Juchée sur le dos de poudreuse , Cécilie avait suffisamment récupérée pour s'autoriser entrer en ville à cheval en serrant Maël contre elle au lieu de se terrer dans une calèche. Plus le temps passait, plus elle détestait les calèches... Le visage rayonnant, elle remonta les rues principales jusqu'à sortir à nouveau des faubourgs tentaculaires pour monter en haut de la falaise jusqu'à la Citadelle. Les félicitations et les hourra pavaient son chemin. Lorsque la naissance de Maël avait été annoncée, un jour chaumé avait été autorisé dans tout le Comté et le peuple avait été invité a festoyer à la santé de la Comtesse et de son petit héritier. Aujourd'hui, il le voyait passer pour la première fois et si la jeune femme avait gagné l'affection de son peuple par la générosité et la piété dont elle faisait preuve pour maintenir la paix et améliorer leur quotidien, son fils semblait décuplé le capital sympathie dont elle jouissait jusque là.
Elle en avait le coeur serré. Sur son chemin, on ne la dévisageait plus. La suspition qui l'avait suivit pour son amitié affichée envers les mages était oubliée. Elle n'était plus la fille damnée de Beaurivages. " Néera vous garde ! " criait-on. " Vive la Comtesse ! Longue vie à son fils ! " Nulle trace d'Arcam. Nulle trace du mépris et de la peur que ressentaient nombre de nobles et de haut-bourgeois. A Missède ville, elle avait fait creusé des égouts mais durant tout l'hiver elle avait oeuvré à ce que les plus pauvres soient protéger et pris en charge le mieux possible. Ici, sur un fief qui connaissait déjà l'implication des de Laval, une digue avait été dressée sur la demande de Cécilie et de son frère.
En passant sur une place pourvue d'une fontaine, Anthoine, qui chevauchait à sa hauteur pour défendre son flanc droit, lui glissa qu'une petite fille l'observait avec de grands yeux, une gerbe de fleure à la main. Une brassée de fleur sauvage d'après lui. Sous les yeux immenses de l'enfants, le convois s'arrêta à sa hauteur. Avec un sourire serein, la jeune Comtesse dévia à peine le visage vers la foule, semblant sentir une odeur aussi délicieuse que celle du pein frais sortant du four. Elle fit une réflexion sur un bouquet de fleur sentant particulièrement bon et un chevalier immense en armure rutilante - du moins aux yeux de la petite - posa un regard bienveillant sur elle. "Je crois en avoir trouver l'origine, Votre Grandeur." sourit-il. L'enfant n'en croyait pas ses yeux. Elle resta là, les mains serrées autour du bouquet. L'homme démonta pour poser un genou sur le pavet et se mettre à la hauteur de la petite fille. Lorsqu'il lui demanda pour qui était le bouquet, elle devint aussi rouge que les trois coquelicots qui en faisaient partie mais fini tout de même par répondre. Quelle ne fut pas sa surprise lorsqu'au lieu de s'emparer de ses fleur, c'est elle que l'homme aux courts cheveux bruns souleva de terre. En quelques pas, elle était à hauteur de la Comtesse qui lacha la bride de sa monture pour récupérer les fleurs. Le visage du poupon qu'elle tenait ne semblait pas le moind du monde gêné dans sa sièste par l'alégresse qui l'entourait. La petite fille eut même le droit de lui poser un baiser sur le front. Elle murmura une bénédiction de sa petite voix avant que le chavlier la dépose de nouveau au sol. Les yeux brillants, elle regarda le convoit s'ebrouer à nouveau avant de disparaitre en courant dans la foule, sûrement pour aller retrouver sa mère qui n'avait pas put s'approcher aussi près que la furtive créature.
L'arrive à la Citadelle fut tout aussi chaleureuse. Les cris de Colombes seuls parvenaient à surpassés ceux d'Augustine et même Linaëlle, quoi que moins démonstrative, annonça publiquement la joie qu'elle éprouvait de retrouver sa protectrice. Clarence était resté à Missède et Cécilie avait à peine eu le temps d'annoncer que la lignée des Lavier avaient été officiellement faite Seigneur d'Ybaen que Gaël étreignit sa sœur au point de lui couper la respiration. Il était rayonnant, comme toujours mais il avait également quelque chose de dissonant. Sa voix, plus posée que lors de leur dernière rencontre, trahissait son empressement lorsqu'il lui fit part de son envie de s'entretenir avec elle après le repas. Il y avait bien d'autres choses à disccuter que ses badineries habituelles.
Pourtant, ce ne fut pas Gaël, mais une fine silhouette aux cheveux noire qui profita du premier moment de calme que Cécilie s'accordait sans son fils pour accorder la la harpe du château. Linaëlle n'avait pas frapper à la porte, entrant silencieusement dans le petit salon et se plantant à côté de la porte. Une seule personne à la connaissance de Cécilie agissait ainsi. Elle laissa la harpe retomber sur ses appuis et lança avec tendresse.
- Ce n'est pas parce que nous ne sommes plus aux Espérines que cela change quoi que ce soit entre nous, ma chérie.Après une étreinte déjà longue, l'une contre l'autre sur la même banquette elles parlèrent encore plus longuement. De l'instalation de la jeune fille au domaine. De l'agaçant caractère naïf et enjoué de Colombe. De la percistance passionnée d'Augustine. Des cauchemars qui la hantait. De la gentillesse de Clarence. De Maël. De Meliane. Puis, seulement, de Gaël et des propositions dont il avait parlé quelques jours plus tôt.
Linaëlle n'avait que 14ans qu'elle était déjà montrée comme une marchandise de choix. Après ce qui étaient arrivé à sa mère - morte assassinée - et à son beau père - qui s'était suicidé pendant sa réclusion à Saint-Berthilde après avoir été fait prisonnier lors d'une rencontre sensément diplomatique - , la seule chose dont elle se méfiait plus que des politiciens manipulateurs et des mensonges, c'était des hommes qui promettaient la paix. Certes, Sainte-Berthilde n'était pas Serramire, mais dans son esprit, la différence de ce qui se trouvait au dessus de Hautval était comme celle de ce qui se trouvait en dessous de Diantra : vague. Si cela n'avait tenu qu'à elle, elle aurait simplement refuser en masse tout cela et serait retourné aux Espérines... Mais mûrir trop vite lui avait fait comprendre que son sort serait toujours lié au nom qu'elle portait et au sang qu'elle avait dans les veines. Et d'un point de vue politique, elle doutait de la signification de cette demande. N'amenerait-elle pas la guerre sur ces terres si elle refusait ? D'autres demandes, de plus en plus pressentes ne seraient-elle pas envoyées encore et encore ? Et si elle répondait oui à cette de Gaël, ne seraient-ils pas forcés de rompre leurs fiançailles si ce puissant Sénéchal voulait véritablement cette alliance ? Tant de réponses complexes que Cécilie pouvait l'aider à éclaircir grâce à l'annonce qu'elle était allé faire à Langehack quelques jours plus tôt et aux premiers tâtonnements de Chantenuit à la cour de Langehack.
- Les membre du conseil de régence salivent déjà à l'idée de retrouver les hommages de tous les vassaux de Langehack mais le Sénéchal n'a jamais considéré Edelys ou Nelen comme vassaux du Duché. L'idée de ne retrouver que deux terres félones au lieu des terres les plus lucratives que nous avons défendues tout en risquant leurs pouvoirs personnels aux main d'un homme qui a retiré certaines prérogatives de ses vassaux pour la grandeur de Serramire leur fait peur. La réputation du Sénéchal le précède. Un homme qui a le bras long, l'esprit vif et la main lourde. Que tu sois jeune leur donne la certitude que le Sénéchal prendra la main sur le Duché. De plus, pour l'instant la neutralité et la souveraineté de Langehack lui ont éviter d'être obliger de prendre parti dans un quelconque conflit armé. L'idée d'être allié à un seigneur belliqueux est un risque.- Alors ils ne sont pas particulièrement enchantés...?- Loin de là. De ce que Chantenuit m'a rapporté, chacun craint que les autres ne soit du côté du Sénéchal. Si tu ne tiens pas plus que ça à accepter cette offre, leur tâche la plus complexe risque d'être la rédaction d'une lettre de refus la plus cordiale possible pour ne pas s'aliéner de trop cet homme. Mais tu dois bien comprendre que c'est par peur pour leur pouvoir personnels qu'ils tiennent à refuser. D'un point de vue plus général, la récupération de Merval et Scylla n'est pas négligeable pour le poids politique de Langehack.Contre son épaule, Cécilie sentit la jeune femme hocher la tête par deux fois.
- Quel que soit ton choix je le défendrai au mieux, Linaëlle. Et je ne reviendrai pas sur ce que contenait ma missive.- ... Tu ne me mentirais pas à ce sujet, n'est-ce pas ?- Non ma chérie. Tu pourras compter sur moi si tu souhaites punir ceux qui ont jurés la perte de ta mère.Elles discutèrent encore longtemps. La jeune fille tenant à peser le pour et le contre. L'idée que personne ne la menacerait si elle refusait la proposition du Sénéchal semblait pourtant orienter tout naturellement son choix. Il restait par contre la question de la seconde proposition. Et celle là, Cécilie se garda de pousser la jeune fille dans un sens ou dans l'autre.
Les jours suivants passés à Beaurivages furent paisibles. Chaque jour, Cécilie passait de longues heures avec Linaëlle, comme elles en avaient l'habitude aux Espérines. Elle l'écoutait, l'aidait de son mieux et, quand la jeune fille le désirait, usait de son savoir magique pour agir directement sur son esprit, calamant craintes, peines et douleurs sans les cacher pour autant. A la fin de la huitième ennéade, elle dut cependant repartir quelques jours pour une cause qui ne devait prendre aucun retard non nécessaire.
Le jour dit, à la cour de Langehack, accompagnée de Chantenuit, chacun marchait sur des oeufs. Autour de la table, seul Cécilie semblait favorable à la demande du Sénéchal. Elle plaida, et elle le fit avec verve... Mais elle épargna ses arguments les plus pointus, gardant soigneusement la grandeur de Langehack dans l'ombre de son esprit, jouant plutôt sur la sécurité que pourrait leur offrir l'appuie du Sénéchal jusqu'à ce qu'on lui oppose le fait tangible qu'elle attendait : Langehack, en préservant sa souveraineté au détriment de certaines alliances extérieure qui auraient put affermire son pouvoir, avait échapé à la guerre. Quelle protection plus efficace que celle-ci pouvait-on attendre d'un homme belliqueux ? Il avait centralisé son armée pour être plus redoutable sur le champ de bataille et passait son temps à se battre. La moindre de ses querelle aurait, par alliance, engagé Langehack. Non. Décidément, on ne pouvait pas prendre ce risque. Et ce n'était absolument pas parce que les seigneurs du Langecin craignaient que le Puissant Sénéchal leur retire le pouvoir de régence dont la frêle Comtesse leur laissait illusion... Pas du tout.
Alors, bonne joueuse, Cécilie se laissa convaincre et c'est enfin parvenue à l'unanimité que la lettre a destination du Sénéchal fut rédigée, paraphée et cacheté du sceau de Langehack. Pour une fois ce ne fut cependant ni Chantenuit, ni Cécilie qui rédigea la dite missive, craignant qu'on puisse croire que Missède tenait le Conseil en otage.
A son retour à Missède, ce fut la gorge serrée et enrouée que Gaël lui annonça :
- Elle a dit oui.Au début de l'été, le Conseil rendit officiel les fiançailles de la jeune Duchesse avec le frère de son plus fidèle Vassale. Comme cadeau envers la future lignée, Cécilie abdiqua ses droits sur Beaurivages au profit de son frère qui, après plusieurs mois de régence, en devint enfin Seigneur.