Celui qui va mourir vous salut! [Libre]

Naélis… Zaahrian n’avait certainement pas pris le chemin le plus direct pour se rendre chez les elfes, mais lorsqu’il avait tenté l’aventure la dernière fois, il s’était fait royalement chier en passant par le chemin le plus court. Dans sa tête, prendre une autre route rendrait peut-être les choses plus intéressantes. À moins que ce soit une tentative involontaire de repousser inéluctabilité de sa mort. Il allait mourir, Zaahrian en était certain. Malgré tout son talent, il ne faisait pas le poids contre l’un de ces putains d’elfes aux veines infusées de magie. À côté d’eux, il était faible, cassable et ce constat le faisait chier. Il pourrait fermer les yeux, mettre de côté sa vengeance et tenter de vivre sa vie comme avant, mais ça aussi c’était impossible. Il n’avait aucune raison de vivre. Guilin était mort en tentant d’aller le retrouver en Péninsule. Zaahrian le savait, car il avait retrouvé son arc dans une échoppe d’arme. Guilin ne s’en serait jamais départi sans qu’on le lui arrache de son cadavre. Depuis, la culpabilité rongeait Zaahrian comme un cancer. S’il n’était pas parti aussi longtemps sans donner de nouvelles, Guilin n’aurait jamais senti le besoin d’aller le retrouver. Du coup, son ami serait encore vivant et il aurait eu quelqu’un à qui raconter sa folle épopée en terre péninsulaire. Un gouffre s’était ouvert dans sa poitrine, une absence d’émotion. Il avait perdu son ami, son frère, la personne la plus chère de sa vie. Le seul truc bien de son existence c’était envolé. Une partie de lui était morte et le monde autour de lui n’avait plus la même saveur.

Puis, ce fut au tour de son père de mourir. Zaahrian connaissait à peine Halan et il avait passé son existence à l’haïr profondément jusqu’au jour où il apprit la vérité sur la relation entre sa mère et lui. Ils s’étaient laissés sur la promesse de se revoir. Il l’avait revu si admirer son cadavre en train de refroidir peut compter comme des retrouvailles. À vrai dire, Zaahrian ne l’avait confié à personne, mais il aurait aimé rejoindre son père et vivre avec lui. Il aurait voulu en apprendre plus sur sa vie et sur ce qu’il faisait. Il aurait peut-être même forgé! Zaahrian n’aurait jamais eu la patience d’apprendre tous les secrets de cet art, mais l’idée de faire quelque chose de ses mains qui n’impliquait pas de prendre une vie lui plaisait. Malheureusement pour lui, ça n’arrivera jamais. Une autre part de lui était morte lorsqu’il posa le regard sur le corps de son père. Maintenant, tout ce qui lui restait c’était son désir de vengeance, désir qui allait probablement le tuer.

Pourtant, il n’avait pas l’air d’un mec sur le point de mourir. Non, Zaahrian s’était sérieusement préparé pour cette entreprise. Sans parler des armes et de l’équipement, il avait prévu assez de vivres cette fois et il comptait même profiter de son passage à Naélis pour refaire le plein. Voilà la preuve que Zaahrian peut apprendre de ses erreurs, quand il le veut. Autre grande nouveauté dans la vie de l’assassin : un cheval. Il n’aurait jamais pu faire la route sans l’aide d’une de ces bestioles. Il savait monter, certes, mais il n’avait aucune affinité avec le règne animal et n’était pas cavalier naturel. Les chiens sont bêtes, les chats sont prétentieux et les chevaux sont trop nerveux pour en faire des créatures fiables. Au moment d’acheter la bête, Zaahrian s’était convaincu qu’il lui fallait un étalon avec du caractère. Le vendeur sembla tout à fait disposé, mais lorsque le blond lui expliqua ce qu’il comptait faire, il le dirigea plutôt vers un hongre au caractère placide. En fait, Zaahrian avait besoin d’une monture résistante capable de faire de la route. D’un côté il y avait le superbe étalon qui toisait le monde d’un œil mauvais avec sa superbe robe brillante et ses naseaux frémissants. De l’autre, il y avait cet hongre dont chaque fibre de son corps semblait hurler : achevez-moi quelqu’un. Ce mâle avait perdu toute volonté de vivre en même temps que ses testicules. C’est peut-être la pitié qui motiva Zaahrian à l’acheter ou le fait qu’il allait sans doute devoir l’abandonner à un moment ou un autre. Le hongre restait plus économique que l’étalon.

Bref, Zaahrian était donc à Naélis, enclave humaine qui tenait tête aux immortels. C’était peut-être aussi pour ça qu’il était là, pour voir qu’il était possible de se battre contre un elfe sans y laisser sa peau. Bon, ici c’était surtout les drows qui posaient problème, mais hormis la couleur de peau, il n’y avait pas grandes différences aux yeux de Zaahrian. Il se trouva une taverne avec une écurie pour y mettre le cheval. Il se prit une chambre dans laquelle il jeta tout son bordel dans un coin avant de rejoindre la grande salle avec la ferme intention de boire et de manger les réserves de l’aubergiste.

Un repas apparu devant lui, fumant et dégageant de bons arômes de nourritures fraîches. Pas de viande enterrée sous une quantité astronomique d’épices pour en cacher le goût avarié. C’était une assiette honnête avec une bière tout aussi honnête. À un moment de sa vie, Zaahrian s’était donné le mandat de goûter toutes les bières de l’Ithri’Vaan et de les classer de la meilleure à la plus imbuvable. Il avait même écrit le nom des tavernes visitées et des remarques sur la bière qu’on y consommait. Puis il avait perdu le bout de parchemin et abandonné le projet.

Il commençait à peine son repas qu’un étranger vint s’assoir face à lui et un seul regard suffit pour qu’il s’en fasse une bonne idée. Vieux, ce fut le premier mot qui lui vint à l’esprit, suivi tout de suite après de semi-elfe. Ses cheveux clairsemés de gris trahissaient un âge plus avancé que le sien. Merde, il avait une barbe et Zaahrian en fut aussitôt jaloux. Le regard perçant de l’inconnu lui fit ni chaud ni froid, mais sa barbe… Le blond n’a jamais réussi à faire pousser plus qu’un poil sur son menton et ce type avec une belle barbe broussailleuse ne pouvait que l’insulter. Tous les semi-elfes ne sont pas égaux en matière de pilosité faciale. « Même en me concentrant, je ne pourrai jamais avoir une barbe comme ça. » Fit-il remarquer en pointant le menton triomphant de l’inconnu. Son regard glissa ensuite sur la bière, revenant brutalement sur le sujet de la question. « Na, la bière sert juste à nous abrutir suffisamment pour qu’on se convainque qu’on a la solution à nos problèmes, pas pour en donner » Sur ce, il but une longue gorgée qu’il ponctua d’un rot sonore. « C’est pas la pire que j’aie bu dans ma vie. Alors, on se cherche un compagnon de beuverie ? Je suis tout à fait disposé à vider les réserves de ce cher tavernier. » Ajouta-t-il en se déchirant un morceau de pain pour le tremper dans la sauce.

Zaahrian se tortilla sur son banc de bois. Toutes ces heures passées sur le dos d’un cheval avaient fait travailler des muscles qui n’avaient pas l’habitude d’être sollicités. Il était raide de partout comme un p’tit vieux tout desséché et usé par le temps. Il tenta de se soulager en étirant ses longues jambes, mais rencontra plutôt le banc de son comparse en face de lui. Il s’excusa d’un sourire avant de répondre. « Peut-on attendre autre chose dans un coin aussi perdu ? » Il haussa un sourcil avant d’ajouter. « La pire que j’ai bu, c’est en Péninsule. Pour leur défense, la région se remettait d’une guerre et je crois que le brasseur, pour donner un peu de goût à son mélange, a décidé d’y faire tremper ses sous-vêtements. Ça, au moins, on reconnait que c’est de la bière et non pas le fond d’une cuve de lavage après que tous les vêtements de la maisonnée y soient passés. » L’imagine, aussi dégoûtante soit-elle, était criante de vérité. Les papilles ainsi que l’estomac de Zaahrian s’en souvenaient cruellement…

« Pour les humains je suis trop elfe et pour ces derniers, je suis trop humain. Ça dépend de quel point de vue tu te situes. Je suis Zaahrian, c’est tout ce qui m’importe. » L’assassin leva sa chope en salutation. Pendant longtemps, la question l’avait taraudé, surtout lorsqu’il prit conscience que les hommes autour de lui allaient vieillir et mourir alors que lui, il resterait jeune longtemps encore. Puis il avait cessé de s’en soucier, car il était un semi-elfe et c’est un fait que personne ne pouvait changer. Pourquoi se soucier de quelque chose sur lequel il n’avait aucun contrôle ?

Sans attendre de réponse de la part de l’étranger, il se contenta de se redresser tout en picorant dans son assiette. Nehril n’avait pas la langue dans sa poche. Un autre jour, Zaahrian aurait probablement éclaté de rire. Cette fois, seul un sourire apparut sur ses lèvres. « Je suis de passage. Je cherche quelqu’un et avant de m’enfoncer plus dans les terres, j’ai besoin de refaire mes réserves… » C’est alors qu’un éclat de voix attira son attention. Zaahrian leva la tête pour voir qui avait parlé. « Ce type me rappelle quelqu’un… »

Dante, oui il le connaissait. Les souvenirs remontaient à quelques années déjà, dans le secret d’une taverne près du port. Il se souvenait encore de l’odeur de poisson qui imprégnait le bois, des filles avides d’attention et de Guilin. Oui, il était là lui aussi. Casse-pied devant l’éternel, son frère avait grogné toute la soirée et n’accepta de se détendre qu’au moment où l’alcool lui embrouilla l’esprit. Il n’aurait rien avalé si Zaahrian ne lui avait pas coincé la tête sous le bras pour lui enfoncer le liquide dans le gosier. La vengeance fut terrible, l’assassin en portait toujours les cicatrices, mais pour Zaahrian, ce fut une excellente soirée et y repenser le rendait nostalgique. Il chassa ce fantôme de son esprit, car penser à Guilin n’allait pas le ramener. « La peur n’est pas stupide, elle te permet de rester en vie, mais il y a une différence entre avoir peur d’un molosse qui se poursuit toute dent dehors et d’un étranger aux oreilles pointues qui boit sa bière tranquille dans une taverne. » Souriant au-dessus de sa chope, il en but une autre gorgée avant de prendre la main de Dante. « Ça va… Ça fait longtemps, non ? Cinq ans, je crois… je ne sais plus. Je ne pensais pas passer le cap des 100 ans et me voici ici. » Il passa la langue sur ses lèvres. « Dites-moi, messieurs, tant qu’à être réuni ici, je me demandais si vous ne pourriez pas m’aider. En fait, je cherche des informations sur un elfe. Vous avez entendu parler de l’attaque à Thaar ? Elle est le fait d’un seul elfe qui m’a, en plus, pété les deux jambes et tué mon père dans la foulée. Sans vouloir entrer dans les détails, disons que je le cherche, activement. Je suppose qu’il est retourné en Anaëh où je suis tout à fait disposé à le suivre, mais si vous avez entendu parler de quoi que ce soit, même une rumeur. » Il y avait une forte récompense sur la tête de l’elfe, mais Zaahrian n’y allait pas pour l’argent. C’était nettement plus personnel et vu les capacités magiques de ce type, il fallait être fou pour se lancer dans une telle entreprise. L’Anaëh n’appréciait guère les étrangers et comme Zaahrian n’avait plus aucun sens de l’orientation dès qu’il se trouvait dans les bois… La dernière fois qu’il y avait posé les pieds, un serpent de 20 mètres faillit le dévorer. Malgré une blessure à une cheville, il réussit quand même à le tuer. Il regrettait qu’il n’y ait pas eu plus de témoin de cet exploit. Seul Yenaël l’avait vu. Putain, quel spectacle ce dut être ! Bon, sur le coup Zaahrian ne fut pas particulièrement enchanté, mais maintenant que le danger était loin et tout ça, eh bien, il n’était pas peu fier !

« Il a tué mon père, donc oui, je le pourchasse au risque de m’y casser les dents une fois de plus. » Apparemment, ces deux compagnons de table l’avaient également pris en chasse avec un succès mitigé. Ça le renseignait donc sur deux choses, non seulement il sera dur à retrouver, mais dès qu’il aura la main dessus, il avait intérêt à être au sommet de sa forme s’il voulait avoir une chance de s’en tirer. « Anduram, hein? Évidemment, pourquoi s’attendre à autre chose d’un mangeur de salade. » L’Anduram n’était pas réputé pour être une partie de plaisir à traverser, pas plus que l’Anaëh, d’ailleurs. Toutefois, il avait déjà goûté à cette dernière, Zaahrian était donc moins craintif à l’idée d’y retourner. D’un autre côté, il aurait préféré avoir un peu plus de certitude sur la localisation de l’elfe. Il n’avait pas envie de ratisser l’Anduram alors que ce qu’il cherchait ne s’y trouvait pas. L’assassin se passa une main dans les cheveux, pensif.

« Non, cet elfe est très puissant. Pour espérer l’avoir, il faut l’atteindre à distance, car dès qu’il est en mesure de nous voir… » Son regard en disait assez long pour qu’il n’ait pas à terminer sa phrase. «  Malheureusement, le meilleur archer que j’ai connu est mort. Je déteste la magie. C’est de la triche. À mon avis, tu n’es pas un homme si tu n’es pas capable de regarder l’autre dans le blanc des yeux avant de lui prendre sa vie. » En même temps, si Zaahrian savait aussi bien utiliser la magie, possiblement qu’il ne se casserait pas les couilles à attendre que l’autre soit assez près de lui pour le tuer avec une lame. « Si je le retrouve, je vais le tuer. Je ne peux pas laisser passer la mort de mon père sans rien faire. J’en ai fais la promesse. Ça ne me dérange pas de mettre ma vie en danger, ça ne serait pas la première fois que je tente un truc aussi stupide. »

« Tu sais, l’idée c’est de le prendre par surprise. Je n’ai pas l’intention de me planter devant lui en disant : tu as tué mon père, c’est à ton tour de mourir. Nous ne sommes pas dans une mauvaise pièce de théâtre.»

Zaahrian sentait le mal de tête venir. Cette conversation, il l’avait avec lui-même depuis son départ de Thaar. Les mêmes questionnements, les mêmes doutes et les mêmes conclusions. L’assassin savait qu’il se lançait dans quelque chose de pratiquement impossible, mais malgré ses réserves, une partie de lui voulait relever ce défi et prouver au monde qu’il est le meilleur.

« Dante, tu me dis depuis tantôt à quel point c’est stupide, mais tu veux m’accompagner? Il a eu la moitié d’une ville au cul et il s’en est sorti. Que j’y aille seul ou pas ne changera pas grand-chose. Je préfère y aller seul. »

Le discours variait légèrement entre les deux hommes, mais le fond restait le même : Zaahrian avait toutes les chances d’y laisser sa peau. « J’y étais. J’ai vu l’étendue de sa puissance. Il va utiliser sa magie avant d’utiliser ses poings, c’est certain. Cela dit, il faut être positif. Les elfes ne sont pas invincibles. Ils peuvent être tués, comme tout le monde et être un mage n’y change rien. Il faut simplement se préoccuper de ce qui vient avant l’instant où je lui planterai mon poignard dans le cœur. Ce n’est pas si compliqué. » Zaahrian haussa les épaules. « Non, je n’ai pas de plan autre que d’aller dans cette forêt, le retrouver et le tuer. Le comment, j’y verrai le moment venu. Je ne sais pas de quoi a l’air cette forêt ni ce que je vais y trouver. Je fonctionne à l’instinct et il m’a plutôt bien servi jusqu’à maintenant. » Il vida près de la moitié de sa chope d’un seul trait. « Il y a une chose cependant… Que faisait cet elfe à Thaar? Pourquoi a-t-il décidé d’attaquer la ville? Il était seul et il a fait pas mal de dégât. Est-ce que c’était un message envoyé par l'Anaëh ou a-t-il agi par intérêt personnel? C’est peut-être l’alcool qui me fait imaginer des choses, mais j’ai l’impression qu’il y a une partie de l’histoire que je ne connais pas. Mon père n’était pas dans la rue lorsqu’il fut tué. Il se trouvait à l’intérieur d’une demeure dans les Soieries. Le palais a été salement amoché et plusieurs de ses occupants tués… Qu’est-ce qu’il faisait là… Enfin non, je sais pourquoi il était là. Il se tapait la maîtresse des lieux, mais… Il y a quelque chose… Des réponses que j’aimerais avoir. Du coup… Du coup je me dis que le meilleur moyen d’approcher cet elfe, ce n’est peut-être pas en l’attaquant, mais en cherchant à lui parler. Il ne sait pas que je suis à sa recherche. Il ne sait pas que je suis le meilleur assassin de l’Ithri’Vaan. Il sait seulement que je suis la dernière personne qu’il a vu en quittant Thaar et que j’ai essayé de l’idée… C’est assez stupide comme idée pour que ça fonctionne, non? »

« Heu, non… C’est qui ce type ? » l’Ombre, jamais personne ne l’avait appelé ainsi. Du moins, pas à sa connaissance. On lui avait pourtant attribué bon nombre de noms au fil de sa carrière, certains peu flatteurs, mais c’est que les autres tendaient à le sous-estimer vu son attitude désinvolte et toujours un peu à côté de la plaque. Pourtant, Zaahrian était tout sauf idiot, mais que les autres le pensent l’arrangeait bien. Ainsi, ça lui donnait un avantage quand les choses tournaient à la confrontation et l’autre n’avait habituellement plus l’occasion d’alerter les autres sur la vraie nature de Zaahrian. « Ah… oui, ça me dit quelque chose. Il me semble avoir entendu un truc ou deux à propos d’un type qui se fait appeler comme ça. J’trouve ça plutôt pompeux. » Il haussa les épaules.

« C’est déjà ça… L’Anduram, on m’a toujours dit que ce n’était pas un endroit où trainer, mais je pourrais en dire de même pour toutes les forêts de ce monde. » L’offre était tentante, vraiment, mais Zaahrian ne pouvait même pas garantir sa propre sécurité, encore moins de deux autres personnes. Ils n’avaient pas l’air d’être débutants, mais l’assassin ne les connaissait pas. Il fixa chacun d’eux comme s’il cherchait un petit détail qui confirmerait ou infirmerait ses derniers doutes.

« Je sais ce que je fais. On a commencé à me former alors que je n’étais qu’un gamin et j’ai, aujourd’hui, plus de 100 ans. Cela dit, je ne peux pas vous payer ni garantir votre sécurité. Dès que je serai dans cette forêt, je protège mon propre cul et puis c’est tout. » Il disait cela, mais tous ceux qui connaissaient un peu Zaahrian savaient qu’il aidait toujours les autres même si ça le foutait dans une merde terrible après coup. Chaque fois, il le regrettait et, pourtant, il recommençait toujours. « Justement, vous avez eu la chance d’en sortir vivant, pourquoi prendre le risque à nouveau ? Bon, si vous voulez venir, je ne peux pas vous en empêcher, mais c’est à vos risques. »

Zaahrian regarda Dante en toute franchise. « Je n’ai jamais dit que j’avais besoin d’aide. Je te rappel que c’est toi qui a affirmé que je semblais prêt à prendre des compagnons avec moi. Certes, avoir un guide ne serait pas de trop, mais je n’ai pas les moyens de payer pour le risque que ça représente. Dès le départ, j’avais prévu faire ce voyage seul. Ne vient pas me reprocher de ne pas pouvoir te payer alors que c’est toi qui cherche à t’imposer. » Zaahrian pouvait être très sympathique, mais l’attitude de Dante l’agaçait. « Si vous choisissez de venir avec moi, vous ne serez pas payé, mais si, comme Nehril l’affirme, vous avez une raison d’y aller, pourquoi ne pas faire le voyage ensemble, du moins pendant un temps. Je ne vous demande pas d’affronter cet elfe. Lui, c’est mon problème et je le règlerai tout seul comme un grand garçon. Ce n’est pas la première fois que je me lance dans ce genre d’entreprise et les raisons qui m’y pousse ne regardent que moi. »

Le blond ne comprenait pas Dante. Jamais il ne leur avait proposé de travailler avec lui. C’est Dante qui supposait des choses et après il lui faisait des reproches, car les conditions n’étaient pas à son goût. Zaahrian n’avait rien demandé. Cela dit, l’offre de Nehril était intéressante et difficile à refuser. S’il connaissait le chemin et qu’il avait aussi à s’y rendre, voyager ensemble garantirait, en partie du moins, leur sécurité. « Maintenant que tout est clair, c’est à vous de voir. Je prévois partir, au plus tard, après demain dès l’aube. Si vous avez aussi des affaires à traiter là-bas, je ne dis pas non à un peu de compagnie durant le voyage, sinon, nos routes se séparent maintenant. »

Ah ah! Le chat sortait du sac. Dante ne voulait pas d’argent, mais il attendait un service de sa part. Zaahrian aurait préféré payer en argent, car il risquait de se retrouver embarqué dans une histoire pas possible. « Je suis content de t’avoir rendu service à l’époque, mais si ça ne te gêne pas, j’aimerais avoir quelques détails quand même sur ce que tu prévois me donner comme boulot. Je suis capable tout seul de me lancer dans des missions quasi impossibles, mais je suis un peu moins disposé à laisser les autres m’y jeter. » En gros, Zaahrian pouvait sans problème assumer ses propres mauvaises idées, mais prenait un peu moins bien celles des autres… Sauf si le risque en valait la peine, mais ça, c’était à lui d’en juger. « Ne le prends pas mal, hein. Pour l’instant, j’ai l’elfe en tête. On verra après, mais tu comprendras que dans l’immédiat, je ne peux pas te faire de promesse. » Il masquait le doute par un sourire et un air décontracté, mais la possibilité qu’il soit à la veille de marcher vers sa propre mort était bien réelle.

« Merde, tu n’aurais pas pu le dire plus tôt!? J’ai déjà payé pour la nuit! C’est ça, va dormir. J’ouvre les paris pour celui qui aura la plus grosse gueule de bois demain. Naturellement, mon vote va pour l’humain! » Zaahrian lui offrit son plus charmant sourire tout en se levant à son tour. La bière n’était peut-être pas la meilleure qu’il ait bue, mais elle faisait quand même son effet sur le semi-elfe. « Non, tout a été dit. Demain à l’aube je pars. Si vous n’êtes pas là, je vais faire sans vous. Si vous êtes là… Eh bien vous serez là. Sur ce, je vous souhaite une bonne nuit. »