~ La fortune sourit aux audacieux ~
Fin de Verimios, An 10
- Franco, vous êtes sûr que c’est une bonne idée ? Nous ne connaissons personne là-bas. Ces gens n’ont pas attendus que nous arrivions pour se lancer dans la reconstruction de leur port vous savez …Franco soupira, même s’il touchait certainement à sa fin, ce voyage commençait à l’épuiser.
- Je suis déçu Cléandre, je pensais que tu avais une meilleure opinion de moi. Force est de constater que lors de ce voyage tout ne s’est pas toujours déroulé comme prévu mais nous sommes toujours là. Avec nos connaissances, nos avantages, mes titres déchus … Les Sept-Monts sont définitivement un bon endroit pour nous reconstruire. Nous en avons longuement parlé et je suis sûr de ma décision. Cléandre s’était montré de plus en en plus sceptique depuis que les deux hommes avaient quitté Thaar. Peut-être que le jeune valet envisageait une vie d’opulence dans la capitale estréventine. Mais ça aurait été mal connaitre Franco. Si l’ex duc de Soltariel avait quitté les terres péninsulaires ce n’était certainement pas pour retrouver une vie inintéressante et facile de l’autre côté de l’Olienne.
- Fais-moi confiance Cléandre. Ces gens ont tout à gagner. Nous avons tout à gagner également. Après tout, ici, nous ne sommes l’ennemi de personne. Nous pouvons nous lier aux Princes Marchands, nous pouvons également nous lier aux naélissiens … Les eaux dans lesquelles nous naviguons sont troubles mais elles sont de bonne augure pour notre futur.
Après quelques jours supplémentaires de route, Franco et son acolyte parvinrent enfin en vue d’Hanning, capitale de la principauté des Sept-Monts. De ce qu’en avait entendu Franco l’ex duché avait été pillé par des commandos ordonnés par les différents Princes Marchands. Il faut dire que la prise d’indépendance de l’ancien duc, un dénommé Kodratos, n’avait pas enchanté ces derniers. Le soltari ne tenterait rien d’aussi risqué. Il ferait les choses progressivement. Et pourquoi pas se faire remarquer par les Princes Marchands ? C’était une nouvelle vie qui s’offrait à lui.
- Bien, nous voilà arrivés. Nous devons faire profil bas ici. La ville est sous pression depuis le retour en force des Princes Marchands. J’ai appris que Kodratos, l’ancien duc, avait été emprisonné. Je ne suis pas sûr que les gens d’ici aient à nouveau envie de faire affaire avec quelqu’un qui porte le titre de « duc ». Nous allons donc essayer de ne pas trop ébruiter mon identité. La ville d’Hanning était bien différente de ce que les deux péninsulaires avaient eu l’habitude de voir jusqu’alors. Elle ne ressemblait ni à une ville péninsulaire ni à ce qu’ils avaient pu voir à Thaar. Hanning était une ville de taille moyenne, mais bien située. Dans les collines pour se défendre des envahisseurs, mais proche de la côté de la mer Olienne pour construire un port dans une ville annexe. Non loin également de l’Anaëh, les possibilités ici étaient multiples. L’architecture locale était tellement particulière … La ville semblait inspirée de ce que faisait les thaaris. Pourtant, de nombreux murs étaient faits de pierre grise comme dans le nord de la Péninsule. En fait, ce que se disait Franco c’est que cet endroit était une réelle aubaine pour une nouvelle vie.
Le lendemain matin, l’ex duc se mit en quête de quelque chose de très précis. Il cherchait un comptoir imposant d’un commerçant faisant du troc et de la production de denrées alimentaires. De ce qu’il avait pu apprendre dans les rues de Thaar, le domaine de l’alimentation générale et de l’épicerie était loin d’être monopolistique. Peut-être qu’il le deviendrait bientôt …
Il trouva rapidement un marchand de denrées alimentaires dont la devanture avait fière allure. Sans passer par quatre chemins, il demanda à voir le responsable de l’établissement. L’homme était bedonnant, en train de brailler au milieu de la cohue et d’apparence semblait originaire du coin. La conversation s’amorça après que l’homme entraina Franco dans un coin un peu plus calme du comptoir. Franco eut tôt fait de faire savoir pourquoi il était là.
- J’ai un tas de contacts en Péninsule. Ces gens seront ravis de commercer avec moi. L’argent coulera à flots pour nous, mais également pour ceux pour qui vous travaillez. - Mais tu crois quoi l’étranger ? Qu’on a passé notre vie à attendre qu’un gus débarque comme ça de nulle part pour lui confier nos affaires ?L’homme lâcha un rire gras, ce qui ne plus guère au soltari. Franco détacha une bourse qui était fermement accrochée à sa ceinture. Il la posa sur la table. Des pièces d’or massif s’étalèrent à la vue de tous. Un silence tomba sur le comptoir. Le marchand commença à s’emparer d’une pièce comme s’il voulait vérifier si c’était une vraie. Franco sorti sa rapière et la posa délicatement sur la main de l’homme. Tout le monde regardait la scène se dérouler, dans un silence bien trop anormal.
- Ce sont des vraies. Si tu ne veux pas me prendre comme collaborateur, je rachète des terres et je te fais concurrence. Je crois savoir qu’aucun prince marchand n’est tellement intéressé par les denrées alimentaires. Ils seraient peut-être ravis de savoir qu’un nouvel interlocuteur de choix va s’inviter autour de la table pour discutailler le bout de gras avec eux. - Tu es bien prétentieux, l’étranger. - Je sais simplement ce que je vaux. J’ai fait fortune ailleurs, je ferai fortune ici. Franco fit pivoter sa main afin de mettre en évidence l’énorme chevalière en or qu’il portait à son annulaire. Le soleil de la couronne soltarie fit son impression.
- Je crois savoir que vous êtes des gens efficaces, on dit ces derniers temps que les soltaris ont même définitivement damé le pion des ydrilotes. - Et je n’y suis pas pour rien. Le marchand dévisagea Franco. Sa main toujours menacée par la lame tranchante du soltari. Son visage semblait partagé entre jubilation et angoisse profonde.
- Qu’est-ce que tu veux, l’étranger ?- Je veux m’implanter ici. J’investis ma fortune personnelle dans ton affaire. Tu me prends comme associé. J’ai le même pouvoir décisionnel que toi, mais nous continuerons à faire affaires sous ton nom. En gage de sa bonne foi, Franco rengaina sa lame et tendit sa main vers son interlocuteur. L’autre semblait hésiter. Mais son âme de marchand opportuniste pris le dessus l’espace d’un instant et il serra la main de Franco de manière franche.
- Bienvenue au sein des établissements Kaichi et frères. Et la vie du comptoir reprit son rythme, dans la cohue et une ambiance plutôt détendue.