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 Où l'on guérit d'une gonarthrose chronique

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Cécilie de Missède
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Aymeric de Brochant
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MessageSujet: Où l'on guérit d'une gonarthrose chronique   Où l'on guérit d'une gonarthrose chronique I_icon_minitimeJeu 31 Mai 2018 - 10:59


1er jour de la 5ème énéade de Verimios, 10ème année du 11ème cycle.

Dès lors qu'il fut choisi comme Régent du Royaume, le marquis de Serramire s'empressa d'organiser la cérémonie d'hommage au Roy Bohémond. Il fallait battre le fer tant qu'il était chaud ; avec la totalité des grands de la Péninsule présents à Diantra, seul un fol aurait manqué l'occasion d'entériner un peu plus le triomphe acquis par les armes contre les rebelles. Adonc, la ville s'était promptement vue refleurie de nombreuses affiches, relayées par moult crieurs publics. On pouvait apprendre ce qui suit :



- PROCLAMATION -

véritable

des

AGAPES, HOMMAGES ET MOULT AUTRES RÉJOUISSANCES

accompagnant l'avènement de

SA MAJESTÉ BOHÉMOND Ier, DE LA MAISON D'IVREY

Le Roy

*
*   *




Bon peuple de Diantra! Par la grâce de Nééra Aventine et le concours des preux féaux de sa Majesté, trois ans de cabale, de renardie et de mauvaiseté s'achèvent!

Et que dire de notre bon Roy, qui innocent par l'âge mais vertueux par le bon sang Phyram coulant dans ses veines, s'est vu dénier ses droits et ses dus par si mauvais félons!

Halte à la chienlit, place à la justice! Au Kÿrianos de la 5ème énéade, sa Majesté le Roy recevra les hommages des grands princes du Royaume, et les ultimes félons, dont le Père des Batailles a généreusement accordé la capture, seront jugés pour leurs crimes!

Bombance pour notre Sire! Le Roy Bohémond a décrété jour de fête les trois s'ensuivant. Longue vie à la maison d'Ivrey! Puisse-t-elle surpasser de mille ans ses illustres ancêtres Phyram!





Non content de prévenir la capitale toute entière, on dépêcha également nombre d'oisels auprès des vassaux du Royaume. Si les seuls grands princes rendraient l'hommage à sa Majesté le Roy, il était évident que faire montre d'un quelconque zèle, après tant d'années de doutes et de turpitudes, ne mangerait pas de pain - ou plutôt l'inverse : au moment d'une écrasante victoire royale, minauder n'était guère conseillé.

Le jour venu, c'était une épaisse foule de nobles et de puissants qui se rassembla aux portes du Palais des Dômes. L'ascendance nordienne sur cette assemblée avait quelque peu décru, après le départ pour les pénates de plusieurs compagnies. Cependant, elle restait largement majoritaire, nombre d'entre eux ayant demeuré dans la cité aux cinq-cent-soixante-quinze tours pour l'évènement - mais à n'en pas douter, une fois l'hommage et la justice rendus, les contingents des libérateurs regagneraient leur Nord natal.

Les portes du palais s'ouvrant, aspirèrent l'assemblée populeuse jusqu'à plus soif, si bien qu'on ne les referma point. La foule s'était naturellement décantée à l'image d'une flaque d'eau boueuse, la noblesse surnageant telle la rosée pure, avec à son pinacle le trône royal, jusque là encore vide. Plus on s'en éloignait, pour enfin atteindre l'extérieur du palais, plus on s'enfonçait dans l'épaisse glèbe de la roture.

L'ondée s'était donc arrêtée aux pieds du trône des rois de Diantra ; à la droite de ce dernier se tenait nul autre qu'Aymeric, le nouveau régent. On avait disposé pour lui une mince cathèdre, ridicule en comparaison du fauteuil royal - cette humilité apparente était naturellement voulue. Lors que l'assemblée fut installée et calme, quoique la rumeur ne puisse jamais réellement abandonner une foule pareille, le marquis fit signe aux hérauts royaux de procéder.

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« SA MAJESTÉ BOHEMOND Ier, DE LA MAISON D'IVREY, ROY DES HOMMES ET SOUVERAIN DE DIANTRA »

L'annonce entraîna la génuflexion. À l'image de cette foule à terre, un semblant d'espoir envahit le cœur du marquis, qui s'était un temps figuré le félonie trop profonde, et l'incapacité à pointer le genou à terre trop tenace. Ce mal, pourtant, semblait bel et bien guérir.

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MessageSujet: Re: Où l'on guérit d'une gonarthrose chronique   Où l'on guérit d'une gonarthrose chronique I_icon_minitimeJeu 31 Mai 2018 - 15:48

Le grand moment était venu, tous les pairs se trouvaient à Diantra, ce qui n'était pas arrivé depuis bien longtemps. Tout le monde avait été invité, la morosité qui débordait de la ville avait cédé le pas à une liesse nouvelle. Sans doute que l'espoir devait renaitre pour le peuple de retrouver une paix qu'ils avaient oublié, et une prospérité renaissante pour la capitale qui avait été laissée à dépérir ces derniers temps. Renaud avait bien entendu été convié, et il s'était mis un point d'honneur à faire un effort pour arriver le premier. Il n'oubliait pas que c'était lors de la première tentative pour faire rendre l'hommage à Bohémond, que la Régente Arsinoé avait légitimé Léandre dans son titre de Duc, et par la même occasion, balayé d'une main l'usurpation de feu Trystan, renouvelant les liens entre le Roy et son tout premier vassal. Erac, premier duché du Royaume, Renaud croyait dur comme fer, et il l'avait d'ailleurs dit à plusieurs reprises dans ses courriers à l'ancien Régent, puis au Grand-Chancelier, que c'était le jour ou la couronne et Erac s'était disputé, que tout été allé de travers. Pourtant aujourd'hui, Erac était l'allié de Serramire, mais la chance voulait que le Régent soit aussi le Marquis de Serramire.

Renaud avait l'intention d'être le premier à rendre cet hommage, en fervent royaliste qu'il était, du moins tant que les règles de cette féodalité étaient respectées. Il avait revêtu ses plus beaux vêtements, de chemises à crevés, tunique avec l'héraldique d'Erac cousu dessus, et tout ce qu'il fallait pour briller au sein de cette assemblée. Sa garde lui ouvrit un chemin au milieu de la masse, afin de rejoindre les premiers sièges, ceux réservés à son statut. Il attendait maintenant que la cérémonie commence.
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Tibéria de Soltariel
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MessageSujet: Re: Où l'on guérit d'une gonarthrose chronique   Où l'on guérit d'une gonarthrose chronique I_icon_minitimeJeu 31 Mai 2018 - 16:53


Et Tibéria y était aussi… Malgré les peines et les difficultés. Malgré l’incertitude qui hantait ses jours et ses nuits, elle y était. Rien n’allait l’empêcher de s’incliner devant le roi, de lui rendre l’hommage qui lui est dû. L’enfant était trop jeune encore pour comprendre, mais après tous ces bouleversements où sa vie fut en jeu à plusieurs reprises, son règne pouvait enfin commencer. L’ombre de Naélis et d’Ydril planait toujours, mais la paix était envisageable et Tibéria voulait y participer. Jamais elle n’a détourné le dos au monarque. Jamais elle n’a rejeté sa présence ou douté de sa légitimité. On cherchait à lui reprocher tout un tas de choses, mais ça… Ça, elle mettait au défi quiconque de prouver le contraire.

Elle fit donc son entrée, belle et silencieuse. À son cou brillait le soleil de Soltariel. Elle ignora les regards et les questionnements et s’avança plutôt en direction des autres. Tibéria n’était pas venue seule. Tous les nobles soltarii qui la soutenaient et qui souhaitaient assister à l’hommage y étaient. Elle salua d’un signe de tête le duc d’Erac, mais ne chercha pas à lui adresser la parole. Sa présence sera sans doute une surprise pour certains après son absence au concile, mais hormis le très visible fait qu’elle soit enceinte, elle s’était évertuée à apaiser la situation à Soltariel, sans succès. Ces hommes brandissaient des arguments tellement boiteux qu’elle se demandait s’ils n’agissaient pas par pur esprit de contradiction. Tant mieux pour elle, peut-être, mais le dernier mot reviendra au roi et à l’homme qui parlait en son nom. Pour l’instant, il s’agissait d’un moment joyeux et porteur d’espoir et elle en faisait partie.
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Victoria di Maldi
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MessageSujet: Re: Où l'on guérit d'une gonarthrose chronique   Où l'on guérit d'une gonarthrose chronique I_icon_minitimeJeu 31 Mai 2018 - 20:04


Plus d’une ennéade s’était écoulée depuis l’arrivée de la Comtesse à Diantra… Et il s’en était passée des choses. Cela commença avec le retour du Roy en son palais, puis les rencontres s’étaient multipliées. Parfois étaient-elles agréables, parfois instructives et portées sur l’avenir, mais parfois désastreuses aussi… Notamment deux d’entre elles qui s’était déroulées à quelques jours d’écart. D’abord un Berthildois qui a tenté de lui trouer la peau puis un Arétan qui se prenait pour le roi. A croire qu’on ne trouvait rien de bon au Marquisat de Sainte-Berthilde ou même parmi ses vassaux si ce n’est Bohémond lui-même. Car que pouvait on bien reprocher à un enfant de quatre ans ? Si ce n’est vouloir passer son temps à jouer... Et face à une tentative de meurtre ou à un mégalomane, ce reproche ne pouvait être que des plus mignon.

Il y eu aussi la nomination du nouveau régent, qui n’était autre que le Marquis de Serramire. Victoria connaissait surtout l’homme de nom ; car celui-ci avait suffisamment brillé pour qu’on entende parler de lui jusqu’au sud du Royaume. La Comtesse lui avait d’ailleurs fait parvenir ses félicitations dès que la nouvelle s’était répandue. Une simple missive, courte et concise.

Puis il y eu l’invitation à l’hommage. Victoria ne pouvait rater cela et décida de prolonger son séjour de quelques jours. Le retour du Roy à Diantra n’était pas une banalité, mais au contraire, un évènement qu’on se devait de fêter et d’honorer ; elle fit alors venir les Sybronds.

Le jour venu, la Comtesse prit le chemin du Palais où elle se rendit bien vite compte de la popularité renouvelée du petit Roy. Ils étaient fort nombreux à s’être déplacés pour l’honorer. Et même si la Couronne n’attendait que les hommages des grands, ce rassemblement était aussi une manière détournée de prendre la température -et surtout de faire passer un message ; le Royaume tout entier, si ce n’est encore quelques rebelles très bientôt châtiés, s’agenouillait dorénavant de concert face à un enfant et une lignée désormais reconnus de tous.

Victoria s’avança en compagnie de ses vassaux, bien avant que le Roy ne soit annoncé. Debout, entouré de ses hommes et femmes, la Sybronde s’était habillée d’une robe fort simple et ne s’était parée d’aucun bijou, bien loin du célèbre tape-à-l’œil suderon ; car en ce jour, c’était à Bohémond de briller ; et non à ses sujets, quels que soient leur rang.

Puis enfin, on l’annonça ! Et cette fois-ci, l’emplacement qui avait été désigné à la comtesse lui permettait d’enfin mieux l’apercevoir, même si cela n’avait été qu’une fraction de seconde.

A genoux, la tête baissée, le visage de Victoria afficha un léger mais joyeux sourire ; longue vie au Roy, longue vie à Bohémond, de la maison d'Ivrey.
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Roderik de Wenden
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MessageSujet: Re: Où l'on guérit d'une gonarthrose chronique   Où l'on guérit d'une gonarthrose chronique I_icon_minitimeSam 2 Juin 2018 - 14:19


Le Grand Chancelier du Royaume, entouré de clercs, considérait la cohue avec un sentiment mitigé.

La vue de ces hommes et ces femmes qui s'empressaient au Palais des Dômes, venus acclamer leur roi et exalter leur ferveur royaliste le réjouissait naturellement. Pour autant, il se demandait combien d'entre eux cultivaient cette même ferveur trois ans plus tôt, lorsque la rébellion avait chassé ce même roi de ce même palais. Eussent-ils été si nombreux le jour où Nimmio de Velteroc vint réclamer les clés du royaume, le Boucher du Médian serait reparti chez lui, la queue entre les jambes - voire même sans sa queue.

Parmi la foule, Roderik reconnut certaines têtes familières. La duchesse de Soltariel était là, et la vision de cette petite femme ronde comme une barrique - mais pas du fait de l'alcool - lui arracha un pincement au coeur. La pauvresse était donc venue malgré son état, malgré les risques pour son enfant à naître ; elle avait trouvé le courage et la force de faire la route, vraisemblablement en roulant depuis la cité ducale. Non loin d'elle, mais - par bonheur - pas à proximité immédiate, Roderik reconnut la comtesse de Sybrondil. Il évita soigneusement son regard, et souhaita que le hasard ne place pas les deux femmes côte à côte, car elles se haïssaient. Poursuivant son inspection, il chercha Niklaus d'Altenberg dans l'assemblée, mais la foule était trop dense ; il ne doutait pourtant pas que le gaillard, et nombre d'autres de sa trempe, se trouvait là ; il avait bien assez de culot pour venir assister à cette célébration sans rougir, et même s'y croire à sa place. Il chercha encore un peu, aperçut Renaud d'Erac et se demanda où était son père Léandre, puis s'arracha à cette observation pour tourner les yeux vers le trône.

L'immense fauteuil royal était encore vide. Roderik se demanda quel effet produirait le petit roi, un enfant de quatre ans, posé sur un tel siège ; Bohémond paraîtrait bien frêle aux yeux de son peuple. Tout l'inverse du marquis de Serramire, que chacun reconnaissait aisément comme le nouveau maître du royaume : ce dernier, assis à droite du trône, avait choisi de poser son séant sur une cathèdre bien plus petite. Il pouvait être comique de voir un homme si grand dans un si petit fauteuil, mais, disposé là à côté du grand trône, l'image était fort bien choisie. On en viendrait à croire que Roi et Régent feraient bien de troquer leur place ; Roderik ne prêtait pas à Aymeric de telles ambitions, mais l'idée était là : le roi était trop jeune pour régner, et il se trouvait tout près un homme fort capable qui saurait le faire pour lui.

Les hérauts clamèrent alors le nom de Bohémond et Roderik, imitant la foule, mit aussitôt un genou en terre, tête baissée. Et tandis que le silence se faisait dans la longue salle, et que chacun se soumettait à son roi, Roderik songea à ce que lui avait conté Wenceslas de Karlsburg, presque quatre ans plus tôt. L'ancien comte d'Arétria, qui avait assisté à la proclamation du règne de Bohémond entre les murs de la cathédrale de Sainte-Deina, lui avait narré une scène des plus indignes. Les nobles, en grand nombre, s'étaient plaints avec vigueur ce jour-là, arguant qu'on aurait dû les consulter sur le choix de la régence, voire même le choix du jeune souverain - alors que les lois du royaume étaient claires et que seul le sang faisait le roi. D'aucuns s'étaient offusqués que la régence n'aille pas à l'un de leurs obligés - mais qui était plus légitime que la propre mère du roi ? Cette scène grotesque avait révélé au grand jour le fléau qui ravageait en ce temps la noblesse du royaume : l'avarice, l'hypocrisie, la cupidité. On monneyait son soutien à la couronne contre la promesse de quelque charge ou titre, aussi platement que le ferait un marchand de fromage estréventin. Le règne de Bohémond avait ainsi débuté comme une vulgaire parodie.

Ce jour, nulle voix contestataire ne s'éleva dans l'assemblée ; rien d'autre qu'un respectueux et pieux silence.
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Cécilie de Missède
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MessageSujet: Re: Où l'on guérit d'une gonarthrose chronique   Où l'on guérit d'une gonarthrose chronique I_icon_minitimeDim 3 Juin 2018 - 10:40


Le Vicomte Guilhem de Tall se tenait à la place qu'on avait défini pour Langehack. Linaëlle était à son côté raide dans une simple robe grise. A leur côté, les autres membres du conseil de régence étaient également présents. Dans un silence respectueux, ils suivaient les consignes et les traditions, le visage fermé et le dos droit. Chacun d'eux n'avaient qu'une hâte : retourner dans leur fief pour régler les problèmes de successions qui se posait de nouveau.

Celle qui avait disparu, avait fini par reparaitre après 3 jours d'absences... Et bien que Guilhem soit quelque peu soulagé, il aurait voulu pouvoir la gifler à toutes volées.

Le Conseil de régence avait été prévenu et chacun avait fait le chemin jusqu'à Diantra pour régler cette grave affaire. Les recherches ne donnaient rien. Les interrogatoires de plus en plus échauffés qui avaient lieu entre les Langecins et les représentant des autres Duchés s'étaient multipliés sans aucun résultat probant. Que ces étrangers aident ou non, personne ne semblait avoir vu Linaëlle. Elle s'était tout simplement volatilisée dans la soirée qui avait suivi le Concile.

Pourtant, alors que le soleil d'été rougissait peu à peu le ciel pour aller ce couché, une mission de quatre prêtres était apparue sur le pas de leur porte. La servante qui les avaient accueillit les avaient laissés entrer par déférence et Cécilie de Missède, présente pendant que les hommes continuaient les recherches, fut appelée pour les rencontrer.

Dans le petit salon, les sur-robes bleues ne faisaient pas le moindre son, à croire que les gens de foi avaient la capacité de se changer en statue. Ou peut-être était-ce le sujet qui les tendaient autant. Les doigts de Cécilie s'étaient s'étaient soudain refermés sur le revers de sa robe en les écoutant.

Oui, Linaëlle avait été retrouvée. Oui, elle allait bien. Non, elle ne souhaitait pas revenir. Durant les derniers jours, les prêtres avaient essayés de la faire changer d'idée, en vain. Elle était venue à Sainte-Deina en pleine nuit et avait été trouvé par le veilleur sur les bancs de la cathédrale. Elle disait vouloir devenir sœur de foi, moniale, quitter la ville le plus rapidement possible pour s'établir dans un couvent, renoncer à son nom, ses titres et offrir ses biens familiaux au Culte. Rien ne semblait pouvoir la dissuader, mais la grande-Prêtresse connaissant le cœur emporté des jeunes gens, l'avait convaincue de tenir le rang d'Adepte durant une année entière dans le même cursus que les futurs prêtres et prêtresses avant de prendre une décision aussi importante.

Après une longue discussion, la Comtesse avait du se rendre à l'évidence, Linaëlle était capable de disparaitre pour de bon si ses tuteurs n'acceptaient pas ce choix. Les membres du conseil de régence se consultèrent ce soir là. Il y eut des cris et des menaces, mais en fin de compte, un messager fut envoyé à Sainte-Deina. Le Conseil de Régence acceptait qu'elle suive la voie de la prêtrise jusqu'à son prochain anniversaire. Alors elle choisirait si elle voulait prononcer ses vœux ou prendre la succession de sa mère à la tête du Duché. En attendant, elle n'aurait plus le moindre rôle politique et le Conseil de régence pourrait préparer la prochaine lignée ducale.

Ils n'avaient plus qu'à espérer que cette lubie lui passe mais ils avaient peu d'espoir. Cette année ne leur apparaissait à tous que comme une parenthèse offerte par la judicieuse prêtresse pour éviter une guerre civile...

En attendant, ils étaient là, face contre terre, et ils prêteraient hommage comme il se doit avant de faire la moindre annonce au sujet de leur Duchesse. Linaëlle se rengorgeait à l'idée que ce soit la dernière fois qu'elle verrait tous ces visages malhonnêtes et malveillants.

HRP concernant Langehack:
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Louis de Saint-Aimé
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MessageSujet: Re: Où l'on guérit d'une gonarthrose chronique   Où l'on guérit d'une gonarthrose chronique I_icon_minitimeMar 5 Juin 2018 - 14:33



Lorsqu’on ouvrit les portes, ce fût la même qu’une bousculade de cochonnets après qu’on ait lancé une poignée de moulée dans la masse. Tous se précipitèrent dans les couloirs qu’on ne considérait jusqu’à maintenant guère si étroit, en quête de la salle du trône où patientait d’ores et déjà une pléiade de limier pesamment harnaché aux côtés du nouveau Régent. Pour sûr, Aymeric avec ses nouvelles prérogatives, serait tout en droit de troquer les vilaines plumes d’ébènes de son héraldique de corbeau au profit d’un plumage doré! À le voir dressé devant cette foule nouvelle, digne et fière comme toujours, Louis trouva que son voisin du Nord n’avait au final, pas bien changé en apparence. Ses défroques, de même que ses ornements, demeurèrent à peu près les mêmes et le siège, qu’il fit installer spécifiquement près de l’illustre trône Royal, hérita de la sobriété qu’on connaissait du Brochant. Un si petit siège, pour de si grandes responsabilités … Pour l’événement, le tout était de bon goût ; mais en temps normaux, Louis n’aurait été froissé ni fâché de voir le bonhomme prendre le trône pour le sien, tandis que le Roy s’amuserait avec ses innombrables bimbelots. Cette image de conseiller, de bras droit, de consultant même, ne rendait guère justice à la pesanteur de la tâche à laquelle Aymeric fut contraint en acceptant les honneurs de cet illustre titre. Adoncques, nous verrons!

À l’arrivée du Roy, Louis calqua l’assemblée en ployant le genou puis en abaissant le chef. Même si bas inclinés, ses sujets surplombaient par beaucoup la petitesse de leur souverain et à l’air qu’il affichait, il ne sembla guère s’en soucier. Plus intéressante que la presque algarade que provoqua l’enthousiasme prononcé des vassaux en quête des belles places ; l’hommage de certaines personnes promettaient un prompt divertissement!
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Gaston Berdevin
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MessageSujet: Re: Où l'on guérit d'une gonarthrose chronique   Où l'on guérit d'une gonarthrose chronique I_icon_minitimeVen 8 Juin 2018 - 8:31



Emplacement, emplacement, emplacement. On dit que la proximité avec le pouvoir est pouvoir en soi. Il était naturel, dès lors, que le régent fraîchement nommé ne s’encombrât pas d’une chaire plus luxueuse qu’il n’eût fallu. Il était après tout à la droite de la royauté. Non pas du roi, pas vraiment : un roi est une personne. Outre son corps de majesté, immatériel et éternel, il se constituait d’un corps tout mortel, celui-ci plus encombrant et doté de pensées propres. Ici, on était face à un bambin à peine capable de marcher, possédant quelque faculté à distinguer les différentes formes de volumes et figures, mais encore  loin d’exprimer des discours articulés. Ce Bohémond Ier était le bibelot le plus important du monde connu, pensa-t-il en mettant le genou à terre.

Il avait été bringuebalé de cour en cour, servant à une dizaine d’ambitieux pour légitimer leurs dites ambitions. Il avait été sosifié, déclaré  mort trois fois, fiancé treize. Qui sait combien de poupées enchantées et charmes avaient été lancés à son encontre, pour sa fortune ou son décès ? Et pourtant, après bien des années de chaos ayant entièrement renouvelé le haute aristocratie du royaume, cette petite chose babillante tenait bon. Etait-ce seulement le véritable enfant d’Aetius d’Ivrey et d’Arsinoé de Sainte-Berthilde ? Qui sait ? Et en avaient-ils encore quelque chose à faire ? La tête blonde était peut-être la dernière planche de salut présentée à ce grand navire déliquescent qui avait autrefois été le royaume des Hommes. Si ce porte-couronne avait été transformé en statue sur le champ, Gaston était certain que tous l’auraient accepté pour leur souverain éternel avec un entrain identique voire supérieur. Notre-Dame ! Eût-il été un pied de table qu’ils auraient ployé le genou tout mêmement. Il était somme toute l’incarnation du royaume et de l’unité, leur dénominateur commun.

Et ce petit symbole était enfin ramené très symboliquement dans sa capitale, sur ordre de son nouveau parrain. Le seigneur de Brochant possédait à présent toutes les cartes successorales de la maison Phyram. Si le petit roi lui déplaisait ou s’il lui poussait des couilles trop vite, il n’aurait qu’à s’en débarrasser pour mettre le cul d’une fille de Blanche d’Hautval sur ce trop grand trône, après, s’entend, son mariage avec un de ses propres enfants. Et qui s’y opposerait avec Odélian ? Langehack, en plus de rogner sur les terres odélianes, ne semblait être que la marionnette d’une comtesse autoproclamée et de sa cousine la haute prêtresse Néera, lesquelles s’étaient déjà bien entendu pour accaparer les biens de la couronne et d’en assassiner les représentants. Les Berthildois avaient déjà fait montre de leur hostilité vis-à-vis des marquis d’Odélian, tandis que le jeune duc d’Erac détestait les parents Ancenis des Berdevin. Soltariel enfin était à la mesure de sa réputation : il ne s’agissait de rien de moins qu’un bordel digne des meilleures (ou des pires, selon le point de vue) farces. Guerres civiles, fronde, invasions étrangères, interférences pseudo-royales, le Soltaar était aussi haut en couleur que dans un écheveau inextricable. Le Chancelier de Wenden, enfin, s’était jeté dans cette mêlée bizarre. Depuis sa résurrection inouïe, l'homme nouveau semblait avoir embrassé les us du sud. Depuis quelques ennéades, son nom était emmêlé à d’obscurs esclandres : il faisait de l’ombre à une duchesse tout en produisant des sosies. On aurait cru que le fantôme de Godfroy de Saint-Aimé le possédait, si bien que Gaston se demandait si ce Roderik était l’homme des Brochant ou des Saint-Aimé ou de lui-même. Les trois cas inquiétaient le marquis d’Odélian. Ces dernières années lui avaient appris que les hommes capables étaient souvent et surtout capables du pire.  









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Thibaud de Kelbourg
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MessageSujet: Re: Où l'on guérit d'une gonarthrose chronique   Où l'on guérit d'une gonarthrose chronique I_icon_minitimeVen 8 Juin 2018 - 8:48


Les cloches se mirent à sonner toutes en même temps. Non pas celles se trouvant au sommet de Sainte-Deina, mais celles se trouvant présentement autour de lui si l'on prenait soin d'enlever bien évidemment les voisins Berthildois et Argonnois. Les fidèles vassaux du Roi avaient bien tous rappliqué en bon ordre, tout dévoués qu'ils étaient. Thibaud n'avait même plus assez de patience pour les dénombrer. Mais il y avait en cette heure, une atmosphère singulière qui humait bon le futur léchage de cul. L'union sacrée était forte étonnante à contempler. Comme si l'on avait effacé les ardoises pour repartir à zéro. Comme si les vieilles querelles n'étaient devenues que des histoires plombantes que l'on ne voulait plus écouter par manque d'enthousiasme. Suderons, médianais, nordiens, se côtoyaient ainsi en un lieu si grand et symbolique, mais qui une fois remplie par la noblesse du Royaume paraissait bien plus petit et ridicule. Là-dedans, les dévoués serviteurs du Roi cherchaient en plus à bien se faire voir en gagnant les premières places. Après tout, c'était là une foutue bonne occasion de montrer que l'on était un fidèle de la première heure.

Puis ce fut le tour au chiard d'entrer dans la danse. Entouré de ses encore-plus-dévoués, il avança tel un paon paré de ses plus belles couleurs dans la basse-cour. Les genoux se plièrent. Par la force des choses, les siens aussi. Certains mirent même les mains au sol, signe de leur totale soumission au bambin royal. Sa tête, à lui, scruta son passage en se gardant bien de le dévisager. Etait-il le vrai enfant Roi ? Pour sûr que oui, c'était grâce à lui qu'il avait empêché Louis de poursuivre sur la lancée félonne de son père. Mais l'était-il vraiment ? Peu importe la réponse. Il y avait suffisamment de personnes en cette salle pour le croire. En commençant par celui devenu le premier serviteur du Royaume : Aymeric de Brochant.

Le preux s'en était allé jusqu'à visser son derche sur une cathèdre étonnamment basse par rapport au trône royal. Cela ressemblait bien au Brochant. Toujours humble, toujours sobre, toujours irréprochable. Le Royaume allait connaître de beaux jours pour sûr. Et pour ceux qui s'en offusqueraient, l'échafaud les attendrait. Juste et cinglant, voilà quelle serait la future devise du Royaume.

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Alanya de Saint-Aimé
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MessageSujet: Re: Où l'on guérit d'une gonarthrose chronique   Où l'on guérit d'une gonarthrose chronique I_icon_minitimeVen 8 Juin 2018 - 19:54

Il y avait ici quelques allures de fête. Les badauds allaient, riaient et créaient du tumulte dans les rues curieusement bondées. La place du marché avait été investi de nombreux marchands, qui bien content de voir tout ce monde. On hurlait de ça de là quelques hourras, on vendait à la volé du bon pain frais et quelques gourmandises, car nul ignorait ce qui se tramait là : on accueillait le retour du bon Roy Bohémond. Comme un air de fin de tracas, on avait abandonné la monotonie coutumière pour célébrer le renouveau. Le Royaume avait de nouveau une tête, la capitale retrouvait dès lors sa prime fonction. Et si le sourire trahissait tous ces cœurs en émoi, celui de la Baronne était bien plus frigide. Derrière les travées bondées qui menait au Palais, elle s’agaçait de ne pouvoir progresser plus vite. Elle eut d’ailleurs tout le temps de reconnaitre quelques silhouettes qu’elle préféra ignorer aussi prestement. A dire vrai, elle serait bien restée cloîtrée chez elle. Non pas qu’elle ne se félicitait pas du retour de la royauté, mais elle craignait amèrement ceux qui graviteraient autour de cette dernière.

A l’intérieur, on avait laissé la place aux Grands du Royaume. Ce ne fût là qu’une longue bousculade – si bien que cela finit de la convaincre qu’elle aurait été bien mieux au fond de son plumard. Les cocottes gloussaient au rythme des froissements de leurs beaux habits, l’air s’étouffa derrière un nuage de parfums mêlés. La nausée lui monta. On traversait les larges couloirs dans un brouhaha douloureux pour finalement atteindre la salle du trône. Elle était telle qu’elle l’avait laissé du temps de la création du nouvel ordre par les Liguards ; à cela près qu’aucun de ces derniers n’était présent. La plupart étaient tombés lors de la campagne, le reste se terrait bien habilement car on ne tarderait guère à les juger traîtres. Finalement, l’image qui finit de lui retourner les tripes se tenait là, fier comme un paon. Ah qu’elle aurait bien aimé enfoncer les plumes du Corbac –maudit soit-il !- dans son derche ! Mais il était intouchable. Alors, serrant des quenottes usées, elle glissa sa main dans celle du Berthildois qu’elle avait rejoint. Voilà qui donnerait du pain au pigeon pour l’an à venir.

Jamais elle ne fût plus prompte à la génuflexion que lorsque le jeune roi s’avança parmi ses sujets. Petit, pataud et probablement perdu. Qu’Aymeric la regarde donc offrir son hommage, car jamais il n’aura été plus sincère qu’à ce moment-là.
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Aymeric de Brochant
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MessageSujet: Re: Où l'on guérit d'une gonarthrose chronique   Où l'on guérit d'une gonarthrose chronique I_icon_minitimeJeu 5 Juil 2018 - 21:20


Contempler une foule toute entière ployer le genou devant soi n'était pas un des spectacles les plus déplaisants. Qu'Aymeric ne se berce cependant d'illusions. Ce spectacle ne lui était pas destiné, mais bel et bien au seul qui ne pouvait réellement en profiter : Sa Juvénilissime Majesté Bohémond Ier, de la maison d'Ivrey, héritier des augustes Phyram et Roy des Hommes, souverain de Diantra, ou pour faire plus court, Bobo. De son haut trône, le petit homme affichait son absence placide, comme à l'accoutumée. Les Cinq seuls savaient quelles pensées, si tant est qu'il y en eut seulement, louvoyaient derrière ces yeux fixant le vide en silence. Peut-être était-ce là le Roy idéal : un miroir paisible que rien ne troublait - hélas, l'enfançon grandirait.

D'ici à ce que cela n'arrive, Aymeric s'était toutefois résolu à maintenir la paix du Roy, mais plus encore, rétablir un semblant de justice dans les domaines de celui-ci. « Relevez vous, bons seigneurs! lança-t-il en quittant son propre siège. Vous avez tous répondu à l'appel du Roy, après trois années d'incurie et de cabale, désireux de paix et de justice! Aujourd'hui, sa Majesté s'apprête à la rendre! »

« Oncques mais! Du tumulte, le plus lésé n'est autre que notre Sire, adonc il convient que justice lui échoie le premier, et la justice du Roy, plus que toute chose, réclame l'hommage! » Se tournant brusquement, le marquis dégaina son épée qu'il présenta au tout jeune Roy. « Bohémond Ier, de la maison d'Ivrey, Roy des Hommes et de Diantra, moi, Aymeric, de la maison de Brochant, sous le regard des Dieux et des hommes, te jure hommage et fidélité à toi et ta descendance! Qu'à partir de ce jour mon service soit sans faille, en temps de paix comme de guerre, d'opulence comme de disette, jusqu'à ce que mon seigneur ne m'en libère, ou la mort ne délie ce serment! »

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Aymeric de Brochant
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MessageSujet: Re: Où l'on guérit d'une gonarthrose chronique   Où l'on guérit d'une gonarthrose chronique I_icon_minitimeLun 9 Juil 2018 - 14:02


HRP:

Tandis que chaque grand seigneur pliait le genou un à un et jurait fidélité au jeune Roy Bohémond, un poids se levait des épaules du nouveau régent. L'homme redoutait ce moment - Arsinoé, au sommet de la puissance diantraise, n'avait-elle pas essuyé de nombreuses séditions ? Il eut été fort aisé pour quelques duc de se rebiffer, dès lors que la paix n'était encore que fragile. Fort heureusement, la défection ne jouissait plus du nombre, et le consensus avait été obtenu de longue lutte quant à sa Majesté.

Il était cependant vain d'imaginer que les cabales cesseraient céans ; si l'on s'était accordé pour reconnaître Bohémond Roy, c'était surtout que le bambin offrait la latitude nécessaire aux conjurés de tout poil pour avancer leurs pions - c'était contre cela même qu'Aymeric s'était érigé en lorgnant sur la Régence. Adonc, dès lors que les rennes du Royaume se trouvaient entre ses mains, l'homme s’emploierait à maintenir le status quo.

Cela devait se traduire en de nombreuses annonces ; bientôt, plusieurs crieurs se portèrent au devant du trône. « Afin d'entourer sa Majesté Bohémond et son bon Régent Aymeric, sont appelés à siéger au conseil restreint : Roderik de Wenden, Chancelier du Roy! Hubert le Scylléen, Argentier du Roy! Francesco Cortès, Amiral du Roy! Thomas d'Avron, Capitaine des Baudriers d'Argent, et Ascilin le semi-elfe, Maître de l'Arcanum! »

La constitution du Conseil du Roy avait longuement préoccupé le marquis, qui s'était résolu à ne pas distribuer ces charges pour leur seul prestige, comme on eut offert une friandise à un enfant glouton. Et pour cause! Le Royaume était en charpie, et bien qu'il ne douta pas du bon vouloir de ses alliés, Aymeric s'en était plutôt remis à l'expérience des hommes choisis. Ainsi, la table du Roy se voyait composée de vieux renards ayant éternellement gravité autour du pouvoir, à l'image de l'habile Hubert qui avait servi les comtes des Isles, Hannibal de Roch mais surtout l'Ivrey dont il avait été l'éminence grise ; ou encore le semi-elfe Ascilin, qui avait hanté les couloirs de l'Arcanum dans l'ombre de Nakor et de Trystan l'Aveugle bien longtemps quand que l'ire d'Arsinoé ne l'envoie injustement en disgrâce à la cour mervaloise. Quant aux autres, ils étaient de ces hommes qui avait fait irruption au sein du chaos de ces trois dernières années, brillant par leur mérite dans une époque qui y laissait si peu de place : Francesco le soltarii s'était illustré en défendant Nelen contre les menées de marchands thaaris, et Thomas d'Avron, vétéran des différentes gardes royales, avait retrouvé le Baudrier d'Argent lui-même, emblème des paladins royaux. Quant à Roderik, il eut été long et fastidieux de lister ses accomplissements, tant ils étaient nombreux.

Ces derniers devaient se poursuivre ; bientôt Aymeric, d'un signe adressé au comte d'Arétria, l'invita à prendre la parole. Il l'avait chargé d'instruire le procès des traîtres, tant il est vrai que cette guerre avait semé son lot d'avanie, et que le Royaume ne connaîtrait de paix durable sans réelle justice.  À son tour, le Chancelier avança ses clercs, qui délivrèrent à l'assemblée les décisions de justice :

« Après instruction et pesées des méfaits et des bienfaits, sont reconnus coupables : Nimmio de Velteroc, de félonie, de lèse-majesté, d'usurpation et de nigromancie! Son nom sera flétrie, synonyme d’opprobre, et que sa maison toute entière partage son funeste sort! Jesbel de Velteroc, reconnu coupable de félonie, lèse-majesté ; la justice du Roy demande... la mort! Clotaire de Velteroc, reconnu coupable des même crimes ; la justice réclame... la mort! Niklaus d'Altenberg, reconnu coupable de désertion, de rupture de ban, de félonie et de lèse-majesté.... la mort! » Cet homme aime bien trop son travail, ne put s'empêcher de penser le marquis. « Herm, pardon ; l'exil! Sa Majesté le Roy, face aux désirs de Niklaus de racheter ses fautes, lui accorde sa grâce dans l'exil! Il en va de même pour Hans Faller, Pierre de Palarme et Suzanna d'Eberhard, mauvais barons ayant lésé grandement leur Sire! »

En entendant ce jugement, Aymeric demeura interdit un instant. Quoique les peines fussent justes, elle lui laissent un goût d'inachevé en bouche. Avec la mort de Nimmio, sous les voûtes de Rochenoire, c'était l'opportunité d'une véritable justice qui s'envolait, tant la plupart des traîtres avaient déjà gagné le séjour aqueux de Tari. On se contentait ici du menu fretin : les Oschide, les Harold à l’œuvre dans cette cabale n'était plus, laissant aux griffes de la justice une seule sélection de seconds couteaux. On avait espéré voir flotter la tête de Nimmio sur une pique ; il faudrait se contenter de celles de son frère débile et de son cousin bravache. Sombre histoire.

Tout ceci importait peu, en vérité, tant il est vrai que le marquis n'était pas en quête de sang ; aux yeux d'Aymeric, la restauration de la couronne et de Diantra primait, et les décisions à venir allaient bien au delà de la désignation de victimes expiatoires à trois années d'impuissance face à la félonie. Le héraut repris la parole : « La justice du Roy étant dans l'équilibre, il convient que celui qui vole rende, qui brise répare. Tous devant, par l'hommage, l'aide au Roy, si celle-ci ne s'exprime par les armes, il convient qu'elle le fasse par l'or. Pour amender leur forfaits, terres de Velteroc, de Langehack, de Missède, d'Erac, de Hautval, d'Ancenis et de Soltariel seront ainsi astreinte à reverser une partie de leur rente, proportionnelle à leur faute. Velteroc : la moitié de l'impôt, durant six ans! Langehack et Missède : le tiers de l'impôt, durant quatre ans! Erac, Hautval et Ancenis : le tiers de l'impôt, sur deux ans! Soltariel : le quart de l'impôt, durant un an. »

Pareille décisions ne manqueraient de faire grincer quelque dent, mais tant le Chancelier que le Régent s'étaient résolu à ne pas laisser la trahison impunie, ni l'inaction. Ce Sud qui s'était persuadé d'être étranger aux conflits du Royaume, de pouvoir leurs échapper pour épargner leur richesse, ces même terres là devraient contribuer à la reconstruction de Diantra. Le septentrion n'avait-il pas payé d'ors et déjà sa dette, en sang ?

Ce sang, Aymeric en était certain, n'avait pas été versé en vain. Le spectacle d'une assemblée à genou n'en était-il pas la preuve ? D'aucuns, cependant, ne se contenteraient pas de cette ferveur comme unique récompense, et de même qu'il avait commandé la punition des lâches et des séditieux, le marquis se devait d'honorer les braves et les fidèles. Déroulant le vélin qu'il avait tenu jusque là, le régent se porta au devant de la foule pour lui annoncer les derniers décrets royaux.

« À l'instar de la rébellion des quatre barons, il y a dix ans de cela, la révolte ligarde a plongé notre Royaume dans le tumulte, aussi à l'image de feu Trystan l'Aveugle, il m'incombe de restaurer parmi les titres et les fiefs de notre bonne Péninsule. Puisque les baronnies honorifiques furent l'instrument de la trahison de leurs bénéficiaires, ces titres seront détruits, les places fortes, villes et autres domaines remis à des châtelains, des conseils d'échevins ou des ecclésiastiques : il en sera ainsi pour Chrystabel, Estaria, Altenberg, Vallancourt, Caïssa, Val-Blanc, de même que pour Nelen, illégitimement élevée en baronnie. Merval est rétablie au titre de baronnie, et conservée jusqu'à nouvel ordre sous l'autorité direct de la couronne.

L'ineffable duché du Médian est dissout, conspué, Velteroc déchu au rang de baronnie, et son vasselage transmis au duc d'Erac, avec la charge de lui trouver un nouveau seigneur qui soit plus vertueux que le précédent. Le vasselage des fiefs de Hautval et d'Ancenis est conservé temporairement par la couronne. Le duché de Langehack est déchu en marquisat, le comté de Missède, illégitimement élevé en comté, est rétabli en baronnie.

Le marquisat de Sainte-Berthilde est remis à Louis de Saint-Aimé et à ses descendants ; la baronnie d'Olysséa est conservée temporairement par la couronne, sa régence sera assurée par un envoyé du Roy.

Le marquisat de Serramire est rétabli au rang de duché, et le vasselage du Fort-Norkan, avant cela velterien, est remis au duc de Serramire. De la même manière, la couronne reconfirme la suzeraineté du marquisat d'Odelian sur le fief d'Isgaard. »


Alors qu'il prononçait ses dernières paroles, le marquis devenu duc ne put réprimer un rictus. Il y a dix ans de cela, l'homme, éploré par le deuil de son propre père, avait boudé les festivité données par Sa Cécité - et par là même, certainement manqué d’épargner à ses terres natales l’opprobre qu'on leur avait jeté. Aujourd'hui, plus d'une décennie après cela, il rétablissait enfin la balance.

« Le Roy a une dernière consigne pour chacun de ses sujets... festoyez céans en son nom! Longue vie au Roy! »

Pour accomplir la grandeur de Serramire, Aymeric ne pouvait désormais se contenter de son isolement nordique ; il lui faudrait assurer la bonne tenue du Royaume tout entier. N'était-ce pas, après tout, la meilleure des choses ? Quand les intérêts de l'État et de son chef se confondent, n'est-il pas naturel d'être bienveillant ? Il baiserait la Couronne, il la baiserait passionnément, et elle le lui rendrait bien.

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MessageSujet: Re: Où l'on guérit d'une gonarthrose chronique   Où l'on guérit d'une gonarthrose chronique I_icon_minitimeMer 11 Juil 2018 - 16:30




On ne pouvait pas retirer au marquis – pardon, au duc – de Serramire sa réactivité. A peine nommé régent, il sortait de sa manche un dignitaire pour chaque dignité. Non content d’enterrer l’ordre du jour établi par quelque illustre inconnu décidé à réunir ce concile, il imposait son propre agenda. Le temps des propositions semblait révolu. Déjà. Le régent se faisait d’un coup avocat du roi, comptable du roi, intendant du roi. Il n’avait de cesse d’abaisser, de rehausser, de reprendre et de donner. La liste était si grande, les pouvoirs que s’arrogeait le duc de Serramire débordaient tant et les nouvelles s’enchaînaient si vite que le marquis d’Odélian, se sentant pris d’un vertige, se demandait si tout ce qu’il entendait était vrai ou le fruit de délires provoqués par sa fièvre.

Gaston Berdevin, affaibli par ce mal ou agacé par ces édits, n’observa la dernière consigne du roi qu’avec parcimonie. Après quelques plats qu’il picora sans entrain, il pria la compagnie de lui donner son congé, au moins jusqu’après les jeux et les chants qui concluront sûrement la fin du dîner et annonceront le début du souper. Le grand blond, prétendait-il, devait recouvrer quelque énergie afin de n’être pas mauvais hôte. Peut-être craignait-il de nouvelles annonces qui accroîtraient encore l’influence du régent et de sa cour, ou était-ce les messes basses entre le chancelier, le régent et l’amiral qui avaient décidé l’Odélian à écourter sa présence ?



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MessageSujet: Re: Où l'on guérit d'une gonarthrose chronique   Où l'on guérit d'une gonarthrose chronique I_icon_minitimeMer 11 Juil 2018 - 19:04


À peine nommé régent du royaume et voilà que les décisions tombaient une à une, imposée par la volonté de fer d’un homme élevé grâce à son talent et à sa ruse. Cela fit froncer quelques sourcils dans l’assemblée, mais voila ce dont avait besoin le royaume : quelqu’un qui tranche. Même si les décisions ne faisaient pas l’unanimité, il fallait quelqu’un pour indiquer la marche à suivre et rappeler à l’ordre les quelques têtes folles qui espéraient faire la pluie et le beau temps. On prononça des sanctions pour Soltariel, plus d’impôt pour une année. Ça sera compliqué, mais pas impossible. Dans l’immédiat, Tibéria préférait se concentrer sur les célébrations, sur le petit roi qui hériterait à sa majorité d’une terre, espérons-le, unifiée et pacifiée. Le chaos faisait place à l’ordre. Tibéria s’inclina une fois de plus, saluant l’audace du nouveau régent. Désireuse de ne point attirer l’attention, Tibéria resta silencieuse, mais un faible sourire flottait sur ses lèvres. Pierre par pierre ce royaume sera reconstruit et pour la première fois depuis trop longtemps, il parlera peut-être à l’unisson.
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MessageSujet: Re: Où l'on guérit d'une gonarthrose chronique   Où l'on guérit d'une gonarthrose chronique I_icon_minitimeLun 16 Juil 2018 - 8:20

Renaud posa le genou au sol, et il rendit le serment envers Bohémond avec un grand enthousiasme. Enfin la royauté était de retour, forte de nouveau, du moins tant que ses pairs, et le Régent, le souhaiterait. Il faudrait du temps à la couronne pour retrouver sa puissance d'antan, se consolider, et pouvoir faire front même seule face à ses détracteurs. Les armées royales étaient exsangues, et il faudrait les reformer. A l'époque Arsinoé avait enfin redonné le titre légitime de Duc d'Erac à Léandre, reconnaissant la forfaiture de Trystan lorsqu'il avait fait main basse sur un Duché sur lequel il n'avait aucune légitimité, ni aucune revendication qui soit. Renaud n'avait pas compris ses frères lorsque ceux-ci n'avaient pas appuyé le Roy contre Velteroc, Comté qui avait ouvertement fait sécession de son Duché suzerain, même si ce dernier traversait à l'époque une période sombre et trouble. Tout ceci était maintenant terminé, et tout allait rentrer dans l'ordre. Malheureusement la suite des évènements allaient être une vrai douche froide pour le Duc.

En effet, quand le Grand-Chancelier prit la parole, les sanctions tombèrent. Il était grisant de se dire que pour une fois, la justice allait être rendue, chose rarissime ces derniers temps. Et pour le moins que l'on puisse dire, elle allait être impitoyable. Renaud ne comprit pas très bien les raisons de celles qui venaient frapper Erac à plusieurs reprises. Il était au courant du fait que Velteroc serait ramené au rang de baronnie, et il trouvait normal, bien qu'embêtant pour lui, le fait que l'ancien comté doivent rembourser sur ses impôts. Cela n'aiderait pas la terre à se redresser. Il savait aussi, suite à une discussion en amont avec le Régent, que Hautval et Ancenis, ne lui seraient pas remises. Ca, il l'avait en travers de la gorge, mais il s'était décidé à rester patient, et à attendre pour essayer de comprendre la démarche du Régent. Mais lorsqu'il entendit qu'Erac allait devoir remettre également une partie de ses impôts, et dans les mêmes conditions que Hautval et Ancenis, il ne comprit absolument pas. L'on pourrait lui redire que ses frères n'avaient pas aidé la couronne, et pire qu'Harold avait essayé d'usurper celle-ci, et ce serait vrai. Mais Renaud n'avait il pas ramené Erac dans le giron royal avant que tout n'éclate, au risque de se faire attaquer par le médian ? n'avait il pas levé ses armées pour la campagne qui avait eut lieu, et n'avait il pas marché de concert avec le nord pour rendre au Roy ses terres ? n'avait il pas payé en sang et argent au même titre que les nordistes, dans la mesure de ses possibilités ? et n'était il pas d'ailleurs le seul à avoir des troupes actuellement au sud pour appuyer ce même Roy qui le sanctionnait pour tout remerciement ?

Il semblait que seul le nord soit récompensé, et même Odélian, qui avait si peu participé, la ou tous les autres avaient été durement frappé par la justice royale. Il ne comprenait décidément pas Aymeric. L'homme parlait alliance, mais il semblait freiner des deux pieds lorsqu'il fallait faire la démonstration de celle-ci. Il donnait d'une main, et reprenait de l'autre. Punissait il le Duc d'avoir remis en cause le mariage avec sa sœur ? Renaud ne le savait pas, il ne savait plus quoi penser, ni quoi, ou qui, croire. Il resta bien entendu lors des festivités qui suivirent, afin de ne pas faire parler à son encontre, mais l'appétit, et le sourire, ni étaient pas du tout. Et dès que la bienséance le permit, il se retira dans son manoir pour murir tout cela. Sa première décision, dès le lendemain matin, fut de rapatrier la moitié de ses troupes se trouvant à Soltariel. Il laisserait les autres en gage de bonne foi, et ne voulant pas s'attirer l'ire du Régent, mais vu les sanctions, il allait devoir revoir les comptes du Duché, et faire des économies. Et puisqu'il semblait que la fidélité ne soit, contrairement à ce qui venait d'être dit, pas de mise, autant la minimiser tant qu'on ne lui aurait pas montré que son investissement serait reconnu.




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