"Je suis chevalier à ses ordres." Il tint Lerr par le mors et le tourna, montrant l'écu aux couleurs de Mons, malgré une petite variance au chef de l'écu... Sous la forme d'un Lys d'Or.
Si les sbires se détendirent, le chef du groupe restait sceptique. Un chevalier aux ordres de Mons, sans écuyer et désarmé, traversant clandestinement la trouée de Mons en plein contexte de guerre ? Il avait bien du mal à y croire. Fort heureusement, le lys d'or n'avait guère de signification pour lui; et provoquer un noble pourrait lui causer plus de problèmes qu'il ne pouvait assumer. Il fit signe au chevalier ancenois de passer son chemin, d'un revers de main résigné.
Et le noble aurait bien continué sa route, s'il n'avait pas remarqué du coin de l'oeil que l'archer, au loin, avait de nouveau bandé son arc. Vif d'esprit, il se plaça avec son cheval de sorte à intercaler le chef de groupe sur la ligne de mire de l'archer; et gagnant quelques précieuses secondes, dégaina le bouclier en un éclair, au grand étonnement de l'éclaireur en chef.
"Mais qu'est-ce que-"
"Votre archer m'a sur sa ligne de mire. Je ne suis pas dupe, vilain. Dis à ton homme de baisser son arme et je passerai mon chemin."
Il dégaina la sienne; d'une incroyable facture et faite d'un étrange métal scintillant, qu'il avait volé à un suivant de Merwyn, dans une autre époque.
"Martin...", fit l'éclaireur.
"Chef, c'est le Lys d'Or, le parjure de Mons !"
"Comment ?"
Le parjure en question jura intérieurement, tandis qu'il coupa net la tête de l'éclaireur en chef et s'apprêta à affronter le reste de la coterie, sous le regard horrifié de ses comparses. Ils auraient pu la fermer et me laisser passer. Mais il faut toujours qu'il y ait une couille dans le potage. Car Edouard de Mons était un homme simple; et il préférait toujours prendre le chemin de la facilité, même si le destin fit qu'il ne put le prendre depuis la mort de son Roi. Son flot de réflexion ainsi conclu, il regarda autour de lui et contempla les cadavres soigneusement découpés, et la tête encore suppliante, et mouvante, de l'archer qu'il décapita en dernier en secouant la tête. Peut-être, dans le choc de l'attaque, pensait-il être encore en bon état. Edouard se détourna lorsque les lèvres silencieuses de l'archer s'arrêter de bouger, et que ses yeux devinrent vitreux. La décapitation était une chose bien affreuse, il le savait bien; il avait bien failli finir ainsi.
Ayant observé de loin les mouvements de la troupe serramiroise, il décida de s'installer dans un village, le premier de la trouée de Mons. Il savait qu'il avait sans doute une bonne nuit de sommeil devant lui, et pour peu de quitter le village dès l'aube, il pourrait éviter de justesse les forces serramiroises, et mettre son plan à exécution.
Mais alors qu'il réflechissait à tout cela, de sa main gantée, il tapota son entre-jambe, qui bien trop dur pour son propre bien. Il grimaça, espérant trouver quelque réconfort dans ce genre d'auberge avant que les rustauds nordiques ne ruinent toute la marchandise une bonne fois pour toute, comme ils avaient coutume de le faire partout où ils passaient.
Sauf Thomas d'Avron, pensa-t-il distraitement. Ca m'étonnerait pas qu'il soit puçeau à trente-cinq ans, cet enfant de putain.
"Allons, Lerr, hue." fit-il à son vieux compagnon.