Aux confins de l'errance ... [Viconia]

Torsion enivrante pour un sinistre écroulement dans les limbes du manque, de l’absence. Aimer et détester cette sensation. Chopinet, coucher. S’enivrer pour combler un abysse. Mais être bien incapable d’en réchapper. Naïf est celui qui croit pouvoir s’arracher de cette main qui ceint son cœur. Fou est celui qui danse avec la fée verte dans l’espoir impossible de trouver une dérobade. L’âme scindée en deux. Entre l’envie de garder ces longs doigts de noirelfe caressant les parois de son cœur, et l’aversion de les voir se retirer. Mais curieux, intrigué de savoir s’ils glisseront tel un drap sur une jambe ou s’ils arracheront son cœur et son âme dans la foulée. Ame et cœurs déjà scarifiées. Marqués au fer rouge depuis le premier jour où ce regard trop avide a voulu en voir plus ! Mais non, rien y fait. Alors que l’Aube se lève et que l’Artiste repense aux caresses intimes de cette amante, cette catin qu’il vient de quitter. Heure allongée gorgée de ces plaisirs extatiques bien incapable de colmater un désir toujours aussi insatisfait. Désir insinué en lui à cause d’une noirelfe.  

Mais un nouveau jour se lève et l’artiste sent bien qu’il y a quelque chose qui grandit en lui. Un changement comparé aux derniers jours. Comme s’il avait touché le fond et qu’il était peu à peu en train de remonter. L’absence s’est fait trop grande et même s’il désire toujours danser avec Viconia, l’absente, il sent que son corps essaie de se guérir de lui-même. Il éprouve la sensation d’être un tableau qu’un peintre est en train d’estomper. Et comme si le malicieux s’accrochait à son âme, il ressent comme un grondement s’exprimant au plus profond de son âme. Comme si l’artiste ne voulait pas que Viconia se fasse estomper. Après tout, il avait vu bien des femmes. Et même si la noirelfe était belle et attirante, il avait vu presque aussi beau, même si différent. Neleth essayait de comprendre ce qui lui arrivait alors il partit se retirer à l’écart, en dehors de la ville, dans la campagne environnante. Et après de longues méditations, il finit par conclure que c’était sûrement cette sensation de contradiction qui le mettait dans tous ses états. Une sensation de contradiction liée à cette transpiration artistique que dégageait la Noirelfe, bien évidemment. Cet odieux mélange rendait la situation explosive pour un cœur si sensible que celui du péninsulaire.

Une contradiction qui l’incita à s’empêcher lui-même de remonter la pente. Fini la méditation, il était temps de re-sombrer plus profond. Et pour cela, rien de mieux que les jeux d’argent. Et c’est pour cette raison qu’une fois rentré à Thaar, le duelliste se dirigea vers la place des lanternes. Vêtu d’une cape à capuche en laine feutrée verte foncée. De son éternelle chemise de lin ornée d’un gilet de toile noire mate. Et accompagné d’un pantalon du même genre et de sa fidèle rapière. Il planta ses bottes à l’entrée d’une salle de jeux. Mais on était à Thaar et ici, on ne jouait pas sur des tables. Aussi, les gens étaient assit sur des coussins dans une atmosphère amalgamé avec un brouillard d’encens. Des braseros étaient allumés ici et là et l’endroit n’avait pas vraiment de porte d’entrée, ni de façade. La façade commençait au deuxième étage afin de permettre de mettre des tapis dehors et de permettre à plus de gens de venir jouer aux jeux d’argents Thaariens. Il y avait un comptoir au fond de la salle et des serveuses Thaariennes s’assuraient que tout le monde ai de quoi boire. Au second étage, il y avait des salles pour les parties privées qui demandaient un peu plus d’intimité ou qui avaient besoin de tables. Cet étage avait aussi des chambres où l’ont pouvait approfondir le jeu à d’autres activités. Jeux qu’il partageait avec le troisième étage.

Neleth voyant deux places libres près d’un groupe de trois personnes, s’installa sur l’un des deux coussins tout en saluant le groupe. C’était trois mercenaires qui essayaient de s’échanger le gain de leur dernière aventure. Le jeu n’était pas très sérieux et Neleth estima que ca lui ira très bien.

Ils jouaient au Tonk, un jeu de carte qui demandait de compter. Si vous avez une figure, vous avez 10 points, si vous avez un As, 1 point. Et les cartes chiffrées valent la valeur indiquée. Les joueurs piochent une carte tour à tour et choisissent de déposer des cartes s’ils possèdent 3 cartes qui se font suite ou 3 à 4 cartes identiques. Celui qui possède le moins de points dans son jeu et qui le dépose gagne la partie. S’il gagne, les autres joueurs doivent lui donner la valeur indiquée par le jeu qu’il a déposé. Sinon, il doit payer à ceux qui ont une main égale ou inférieure le double de ce montant.

Le Tonk allait très bien à Neleth, c’était un jeu apprécié des soldats et assez facile à jouer. Il suffisait d’épier les visages des gens pour savoir qui pensait avoir un bon jeu. Et l’Homme de théâtre savait lire les visages à cause de sa profession. Mais ici, le but n’était pas de gagner mais bien de perdre. Alors, dès l’instant où il verrait qu’il était certain de perdre, il essaierait de perdre tout en respectant les règles.

Il était temps qu’il remonte sur le fil ! Et cet exercice d’équilibrisme était une bonne façon de le faire.

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Neleth se demandait comment il arrivait à perdre. Il fallait dire que son voisin avait été trop confiant et ne semblait pas bien connaître les règles. Pourtant la chance du débutant n’était pas avec lui. Cela faisait quelques parties qu’il faisait des actions stupides. Le duelliste cru même un instant que ce dernier le faisait exprès. Aussi, il faut bien heureux qu’il décide d’abandonner la partie afin de laisser sa place. Car en cette nuit noire, l’Homme de Théâtre voulait sombrer et il était hors de question que quelqu’un s’y oppose. Et il était confiant là-dessus car les trois derniers restants étaient habitués du Tonk. Ils l’écraseraient sans soucis.

Enfin, ca c’était avant que les noirelfes arrivent. Car s’il arrivait à perdre au début, tout changea lorsque ces derniers arrivèrent. Neleth ne savait pas pourquoi mais il n’aimait pas ce mâle qui venait de s’installer en face de lui. Quelque chose de malsain transpirait en lui. Et lorsqu’il s’assit sur le coussin, trop obnubilé par sa présence, il en oublie la présence de Viconia. Oui, il n’a même pas remarqué son arrivée. Ce qui est un comble avec un tel parfum qu’il reconnaîtrait entre mille ! A croire que l’accoutumance naturelle a fait son effet. Et ce n’est que lorsqu’elle s’assit à ses côtés qu’il reconnaît cette divine cuisse.

Pourtant, il n’ose pas lever le regard vers elle et plonge son nez dans ses cartes et le jeu. Il tente de résister malgré les divers assauts de la demoiselle. Et à force de résister, il finit vite torturé. Tourmenté par ce parfum exquis qui inonde ses sens. Par son interminable chevelure qui l’attire par ses sonorités à chaque fois qu’elle bouge. Mais surtout par ce sourire qui l’incite à admirer son doux visage. Il en oublie presque la présence de l’autre noirelfe. Il est même obligé de secouer le crâne pour se remettre à la partie. Quand à l’alcool, bien évidemment qu’il boit. Mais pas trop, ce soir, il veut garder ses moyens. Il a besoin de tout ses sens pour perdre alors il se contente de siroter le breuvage gisant dans une coupe en étain.

Mais il peste. Rien ne se passe comme prévu. Un phénomène étrange semble s’abattre sur le groupe. Comme si que la fée de la malchance s’était insinuée dans la partie. Tous commencent à perdre. Un par un. Chaque joueur est éjecté de la partie. Et le plus drôle dans tout ca, c’est que le duelliste gagne toutes les parties. Enfin, toutes, n'est pas le mot exacte. Les parties semblent malsaines, car, c'est toujours lui, Viconia ou l'autre Noirelfe qui gagnent. Comme si quelqu'un voulait truquer le jeu mais tout en restant discret. Sauf que le duelliste ne voit rien de suspicieux. Et bon dieu qu'il sait reconnaître les joueurs qui ont des cartes dans leurs poches. Il ne comprend pas pourquoi. Contrarié, il lâche son jeu sur la table et crie :

« Tonk ! »

Il tente le tout pour le tout car il veut perdre. Mais alors que les deux autres joueurs posent leurs cartes, il réalise qu’il a encore une fois gagnée. Son jeu possédant la plus basse somme de tous les jeux. Désespérant, assit en tailleur, il se jette en arrière pour s’allonger, dépité. Il pose ses mains sur son front en essayant de fermer les yeux. Il est perturbé. Il ne comprend pas pourquoi le sort s’acharne sur lui. L’idée d’avoir un ange gardien est inconcevable pour lui. Ca le tourmente, ca l’exaspère. Il ne sait plus quoi faire. Et cela doit bien amuser les deux noirelfes qui le voient ainsi tourmenté.

L’artiste, allongé sur le dos ne pouvait accepter que la chance soit à ses côtés. Soit il y avait un truc, soit les dieux se jouaient de lui. Et si Viconia était une redoutable joueuse de Tonk, qu’en était-il de lui ? Il vivait dans la cité des lumières, il passait ses journées à passer d’Auberge en Taverne. Echangeant performances artistiques contre pain, vin, jeux, conversation et une bonne tranche de rigolade. Il était censé pouvoir perdre s’il le désirait. Bien évidemment, on ne pouvait pas changer les cartes, seul le hasard était capable de vous les donner quand il n’y avait pas de trucage. Chercher les possibilités lui faisait mal au crâne. Il se souvenait du joueur assoiffé, du joueur vidé de ses écus. Il se souvenait avoir apprécié la serviabilité de cette Noirelfe. Quand à son acolyte, son caractère de Pirate restait un mystère pour lui.

Où était le rire en lui ? A trop descendre, il avait oublié la comédie. Il avait l’impression de vivre un dramaturge en temps réel. Même quand le dernier joueur vint s’effondrer sur la table, il n’avait même pas rigolé.  Et ces paroles en langues étrangères. Neleth ne comprenait pas les paroles des drows et se promettait de leur jouer un tour s’il en avait le temps.

Mais l’heure n’était plus aux songes, le commun de la Noirelfe vint titiller ses oreilles. Elle voulait une revanche. Elle voulait du contact. L’Artiste n’était pas sot, il savait très bien ce qu’elle voulait. Leur jeu du chat et de la souris était révolu. La descente aux enfers n’avait pas fonctionné. L’errance non plus. Il était temps de rejoindre les confins de l’errance. Il était temps de faire vibrer l’air et les cœurs.

Hors de question de lui répondre par les mots. Pas même lorsqu’il sent le bout de son délicieux pied contre sa jambe. Si elle le veut, il faudra qu’elle vienne le chercher. Puis, les yeux ouverts, il attend qu’elle revienne, qu’elle lui tend la main. Glissant sa main dans la sienne, il ne se relève pas de suite. Qu’est ce qu’il aime la délicatesse de cette main. Se met-il à penser alors que l’exotique parfum de sa compagne de jeu vient envahir ses sens, l’enivre. Pour la première fois de la soirée, il prend le temps de la contempler. Son regard perdu, caressant la naissance de sa poitrine, il hoche de la tête avant de profiter de la fermeté du geste de la Noirelfe pour se relever. Oui, il hoche à tout. Même au jeu. Mais ce soir, ce sera lui aussi qui décidera.

C’est une drow. Il pourrait avoir peur d’elle. Il sait ce dont est capable cette race. L’artiste est loin d’être naïf à ce sujet. Mais il est prêt à risquer de se brûler. Il sait aussi que ces jeux qu’elle lui propose seront loin d’être religieux. Ils ne sont que deux adultes qui partagent un peu de leur temps ensemble. Quoiqu’il arrive, tout doit être naturel. Neleth pense qu’il faut laisser le temps aux corps de se découvrir, de s’apprécier. Et ces pensées l’emmènent dans la salle.

Pendant que les esclaves s'exécutent à poser victuailles et breuvages dans la pièce, le duelliste arrange les coussins. Il n’est pas Thaarien, quand il s’asseoit, il aime être contre un mur. Une fois fait, il retourne près de Viconia et attends que les serviteurs sortent. Puis, une fois la porte fermée, le jeu commence.

Commençant à connaître son caractère, il la laisse approcher. Il veut apprécier cette félinité qu’il a vu et revu pendant des jours. Elle veut savoir comment il s’appelle et l’idée même qu’elle le veuille laisse courir un sourire énigmatique sur son visage. Et lorsqu’enfin elle se présente, il lâche son regard pour répéter plusieurs fois le sien dans son esprit. Il a besoin de s’en souvenir. Mais c’est à son tour de jouer cette fois. Rompant l’espace qui les sépare, il pose ses mains sur ses coudes et tout en la regardant dans les yeux, il lui dit :

« Vous ne connaissez pas mon nom ? Même les bardes se souviendront de moi lorsque je finirais dans la tombe. Je suis Neleth Senjak. Souvenez-vous-en. Car, un jour, je rejoindrais le voile pour devenir immortel. »

Il avait dit ca avec une voix calme et lente. Point de ton de scénette dans sa voix. Juste la simplicité. Et alors qu’il eu finit ses mots, il glissa ses mains le long de ses avant-bras pour aller saisir le bout de ses doigts dans une caresse volubile. Pour finir par faire un pas en arrière et tirer avec douceur Viconia avec lui en lui murmurant :

« Venez... nous avons tant de choses à nous dire, vous et moi. Tant de choses à partager. »

Il recula jusqu’à arriver contre le mur pour finalement s’installer sur les coussins en l’invitant à s’installer avec lui. Ils avaient tant de choses à se dire. Il avait tant de questions à lui poser. Puis, une fois que les deux furent installés, il dit, tout en regardant les astres à travers la fenêtre :

« Riatnoch mechola po unihfan di finranor nui fen ci. »

Pas question de lui laisser de traduction. Les mots ? Une langue qu’il venait d’inventer en jouant sur des sonorités qui donnait des phrases fluides.

« Moi, je sais aussi dire des secrets dans une autre langue afin que vous ne soyez pas capable de les comprendre. »

Lorsqu’elle vient tenter vainement de prononcer son nom, il ne peut s’empêcher de laisser se dessiner un sourire fin sous sa moustache. Sourire tué par le contact délicat de ses longs doigts sur ses coudes. Accompagné d’une cambrure qu’il ne manqua pas vu sa petitesse comparée à la Sombre. Et alors qu’il est assit, il frissonne encore de cette caresse qu’elle lui a offert lorsqu’il s’est séparé d’elle. Lui qui sourit toujours aussi finement à sa prononciation ratée de son nom. Même si tout ceci a été effacé voluptueusement par une Noirelfe hésitante mais décidée à venir s’installer gracieusement près de lui. Une grâce qui efface tout pour accompagner une belle femme qui ne mérite pas d’être salie par quelques accrochages due à une langue qu’elle ne maîtrise pas.

Si elle lui laisse une retraite possible, il ne s’en rend pas compte car il n’a nulle volonté de fuir. Tout comme le fait qu’elle inspire son parfum. Un parfum tirant entre la fragrance des blés et la noisette récolté par quelques écureuils nichant derrière l’écorce d’un chêne adulte. Pas vieux, pas jeune. Juste adulte. Mais soit !

Viens ensuite la bêtise toute droit sortie de son imagination. Heureux de voir que sa bêtise la fait rire, il l’accompagne dans ce rire appréciant toute la sensualité qui s’en dégage. Puis, il grimace lorsqu’il l’entend sortir une série de phrases totalement décousues. Mais est par contre intrigué par la fin de de sa phrase. Nelgeth sonne tellement proche de son prénom que ca l’intrigue. Cela fait deux fois qu’elle l’utilise et c’est déjà une fois de trop. Et lorsqu’elle lui propose d’apprendre sa langue, il nie de la tête lentement en posant ses yeux sur les siens.

Glissant son bras derrière ses hanches pour l’enlacer, il lui dit :

« Tu es mignonne. Mais je pense que je vais décliner la proposition. Je pourrais apprendre à parler Sombre en un an. Mais cela ne m'intéresse pas car je sais déjà dire l'essentiel maintenant : Nelgeth Linthar."

Puis, pour clore, il vient poser un baiser sur sa joue pour se pardonner. Avant de finir par un :

« Mais … ! Je veux bien te donner quelques cours de langue …. Commune. »

Insistant bien sur le silence pour laisser le doute sur le sens du mot « langue ». Puis, il expire et dit simplement :

« Tu es gentille mais même si j’avais envie de te faire un pied de nez avec cette phrase. Je vais devoir te confier que cette phrase n’est que le fruit de mon imagination et qu’elle n’a aucun sens. Mais… ! Ce fut assez drôle de te voir en chercher un sens. »

Finit-il avant de finalement reprendre son sérieux en posant son regard sur Viconia en lui demandant :

« Pourquoi es tu là ? Pourquoi la plus gracieuse des femmes viendraient à Thaar tourmenter mon esprit d’Artiste ? Comment as-tu fais pour monter sur le toit avec autant de facilité ? Serais-tu un fantôme qui vient me hanter ? Une banshee ? Quand vas-tu hurler pour me faire mourir ? »

Demande t’il avec attention. Curieux d’entendre ses réponses. Il imagine une banshee hurler pour annoncer sa mort. Il voit bien Viconia tenir ce rôle. Mais il a chaud aussi. La proximité de son corps contre le sien lui donne des idées. Et il est heureux d’avoir son bras enlacé autour de sa taille. Il peut enfin toucher ce qu’il a observé pendant tant de jours…

Alors que l’Artiste est pris d’un frisson agréable lorsqu’il sent la tête de sa compagne de chambre venir se poser contre son épaule, il ne peut s’empêcher de poser sa joue contre sa délicate chevelure douce. Il aime tout chez elle, surtout de la voir entortiller cette mèche avec délicatesse et langueur. Puis, alors qu’il veut poser son regard sur elle, quelque chose dans le firmament l’en empêche. Il est comme attiré par ce petit détail qui se forme dans le ciel. Il cligne des yeux plusieurs fois alors qu’il voit les étoiles se rassembler pour entamer un ballet.

Il ne rêve pas, une danse astrale se passe sous ses yeux. Il ne soupçonne pas que cette danse est magique car il ne connaît rien à la magie. Ce spectacle l’amuse et le bluffe. Il voit nettement la silhouette d’une danseuse, une danseuse qui ressemble à sa partenaire de danse. Mais c’est surtout ce qui se passe ensuite qui l’intrigue encore plus. Qui est cet homme ? Ce n’est pas lui, il est plus grand, plus costaud. L’Artiste est fasciné. Et alors qu’une mélodie monte, une mélodie orientale, il veut fermer les yeux mais ne peut pas, trop obnubilé par le ballet qui se déroule devant son regard.

« Hmm… »

Fait-il lorsqu’il la sent se blottir un peu plus chaudement. Le spectacle est tellement inexplicable qu’il pense même être en train de dormir. Oui et si tout ceci n’avait été qu’un rêve qu’il avait fait éveillé. Oui, peut être que tout n’est que rêve. Qu’il est victime d’un maléfice l’emmenant paupières closes dans cette danse et cela depuis le jour où il a décidé de grimper sur les toits de Thaar afin de prendre de la hauteur. Depuis ce jour, où, au détour d’une cheminée, il l’a vu dans ce jardin. Oui, il ne le sait pas mais son cerveau essaie d’élucider l’incompréhension. Car comme le dicton le dit : La magie, c’est juste des détails de la réalité qui ne sont pas encore expliqués.

Mais malgré qu’il rêve, il resterait bien là avec elle pendant des jours, des semaines, des mois, des années. Après tout, le temps ne compte pas dans les rêves. Cet amour courtois qui se dessine devant ses yeux, dans ses bras, autour de son cœur, son âme est agréable. Il fait vibrer son petit cœur sensible. Et les phrases qui accompagnent cet enchantement sonnent avec douceur à son oreille. Il veut y répondre mais il est trop attiré par cette danse qui se transforme, qui disparaît. Alors, il se contente d’admirer le spectacle. Il voudrait la suivre, ne pas la laisser s’échapper, mais il ne peut pas. Cette Viconia, définitivement onirique à ses yeux, tient sa main, son corps, son cœur. Cette langueur, cette romance miellant son oreille est trop irrésistible.

Cela fait de Neleth, un rêveur frustré. Ce spectacle est le truc de trop, l’indice essayant de convaincre le rêveur que tout ceci n’est qu’un rêve. Il veut se lever pour aller voir. Trouver le marionnettiste qui commande son rêve. Il aimerait, il veut sauter par la fenêtre pour courir dans les rues de Thaar. Il veut suivre ces étoiles. Mais il ne peut pas. Il est coincé. Son cœur emplit d’un dilemme terrifiant : Chasser les étoiles ou rester bien au chaud au creux de cette romance câline.

Mais pire encore. Qu’arrive-t’il aux pauvres rêveurs lucides ?  Qui sait ce qu’il advient d’eux et de leur âme lorsqu’ils retrouvent le goût de la réalité. Est-ce que le goût des choses réelles devient amer ?

Pour le moment, il ne sait pas quoi faire. Alors, il attend, tout en l’écoutant chanter. Il attend comme un rêveur qui subit. Quelque chose s’est brisée en lui. Le spectacle, même s’il était la chose la plus magnifique qu’il ai vu en ce monde, était définitivement de trop. Sa main libre s’arrêtant à mi-chemin fait mourir un souhait profond d’attraper les étoiles. Une frustration vaine d’un rêveur drogué à l’opium et qui n’a même plus la force de terminer ses gestes. Une volonté assaillie par quelque chose d’impromptue. Quelque chose qui tente de tout effacer. Qui tente d’instaurer une plénitude dans le cœur du rêveur. Qui tente de lui imposer quelque chose qui ne lui ressemble pas. Alors, impuissant, il accueille ses lèvres chaudes, il accueille cette main qui glisse dans sa chevelure, qui arrache quelques frissons au creux de son âme. Mais alors que d’autres auraient sombré, lui, il l’interrompt. Posant son index en travers de leurs lèvres, tel un obstacle infranchissable, pour dire d’une voix faible, très faible. La voix d’un rêveur résigné :

« Vous avez vu … Dans le ciel … Les étoiles … Elles ont dansées … C’est impossible… les étoiles dansent… c’est magnifique … Il doit y avoir quelqu’un qui me joue un mauvais tour …»

Il ferme les yeux, il se pense rêver lucidement et sait que pour se réveiller d’un rêve, il faut fermer les yeux, tenter de s’endormir. Sa main tombe le long de son corps. Son rythme cardiaque ralenti, sa respiration se fait plus profonde. Oui, il essaie de s’endormir, murmurant entre ses lèvres :

« Maudites étoiles filantes ! Je reviens … vous êtes merveilleuse, magnifique… la plus belle chose que j’ai vu de toute mon existence… mais vous ne pouvez pas exister… je dois me réveiller… Denna m’attends... de l’autre côté. Pardon… Ô divine chimère … »

Puis, il se tait. Et tente de s’endormir contre Viconia. Elle n’a plus d’importance. Il est juste un rêveur lucide dans son esprit et elle, une chimère qui n’existe pas. Mais, il n’arrive pas à s’endormir…