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Sujet: Culpa lata dolo æquiparatur Ven 9 Fév 2018 - 1:21
L'an dixième du onzième cycle, Cinquième ennéade du mois de Barkios, le second mois de printemps, Le troisième jour...
Un beau matin de printemps, un messager revêtu de la livrée royale fleurdelysée se présenta aux portes de Soltariel, porteur d'un message émanant de la Grande Chancellerie du Royaume. Ses destinataires, on s'en doute, étaient les illustres maîtres du duché.
Roderik de Wenden a écrit:
A leurs Altesses Franco di Celini, duc de Soltariel, et Tibéria di Soltarii-Berontii, duchesse de Soltariel, salut !
Le temps me fait défaut pour évoquer auprès de vous certains sujets que j'eus préféré aborder de vive voix, aussi me suis-je résolu à vous écrire préalablement avant notre prochaine rencontre.
A l'heure où vous lisez cette missive, vous n'ignorez point qu'au mépris des droits légitimes de Sa Majesté Bohémond Ier, Roi des Hommes par la grâce de la DameDieu, le traître et criminel Altiom Sans Terre, riche de l'appui de mercenaires étrangers, sème le trouble en les possessions que tient sa majesté en pays ydrilote.
Nous déclarons qu'Altiom Sans Terre, déjà reconnu coupable de trahison et déchu de ses titres il y a trois ans, s'est rendu par ces nouveaux forfaits coupable de lèse-majesté, et qu'il devra en répondre ; nous déclarons, comme il va de soi, que toute assistance même passive à son égard est une trahison contre le trône.
Je ne sais par quel sombre procédé le traître s'est attaché la comtesse Aléandre, ni si celle-ci lui a offert son soutien de son plein gré ; mais nul n'ignore comme les jeunes esprits féminins sont aisés à corrompre. Le moment venu, j'espère pouvoir compter sur l'aide de Dame Tibéria, grâce à son cœur de femme et à sa douceur maternelle, afin de trouver les mots qui apaiseront la colère, dictée par les errances de l'adolescence, que nourrit Aléandre contre le monde. N'oubliez point qu'Aléandre est votre vassale, et que vous devez la guider et la protéger autant qu'elle se doit à vous.
La priorité est de faire face à l'ennemi pour l'heure. Nous vous demandons de dénoncer les agissements de ce seigneur de guerre en portant votre soutien aux intérêts de la couronne en Ydril, dans ce pays vassal du vôtre. En tant que duc et duchesse de Soltariel, par votre double-qualité de vassaux du roi et de suzerains de l'Ydril, il est de votre double-devoir de défendre les intérêts de Sa Majesté contre cette agression injuste et violente. Le roi, par la bouche de son régent, a placé en vous sa confiance en confiant au duc Franco la charge d'Amiral ; il vous revient à présent d'honorer cette confiance. Agissez contre le traître Altiom Sans Terre, et que ce lâche ne connaisse point de répit jusqu'à ce que les osts royaux, forts de la gloire acquise dans le Médian, s'en viennent débarrasser la péninsule de la souillure de l'envahisseur.
La DameDieu vous garde,
Au cinquième jour de la quatrième ennéade de Barkios, en la dixième année de notre cycle, la troisième année du règne de notre roi Bohémond,
Roderik, fils de Ganelon de la maison de Wenden, Illustrissime, Pourfendeur des drows d'Oësgardie, Héros d'Amblère et de Nebelheim, Champion du Grand Tournoi de Serramire, Grand Chancelier du Royaume par la grâce de Notre Seigneur et Roi Bohémond, le premier de son nom de la maison Fiiram, Marquis de Sainte-Berthilde, Comte de Scylla, Baron d’Olyssea, Seigneur-Protecteur de la Roseraie, Gardien fidèle de la foi, le Sérénissime Soleil Noir de la Rayonnante Ys, Archonte d’Ydril, Vicomte de Calozi, Seigneur de Velmonè, Seigneur consoeur de Beronia, Seigneur-dragon de Calozi, Sénéchal d’Ydril, Grand Chambellan d’Honneur de la Grande Traverse, Erudit de Prestige de la Destinée de l’Aube, Maître des Enfants de la Nébuleuse Ecarlate, Grand Voyer du Duché et Grand Argentier du Royaume, par la grâce de la Damedieu, toute bonne et toute providentielle.
Tibéria de Soltariel
Humain
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Sujet: Re: Culpa lata dolo æquiparatur Ven 23 Fév 2018 - 2:53
Roderik de Wenden
Ancien
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Septième ennéade du mois de Barkios, le second mois de printemps, Le premier jour...
Il faisait encore nuit et il tombait une pluie fine sur Soltariel. Le vent marin s'était levé peu avant l'aube, chassant les nuages, révélant une énorme lune argentée au milieu d'un océan noir. S'élevant au-dessus de la grande cité ducale, elle semblait porteuse de mauvais présages ; si la vie du duché suivait son cours, les troubles en Ydril occupaient tous les esprits, grands comme petits, alimentant les discussions de comptoirs et les angoisses nocturnes.
Aux portes de la cité, la garde était sur le qui-vive ; un avant-poste au sud-est avait signalé l'approche d'une troupe de cavaliers, arborant, disant-on, la bannière d'un cheval cabré sur champ de gueules. Aussi s'attendait-on à leur arrivée d'un instant à l'autre, quoiqu'ils ne se soient point annoncés. Une heure avant l'aube, en effet, une demi-douzaine de silhouettes montées, drapées dans de longs manteaux de voyage, se présenta à l'entrée de la ville. L'un d'entre eux, d'une main gantée, remit à l'officier de la garde un message scellé de la Chancellerie du Roi, à l'intention du duc Franco et de la duchesse Tibéria.
Roderik de Wenden a écrit:
A leurs Altesses Franco di Celini, duc de Soltariel, et Tibéria di Soltarii-Berontii, duchesse de Soltariel, salut !
Le temps presse et je dois me mettre en route sans attendre pour vous venir trouver. A l'heure où vous lirez ces lignes, je devrais me trouver à vos portes. Daignez pardonner le caractère peu protocolaire de cette visite ; mais il est des choses dont nous devons parler de vive voix et qui ne peuvent attendre davantage.
Sitôt que vous en aurez le loisir, je vous en prie, faites-moi conduire en votre présence.
Roderik, fils de Ganelon de la maison de Wenden, et le temps me manque pour écrire tous les titres, mais je crois qu'on se connaît maintenant.
Tibéria de Soltariel
Humain
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« Bienvenue à Soltariel, Chancelier. La duchesse se trouve actuellement dans la bibliothèque, si vous voulez bien me suivre. » Cassio s’inclina légèrement devant Roderik avant de prendre les devants. Il savait que Tibéria attendait sa venue avec impatience depuis l’annonce de sa visite prochaine et, honnêtement, le serviteur était plus qu’heureux d’accueillir enfin quelqu’un qui pourrait peut-être calmer les ardeurs de la jeune femme. Elle tenait tête à tout le monde au palais, mais elle n’osera jamais contredire le chancelier. C’est du moins ce qu’il espérait.
La nervosité était palpable. Le château grouillait d’activité et la quantité d’hommes en uniforme dépassait largement le nombre habituel. C’était sans parler des messagers qui allaient et venaient dans leurs vêtements pleins de poussière et leurs bottes crottées de boue, totalement à la saleté qui laissaient derrière. « Pardonnez le chaos ambiant. La situation est… enfin, vous savez. » Il s’arrêta devant une grande porte en bois de chaque côté de laquelle se trouvaient deux gardes. « Nous y voici... » Il toqua doucement à la porte avant de l’ouvrir. « Altesse, le chancelier Roderik de Wenden est ici. »
« Oui oui… faites-le entrer... » Honnêtement, elle semblait plus ou moins concernée par sa présence. À moins qu’elle n’ait pas vraiment réalisé qui se trouvait derrière la porte, car si le château débordait d’une activité inhabituelle, la bibliothèque était devenue un véritable chaos au milieu duquel se trouvait une petite femme d’à peine 1m55 de haut qui disparaissait derrière des piles et des piles de vieux volumes reliés. Au bureau où elle s’était installée, on ne voyait que le dessus de sa tête et elle, elle ne voyait pas qui venait d’entrer. Au mur, il y avait des dizaines de cartes, certaines anciennes et d’autres plus récentes. La plupart montraient Ydril, mais il y en avait où on voyait tout le duché. Elles côtoyaient des schémas de bateaux et des notes manuscrites de la main de Tibéria. Cassio soupira discrètement avant de s’incliner devant le chancelier. Son visage exprimait son profond désarroi et le bref regard qu’il lança au chancelier n’était rien de moins qu’un silencieux appel à l’aide. Il quitta sans rien dire alors qu'à la table, Tibéria ne s’était toujours pas levée pour accueillir le visiteur. On entendait plutôt le bruit d’une plume qui écrivait furieusement sur un morceau de parchemin.
Roderik de Wenden
Ancien
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Sujet: Re: Culpa lata dolo æquiparatur Mar 27 Fév 2018 - 11:46
Tout en suivant Cassio dans les couloirs, Roderik découvrait pour la première fois la demeure ducale. Baignée de la lumière chaude des torches, la décoration tapageuse vous harcelait les yeux ; motifs dorés ornant les plafonds et les murs, tableaux de maîtres évoquant les grandes heures de la vie d'illustres personnages du duché ; si tout ce raffinement ostentatoire était étranger à l'Arétan qu'était Roderik, il lui rappelait quelque peu Merval, où le style pharétan subsistait dans les arts comme dans les mœurs. Il considéra un instant les entrelacs en relief qui entouraient la représentation d'un paon. L'animal était judicieusement choisi, pensa Roderik ; les Soltaris adoraient exhiber leurs plumes.
La bibliothèque où on l'introduisit n'avait pas le même raffinement. C'est là, d'ailleurs, que Roderik réalisa, après avoir été obnubilé par les prouesses architecturales du cru, qu'il régnait dans tout le palais un merdier manifeste. La bibliothèque était à l'image de ce merdier : des livres ouverts traînaient dans tous les coins, et une bonne femme aux yeux chargés de cernes et à fort embonpoint s'échinait à tourner les pages de lourds volumes, l'air totalement dépassée par la masse des ouvrages. Roderik l'ignora tout autanrt qu'elle l'ignorait, attendant simplement qu'on lui explique pourquoi on l'avait mené dans cette salle désordonnée. Voyant que Cassio lui désignait la lectrice, Roderik tarda à comprendre. En fait, il ne comprit pas. Une fois Cassio parti, il se contenta d'attendre et, trouvant le temps long, se permit d'apostropher la lectrice.
« Vous ne devriez pas empiler tous ces livres de la sorte, et encore moins les lire ici. A la lueur de votre lampe, il suffirait d'une étincelle pour que tout flambe. »
Il en savait quelque chose : le vieux Feidel lui avait un jour raconté que cela s'était produit, jadis, dans les archives de la forteresse d'Arétria. Consumant dans les flammes les témoignages écrits de plusieurs centaines d'années d'histoire et de registres administratifs, l'incendie n'avait rien laissé d'autre qu'un voile de mystères sur les jeunes années du comté. Roderik se demandait parfois si c'était suite à cet incendie que les Arétans avaient cessé d'être des érudits, ou s'ils avaient toujours été rustauds.
« D'ailleurs, vous abîmez vos ouvrages ; certains ont l'air assez anciens et fragiles. Vous devriez mieux les conserver ; chez moi en Arétria, on les trempe régulièrement dans une bassine d'urine de bouc, c'est très efficace. » Même si ça pue. « Enfin, on s'en sert surtout pour laver nos vêtements et leur faire conserver leur éclat, mais j'imagine que ça marche aussi bien. »
Il s'adossa à une étagère, manquant de peu d'en renverser tout le contenu.
« Savez-vous où sont le duc et la duchesse ? » demanda-t-il distraitement, tout en ramassant un volume poussiéreux de "Discours sur la dernière ennéade de Nisétis" de Romey de Vosse, et le rangeant à côté d'un vieux traité de philosophie tout écorné.
Tibéria de Soltariel
Humain
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Sujet: Re: Culpa lata dolo æquiparatur Mar 27 Fév 2018 - 17:28
Tibéria sortit soudainement de sa torpeur lorsqu’elle remarqua enfin la présence de l’étranger entre les murs de la bibliothèque. Elle savait que ce n’était pas un Soltari seulement par les vêtements qu’il portait, trop sobres selon les standards du sud. Puis il n’avait pas non plus cet air dédaigneux qu’ont les nobles des grandes familles et qu’elle trouvait profondément agaçant à force de le voir tous les jours. Il venait du nord, mais elle serait bien embêtée de dire où exactement. Il y avait tellement d’information dans sa tête présentement, que tout s’embrouillait. Il fit remarquer que cet endroit risquait très certainement de flamber d’un instant à l’autre à cause de lampes posées négligemment à côté des piles de papier. Tibéria regarda autour d’elle. « C’est possible. » Elle ne fit cependant rien pour empêcher l’éventuelle catastrophe.
Il déblatéra ensuite sur le soin malheureux qu’elle donnait à ces pauvres livres ce dont Tibéria se fichait éperdument. Où voulait-il en venir et pour qui il la prenait ? C’est quand il demanda à voir la duchesse qu’elle haussa un sourcil interrogateur. Il ne l’avait pas reconnu. En même temps, Tibéria ne se souvenait pas de l’avoir déjà rencontré. Avachie sur sa chaise à force de consulter les archives de la bibliothèque, elle se redressa pour retrouver une posture plus digne avant de se lever avec toute la grâce qu’une femme entamant son troisième mois de grossesse pouvait avoir. Malheureusement, ce changement de posture et son air altier ne pouvaient effacer les affreux cernes causés par les trop nombreuses heures d’études et le manque de sommeil. Dans une froide dignité, elle déclara. « Je suis la duchesse Tibéria de Soltariel, à qui ai-je l’honneur ? »
Roderik de Wenden
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Sujet: Re: Culpa lata dolo æquiparatur Mar 27 Fév 2018 - 18:45
Roderik ouvrit des yeux ronds. Sainte Deina, et dire que je viens de lui parler de pisse de bouc. Quand on connaissait le goût des Soltaris pour tout ce qui touchait à l'apparence, on ne pouvait que s'étonner de voir leur duchesse en si piteuse mine. En la voyant se lever, il comprit que ce qu'il avait prit pour une petite grosse n'était autre qu'une petite femme enceinte - ce qui revenait à peu près au même, mais était socialement plus acceptable.
« Roderik de Wenden, Votre Altesse. Grand Chancelier de Sa Majesté Royale. Ne vous a-t-on pas annoncé ma venue tout à l'heure ? »
Soit la duchesse l'avait totalement oublié, ce qui était inquiétant pour sa santé mentale, soit on avait tout bonnement oublié de la prévenir, ce qui était inquiétant pour la façon dont cette maison était gérée. Il jeta un rapide coup d’œil autour de lui, se demandant si le duc Franco n'allait pas se pointer, mais il semblait clair qu'il n'y avait qu'eux. Il comprit, alors, que la missive pour le moins surprenante qu'il avait reçue, quelques ennéades plus tôt, avait bien été rédigée par le duc lui-même ; vu le contenu, Roderik avait espéré croire que quelqu'un lui faisait une mauvaise blague. Mais il semblait clair que Son Altesse Franco di Celini avait pris la poudre d'escampette, délaissant son épouse enceinte jusqu'au cou et à la tête d'un duché au bord de la guerre, pour partir jouer les aventuriers au-delà de la mer. Cela sentait fort l'exil anticipé, et Roderik y voyait là la confirmation de ses doutes concernant Franco : le duc de Soltariel avait commis quelque saloperie qui ne tarderait pas à remonter à la surface et il avait préféré fuir avant qu'on ne réclame sa tête.
Mais Tibéria, elle, était toujours là. Avec sa tête des mauvais jours, et l'air de porter le poids du monde sur ses épaules - comme si porter le poids de l'enfant d'un lâche n'était pas suffisant.
Le désordre qui régnait au sein du palais trouvait désormais tout son sens.
« Ainsi, c'est donc vrai... votre époux a pris la fuite. »
La remarque était directe et les mots n'étaient pas sans conséquence quand ils visaient un duc. La duchesse s'en offusquerait peut-être ; même si Franco était responsable de son malheur, elle restait tenue de le soutenir, s'étant liée à lui devant les dieux. Mais bah ! qu'importe, Roderik n'avait aucune envie d'user de langue de bois. Il avança de quelques pas vers elle, jusqu'à ce qu'il en fut assez proche pour saisir délicatement sa main et la baiser - la main.
« Une femme dans votre état ne devrait pas s'épuiser de la sorte ; vous pourriez perdre votre enfant. » Il lui vint à l'esprit que c'était peut-être ce qu'elle espérait. « Peut-être puis-je vous soulager de l'un de vos fardeaux. » Tant qu'il ne s'agit pas de porter le mioche à sa place...
Tibéria de Soltariel
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Sujet: Re: Culpa lata dolo æquiparatur Mar 27 Fév 2018 - 23:53
Tibéria resta interdite pendant un moment comme si elle passait en revue toute l’information qu’on pouvait lui avoir transmise depuis le début de la journée. Oui, on lui avait effectivement annoncé sa visite, mais tant de choses arrivaient toutes en maintenant qu’elle s’y perdait. Du coup, elle se sentit mal de l’avoir oublié alors qu’il était justement l’homme qu’elle voulait voir. Étrangement, elle ne l’avait pas du tout imaginé avec cette tête, mais ça, c’est une autre histoire. « Oui, pardonnez-moi, j’ai tellement de choses en tête… Évidemment qu’on m’en avait averti. J’espère que le voyage n’a pas été trop difficile. » Toujours à penser aux autres alors qu’elle avait toute les raisons du monde de vouloir penser qu’à elle-même présentement. Ce n’était pas qu’une formule de politesse, elle était sincère dans sa question.
Évidemment, le sujet de l’heure ne tarda pas à être mis sur le tapis. Le départ de Franco avait fait grand bruit. Il n’avait même pas essayé d’être vraiment discret. Cette histoire sentait le coup monté. Même quand elle fit convoquer les guérisseurs qui avaient veillé sur le duc, ils furent introuvables. Le regard de Tibéria s’assombrit. « Ainsi vous êtes au courant? J’aimerais que ce soit une blague, mais ce ne l’est pas. Il est parti sans me donner de détail… Il va chercher d’autres alliés de par le monde! Quelle comédie! Il a même eu le culot de me donner officiellement la permission de prendre des décisions… Si je mets la main sur cet homme... » Elle ne termina pas sa phrase, mais on devinait aisément que ça n’avait rien de bon.
Roderik vint vers elle pour lui prendre la main et la baiser. Tibéria remarqua seulement au dernier moment qu’elle était tachée d’encre. Elle pinça les lèvres, mais ne dit rien. Lui, comme tous les autres, tenait le même discours : elle ne devrait pas s’épuiser de la sorte, ce n’est pas bon pour le bébé. Chaque fois, Tibéria balayait les inquiétudes d’un signe de la main. « Je n’ai pas le choix. Franco n’étant plus là, je dois tout prendre en charge. Vous êtes témoins de mes tentatives d’en apprendre plus sur l’art de la guerre et l’aspect militaire… Je ne sais plus combien de comptes rendus j’ai pu lire. Quant à l’enfant… Je me demande s’il aura sa place dans ce monde après ce que son père a fait. Si c’est une fille, je pourrai lui donner une dot qui fera oublier son ascendance, mais si c’est un garçon, ce sera nettement plus difficile pour lui. » En effet, peut-être que cet enfant ne devrait pas voir le jour, mais Tibéria se trouvait horrible de simplement l’envisager. Elle posa une main protectrice sur son abdomen où elle sentait les mouvements du bambin. Non, ce petit s’accrochait de toutes ses forces. C’était un battant.
« Oh, mais il y a plein de choses. Vous pourriez commencer par me ramener la tête de Franco sur un plateau avec celle d’Altiom d’Ydril. Peut-être celle d’Aléandra en plus... Cette petite sotte ne semble pas comprendre la situation dans laquelle elle s’est mise. Peut-être, juste me rassurer sur le fait que je ne risque pas de voir les armées du nord cogner à ma porte, car je n’ai pas pu envoyer des troupes comme prévu. Ce n’est pas de ma faute si j’ai été malade pendant près d’un mois à cause de la grossesse. Ce n’est pas de ma faute si Altiom a décidé d’arriver à ce moment et ce n’est pas non plus de ma faute si Franco n’a pas réagi quand il le devait… Et je n’ose imaginer ce qu’il a pu faire et que personne ne sait encore... »
Roderik de Wenden
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Sujet: Re: Culpa lata dolo æquiparatur Mer 28 Fév 2018 - 1:04
Roderik leva doucement la main, comme pour intimer à la duchesse de cesser de parler. « Là, là, calmez-vous. Calmez-vous, Altesse. » Il planta son regard dans le sien, dévisagea cette mine déconfite, épuisée, ravagée par l'angoisse et la honte. Était-ce donc tout ce qui restait du prestige de Soltariel ? D'un geste, il désigna le ventre arrondi de la duchesse et la morigéna :
« N'oubliez jamais, Dame, que vous portez l'enfant de votre époux. Quoiqu'il ait fait - et je le soupçonne d'en avoir fait plus que ce qui ne peut se tolérer, et il aura à en répondre - quoiqu'il ait fait, vous dis-je, n'oubliez jamais les vœux que vous avez prononcés. Vous avez eu le malheur, Altesse, de connaître de fort mauvais hommes. Mais une femme ne se cache pas derrière son époux. Une femme en partage les épreuves, et également les fautes. » Le ton se radoucit quelque peu lorsqu'il poursuivit : « vous êtes duchesse, Dame Tibéria. Vous ne pouvez pas vous montrer faible. Vous ne le pouvez pas. Ni devant moi, ni devant personne. Je ne suis pas un mauvais homme ; je ne tirerai pas avantage de votre désarroi, mais nombreux sont ceux qui ne s'en priveraient pas. Vous devez assumer le poids de vos doutes, de vos peurs - et les garder pour vous et vous seule. Après tout, gouverner, Tibéria, c'est être seul. Je suis votre allié, mais vous ne pouvez vous dévoiler ainsi à moi comme vous le feriez avec un ami ; c'est imprudent, car vous ne me connaissez pas. »
Il marqua une pause, laissant la duchesse assimiler ce qu'il venait de dire. Il avisa une chaise adossée contre une étagère remplie de volumes de Gassien le Syphilitique, un poète versé dans les écrits érotiques. Il s'y installa et, sans façon, se laissa tomber en arrière, le dossier retenu par l'étagère.
« Vous avez partagé vos fardeaux avec moi, Dame. Laissez-moi vous confier le mien. Nous sommes dans le même bateau, tous les deux ; je suis peut-être l'homme qui détient le roi, mais c'est un autre qui en commande l'armée. Aymeric de Brochant est un homme pragmatique. Je l'admire, mais je crois que la compassion n'est pas sa qualité première. Votre grossesse ne l’émouvra guère. Pourtant, nous tenons une belle occasion de prouver tous deux notre utilité à l'heure où le royaume recouvre son intégrité ; Ydril est l'épreuve dont le Sud avait besoin. Le Nord a connu les drows d'Oësgardie, le Sud connaît aujourd'hui les barbares d'Estrévent. Il n'est pas trop tard pour remporter l'épreuve de la loyauté. »
Il se fendit d'un sourire aimable.
« Je vais vous aider, Dame. » Le sourire disparut. « Mais avant cela, ayez l'amabilité de me répondre. Comment la duchesse que vous êtes a-t-elle pu, de bonne foi, croire que son époux a passé ces derniers mois alité et à l'agonie, alors qu'il n'en était rien ? Ne partagiez-vous donc plus sa couche ? »
Tibéria de Soltariel
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Sujet: Re: Culpa lata dolo æquiparatur Mer 28 Fév 2018 - 3:09
Les paroles de Roderik, bien que remplies de bonnes intentions, ne firent que braquer un peu plus la jeune femme. Partager les fautes de son mari, hein? Tibéria refusait catégoriquement de porter les erreurs de Franco comme si c’était les siennes, et ce même si elle en avait le serment. Cet homme avait brisé le sien en l’abandonnant de la sorte. Elle n’était donc plus tenue de le respecter non plus. « Oh non, je n’ai pas l’intention de me cacher derrière lui, mais je n’ai pas non plus l’intention de payer pour ses bêtises. Je ne vais pas partager ces fautes, comme vous le dites si bien. C’est un homme adulte en pleine possession de ses moyens pour autant que je le sache et rien ne m’obligera à m’excuser pour ce qu’il a pu faire! » Le chancelier avait visiblement touché une corde sensible chez la jeune femme. Elle avait effectivement connu de bien mauvais hommes dans sa vie et elle en avait assez de payer pour leurs actions.
Après ce soudain élan de fureur, Tibéria s’apaisa quelque peu. Elle ne tenait pas à se donner en spectacle devant le chancelier et malgré le léger dérapage à propos du serment des époux, les paroles de Roderik étaient pleines de sagesse. Elle ne devait pas se montrer faible. Elle devait garder ses craintes pour elle. « Vous savez, à Soltariel, les apparences sont plus importantes que tout le reste. Un noble ruiné fera tout pour que ça ne paraisse jamais, même s’il doit y laisser la vie. C’est pour cela que tout est si ostentatoire ici. Ça détourne l’attention de ce que l’on veut cacher. » Et soudainement, elle se sentait terriblement seule. Elle aurait voulu dire qu’elle n’avait jamais été élevée pour prendre le pouvoir, qu’elle n’était même pas censée se retrouver seule à la tête de Soltariel, mais par deux fois, le destin en avait décidé autrement. Soit il voulait la pousser à abandonner, soit il voulait lui prouver qu’elle était capable de le faire seule. Ça serait facile de lâcher prise, mais elle refusait de le faire. Il fallait sauver les apparences, coûte que coûte. Elle était une Soltari et c’est ce que font les Soltarii.
« J’ai contacté Aymeric de Brochant pour lui faire part de la situation. J’attends encore un signe de vie de sa part. Je me demande maintenant si j’ai bien fait, même s’il est en droit de savoir qu’une armée de barbare a foulé les terres de notre roi. » Elle soupira. « Je déteste l’idée de faire la guerre. Comprenez-moi bien, je veux chasser ces traîtres de nos terres, mais je déteste quand même la guerre. Elle va chercher ce qu’il y a de plus sauvage en nous et laisse des marques profondes dans l’esprit des gens qui la subisse. Tous ces comptes rendus que j’ai lu. J’ai vu des hommes fiers de leurs victoires, mais également des hommes brisés par les horreurs qu’ils ont vus. Certains de ces récits donnent froid dans le dos, mais je ferais ce qu’il faut pour montrer ma loyauté à la couronne. N’en doutez pas un seul instant. »
Tibéria prit une plume et la fit rouler entre ses doigts. La remarque à propos de l’état de Franco la fit glousser de rire bien malgré elle. « Il ne me touchait pas. » Dit-elle avec toute franchise. « Il me regardait à peine et n’avait pas le moindre désir pour moi. Après un moment, nous nous sommes lassés et chacun dormait dans ses propres appartements. Lorsqu’il est tombé souffrant, il a été amené dans sa demeure comme moi je me suis réfugié à Beronia au tout début de ma grossesse. J’aurais sans doute dû me méfier, mais je croyais qu’il voulait simplement s’éloigner de la folie ambiante. Quand vous devez maintenir les apparences en tout temps, ça devient vite épuisant. Maintenant, si vous vous demandez comment un homme n’ayant aucun désir pour moi a pu me faire un enfant, à cela je vous répondrais : beaucoup, beaucoup d’alcool. »
Roderik de Wenden
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Sujet: Re: Culpa lata dolo æquiparatur Jeu 1 Mar 2018 - 17:09
Roderik s'abstint de tout commentaire, mais n'en pensait pas moins. La relation du couple ducal l'étonnait ; les deux étaient relativement jeunes et en bonne condition physique, pour autant qu'il ait pu en juger. Quand bien même il n'y avait aucun amour entre eux, un couple marié se devait de faire la chose : c'était une promesse échangée entre eux sous la bénédiction de la Déesse, que l'on se devait d'observer ; Roderik lui-même s'y était prêté de bonne grâce avec Iselda, et ce alors qu'aucune étincelle de chaleur n'existait dans leur mariage, lequel n'était rien de plus qu'une alliance - mais une alliance bénie par le plus saint des sacrements.
Au moins Franco avait-il trouvé assez vite le chemin pour pourvoir son épouse d'un héritier. Une chance ou une malchance, allez savoir ; l'héritier qui grandissait en son sein pouvait consolider d'une certaine manière la position de Tibéria sur le trône ducal, mais dans le même temps, la condamnait à rester liée à un mari absent. Faute de pouvoir contester cette union - qui, de toute évidence, avait bien été consommée - elle ne pouvait convoler avec un autre. La pauvre avait cru bien faire en faisant boire Franco pour qu'il cède à ses charmes ; si elle s'en était abstenue, elle aurait tenu le parfait prétexte pour obtenir l'annulation de son mariage - et devenir par la même occasion une prétendante sérieuse au record d'unions dissoutes. Regrettable erreur, mais le plus important ne demeurait-il pas le bonheur de l'arrivée prochaine du petit être qui lui déformait le bide ?
« Oui, hmm, bon. Nous réfléchirons au cas de votre mari plus tard ; l'urgence pour le moment, vous le savez, c'est Ydril. Avez-vous une idée précise de l'état des forces que votre duché peut rassembler ? Il serait plus que temps, je pense, que vous convoquiez ban et arrière-ban. L'appui de vos vassaux sybronds et ysarains nous conférerait un avantage indiscutable, et j'ose croire, malgré les rancunes familiales qui vous opposent, qu'ils sachent respecter un serment. A ce propos... pensez-vous pouvoir vous fier au jeune Anoszia ? »
Sysiphe, le garçon prépubère qui avait épousé la baronne d'Ysari, était le rejeton de cette maison maudite. Quand son père avait tenté de s'emparer du roi, tous ses proches parents avaient perdu fortune et honneur, et s'étaient vus contraindre à l'exil ; tous, sauf Sysiphe, qui pour faire bonne figure avait renié son propre nom. Roderik persistait cependant à le désigner comme un Anoszia, car, pensait-il, on reste toujours le fils de son père. Il eut à cet égard une pensée pour l'enfant à naître de Tibéria : le futur duc de Soltariel - si d'aventure il ne mourait pas en bas âge - serait-il un lâche comme son père ?
Tibéria de Soltariel
Humain
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Sujet: Re: Culpa lata dolo æquiparatur Jeu 1 Mar 2018 - 23:40
Parfaitement consciente du malaise que cela pouvait créer, elle fut soulagée de constater que Roderik ne tenait pas particulièrement à s’étendre sur le sujet plus longtemps. Il enchaîna plutôt sur ce qui était plus urgent, Ydril. La simple évocation de ce mot donnait la nausée à Tibéria qui dut faire un effort pour ne pas laisser échapper un juron. Soudainement l’atmosphère de la bibliothèque devint oppressante, Tibéria avait besoin d’air. « Allons dehors, vous voulez bien? J’ai besoin… de respirer. » Elle n’attendit pas sa réponse et sortit de la bibliothèque. Elle entraîna le chancelier dans un dédale de couloirs et d’escalier jusqu’à ce qu’ils atteignent une terrasse donnant sur la ville. La vue était splendide et un vent agréable soufflait. L’endroit était désert à l’exception d’un énorme chien qui y dormait. Ce dernier, dérangé dans sa sieste, se leva pour aller rejoindre la duchesse. Il appuya sa grosse tête contre la cuisse de la jeune femme, en quête d’attention. Cette bête aurait très bien pu la dévorer, mais il y avait dans le regard de cet animal une dévotion apparemment sans limites. Tibéria lui flatta affectueusement le crâne.
« Donc vous disiez… Puis-je avoir confiance en Sysiphe d’Anoszia? Honnêtement, je n’ai confiance en aucun de mes vassaux. Victoria di Maldi veut ma place à cause de son frère Maciste, mais je crois qu’elle a encore assez de bon sens pour ne pas briser son serment, pour l’instant. Sysiphe, comme tous les membres de sa famille, doit rêver de voir ma tête au bout d’une lance. Néanmoins, je connais assez les Anoszias pour savoir qu’il ne fera rien. Il ne crachera pas sur l’occasion de reprendre les terres de sa famille en Ydril s’il le peut. Je crois aussi qu’il voudra démontrer sa bonne volonté envers la couronne. Il a peut-être renié le nom, mais les gens savent trop bien qui il est. S’il peut accumuler quelques bons coups pour la couronne, il le fera. Naturellement, aucun de ses gestes ne sera désintéressé. Jusqu’à maintenant, j’ai eu le bon sens de traiter principalement avec sa femme, Sarina, mais je sais qu’éventuellement il faudra bien que l’on s’adresse la parole. Je ne m’attends pas à de chaleureuses retrouvailles, mais j’ose espérer qu’il n’y aura pas de problèmes.
Elle sourit. « Je m’attendais à ce que l’un des vassaux décide d’en faire qu’à sa tête. Si l’on m’avait demandé de parier, j’aurais misé sur Victoria, mais c’est la gamine qui l’a devancée. J’ose croire qu’elle a été manipulée. À son âge, on peut facilement être impressionné par de belles paroles. Je me demande si elle tiendra encore le même discours si nous nous rassemblons tous devant elle. Peut-être comprendra-t-elle qu’elle est seule face à tous... »
Roderik de Wenden
Ancien
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Sujet: Re: Culpa lata dolo æquiparatur Ven 2 Mar 2018 - 8:21
« La gamine ne comprend rien à rien », répliqua Roderik d'un ton agacé. « Son ravisseur exerce visiblement sur elle un puissant ascendant psychologique. J'ai bien tenté de lui écrire, mais chaque mot d'elle que j'ai reçu semble lui avoir été dicté par son infâme cousin. Elle voit en lui une espèce de héros, et elle est bien trop aveuglée par sa candeur de pucelle pour se laisser raisonner. Ce fut une erreur de la délivrer de son conseil de régence, j'en ai peur. Nous l'avons jugée apte à régner trop tôt, bien trop tôt. »
Il haussa les épaules. Son regard se perdit dans le lointain, au-dessus de la forêt de toits arrondis de la cité ducale.
« Le seul moyen de lui rendre la raison serait, effectivement, que nous nous présentions tous devant elle. Mais armés de piques et d'épées, avec toute la force que nous pouvons rassembler. Cette querelle ne se résoudra pas avec un compromis, vous savez. La couronne ne peut rien accorder à Altiom Sans Terre ; aucun titre et encore moins le pardon. Or, je doute qu'il ait traversé l'Olienne avec une armée de mercenaires estréventins pour envisager de repartir comme il est venu. Il ne cédera rien et se battra jusqu'au bout. Et nous aussi. »
Tibéria de Soltariel
Humain
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Sujet: Re: Culpa lata dolo æquiparatur Ven 2 Mar 2018 - 15:15
« Et sa candeur va entraîner la mort de beaucoup d’hommes, c’est jeune pour avoir autant de sang sur les mains... » Elle regarda le paysage urbain qui s’étendait à ses pieds, soucieuse. Dans chacune de ces maisons, les gens attendaient anxieusement la suite des choses. Les marchands se faisaient nerveux, les soldats affutaient leurs armes, impatients de prouver leur valeur. Tibéria resta silencieuse pendant un bon moment alors qu’elle venait à la même conclusion que le chancelier : la guerre était inévitable. Ils n’accepteraient aucun compris et ils verront leur terre bruler avant de courber l’échine. Un bloc de glace se forma dans son estomac alors qu’elle s’apprêtait à souffler les mots qu’elle aurait souhaité ne jamais prononcer. « Très bien, Soltariel est guerre... » Elle sentit aussitôt un pincement dans le bas de son ventre. Tibéria ignora la douleur et se tourna vers Roderik. « J’ai besoin de vous ici. Votre présence fait planer l’ombre de la couronne. Je ne peux vous retenir ici si vous avez plus urgent à faire, mais vous êtes le bienvenu. » Elle espérait qu’il reste à ses côtés simplement pour avoir quelqu’un avec un peu plus de sang-froid et d’expérience, rôle qu’aurait dû remplir Franco s’il n’était pas parti.
Roderik de Wenden
Ancien
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Sujet: Re: Culpa lata dolo æquiparatur Ven 2 Mar 2018 - 16:26
Lorsqu'il se trouvait sur le chemin de la cité ducale, Roderik s'attendait à un accueil des plus froids ; les derniers exploits du duc ne l'avaient guère conforté dans l'idée qu'il s'y trouverait de bons alliés. Pire encore, il avait eu la sinistre impression de se jeter tout droit dans la gueule du loup. Mais voilà qu'une fois sur place, découvrant l'absence du mari inconstant, Roderik voyait l'épouse fort bien disposée à son égard. Et en plus de promettre d'engager ses lances dans la curée ydrilote, voilà qu'elle déclarait de manière fort touchante avoir besoin de sa présence. Il en rougit presque. Les imprévus pouvaient se révéler agréables. C'était bien sûr la proximité de la couronne qu'elle cherchait, non celle de l'homme qu'il était, mais l'idée de s'improviser sauveur d'une dame en détresse flattait l'orgueil chevaleresque de Roderik, qui manquait toujours de discernement avec les femmes. Eut-elle été libre qu'il eut pu caresser l'idée d'en faire son épouse - un titre ducal n'était-il pas l'atout qui lui aurait permis de revendiquer la Régence ? Une opportunité qu'il aurait recherchée coûte que coûte quelques années plus tôt. Mais il était deux fois veuf, et las de poursuivre de telles vanités. Il avait suffisamment sacrifié au devoir du mariage, et s'il devait convoler de nouveau, ce ne serait que pour une femme, une seule : Maélyne de Lourmel. Son coeur s'emballa à cette seule pensée ; il dut s'efforcer de la chasser de sa tête, avant que Tibéria ne vienne à s'imaginer que son sourire béat lui était destiné.
De toute façon, quel soutien pouvait-il bien lui offrir, à cette pauvre Tibéria ? Rien d'autre que sa présence, et elle le savait fort bien. Il n'avait guère plus d'épées à lui fournir. Pour autant, il se devait d'être là. Ce qui se tramait en Ydril concernait la couronne au premier plan, il était donc normal que l'un des hommes du roi y prenne part. Les symboles avaient leur importance : ce que les épées conquièrent sans symboles, elles peuvent rapidement le perdre - l'exemple du Boucher du Médian et de ses conquêtes dépourvues de la moindre once de légitimité était édifiant. Une autre raison devait l'inciter à accepter la proposition de Tibéria : en se trouvant aux côtés des Soltaris, le Grand Chancelier gardait avant tout un oeil sur eux. Il soupçonnait le duc Franco d'avoir tenté d'aliéner des biens royaux lors de son escapade diantraise ; et même si Tibéria n'était pas Franco, Roderik gardait à l'esprit que les intérêts soltaris et les intérêts royaux n'étaient pas identiques. Après tout, préserver les possessions royales en Ydril ne servait en rien les affaires ducales.
« En ce cas, Madame, je resterai », déclara-t-il, bien qu'il n'avait pas du tout prévu cela à l'origine.
Tibéria de Soltariel
Humain
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Sujet: Re: Culpa lata dolo æquiparatur Dim 4 Mar 2018 - 21:25
Tibéria ne pouvait retenir le chancelier à Soltariel, mais elle espérait vraiment sa présence à ses côtés. Elle ne savait pas encore à quel point elle pouvait lui faire confiance ou encore le poids qu’il aurait vraiment dans cette démarche, mais il représentait quand même la couronne. Elle voulait s’accrocher à ce symbole. C’est pourquoi elle ressentit un grand soulagement lorsqu’il accepta de rester. « Je vous en remercie, chancelier. »
Entre temps, la nouvelle de la défaite navale à Ydril parvint jusqu’à Soltariel qui décida de simplement lever le blocus et de ramener tout le reste à la maison. Elle fit envoyer un message à Sybrondil pour qu'ils fassent de même et concentre leurs efforts sur les effectifs terrestres en ayant à l'esprit que les forces opposées seraient peut-être plus importantes que prévues. Ils avaient été négligents, Ydril possédait une grande flotte, mais ils ne pensaient pas qu’Altiom puisse en avoir un si bon contrôle. Une erreur qui coûtait cher, mais qui donnait un meilleur aperçu de ce qu’ils allaient affronter. Elle ne voulait donc prendre aucune chance. Les préparatifs allaient prendre un certain temps pour ne rien laisser au hasard et malgré les recommandations de tous, elle ne prenait pas autant de repos qu’elle le devrait. Tibéria voulait quand même que le chancelier profite des plaisirs que pouvait offrir la capitale du duché. Elle lui donna donc l’une de ces plus belles chambres d’invité avec Cassio comme serviteur attitré. L’homme était d’une redoutable efficacité. Roderik n’avait qu’à demander pour recevoir.
« Vous ne pouvez pas séjourner à Soltariel sans profiter des thermes du château. La duchesse a insisté pour que je vous y amène. » Cassio guida Roderik dans les profondeurs du palais et plus ils approchaient des bains, plus l’air devenait chaud et humide. C’était une grande salle sans fenêtre avec les lampes accrochées aux murs et un décor composé de mosaïques représentant des baigneuses nues dont les corps tout en courbe s’animaient à la lumière vacillante. Un grand bassin creusé dans la pierre auquel on accédait par un petit escalier occupait la majeure partie de l’espace, mais on pouvait voir aussi une baignoire sur patte ainsi que des paravents de bois délicatement ouvragé. « Vous commencez par vous laver dans la baignoire qui est là-bas. Dès que vous êtes bien décrassé, vous sonnez la cloche et un serviteur apportera de l’eau pour vous rincer. Ensuite, vous pouvez aller dans le bassin pour vous détendre. Vous serez seul pour la prochaine heure. Il y a aussi des vêtements pour vous changer ensuite si vous ne voulez pas remettre vos vêtements. Il y a une collation légère à votre disposition avec un alcool doux. Il fait très chaud ici et l’alcool monte rapidement à la tête. Nous ne voulons pas vous retrouver au fond du basin! S’il y a un problème quelconque, sonnez la cloche et quelqu’un viendra. » Cassio s’inclina et laissa le chancelier se baigner.
Roderik de Wenden
Ancien
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Sujet: Re: Culpa lata dolo æquiparatur Lun 5 Mar 2018 - 12:21
Neuvième ennéade de Barkios, Le troisième jour...
« C'est quoi, ce bordel ? »
Cette répartie manquait fort de dignité, mais elle illustrait bien l'état d'esprit dans-lequel se trouvait Roderik lorsqu'il réalisa que le valet que Tibéria lui avait collé dans les basques voulait lui faire prendre un bain - et se permettait même de lui expliquer comment faire. Comme toujours, les préjugés avaient la vie dure - croyaient-ils donc, dans le Sud, que les Nordiens ignoraient l'existence de la salle de bains ? Tant qu'on y est, je devrais danser avec un os dans le nez pour amuser la galerie.
Amuser la galerie, il n'était bon qu'à cela. Si Roderik était traité avec les égards d'un roi, il ressentait fort bien son absence de pouvoir entre ces murs. Depuis le début de son séjour à Soltariel, il avait passé l'essentiel de son temps à banqueter au milieu de nobliaux parfumés à outrance, tandis que la duchesse l'honorait de son absence - il ne l'avait point revue depuis son arrivée. Indisposée, disait-on, en dépit de toutes les tentatives de Roderik d'obtenir un entretien avec elle ; indisposée, ce qui était normal au vu de l'état avancé de sa grossesse, mais nul n'avait su dire au Chancelier qui commandait en lieux et places du duc trop absent et de la duchesse trop grosse. Etait-il venu pour se tourner les pouces ? Certes non ; mais personne ne songeait un instant à l'associer aux décisions, car personne ne prenait de décisions. Soltariel lui faisait l'effet d'un navire sans capitaine, à la dérive ; la nouvelle, arrivée ce matin-même, de la débâcle soltarie en Ydril trois jours auparavant avait confirmé ses pires craintes. Organiser le blocus d'un port comme Ydril avec dix navires... voilà qui en disait long sur la voie pavée d'or que l'on ouvrait à l'envahisseur estréventin. A ce rythme-là, l'on aurait plus vite fait d'ouvrir les portes de toutes les places fortes du sud de la péninsule au soi-disant roi de Naelis. Et pendant ce temps-là, le seul crédit qu'on offrait au Chancelier, la seule carte qu'on voulait lui voir jouer, était de se palucher dans un bassin entre quatre murs ornés de représentations lascives.
« Il suffit, Cassio. J'ai suffisamment patienté comme cela. Je ne suis pas venu pour barboter, vous entendez ? Je veux voir votre maîtresse sur-le-champ. Et ne me sortez plus vos excuses habituelles ; nous avons une guerre à remporter, et la première bataille est déjà perdue. Je veux la voir maintenant, ou, croyez-moi, c'est vous qui finirez au fond du bassin. »
Tibéria de Soltariel
Humain
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Sujet: Re: Culpa lata dolo æquiparatur Sam 10 Mar 2018 - 20:59
Parfois, les meilleures intentions du monde ne sont pas récompensées, aussi injuste que cela puisse être. Cassio tressaillit à la remarque, n’ayant clairement pas – ou plus – l’habitude d’être vertement sermonné par une autorité supérieure. Même lorsqu’elle était fâchée, Tibéria n’élevait jamais la voix contre lui. Il ouvrit la bouche à la manière d’un poisson hors de l’eau, hésita un bref instant avant que ses épaules ne s’affaissent en signe d’abdication. « Fort bien, suivez-moi... »
D’un pas rapide, il sortit des bains et guida le chancelier à l’étage des appartements ducaux. « Elle se repose, mais peut-être qu’elle acceptera de vous recevoir. » Cassio s’arrêta devant une porte. Derrière, on entendait une conversation entre deux femmes. Difficile de saisir parfaitement les propos, mais on reconnaissait le timbre de voix claire de Tibéria. Cassio avait reçu l’ordre de ne pas déranger, mais il avait aussi reçu l’ordre d’obéir aux demandes du chancelier. La vie d’un serviteur n’est pas toujours facile. Il toqua à la porte, interrompant du même coup la conversation. « Qui est-ce? » Demanda une voix. « Roderik de Wenden souhaite s’entretenir avec vous, Altesse. » Répondit Cassio d’un ton formel. « Un instant... » Il y eut du mouvement précipité derrière la porte, un éclat de rire suivi d’une réplique sèche. Finalement, on autorisa l’homme à entrer.
L’un des fauteuils était occupé par une femme, la réplique exacte de Tibéria avec une bonne vingtaine d’années en plus. Elle semblait prise d’un fou rire difficilement contrôlé. À l’autre bout de la pièce, la duchesse, qui avait finalement abandonné l’idée de remettre sa robe, tenait fermé d’une main le col de son peignoir qui dissimulait sa robe de nuit. Elle avait abandonné tous ses artifices de la journée. Les boucles rebelles de sa chevelure tombaient en cascade sur son dos. Aucun bijou, aucun far, visiblement, elle ne s’attendait pas à être dérangée de la sorte. « Ma tante, je crois que vous pouvez nous laisser, maintenant. »
« Vraiment? Je croyais que tu voudrais peut-être que je reste pour faire les chaperons. » Elle ricana, s’attirant un regard foudroyant de sa nièce. « Oh, c’est bon… Il n’y a pas moyen de s’amuser dans ce château. Faites attention, Chancelier, les femmes de cette famille sont de vraies croqueuses d’hommes! » Elle se leva et se dirigea vers la porte. Juste avant de sortir, elle se tourna vers sa nièce. « Je vais faire comme nous avons dit, mais garde l’œil ouvert. J’ai le bras long, mais je ne peux pas être partout... » Octavia quitta la chambre au plus grand soulagement de sa nièce. « Ne faites pas attention à elle. » Elle invita Roderik à s’asseoir. « Je me doute des raisons de votre présence ici... »
Roderik de Wenden
Ancien
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Sujet: Re: Culpa lata dolo æquiparatur Lun 12 Mar 2018 - 19:40
La duchesse devait être de fort bonne humeur, à en croire les rires qui résonnaient derrière la porte ; au moins Roderik pouvait-il être rassuré : Dame Tibéria vivait bien ses dernières ennéades de grossesse, et n'était pas plus déprimée par le célibat forcé que lui avait imposé son fugitif d'époux. Lorsque Cassio annonça son nom, Roderik fut surpris d'entendre un nouvel éclat de rire, et se demanda comment il devait le prendre. Serait-on en train de se payer ma gueule ?
Lorsqu'il pénétra dans le salon, il remarqua la femme qui tenait compagnie à la duchesse. Une parente, de toute évidence ; on eut dit une deuxième Tibéria, bien que plus vieille et plus flétrie, et elle gloussait comme une baleine. Quant à la véritable Tibéria, elle portait une espèce de robe de chambre qui ne la mettait guère en valeur, mais Roderik ne s'en formalisa pas : son état excusait bien ce type d'excentricités. La vieille poule continua de glousser un moment, et Roderik s'impatienta ; lorsqu'enfin elle se décida à quitter la pièce, elle lui glissa une remarque bien curieuse, une sorte d'avertissement sur le caractère concupiscent des femmes de la maison Soltari-Beronti. Là encore, Roderik ne sut qu'en penser : est-ce que la grosse tata lui faisait du charme ? Mordieux, pensa-t-il, cette femme ne respecte rien : était-il donc un objet de convoitise que l'on pouvait lorgner rien que pour son physique ? Enfin, il était un homme avant tout, avec un coeur et des sentiments, non une bête de luxure !
La sérénité revint lorsqu'il se retrouva seul avec Tibéria. Vu l'état avancé de la grossesse de la dame, il ne craignait pas que celle-ci se mette à lui faire des avances. C'était heureux, car il avait à parler de choses sérieuses. A l'invitation de Tibéria, Roderik prit place dans un confortable fauteuil rembourré ; et tandis qu'il calait son fessier, la duchesse déclara qu'elle se doutait des raisons de sa présence. Vraiment ?
« Je vais quitter Soltariel, Madame », annonça-t-il de but en blanc.
Il ignorait si c'était de cela dont elle s'était doutée. Si tel était le cas, Roderik ne savait pas comment le prendre. Mais il ne laissa pas à Tibéria le temps de réagir :
« Nous avons une guerre à mener, et je souhaite conduire les troupes du roi contre l'Estréventin. Je m'en retourne donc au pays de Scylla ; la plupart des chevaliers s'en sont allés avec sergents et écuyers dans le Médian sous la bannière du Sénéchal, mais je trouverai bien de quoi porter une seconde bannière fleurdelysée ici dans le sud. Continuez à rassembler vos forces, Madame. Lorsque je reviendrai, nous écraserons cette invasion. » Bien que cette guerre soit une rébellion à bien des égards, car les Ydrilotes s'affichaient de plus en plus comme soutenant la cause de leur nouveau maître, Roderik se refusait à employer ce terme ; il préférait parler d'une invasion, une invasion estréventine, car une telle invasion ne pouvait se conclure que par l'anéantissement des agresseurs - et quiconque en péninsule soutenait l'invasion faisait injure au royaume et aux dieux. « Comme votre époux ne mènera pas vos ostes, et que vous ne pouvez le faire vous-même, je suppose que vous allez, si ce n'est fait, désigner un sénéchal. Lorsque je reviendrai de Scylla, je vous demanderai de placer ce sénéchal sous mon commandement, afin que les forces du roi et de ses grands vassaux avancent de concert, d'un même pas vers un même but : la destruction de l'Estréventin. Nous le rejetterons à la mer, et il nagera jusqu'à Naelis ou se noiera, qu'importe ; la mer Olienne ne protégera pas toujours Naelis de notre courroux, mais nous nous contenterons de cela pour le moment. »
Tibéria de Soltariel
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Sujet: Re: Culpa lata dolo æquiparatur Jeu 15 Mar 2018 - 19:00
Tibéria s’attendait à ce que le chancelier revienne sur les événements au port d’Ydril. Elle fut donc surprise lorsqu’il annonça son départ. Il espérait ramener des troupes, mais comme le sénéchal en avait déjà appelé un bon nombre, ça ne risquait pas d’en laisser beaucoup pour l’effort de guerre contre Ydril. « Peu importe le nombre, j’ose croire que ces gens accordent suffisamment d’importance au symbole pour comprendre que le roi et ses suivants ne veulent pas de leur présence sur ces terres. »
Elle passa une main sur son ventre. La réjouissance des premiers instants s’était envolée depuis longtemps. Maintenant, elle voyait cet enfant comme un handicap qui l’empêchait de faire ce qu’elle voulait dans ce moment si critique. « Je compte bien suivre mes hommes, enceinte ou non. Je ne serai pas sur-le-champ de bataille, mais il est hors de question que je reste à Soltariel alors que nos soldats risquent leur vie. » Elle parla sur un ton très sérieux qui ne laissait place à aucune négociation. Elle n’avait jamais vu de champ de bataille de sa vie, elle n’avait jamais vu un homme emporté par une mort violente, tout ceci risquait d’être un choc violent pour la jeune femme. Peu importe, Tibéria allait s’y rendre quoiqu’il arrive. « Un sénéchal a déjà été nommé. Il s’appelle Vittore D’isanto, 40 ans. Vous pourrez lui parler avant de partir si vous voulez. C’est un soldat de métier, vétéran de nombreuses batailles… Son poste, il l’a eu au mérite et non pas parce que sa famille avait une bourse pleine d’or à donner. » Pensive, Tibéria pencha la tête de côté. « J’ai renvoyé un représentant de Naélis à Thaar. Je me suis assuré d’un voyage confortable, mais après réflexion, j’aurais dû le mettre dans une chaloupe attachée derrière le navire… »
Roderik de Wenden
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Sujet: Re: Culpa lata dolo æquiparatur Jeu 15 Mar 2018 - 22:55
« Vous resterez ici », déclara Roderik d'un ton qui ne souffrait nulle discussion.
Il n'avait aucun titre pour parler de la sorte à la duchesse, et il en était conscient ; mais ils étaient seuls, et Roderik ne s'embarrasserait point du protocole en privé.
« Il me semble, Madame, que vous en ayez déjà assez fait. Le camp d'une armée en guerre ne sied pas à une femme de votre rang, sans même parler de votre état. Vous voir mourir en couches en pleine campagne n'arrangera en rien notre affaire. Si vous voulez satisfaire une curiosité morbide ou un attrait pour le sang, faites exécuter des voleurs sur la place du marché ; cela aura au moins le mérite de distraire votre peuple. » Un tic nerveux fit tressauter la commissure de ses lèvres. « Pourquoi n'ai-je pas été informé de la visite d'émissaires de Naelis ? Cette affaire concerne la couronne au premier plan. Il est regrettable que je n'aie pas pu l'interroger : peut-être aurait-il eu des réponses à me fournir. »
Il se leva de son fauteuil, et commença à faire les cent pas dans le salon. Regrettable, oui, regrettable qu'on ait laissé partir l'émissaire. Bien sûr, Roderik aurait refusé une rencontre officielle. Naelis avait de toute évidence déclaré la guerre au royaume, et la réponse à cette agression n'était pas négociable. A Altiom et ses amis estréventins, Roderik n'avait à offrir que l'acier, le sang, la mort. Quelque chose lui disait qu'ils n'avaient pas traversé l'Olienne pour obtenir cela, mais c'était tout ce qu'ils y trouveraient.
« Nous ignorons quel est l'intérêt de Naelis dans cette guerre. Les intentions d'Altiom le fourbe sont évidentes, mais Naelis... » Il secoua la tête. « Naelis a trop à perdre dans ce conflit pour s'y risquer tête baissée. Naelis est une parodie de royaume, un ersatz de noblesse », lança-t-il avec dédain. « Leur roi-mercenaire règne sur quelques places fortes isolées dans le voisinage de Sombrelfes et de sang-mêlés. On dit qu'il a lui-même épousé une elfe. » Il esquissa une grimace de dégoût. « Pourtant, les voyageurs parlent de Naelis comme d'un refuge pour les Hommes en Estrévent. Naelis a déjà des ennemis ; elle ne perdure que par de douteux traités qu'elle signe dans l'ombre avec le Puy d'Elda pour maintenir son existence un peu plus longtemps. Naelis est un condamné à mort qui ne cesse de prolonger son petit sursis. Pourquoi, alors, s'en prend-elle à nous ? Pourquoi s'aliéner la plus puissante civilisation de ce monde ? » Il haussa les épaules. « Cette invasion pourrait aussi bien être une diversion. Un accord de plus passé avec les Puysards. Qui sait ? A l'heure où nous parlons, une autre invasion, bien plus redoutable, se profile à l'horizon... des Sombrelfes, plus nombreux, plus redoutables que ceux que j'ai affrontés en Oësgardie, viendront nous détruire, comme ils ont tenté de le faire par le passé. Voilà le véritable danger qui nous guette, Madame. »
Il fixa la dame, guettant la peur dans son regard. Comprenait-elle ? Oui, comprenait-elle que dans ce monde rien n'était acquis et que la vérité pouvait toujours être pire que celle que l'on avait imaginé ? Gouverner, c'était envisager le pire en toutes circonstances. Devant le sérieux de la situation, il espérait que sa petite lubie de partir en campagne ronde comme un Bearog - mais bien moins robuste - lui passerait.
« A mon retour, nous reparlerons. D'ici-là, évitons les initiatives inconsidérées. Nous savons de toute façon ce que va faire l'ennemi : il se terrera dans ses fortins mal acquis, cherchant à gagner du temps, car l'emprise des rebelles en Ydril est comme le prétendu royaume de Naelis : éphémère, illégitime, et vouée à une destruction inévitable. Nous ferions bien de prévoir des réserves de vivres en abondance : un siège peut être très long. »
Tibéria de Soltariel
Humain
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Sujet: Re: Culpa lata dolo æquiparatur Ven 16 Mar 2018 - 1:23
Roderik eut la même réaction que tous les autres à l’annonce de ses intentions de suivre l’armée. Tibéria ne s’en formalisait pas, car le chancelier, malgré tout le respect qu’elle puisse avoir pour lui, n’était pas en position de l’empêcher d’y aller. Si Tibéria voulait suivre ses hommes, elle allait le faire. « Je vais y aller et non, je n’ai pas l’impression d’en avoir assez fait. Si c’était le cas, on n’en serait pas là. Je suis parfaitement consciente des risques que je prends! » Tibéria ne supportait pas l’idée de rester derrière à attendre de recevoir des nouvelles alors que des hommes perdaient la vie en défendant l’honneur de Soltariel et de la couronne. Le simple fait de voyager pouvait être dangereux pour elle et l’enfant à naître, mais elle acceptait le risque. « Je n’ai rien dit de sa présence, car il était, de toute façon, déjà parti lorsque vous êtes arrivés. Apparemment, Naélis était là pour remplir une dette d’honneur envers Altiom. Ce dernier les aurait aidé par le passé et c’est en envahissant la Péninsule qu’ils ont décidé de le remercier. Après, je me demande s’ils espéraient vraiment que ça se passe sans créer de vagues... Sinon j'ai encore les envoyés d'Ydril qui croupissent dans les cachots... Aux dernières nouvelles, ils sont bien portant. »
Elle regarda le chancelier faire les cent pas, essayant de comprendre les motifs derrière les agissements du roi de Naélis. Tibéria s’en doutait, il y avait certainement autre chose qu’une dette d’honneur à tenir, mais un accord avec les Sombres? Tibéria n’osait y croire, cette éventualité étant bien trop effrayante à envisager. La paix n’était-elle donc qu’une utopie? Si Roderik voulait lui faire peur, c’était chose réussie, mais ça en ajoutait aussi à son impression d’impuissance. « On ne peut que supposer, n’est-ce pas? Ils peuvent aussi bien préparer la destruction prochaine de la Péninsule tout comme ils peuvent être ici juste parce que le roi et Altiom sont de bons amis. Toutefois, si la première option est la bonne, qu’est-ce qu’on fait? On se prépare au pire en espérant gagner? » Tibéria ne pouvait pas tout faire. Dans l’immédiat, elle voulait voir Altiom disparaître de la Péninsule. Dès qu’il ne sera plus de ce monde, elle pourra envisager le reste.
« C’est déjà en train de se faire. J’espère encore que ça se termine rapidement et que le nombre sera un argument dissuasif dans cette guerre, mais ce sont des Ydrilotes, autant s’adresser à un mur. Je vais écrire à Ysari et Sybrondil pour qu’ils tiennent leurs troupes prêtes. » Elle se leva à son tour de son fauteuil. Voir Roderik ainsi s’agiter devant elle lui donnait la bougeotte. Tibéria se dirigea vers sa coiffeuse et prit sa bosse à cheveux. Elle devait s’occuper les mains. « Une dernière chose avant que vous ne quittiez. J’ai eu un rapport des événements à Ydril… Selon la rumeur, le dragon d’or de la maison Anoszia aurait été aperçu là-bas. Je crois… je crois qu’il est de retour... » Nul besoin d’en dire plus, le chancelier devait savoir à qui elle faisait allusion.
Roderik de Wenden
Ancien
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Sujet: Re: Culpa lata dolo æquiparatur Ven 16 Mar 2018 - 21:05
Roderik aurait voulu l'engueuler, l'attraper par les épaules et la secouer dans tous les sens comme un gros tas de chiffons. Comment faire entendre raison à cette tête de mule ? Il en vint à se demander si en accompagnant l'ost, elle ne mettait pas sciemment sa vie en danger. Sa vie, et celle de l'enfant qu'elle ne voulait peut-être pas. Une femme enceinte accompagnant une armée en guerre, c'était une forme de suicide ; et peut-être était-ce exactement ce que visait Tibéria. Il rongea son frein, écoutant la duchesse sans l'interrompre. Il émit un rictus lorsque Tibéria évoqua la dette d'honneur de Naelis envers Altiom - que savaient ces gens de l'honneur ? Finalement, lorsqu'elle se fit grave comme pour annoncer une nouvelle sinistre ou tragique, et lui annonça que la rumeur plaçait l'Anoszia dans le camp des séditieux, Roderik éclata d'un rire franc et gras.
« La belle affaire ! » rugit-il. « Que reste-t-il du vieux pingre ? Il n'a plus ni terre ni fortune, pas même un nom - si les rebelles l'ont pris dans leurs rangs, c'est un boulet qu'ils se traînent. Nous pourrions même en tirer profit. Mais baste ! la guerre ne se jouera pas là-dessus. »
Il devinait, au fond, que l'inquiétude qui rongeait Tibéria était plus profonde et qu'elle n'avait pas trait à la guerre, mais à quelque chose de plus intime. Le vieil Anoszia avait été son premier époux, et si elle n'était pas une débauchée, elle lui avait vraisemblablement donné ce qu'une femme ne donne qu'une fois. Cela l'affectait probablement, que de songer au désir de vengeance de l'homme qui avait jadis cueilli sa petite fleur ; mais quoique ses deux maris aient été de belles raclures, Roderik s'inquiétait davantage du second que du premier.
« Je vais vous laisser, à présent. Je partirai à l'aube, aussi vais-je me retirer dans mes appartements et prendre un peu de repos. Je vous suggère d'en faire autant : je me souviens combien la grossesse épuisait ma première épouse. » Et la rendait épuisante. « La seconde aussi, sans doute. » Mais je n'étais pas là pour le voir.
Là, il prit congé de la duchesse en se fendant d'une brève révérence, et prit le chemin des appartements privés qu'on avait mis à sa disposition dans le palais ducal. Tout en marchant, il ne cessait de jeter des regards à droite à gauche ; il se sentait épié. Il se demanda avec effroi si ce satané Cassio ne le suivait pas à distance, et n'allait pas encore tenter de le faire prendre un bain. Entre le serviteur trop zélé et la tata lubrique, on peut dire que la duchesse m'a gâté point de vue comité d'accueil.
Il sursauta lorsque, parvenant devant sa porte, un homme de forte carrure qui attendait là se tourna vers lui. Mais le bougre se révéla être un messager. « J'ai cru que j'allais vous manquer, Messire. » Le messager lui tendit un pli et se retira. Roderik entra dans ses appartements, verrouilla la porte derrière lui et entreprit de dérouler le message. Les premières lignes attirèrent son attention ; cela venait de Lourmel, où il avait envoyé un homme prendre discrètement des nouvelles de Maélyne. Son coeur se mit à battre la chamade. Maélyne, Maélyne... les vagues de l'amour dansaient dans son esprit, et le seul fait d'avoir de ses nouvelles était la chose la plus excitante qu'il ait faite depuis qu'il avait reparu sur les rives de Merval. Où était-elle, que faisait-elle ? Pensait-elle à lui ? Etait-elle prête à s'enfuir avec lui ? Incapable d'attendre plus longtemps, il déplia le vélin et en entama la lecture debout au milieu de la pièce ; ses yeux parcoururent les lignes, du début à la fin, et il dut relire plusieurs fois certains passages car il ne parvenait pas à comprendre.
Ses mains se crispèrent sur le vélin, et son regard s'abîma dans le néant.
*
« Morte ! » hurla-t-il en balançant une chaise à l'autre bout de la pièce. « Morte ! » cria-t-il encore alors que le meuble éclatait contre le mur dans un craquement sinistre, les quatre pieds brisés et le dossier disloqué s'écrasant lourdement au sol. « Pourquoi ? » lança-t-il, les yeux dans le vague en vacillant, avant de tomber à genoux, terrassé par la colère et le chagrin. N'avait-il donc survécu à la noyade que pour voir tout le monde mourir autour de lui ? Etait-ce là le tribut qu'exigeait Tyra en renonçant à prendre son âme ? Non contente de lui ôter sa femme légitime, elle lui ôtait celle du cœur, celle qu'il aurait aimé à en perdre la raison ; ainsi la punition était-elle complète. Pourquoi ? Pourquoi ne suis-je pas mort à leur place ?
Il s'abîma toute la nuit dans la solitude de ses appartements. Le sommeil de nouveau le fuyait, et lorsqu'il sombra enfin, son esprit s'abandonna à d'interminables cauchemars. Au détour d'un chemin en Etherna, Maélyne tombait dans une embuscade rebelle ; son visage, atrocement mutilé, susurrait à Roderik des paroles pleines de regret. « Songe à ce qui aurait dû être, et qui ne sera jamais. » Lorsqu'il parvenait à faire fuir le fantôme, c'était pour s'imaginer étrangler Caerlyn, le responsable, mais il n'aurait jamais droit à cette douce vengeance car justice avait déjà été rendue : le marquis d'Odélian avait écrasé la rébellion. Mais Guillaume de Clairssac, était-il mort ? La pitié voudrait qu'il le soit, car aucun tourment ne serait pire que ce que Roderik lui ferait si ce fumier était encore en vie. Bien sûr, l'époux de Maélyne n'avait pas voulu qu'elle meure, mais il l'avait entraînée dans cette rébellion, il avait trop flirté avec Caerlyn ; il avait provoqué tout cela. Alors, parce que Guillaume de Clairssac faisait un coupable commode, Roderik reporta toute la faute et la haine qui allait avec, et réitéra la promesse qu'il s'était faite le jour où Clairssac et Maélyne s'étaient mariés à Seram : un jour, oui, un jour, il le tuerait de ses propres mains.
Il quitta Soltariel le lendemain, presque comme il était venu. Mais quelque chose était mort en lui. Maélyne s'en était allée, et avec elle disparaissait une partie de son âme. Un voile obscurcit son visage pendant toute la chevauchée qui le reconduisit, avec ses hommes, jusqu'à Laréor, en pays scylléen.
La couronne, désormais, restait sa seule maîtresse.
Tibéria de Soltariel
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Sujet: Re: Culpa lata dolo æquiparatur Mer 21 Mar 2018 - 0:52
Tibéria fronça légèrement les sourcils. Roderik n’était pas particulièrement ému par un éventuel retour d’Arichis d’Anoszia. Pour sa part, la jeune duchesse s’en souciait beaucoup plus, surtout qu’il se manifestait à un bien mauvais moment. « Je crois… Je crois que ça serait une erreur de le sous-estimer. »
***
Suite à sa dernière discussion avec le chancelier, Tibéria réunit le nouvellement nommé sénéchal de Soltariel ainsi que quelques hauts gradés de l’armée représentant les différents corps afin de discuter de la suite des choses. Ils savaient tous pourquoi ils étaient là, mais la chose n’avait pas été officiellement annoncée seulement anticipée. Tibéria n’éprouvait aucun plaisir à faire cela. L’économie du duché était déjà sérieusement mise à mal par les frasques des Ydrilotes et ça n’irait pas en s’améliorant. Elle préférait tellement se lancer dans des projets d’envergures plutôt que d’aller mater les ambitions démesurées d’un homme qui ne pouvait être que profondément égoïste pour ainsi jeter sa terre dans un tel chaos. La pièce était plongée dans le silence. Les hommes s’échangeaient des regards en coin alors que la duchesse ne semblait pas particulièrement pressée de parler. Ce fut Vitorre qui s’exprima enfin. « Donc… c’est officiel? »Le regard de la duchesse glissa sur lui et elle acquiesça d’un signe de tête. « On s’y prépare plus ou moins depuis le début de Barkiòs, il est temps de se mettre en marche. J’ai écrit à la comtesse pour des négociations. Je n’ai eu aucune lettre en retour, mais les événements au port d’Ydril me semblent être un aperçu assez convaincant de leurs intentions. » La duchesse commença à jouer distraitement avec une perle de son collier. « Les vassaux ont-ils été prévenus? » Elle acquiesça une nouvelle fois de la tête. « Techniquement, ils s’y préparent, mais je vais annoncer officiellement la levée du ban. Ils espéraient, comme moi, une issue pacifique. »
L’un des commandants gloussa de rire, attirant l’attention de tous ses compagnons.« Venant des Ydrilotes, il ne fallait s’attendre à rien d’autre qu’une issue par les armes. Bien entendu, ce sera de notre faute. » Tibéria leva les yeux au ciel. « Évidemment, j’aurais dû le laisser distribuer les terres du roi aux barbares de Naélis en toute impunité. » Elle se redressa légèrement sur sa chaise. « Inutile de vous retenir plus longtemps. Vous avez tous fort à faire. Même si les chances semblent être de notre côté, préparez-vous au pire. Un homme désespéré est capable de tout, y compris le sacrifice de ses pairs.