Courrier à la Haute Prêtresse de Kÿria (PV)

Nakor avait fini par rentrer dans sa guilde après de longues ennéades passées dans la forêt d'Aduram. Après avoir prit seul le chemin du retour et avoir dit au revoir à ses compagnons d'aventure, il eut tout le loisir de réfléchir à ce qui venait de se produire. Il avait arpenté une forêt dangereuse ce qui n'était pas une nouvelle pour lui, mais il y avait affronté ses amis en plus des puissants Gardiens. En effet, s'il n'avait pas été présent, Loethwil, dans sa première furie de possession, aurait assassiné ses autres camarades. Le vieillard avait dû faire face au pouvoir destructeur de son ami archimage élémentaliste. Il avait réussi à le contenir et Nehril avait fini leur oeuvre. Le deuxième Gardien n'avait pas eu le temps d'opérer son mystère et ses pièges : Loethwil avait donné un ordre et Nakor avait bloqué les mouvements de la créature avant que la flèche de Dante vienne tout simplement à bout de leur ennemi sans que personne ne pose de question. Une opération à faire froid dans le dos tant elle avait été faite sans réfléchir. Enfin, le dernier grand Gardien mit du temps à se découvrir et déploya des torrents de puissance et de magie. Ils avaient fini par en venir à bout grâce aux éclairs et la malice du vieux fou ainsi qu'à ses souvenirs, son coeur, sa vie et ses émotions sincères. Mais le couronnement de tout cela n'avait pas été une joie intense et une fête pleine de camaraderie, non, cela avait été une séparation dure et froide, et surtout, pour le vieillard, un cadeau laissé par la forêt qui lui donnait l'effet d'un coup de poignard dans le dos. Une marque, issue de la magie noire d'Unvan le terrible et qui avait formé sur son vieux torse usé par le temps, un tatouage, une sorte de main griffue. Si cela n'était qu'une marque, comme un souvenir de bataille, cela laisserait Nakor froid comme la glace. Mais là, ce symbole semblait créer un effet détestable sur les elfes qui s'approchaient un peu trop prêt du vieux sorcier. En effet, une antipathie forte et viscérale prenait possession des sylvains s'il s'en référait aux comportements de Loethwil et surtout de Nehril. C'est là, sur son tapis volant, en s'approchant de la guilde dont il était le Magistère qu'il se mit à réfléchir à voix haute

"Satanée forêt! Ce Gardien représentait toute la haine et la soif de domination des hommes, toute la peur que les elfes ont des êtres humains et de leur furie de vivre, toute la rancoeur des anciens cycles où le peuple humain et elfe s'écharpait. Et voilà que cela me tombe dessus! Je deviens la personnification de cette haine afin qu'elle puisse quitter la forêt et apaiser la Dissonance hallucinatoire que subissaient les elfes. Mais ça ne va pas du tout ça! Je suis un vieil ami des elfes, j'en connais plusieurs personnellement et je ne peux pas me permettre de risquer qu'ils aient tous envie de me tuer si je m'approche d'eux enfin. Et cette fichue marque ... on dirait la main de Kÿria. Il faut que je m'en assure et que je demande à Alfirin de ... non pas Alfirin, c'est un elfe. Je n'ai pas envie de me battre contre lui et de l'envoyer en soin intensif ... ni les autres membres du Firmament ... Pale-Sang-Bleu cela m'apprendra à aider les elfes! Ils me remercient avec quoi? Une malédiction? C'est une honte!"

Mais voilà qu'il approchait de sa tour. Les deux mages de garde étaient heureusement des humains. Il se posa devant l'entrée et prit rapidement la parole.

"Messieurs, bonjour! Faite passer le message : interdiction de monter dans mon bureau, excepté Eric! Faite passer le message. Qu'il vienne dans mon bureau dés que possible."

Puis Nakor décolla de nouveau et s'envola jusqu'au sommet de la plus haute tour pour entrer chez lui par la fenêtre. Il pu enfin s'asseoir dans son cher vieux fauteuil et souffler longuement. Il avait besoin de repos après tout cette aventure. Quelques dizaines de minutes plus tard, on frappa à sa porte.

"C'est Eric Maître vénéré.
- Entrez! Et combien de fois vais-je devoir vous dire d'arrêter de m'appeler Maître!
- Oui Maître céleste.
- ... pfff laissez tomber! J'ai besoin de vous. Vous allez descendre dans la bibliothèque et me récupérer le grand livre vert de la nature. C'est un ouvrage elfique qui parle du culte de Kÿria et sa cosmogonie. Vous me le ramènerez vous et personne d'autre est-ce clair? Je vous charge d'entrer à mon service personnel pour les ennéades à venir. Alfirin devrait prendre son tour d'ici peu, mais pour son bien, vous devez momentanément prendre son tour. Est-ce que je suis clair?
- Oui Maître du ciel et de la terre! Vous allez bien? Un souci avec notre ami elfe Alfirin?
- Non Eric non, tout va bien mais jusqu'à ce que je règle ... une affaire ... et pour leur bien, il faut que les elfes de notre guilde évitent de me rencontrer. Ainsi, s'il y a des demandes, si je dois sortir ou autre, vous devrez vous assurer que je ne les rencontre pas! Aller!
- Oui Maître parmi les maîtres."

Le jeune magicien de feu, Eric, s'en alla tout fier et content d'être pour quelques jours, le secrétaire personnel du seigneur des lieux. Juste avant qu'il ne ferme la porte, Nakor se leva et dit tout haut

"Eric! Il va de soit que les elfes ne doivent pas être au courant de ma nécessité de les garder un peu loin de moi encore quelques jours! Donc silence absolu! Vous trouverez une explication convaincante pour Alfirin ... d'ailleurs, c'est moi qui vais la trouver pour vous : il devra transmettre en personne, et de ma part, un courrier très important! TRES IMPORTANT suis-je clair?
- Oui Majesté suprême!"

Et le pauvre idolâtre se retira avec servilité.

"Pauvre fou ... il n'a jamais pu franchir le pas de me regarder dans les yeux!"

Et Nakor tira de son armoire, une bonne bouteille de fin et se délecta puis observa, par sa fenêtre, le ciel d'un bleu azur. C'est catastrophé qu'Eric apparu plus tard

"Je suis navré grand et puissant Maître divin, j'ai mis du temps à trouver le livre, je suis indigne de ...
- Taisez-vous!
- ...
- Et ne restez pas là comme un imbécile! Donnez moi ce livre et aller vaquer à vos occupations. Revenez me voir demain matin!
- Je vous ai amené ... euu oui Maître suprême oui à vos ordres ... je vous ai amené de quoi manger aussi ... à quelle heure demain?
- Au lever de l'astre Sol! DEHORS!"

Et Eric s'en alla en courant après avoir déposé le livre et un plateau de fromage et de pain sur le bureau du tout puissant Magistère du Firmament. Nakor hocha de la tête de droite à gauche comme pour signifier qu'il ne cautionnait en rien cette attitude servile d'imbécile.

"Remarque ... il a prit une bonne initiative, il m'a amené à manger! Tout n'est pas à jeter!"

Et Nakor explosa de rire en poussant ses affaires devant lui pour parcourir l'ouvrage. Il était rédigé en elfique ce qui ne posait pas de problème au vieillard et après plusieurs pages, il trouva enfin ce qu'il cherchait. Le symbole usité de la main de Kÿria. Il tira sur sa tunique une nouvelle fois pour bien l'observer et s'accorda alors à dire tout haut

"Oui ... c'est une main de Kÿria griffue ... oui ... oui."

Nakor décida de continuer de parcourir son ouvrage, en grignotant du fromage dans du pain et en sirotant un bon verre de vin. Une idée précise se formait de plus en plus dans son esprit tortueux.

Nakor termina de lire différents passages intéressant de l'ouvrage elfique et se cala contre le dossier de son siège en soufflant longuement avant de boire la dernière gorgée de vin de son grand verre.

"Bien ... je n'ai pas d'autres solutions!"

Et poussant un râle d'effort, le Magistère du Firmament se leva et alla jusqu'à sa lourde armoire. Il en tira un vélin antique et sa plus belle plume. L'encrier rempli d'un liquide violet se trouvait correctement fermé, en haut de sa dernière étagère. Il retourna calmement jusqu'à son siège, et se mit tranquillement en place, penché sur le papier, il planta avec précaution et habitude, sa plume et se mit à rédiger dans un elfique parfait, avec une main sûre

"
Haute Prêtresse de Kÿria,

Je viens, par la présente, demander une audience privée à votre haute autorité. Je suis Nakor de Nisetis, Magistère du Firmament. Si j'avais pu me déplacer et venir directement à votre rencontre, soyez certaine que je l'aurai fais. Cependant, le problème qui me pousse à solliciter une rencontre, m'empêche aussi de venir jusqu'à vous pour le moment.

Voilà plusieurs siècles que je suis un ami du peuple elfe. Je me suis battu, à maintes reprises, aux côtés des elfes sylvains, notamment auprès du Seigneur Timérion Adantar. J'ai contribué il y a plusieurs années, après l'empoisonnement du lac d'Uraal, à créer l'Alliance de la Lumière afin que les elfes, les humains et les nains ajoutent leurs forces pour aller combattre la terrible alliance des Drows et des Chaotiques. J'ai moi-même pris part au combat en affrontant la Prime Sorcière Aetherya afin de supprimer les nuages noirs qui donnaient des forces aux monstres serviteurs du chaos. Enfin, j'ai récemment rendu visite au peuple immortel où j'ai eu l'occasion de faire la connaissance de Loethwil, archimage élémentaliste, qui en plus d'être mon homologue elfe, est devenu un ami personnel.

Loethwil souhaitait se rendre en Aduram pour apaiser la Dissonance qui y régnait avec trop d'amplitude. Je n'ai pas hésité à l'accompagner, lui et trois autres camarades de fortune. Nous avons passé plusieurs ennéades en Aduram, allant au devant des pires dangers. Nous avons eu à affronter d'anciens et terribles Gardiens. Ma magie d'archimage élémentaliste humain poussé à son extrême, a pu protéger autant Loethwil que nos camarades guerriers. Je leur ai sauvé la vie à plusieurs reprises et lors de notre ultime affrontement, les forces déchaînées de la forêt dépassaient de loin le contrôle de Loethwil. J'ai eu à intervenir et mettre a terre notre adversaire, la réminiscence antique d'un seigneur de guerre humain, Unvan le terrible. Lorsque nous le défîmes enfin, une tornade de noirceur se condensa pour fondre sur ma personne et y laisser la marque d'une malédiction cuisante. Depuis, il suffit que je sois proche d'un elfe sylvain pour qu'une méfiance forte s'empare de lui, voir une haine et une antipathie dangereuse.

Cette marque, Haute Prêtresse, c'est la marque de Kÿria! La main de Kÿria, mais affublée de griffes bestiales. Je ne peux pas croire que cela soit un cadeau de la Mère de la Nature, car ce serait un remerciement bien empoisonné que d'empêcher un ami du peuple éternel, d'approcher de nouveau ses confrères.

Aussi, dans l'espoir de trouver une solution à ce problème, j'en appelle à votre expertise au sein de l'ordre de la déesse et vous demande audience. En espérant une réponse positive, je me tiens à votre disposition pour permettre une rencontre sans que la marque dont je suis frappé n'agisse aussi sur votre noble personne.

Mon émissaire, Alfirin Ithron, est un elfe de confiance à qui je me fie sans détour. Il me remettra sans tarder votre réponse sans y jeter un oeil si vous lui en donner l'ordre.

Le vieux sorcier sécha ensuite son vélin avec de la poussière de roche de Nisetis, roula son parchemin et le glissa dans un tube de scellement. Il y apposa le sceau de sa guilde de magicien représentant un soleil levant sur un lac, entouré de rayons flamboyants avec, écrit en dessous de l'astre de lumière, la devise de la guilde "Tout est magie, ou néant".

"Et voilà ... il n'y a plus qu'à prendre son mal en patience. Cependant, il faut aussi espérer que la Haute Prêtresse soit capable de résister à l'effet de la marque maudite. Ce sans quoi ... nous allons avoir du mal à nous parler!"

Nakor se mit à rire, comme depuis plus de six cent ans, à chaque qu'il lui arrivait quelque chose, de difficile comme de joyeux, l'idée étant de profiter au maximum de toutes les nouvelles expériences qui lui été donné de vivre. Tournant alors son siège vers la fenêtre de son bureau, le vieil archimage entra en transe méditative devant le spectacle de la nature afin de se ressourcer après toutes ces aventures. Son aura s'amplifia jusqu'à entourer sa forteresse et, comme la douce chanson qui rassure le soir, l'ensemble des membres de la guilde furent apaisés : le Maître était dans les murs. Au petit matin, une discrète secousse sur la porte se fit entendre. La barbe blanche quitta alors sa transe, en enfermant de nouveau en lui, une énergie pleine et entière, revigorée, forte, vive et intense. Eric entra en demandant des nouvelles du Magistère.

"Grand Maître, allez-vous mieux?
- Je vais très bien merci Eric. J'ai ce dont je t'ai parlé hier. Là, sur le bureau. Prend le et amène ce rouleau à notre ami Alfirin. Il doit se rendre par tous les moyens à sa disposition, le plus rapidement possible au grand temple de Kÿria en Alëandir. Et surtout, il doit remettre ce rouleau à la Haute Prêtresse en personne. Qu'il use de ses connaissances personnelles pour arriver à ses fins. Pas de retour sans une réponse! Va!"

Sans demander son reste pour une fois, Eric s'inclina à trois reprises avant de partir séant. Les choses étaient en place.