanger un regard. « Et bien non. Nous faisions face aux problèmes internes que vous connaissez. - Et bien nous leur tiendrons la dragée haute avec cela s'ils en viennent à vouloir renégocier le fait que nous ne coupions pas au plus court. Quant à Ancenirs et Etherna, la situation politique ne leur permet pas de grincer comme vous dites. Une guerre civile et une accusation de traîtrise. - Certes... » acquiesça Raymond, peu convaincu sans trouver de véritable contre argument sur l'heure. Il en rediscuterait plus tard, c'était certain, mais là... - Fort bien. Puisque Nelen nous bat froid, il est peut-être temps de chercher un allier ailleurs. Comme je vous en avais déjà parlé, j'ai envoyé une messagère vers Nelen pour entretenir la royauté local du problème que nous risquons d'avoir d'ici peu avec les mages de cet hiver. Elle devrait partir dans la journée. Cela nous servira de tremplin pour de futures négociations. - Vous êtes sûre de ne pas vouloir envoyer quelqu'un de plus... qualifié ? - Tant que l'entente n'est pas définitivement faite avec le roi Bohémond, un rapprochement officiel avec Naélis nous coûterait la confiance de bien trop de monde. - Je n'aurais pas dit mieux, Maître. Cela ne doit rester qu'un sauf-conduit à bas bruit. Peut-être que Nelen sera de nouveau la meilleure option d'ici... » La porte chuinta, laissant passer la tête d'un homme au maintien guerrier, les cheveux blanchis et le cuir tanné par le devoir. « Votre Grandeur ? L'escorte est prête. - Bien, Yvain. J'arrive dans une seconde. Messieurs, pendant mon absence vous pouvez déjà envoyer Renard, le reste attendra que nous en parlions à tête reposée. - Cela me paraît raisonnable, en effet. - Et faites prévenir la corporation des bâtisseurs et les gardes qu'il nous faut une carte exhaustive des rues touchées et une autre de tous les sous-sols de la cité : cryptes, ossuaires, caves et plans d'eau. Les travaux ne seront pas lancés de suite, mais il me faut des informations pour envisager toutes les éventualités avant les crues printanières... et ceci n'est pas optionnel. » conclu-t-elle avec un doux sourire en cherchant à tâton sa canne, finalement remise en main propre par Raymond, son sourire amusé et son œil de lynx. - Bien Ma Dame. - Et tâchez de vous changer un peu d'air, savoir prendre du recule est aussi important sur la durée que de savoir s'investir. » ajouta le plus âgé, tirant un sourire légèrement surpris à la Comtesse qui le remercia de son conseil.
Ces deux derniers jours, elle n'avait pas même eu le temps de lire son courrier personnel. Au retour des commisses d'Ethin et après avoir vu les bâtisseurs et les propriétaires les corporatistes miniers de la région, peut-être devrait-elle prendre un jour ou deux, juste pour dépiler les sujets et missives reçues pendant ses deux ennéades d'absence... Dieux, fallait-il encore qu'elle retrouve Ernest en un seul morceau.
C'est ainsi qu'elle partie à cheval vers la ville natale de son époux, sans se douter que sur son bureau dormait depuis près de deux ennéades une missive de sa mère qui changerait profondément sa vie.
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Debout sur les quais de Chiard, devant la la passerelle menant sur le bord de la Dodue, une galère marchande dont le capitaine, Francin Ladouaire, était un vieil ami peu curieux, Renard tenait les pans de sa veste autour de lui pour se protéger du vent. Près de lui, une jeune femmes aux longs cheveux blond remonta le sac qu'elle portait à l'épaule. Une lettre cachetée passa de main en main et les adieux furent tout sauf déchirant.
Cependant, le vieux beau resta un moment sur la jeté à profité de l'air marin, repensant au contenu qu'on lui avait dicté l'avant veille.
Glinaina
Les Pommes Légendaires Salées
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Sujet: Re: Entre un bal et une foire |Solo Jeu 16 Nov 2017 - 23:15
Je regardais la missive, encore une fois, assise à mon bureau. Pensive, mes yeux parcouraient les lettres écrites sans rature et dévoilant au fur et à mesure une demande qui me paraissait tout aussi incongrue que logique. La Péninsule n'était pas Naelis, de même que Naelis n'était pas la Péninsule : les mages, là-bas, n'étaient pas acceptés. De ce que j'avais compris, l'élément qui avait déclenché la haine contre les pratiquants des arcanes était la disparition des enfants royaux et du régent de Diantra d'alors. Depuis, malgré les années passées, les mages n'étaient pas spécialement bien vus... Il devait y avoir d'autres choses que cet évènement particulier, mais ce n'était pour l'heure pas important à mes yeux. L'important était cette missive arrivée de loin et la réponse que j'allais y apporter suite à une discussion avec le conseil restreint.
Ayant terminé ma lecture, je pris une plume, la trempais dans l'encre noire et couchais sur le vélin encore vierge ce qui allait être ma réponse à la dénommée Cécilie de Missède.
Cécilie de Missède
Humain
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Sujet: Re: Entre un bal et une foire |Solo Sam 18 Nov 2017 - 2:42
Tandis que Rose finissait de lire la réponse de la reine de Naelis, Azula peignait soigneusement les cheveux interminables de a Comtesse. Après plusieurs mois de services, elle commençait à peine à pouvoir s’acquitter de tâches simples et elle réagissait de moins en moins comme un petit animal apeuré. N'ayant plus à suivre Cécilie dans tous ses déplacements, Rose en avait profité pour s'occuper de la jeune femme. Augustine également avait fait sa part avant de quitté la cour pour l'abbaye des Espérine.
Mais étant donné la situation, c'était un nouveau cape que s'apprêtait à passer la Comtesse.
- Il reste beaucoup de missive, Roses ? demanda-t-elle d'une voix égale - Celles de votre mère principalement.
Un léger soupire lui répondit.
- Je vois. Bon. Azula, connaîtrais-tu un faussaire ?
Cela jeta un froid dans la salle.
- Pardon ? - Tu m'as bien entendu. Ton maître travaillait avec toutes sortes de personne et tu entendais bon nombre de ses conversations, alors connais-tu un faussaire ? - Cécilie... entama Rose avec un semblant de reproche dans la voix. - Ce n'est pas à toi que je m'adresse, Rose. La réponse que tu viens de lire pourrait nous poser des problèmes si on en vient à questionner nos rapports avec Naelis. Mieux vaut nous couvrir deux fois qu'une seule.
La reine de cette terre étrangère semblait avoir un cœur aussi bon que son sens de la politique et que son éducation étaient mauvaises. Ce qui était parfaitement excusable et même préférable du point de vue de la jeune Missédoise, si ce n'était la mention du mage Nakor qui n'était toujours pas disculpé de l'incident de l’œil Bleu. Elle-même n'avait rien contre le vieil homme mais toutes sortes de mauvaise foi étaient en jeu dans les couloirs des palais péninsulaires.
- Alors, Azula ? - ... Oui... Maître Goujot, le relieur de la rue des deux saules. - Bien. Il faudra le contacté pour qu'il contrefasse la missive que nous venons de recevoir. La garder mot pour mot mais enlever toute mention de l'Archimage Nakor. - Pour un si petit détail vous voulez risquer de ternir votre nom ? - Pour un si petit détail, je peux tester la qualité de ce... Maître Goujot ainsi que sa loyauté sans grand risque. Même s'il parle, nous n'aurons rien à craindre si ce n'est un peu plus de suspicion. Et s'il se révelle de bonne compagnie je saurait à qui me fier pour vérifier si certains documents sont des faux. - Bien... Et pour la réponse ? Que faisons nous de l'attaque du Sud ? - Prend note, Rose.
Glinaina
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Sujet: Re: Entre un bal et une foire |Solo Lun 20 Nov 2017 - 21:09
Ce coup-ci, c'est l'occasion ou jamais.
Assis auprès des deux petits bouts de choux aux oreilles pointues qui sommeillaient dans leur berceau, je laissais mon esprit vagabonder à la recherche de conséquences inattendues tandis que ma main caressait doucement la tête de ma fille. Plus le temps passait, plus j'avais la conviction de ne rien avoir oublié. Et si c'était vraiment vrai, j'avais une occasion en or. Un coup à jouer. Une tentation trop forte pour résister.
Un moyen de peut-être me débarrasser de l'autre babouin braillard sans que Glinaina ne soit incriminée de la moindre façon.
Magnifique.
Un sourire d'excitation sur les lèvres, je quittais la chambre des petits, silencieux comme une ombre. Les poings serrés, je remettais mon envie de combat à plus tard. Cette nuit ne ferait pas partie de ces rares escapades hors des murs. Je n'avais pas assez de temps pour me perdre dans les quartiers où nul ne connaissait le visage de la reine et mener à bien mon projet sans risquer que ma geôlière ne soit au courant de l'un ou de l'autre. Le jeu auquel je jouais demandait prudence et patience. Je n'allais sûrement pas perdre ce que j'avais mis tant de temps à mettre en place sur un coup de tête envieux.
Je me dirigeais plutôt à pas de loup vers le bureau royal. Sans allumer une torche - l'ombre ne me posait pas de problème - je m'asseyais à la place que Glinaina occupait si souvent en journée pour tirer du papier et me saisir d'une plume... et me rendre compte une nouvelle fois que mon écriture et celle de cette satanée elfe n'avaient rien à voir. Sacré nom de Bordel Thaari !
Je respirais doucement pour éviter de mettre la pièce à sac, luttant contre ma nature la plus profonde.
Prudence et patience... Prudence et patience...
A partir de ce jour, chaque nuit après que mon encombrante moitié se soit endormie, je me relevais pour recopier toute sorte d'écrits retrouvés dans son bureau. Je n'avais pu tenir l'esprit de Glinaina assez éloigné des problèmes de la péninsule pour qu'elle oublie de répondre à cette intrigante demie-mondaine péninsulaire à propos des mages chouinards, mais heureusement j'avais réussi à détourner suffisamment son attention pour qu'elle oublie même de mentionner la situation de Glenn. Alors quand la missive suivante arriva, j'étais fin prêt.
Et quelle missive ! Pile ce que j'attendais. Je pensais que le temps de semer la zizanie ne viendrait qu'avec les récriminations des imbéciles que Glenn était allé attaquer mais il y avait là tant de potentiel qu'il aurait été criminel de ne pas en profiter.
Ce fut donc de ma plus belle plume que je m'appliquais à tracer des boucles semblables à celles de la Reine de Naelis.
Dans la même nuit, le message partait en direction de la péninsule et un édit était propagé le long des docks. Aucun navire de ravitaillement ne devait partir au sud de la péninsule.
Il ne me restait plus qu'à trouver de quoi occuper les idées de Glinaina suffisamment de temps pour que tout se mette en place de façon suffisante pour qu'elle ne puisse donner facilement un contre ordre. Deux ou trois jours devraient suffire... Voyons voir... Un meurtre dans le palais ou les rumeurs de l'arrivée de cette princesse marchande qu'elle détestait tant et que Glenn avait invitée contre son avis... Hmmm...