Eté - 5e jour de la 6e ennéade de Verimios
10e année XIe Cycle
La barge avait à peine ralenti que la rouquine sautait sur le ponton. Le passeur ne s'en offança pas. Après tout, elle avait embarquer de la même façon : en sautant sur sa barge, lui expliquant qu'elle devait se rendre en toute urgence à Ardamir pour y retrouver un parent malade. La pauvre avait eu la nausée tout du long et elle avait pourtant donner un sérieux coup de main pour remonter la Rêveuse. Il avait gagner un quart du temps habituel de voyage et maintenant, il ne lui restait plus qu'à espérer que tout s'arrangerait pour sa famille.
Halya courait plus qu'elle ne marchait le long des grandes rues des Racines. Ses sorties en forêt l'avaient habituer à esquiver et se glisser en souplesse dans les irrégularités de la natures. Ce n'était rien par rapport à une foule flânant par un bel après-midi ensoleillé. Trébuchant et s'excusant, la moitié de ceux qu'elle indisposaient semblaient touchés par le trouble manifeste qu'elle affichait tandis que l'autre moitié lui reprochait ouvertement son empressement.
Enfin, elle tourna derrière la racine massive qui cachait la façade de sa maison d'enfance, et la porte qui ne portait pas même de serrure apparue. Elle frappa deux coups avant de la pousser, ne prêta pas la moindre attention aux quatre personnes rassemblées dans son salon et obliqua sans ralentir vers la chambre de son père. La porte de la chambre s'ouvrit à la volée et elle s'arrêta net.
Dans un lit de drap blanc, le visage à peine plus coloré et perlé de sueur, la respiration d'Eorim était légèrement forcée. Mais ce n'était pas ce qui avait pétrifier sa fille. Le long de son bras, de ses mains, jusque sur ses doigts, le tracé de chaque vaisseau sanguin était noir. Un noir mat, comme si de l'encre coulait dans ses veines et se répendait doucement sous sa peau. Ses ongles étaient également noirs, à mois que ce ne soit que le sang visible sous l'emplacement qu'ils occupaient avant de tomber. Elle n'osait pas regarder avec précision. Ses yeux étaient bien trop accaparés par son visage. Les veines montant de son cou jusqu'à sa tempe semblait également en cours d'assombrissement. Ses paupières gonflées et violacées ne lui permettait pas de tenir les yeux nettement ouverts.
Une main apaisante se posa sur l'épaule d'Halya, la faisant frémir. Lorsqu'elle se tourna, agar, elle sembla mettre un certain temps avant de reconnaitre celui qui lui souriait faiblement. Elle sourit, rassemblant toute sa volonté pour ne pas simplement s'accrocher au cou de Fenris, et s'assit au chevet de son père.
Elle allait glisser ses doigts dans les siens mais on l'arrêta. Elle resta donc là, un long moment, à parler à voix basse et à rire autant que possible. La voix éraillée d'Eorim lui soulevait le cœur, mais il était aussi vif d'esprit et jovial qu'à son habitude. Elle du pourtant le quitter. La fatigue le gagnait si rapidement, qu'il s'était endormi en lui disant une fois de plus qu'il était heureux qu'elle ait put venir à temps...
A temps...
Ces quelques mots hantaient l'esprit de l'ex-militaire tandis qu'elle refermait soigneusement la porte de la chambre. Les personnes qui étaient là un peu plus tôt dans le salon s'étaient éparpillées. Elle n'étaient plus que quatre. Fenris, Dënis la femme qui aidait à tenir la maison depuis des siècles, Kaëlis et un autre médecin qu'Halya ne connaissait pas. Dënis avait fait du thé en quantité astronomiques et au moins autant de gâteaux et de tourtes entassés sur la table. L'odeur serrait déjà l'estomac d'Halya mais elle se força a saluer tout le monde, restant près de Fenris pour ne pas craquer.
Alors on lui annonça.
Son père n'était pas seulement empoisonné. Il était malade...
Une maladie... ça n'avait aucun sens...
En tout cas ça n'en avait aucun jusqu'à ce qu'on lui révèle que la mission diplomatique qu'il avait eu le mois passé n'était pas dans une autre cité mais au sud de l'Annon, dans le but de retrouver des drows. Aucun sombre ne s'était montré finalement, mais d'autant que les médecins pouvaient en jurer, il avait été infecté dans ces eaux là. L'incubation de la maladie avait durée près d'un mois.
Encore les drows... quelques mois plus tôt, le visage d'Halya se serait coloré d'une rage contenue ou elle aurait tourné les talons pour se retrouver un peu seule, mais là... Là c'était un espoir fou qu'elle sentait palpiter au creux de son estomac. Même quand Kaëlis lui dit droit dans les yeux que son père n'en avait plus que pour quelques ennéades tout au plus et que c'était bien plus que ce qu'elle lui aurait donné six ennéades plus tôt lors du début de sa crise. Elle ne pensait pas aux risques de contagion, pas plus qu'elle ne réalisait l'inéluctable. Elle n'avait qu'une idée en tête, retourner le plus vite possible à Alëandir. Elle n'attendit pas même que les médecins aient fini leur discours alarmiste, elle supplia simplement Fenris de venir avec elle. Elle ne pouvait pas en parler devant tout ces gens mais elle ne voulait pas faire quelque chose qu'elle regretterait.
Mais si seul un drow pouvait savoir de quoi il en retournait, elle savait ou en trouver un.