Chauve-souris pour Viconia

Première semaine de Karfias de l'an 14, après l'incident des écuries, cycle 11

Une créature tente tant bien que mal de trouver son chemin vers l'endroit qu'on lui a intimé de rejoindre. Ce n'est pas évident pour elle car elle doit descendre dans les profondeurs du Puy d'Elda depuis la surface. Et quand enfin, elle trouve sa destination, une Sombre la récupère pour écouter son message. Une fois le message enregistré, elle enferme la chauve-souris dans une petite cage puis s'en va délivrer le message à sa destinataire. Elle embarque la chauve-souris avec elle pour prouver sa bonne-foi, même si tous les Sombres ne sont pas capable d'en déchiffrer le message, certains aiment lire le message d'eux-même pour vérifier. Cette fois-ci, c'est Viconia qui est ciblée. Alors, elle va la quérir et une fois qu'elle la trouve, essaie de l'inviter à l'écart pour lui délivrer le message. Non, sans avoir donné un petit insecte volant à la dite chauve-souris.

J’étais sur le chemin de la bouche béante de notre foyer quand je me suis rappelé de deux choses : Toi et mes esclaves. Je ne pouvais te laisser sans explications.

Navré d’être parti comme si Tesso m’avait habité mais j’ai trop les nerfs à vif en ce moment. J’ai besoin de m’éloigner du Puy. J’ai besoin que les gens m’oublient un temps. J’espère que tu as trouvé l’une de mes mèches de cheveux. Fais en ce que tu veux, je ne pouvais pas te laisser sans te confier un fragment de moi. Nous nous reverrons. Ne t’inquiète pas pour mes esclaves, Faerlynn a l’habitude de mes absences. Quand à Patience, elle va ronchonner un peu mais finira par accepter. Tu peux y envoyer ta compagne de bain si tu crains pour leur sécurité, je t'en donne l'autorisation, n'envoie juste pas n'importe qui là-bas, ma manière de traiter les esclaves peut en choquer plus d'un.

Elle prend une pause avant de conclure le message par une question.

- Fin du message. Voulez-vous y répondre ? Je crains que la personne concernée soit hors du Puy. Cela va être compliqué, les chauves-souris ne sont pas à l'aise à l'extérieur de notre cher volcan.

Pour une fois, Viconia travaille seule. Les deux autres sont partis pour diverses inspections. Et, elle a envie d'être seule à vrai dire, le travail est la meilleure des panacées.

Pour le moment, elle est assise sur un divan, la tête en bas, ses longs cheveux serpentant au sol telles de longues créatures serpentines. Un traité théorique de magie en main, elle étudie pour augmenter sa connaissance magique théorique. A défaut d'être assez puissante pour pratiquer ce qu'elle va étudier, l'enchanteresse s'arrange pour être en mesure de le comprendre et de le maitriser. Sur papier du moins.

L'affront de Ryth, son insulte publique, tourne et retourne dans sa tête en sourdine. Dans notre langage moderne, nous appellerions ca un sous programme. C'est ni plus ni moins qu'une trahison. Il a fait un serment jadis et , quand il est parti de cette façon, il a brisé cette promesse. Et les X'Ianxin n'oublient pas, et ne pardonnent pas. Cette mèche de cheveux aurait eu du sens pour une humaine ou une elfe mièvre qu'il manipule à sa guise, pas pour une fille du Puy, sculptée à même la vie créée dans ces parois basaltiques. Cette mèche, sans explication, a suscité sa fureur plus qu'autre chose. Ne sachant pas trop où il s'en est allé, la triumvir a fait surveiller sa piaule et ses esclaves. S'il débarque, elle le saura. La triumvir n'a pas fait d'Édit encore. Attend qu'il se montre de lui même.

D'une main distraite, Viconia prend le message. Si son œil vert ne le parcoure que distraitement la première fois, elle fronce les sourcils en relisant la missive. Ne bougeant pas de sa position, la drow froisse le papier en boule qu'elle lance d'un geste désinvolte à l'esclave.

Bien… Qu'on m'amène les deux esclaves de Ryth'Ten Cormryld et qu'on les assignent, une au cuisine et l'autres comme lavandière. Qu'elles ne soient jamais seules et encore moins ensemble. Qu'elles ne sortent pas de l'Etat Major. Vous perquisitionnerez chez l'esclavagiste. Il est un hérétique, donc je veux l'édit usuel placardée et distribué aux accès de la cité. Si il revient, je le veux mort ou vif, aucune importance.

Elle a un sourire mauvais, suave.

Oh, il faut demander au Grand Architecte qu'il fasse un édit, puis rasez sa demeure, il n'y a plus rien ici pour lui à la cité d'Elda. L'espace dégagé pourra être utilisé par notre ami bâtisseur pour un usage digne de notre peuple. Je m'occuperai de ses esclaves, vu que c'est ce qu'il souhaite….

La rage de Viconia est aussi froide que le coeur de Teiweon. Elle retourne à ses études, l'esprit désormais clair et on ne peut plus concentré. On ne trahis pas une X'Ianxin, on ne l'humilie pas non plus. Puisse t,il prendre un an ou cent ou milles, Viconia se promet de bouffer son coeur avec des oignons.

Ryth n’avait pas l’esprit tranquille. Même si les pensées noires dominaient encore son esprit si lointain, il n’arrivait pas à résoudre le dédale dans lequel il s’était engouffré. Qu’est ce qui lui avait pris de s’en aller comme ca sans même laisser un mot à cette âme qui hantait la sienne depuis des siècles ? Pourquoi avait-il était aussi stupide ? Ce n’est pas comme ca qu’on traite ses amis, ce n’est pas comme ca qu’on traite Viconia. Ce n’est pas comme ca qu’il voulait traiter ses amis. Sinon, à quoi bon prendre soin et protéger ses esclaves s’il n’était même pas capable de prendre soin de Viconia.

Grognant, le cheval toujours au galop, presque en bas de la pente, il pesta et tourna bride. S’il allait vite, il serait encore temps de faire machine arrière. Il avait assez fuit pour la journée. Il était temps de réparer ses erreurs. Quitte à se damner si nécessaire. Mais hors de question de mener la Sombre sur le terrain de la guerre. Plutôt se planter lui-même une dague dans le cœur que de faire la souffrir ou sentir son regard de haine se poser éternellement sur lui.

Cavalant, désolé envers sa monture, il grimpa la pente aussi vite qu’il le pouvait. Puis, laissant son cheval à l’entrée, il s’engouffra dans les méandres du Puy d’Elda. Il ne savait pas trop où était Viconia. Il espère juste arriver à temps avant que la foudre s’abatte sur lui. Alors il essaie là où elle travaille. Il va pour taper à la porte en scandant à travers la porte :

« Viconia. C’est moi, Ryth. Je t’en prie, ouvre-moi. Je dois te parler. Laisse-moi t'expliquer. »

Mais il n'a pas le temps de frapper qu'on vient l'arrêter. Il n'est pas question de résister, aussi, il ne fuit pas et attend, les laissant venir l'arrêter. Il est désarmé. Mais son esprit perturbé n’a pas eu la présence d’esprit de s’équiper en cas de grabuge. Mais tant pis. Si cela doit se passer ainsi et bien tant pis pour lui. Il n’aura eu que ce qu’il méritait.

Viconia. C’est moi, Ryth. Je t’en prie, ouvre-moi. Je dois te parler. Laisse-moi t'expliquer.

Ce n'est pas Viconia qui lui répond, ni même les gardes de l'Etat-Major. C'est le messager de Viconia , avec sa pile d'édits qui a la surprise de voir l'esclavagiste monter les marches. Aussi fait il plutôt halte pour parler aux gardes en pointant le mâle. Le guerrier de faction siffle pour avoir des renforts. Aussi c'est cinq guerriers qui déboulent et encerclent l'hérétique, le visant du bout de leur lances. Il en connait certain Ryth, ayant fait ses classes avec eux. Il ne sert à rien de résister, il ne sert à rien de discuter. Il est proprement amené dans un salon sous bonne garde. Salon où il est prestement fouillé de fond en comble pour le débarrasser de toute arme potentielle. Le temps que l'inspection se termine, la porte s'ouvre, laissant passer Viconia vêtue d'une robe en voilage rouge et noire, une fine cordelette dorée enserrant sa taille fine. Ses yeux sont pâles, quasi blanc, sous la fureur qui l'habite.

S'avançant de trois pas, d'une main exceptionnellement baguée de lourds diamants, la prêtresse assène un retentissant coup de poing en pleine gueule du traître. Elle n'est pas particulièrement forte, mais jamais n'avait elle levée une telle main sur son ex-ami. En tant que membre de son clan, sa vie à lui lui appartient. Il l'a trahie, effacé des siècles de souvenirs en un caprice de diva. Ryth connait le dogme X'Ianxin.

La mâchoire contractée par la fureur, les lèvres de l'enchanteresse pincées, elle abat son poing une seconde fois, sur la tempe du mâle.

Il n’est pas venu pour se battre alors il se laisse faire. Les renforts ne sont pas utiles, Ryth tend les bras pour les proposer à ces porteurs de lance. Oui, il en reconnait quelques uns. Il fait même un clin d’œil à l’un d’entre eux histoire de lui faire comprendre qu’il peut venir, qu’il ne bougera pas. Rapidement entravé, il les suit là où ils veulent l’emmener. Il se retrouve dans un salon où il attend, se laissant fouillé à leur guise. Il ferme les yeux, il n’a pas beaucoup de temps, il doit réunir ses idées pour ne pas faire de bourde cette fois. Et lorsque la porte s’ouvre à nouveau, il regarde Viconia. Toujours aussi élégante qu’importe la situation. Il n’a jamais vu autant de pâleur dans ses yeux.

Il la regarde avancer, il sait ce qui l’attend alors il ne bouge pas, il attend qu’elle veuille bien lui accorder le droit de parole. Telle une digue, il réceptionne le coup de poing diamanté. Il a vu pire, le coup n’est même pas fort, juste assez pour former un hématome et laisser couler son sang sur sa peau anthracite. Il expire par le nez, il sait que ce n’est pas le dernier alors il encaisse le second. Dans la tempe, cette fois. Sa longue chevelure dégringole devant son visage. Ses yeux rougeoyants se posent sur Viconia. Il veut parler mais il attend qu’elle accepte de l’entendre. Il prie Uriz de faire brûler son feu en lui, car il va en avoir besoin.

Et si le cœur de Viconia est emplit de fureur, celui de Ryth saigne. Saigne à l’idée d’avoir brisé une chaîne si solide entre eux. A cause de quelques stupidités de sa part.

Amaranthe.

C'était le nom qu'il lui avait donné la première fois qu'ils s'étaient vu. Suffisamment enfouit profondément dans son âme. Il espérait que ce mot soit suffisant pour l'inciter à le laisser parler. Mais rien était sûr vu l'état dans lequel elle était.

Amaranthe…

Une drow dans la jeune adolescence… Même pas 50 ans. Un jeune Eldéen 200 ans… La première danse avec insouciance au beau milieu des masures qui constituent son royaume. A peine son corp commence t'il à accuser quelques courbes. Elle danse, seule, pendant que les autres dorment. Au son d'une musique qu'elle est seule à entendre, avec un partenaire qu'elle seule peut voir. Dans ses cheveux, une amaranthe y trône fièrement.

Les yeux verts se plissent méchamment. O oui elle se rappelle… Elle se rappelle aussi qu'il a fait un serment de sang envers elle, liant leur vies à jamais. Elthiriel lui a même demandé si Ryth savait ce qu'il faisait, réticente la vieille l'était. Mais le temps pressait et Ryth'Ten Cormryld pouvait se targuer d'être un membre fiable de leur clan, de même que ses parents, tout deux phoenixs noirs. Même la vieille marchombre s'était inclinée et lui a fait promettre, de veiller à l'intégrité physique et morale de sa progéniture au péril de sa vie. C'est lui qui l'a voulue… Et il l'a eue quand ce fut le temps.

Viconia n'attache pas grande importance au nombre d'amants qu'elle a eu. Mais le premier elle s'en rappelle. Ryth a été une constante plus ou moins présente dans sa vie. Elle a grandie, elle a gagné en force et en indépendance. C'est de ma faute, je lui ai laissé toujours beaucoup trop de pouvoir sur ma personne… Il ne le savait manifestement pas les conséquences de ce qu'il a fait voilà deux siècles. Sinon il aurait fermé sa grande gueule. L'esclavagiste a ce travers. Il se laisse porter par des passions chevaleresques digne d'êtres humains, il est inconstant, rêveur. C'est dangereux. Il a pensé la manipuler comme une de ces fadasses impures. A trop crapahuter dehors, il s'est fait contaminer.

Faible il est… hésite entre lui arracher la gorge de ses dents, arracher ses yeux ou le castrer. Il n'y a qu'une chose qui la retient. Elle est triumvir, sa vie et son orgueil ne lui appartiennent pas, plutôt Viconia Elthiriel X'Ianxin appartient t'elle à la cité d'Elda. Il convient de faire les choses selon les règles. Maintenant… Il faut décider plutôt selon quelles règles jouer.

Mais ce qu'elle aimerait lui arracher les dents et la langue à ce baratineur!

Pivotant souplement, l'enchanteresse lui tourne le dos et ca s'asseoir telle une reine sur un fauteuil à haut dossier. Le menton haut, la crinière hérissée, elle se dresse telle une statue imposante et terrible. Un geste gracieux de la main, elle hèle un des gardes de Ryth à elle et lui murmure quelque chose à l'oreille. Puis reporte son attention sur le prisonnier qu'elle regarde de haut, méprisante, dédaigneuse.

Parce que je respecte les règles divines et celles de notre peuple, je te donne le choix. Tu te soumet à mon jugement en tant que triumvir, tu te soumet au jugement de Meingal ou je te défie en ordalie. Tu as le droit, tu as le choix.

Il ne lui a jamais dit pourquoi il a utilisé ce mot et il ne compte pas le lui dire. Et c’est pour ça qu’il l’a prononcé. Car, il sait que ce mot a une valeur aussi forte dans son esprit que le sien. Qu’il fut le mot de trop qui les lia à jamais dans un enchevêtrement de racines inextricables.

Mais l’heure n’était plus à ces pensées. Il fallait observer la Sombre, attendre qu’elle veuille bien s’asseoir. Il sait ce qui l’attend. Il connait déjà les mots qu’elle va prononcer. Ryth est quelqu’un d’une loyauté sans faille. Il exprime ce besoin immuable de toujours la prouver même quand cette dernière n’a pas été discutée. Alors il regarde la royauté s'installer dans son fauteuil et attend. Et lorsque c'est à son tour de parler, il parle, avec les moyens qu'il possède. Il n'est pas un grand orateur, c'est un porte-lame. Alors, il fait ca comme il peut.

Tu sais pourquoi je viens de prononcer ce mot. Car, tu n’as jamais su pourquoi je l’ai prononcé la première fois.

Par les douze, Viconia. J’ai fais le serment de te protéger, toi et ton clan. Dans ce bain, quand tu m’as regardé, j’ai su que je ne voulais pas te mêler à ça. Mais tu m’as demandé, alors, je t’ai expliqué. Et plus on discutait, plus j'étais peiné à l'idée de te mêler à ça. Tu sais pourquoi je suis sorti habité par Tesso, car tu sais que j'aime régler les choses par moi-même. Et j’ai été stupide, j’aurais du te prévenir que j’allais affronter les douze. Mais non, j’avais l’esprit trop embrumé pour ça. Et tu sais combien j’aime régler les choses tout seul. Tu me connais comme si j’étais ton frère. Régler les choses moi-même pour te protéger de moi. Car j’ai fais le serment de ne jamais laisser personne te planter une dague dans le dos et encore moins la mienne. Tu es la première personne à qui j’ai pensé en quittant ces murs, tu es la première personne à qui j’ai écris, tu es la première personne qui m’a poussé à tourner brides. Tu es la Perle Noire, la pureté incarnée. Et j’étais prêt à affronter les douze fragments d’Elda plutôt que de t’éclabousser, te souiller.

Si je t’ai donné une mèche de mes cheveux, c’est bien parce que j’avais la certitude, l’esprit confus, de finir brûlé par le souffle d’Uriz. J’avais besoin de me prouver à moi-même que j’étais encore capable de passer les 12 rituels des fragments d’Elda.

Je te suivrais jusque dans les limbes de ce monde et tu le sais.

Que j’ai été stupide de partir comme un voleur ! J'ai oublié l'essence même d'un serment, savoir laisser les autres me protéger !

Dire que je suis sûrement l’un des plus croyants de cette cité. Dire que je suis sûrement l’un des plus loyaux. Je n’en reviens pas … dire qu’on m’a traité d’hérétique, moi, alors qu’il ne se passe pas une clepsydre sans que je m’en réfère à l’un des Douze. Alors que j’affronte les fragments une fois par an pour me prouver à moi-même que je suis encore digne de servir nos dieux. Si moi je suis hérétique alors la moitié du Puy d'Elda mérite une Ordalie depuis la débâcle du 11e cycle.

Et tu sais pourquoi tu as confiance en moi. Car, jamais je n’utiliserais le pouvoir que je possède contre toi. Même dans la mort. Tu peux me torturer pendant mille cycle si tu le désires, tu sais que ça ne servira à rien, car mon discours sera toujours le même que celui que je viens de te présenter. Et c’est ma faiblesse : Ma franchise.

J’en ai tellement marre d’être envoyé escorter des cueilleurs de champignons. Cette mage noire ne vient toujours que pour ça. C’est tellement du gâchis de ressources. Jamais l'étude noire ne me propose d'affronter un défi digne de ce nom. Par les Douze, je veux affronter les forces immuables de ce monde. C’est pour ça que je voyage aux services du Puy, dans l’espoir d’affronter quelque chose qui sort de l’ordinaire.

Je m’en remets à ton jugement, Viconia. Car, j’ai toujours été loyal envers toi et j’ai confiance en toi. Par les douze, pardonnes moi. Laisse-moi la chance, encore une fois, de prouver ma valeur.

Gloire à Uriz. Gloire aux douze.

Long monologue mais monologue utile. Il ne regrette aucune parole qu’il a dit. Sa voix est asséchée, il ne compte pas dire un mot de plus. Il en a assez dit. Son sort est maintenant entre les mains de Viconia.

Il n'y a qu'un doigt, un seul doigt, de la triumvir qui bouge, marquant une lente cadence au son de sa mélodie à elle, sur laquelle Viconia se concentre pour éviter de lui planter une lance dans le coeur à ce con.

Pendant qu'il monologue cependant, elle passe de l'idée d'une exécution sommaire à l'envoyer en esclavage avec celles qu'il aime tant dans un lointain avant poste militaire, le renvoyer en tant que piétaille dans l'armée, qu'il se rappelle ce que c'est que d'être un vrai Eldéen.

Mais une solution plus créative et cruelle se profile dans son esprit. En même temps que de racheter sa crédibilité au sein de l'Etude Noire. Un sourcil se hausse, le mur d'impassibilité se brise.

Vous pouvez quitter messieurs. Sauf toi et toi. Et dépose moi ces papiers s'il te plaît, j'ai besoin de toutes tes oreilles pour que tu puisse veiller à ce que mon verdict soit appliqué implacablement.

Dit l'Eldéenne en désignant un scribe qui fait le procès verbal de cette rencontre et son messager qui a encore les bras pleins d'édits.

Les griefs que j'ai contre toi sont multiples. Mais ce ne sont pas les motifs personnels qui prévalent en ce moment. Je réglerai ce cas plus tard. En ce moment, tu es fautif d'avoir refusé ton assistance à une professeur de l'Etude Noire. En tant que Chasseur, tu n'a pas à recevoir des ordres d'en haut. Un membre de cet établissement ou d'un autre se présente, c'est de ton devoir de fermer ta bouche et de suivre leurs ordres. Gaspillage de ressources? En quoi ravitailler les nôtres est un gaspillage de ressources?

Elle lève une main fine, interrompant une protestation dans l'œuf.

Je crois que tu passe un peu, beaucoup trop de temps en dehors de la présence de notre peuple. Il est temps que tu revienne aux bases. Il faut être juste, jusqu'à aujourd'hui, toi, Ryth'Ten Cormryld a servi le Puy de façon satisfaisante. Donc, avec mon messager TU va te rendre à l'Etude Noire, t'excuser publiquement auprès de Shyn'Tae Vaen're d'abord, auprès de ses supérieurs ensuite. TU va t'offrir, corps et âme à leur service. TU exaucera leur moindres caprices. S'ils veulent un de tes membres pour une de leur décoction, ta réponse devra être tout de suite et te couper le dit membre avec joie. Tu les servira jusqu'à ce qu'ils en aient assez de toi ou qu'ils me fassent part de tes progrès remarquables dans le respect de la hiérarchie inhérente à notre peuple.

Est ce clair, mâle?

Termine l'enchanteresse d'une voix polaire, glaciale. D'abord régler le cas de l'atteinte publique, ensuite… Ensuite… Laver le linge sale en famille, seuls.

Il ne sait pas vraiment si son monologue l’a convaincu. Il n’avait jamais été de ce côté de la barrière et avait du mal à imaginer ce qui pouvait sortir de la bouche d’un membre du triumvirat. Mais il apprenait. En soit, cette rencontre était une bonne leçon. Ryth aimait les ordres clairs. Et lorsqu’elle commença à parler, il l’écouta attentivement, presque satisfait qu’on lui donne des choses à faire et qu’on en dessine les limites. Il avait bien quelque chose à dire à propos de son argument sur le gaspillage de ressources. Il avait même un exemple à illustrer, s’imaginant lui en train de mourir d’ennuie sur son cheval, espérant presque qu’un crapaud vienne sauter sur Shyn’tae dans l’espoir de lui décocher une flèche dans le cul. Mais… elle ne lui en laissa pas l’opportunité, alors, il ne dit rien.

Vint ensuite les directives. Et à mesure qu’elle parlait, il plissa de regard emplit de réflexion. Il ne comprenait pas vraiment comment il pouvait aider l’étude noire mais se disait qu’il pouvait bien leur présenter des excuses. Il se cacha bien de lui dire mais cette punition était une réelle opportunité pour lui. Il allait avoir accès à l’étude noire. Et à la vue de ses compétences d’apprenti, il serait réduit aux tâches inférieurs comme faire l’inventaire, ranger des livres, chercher des choses, préparer des expériences, cueillir des plantes. En gros, assister l’étude noire. Cela faisait des années qu’il désirait pouvoir confirmer ses aptitudes en magie de l’immatérielle afin de pouvoir interagir plus étroitement avec les bêtes. Viconia venait de lui servir une aubaine de le faire sur un plateau d’argent et une excuse pour ne pas aller moissonner des esclaves et donc débloquer du temps pour étudier la magie.

Aussi, lorsqu’elle lui demanda si s’était très clair, il n’en laissa rien paraître et inclina la tête vivement en répondant :

Très clair. J’irais m’excuser auprès de l’étude noire et je ferais tout ce qu’ils me demandent. Qu’est ce que je peux faire d’autres pour vous aider à l’état major ? Avez-vous besoin d’autre chose ? Une créature ? Faerlynn se ferait un honneur d’être à vos petits soins et de s’assurer que vous ne manquez de rien au sein de votre bureau. Et encore moins de thé. Elle est très travailleuse et apprends vite. C’est sûrement l’esclave la plus loyale que je connaisse. Elle ne vous faillira pas.

Demanda-t-il finalement. Car, il savait qu’il ne pouvait pas laisser des siècles de soutien commun partir en fumée. Il se devait de proposer son aide à Viconia. Lui prouver que son serment n’était pas que des paroles en l’air.

Viconia plisse les yeux, telle une vipère.

Nous acceptons ton offre, cependant ce n'est pas Faerlynn qui se présentera ici demain matin première heure. Ce sera ta nouvelle. Parce que oui, je suis au courant pour ta nouvelle acquisition. Elle se rapportera à l'Intendant qui lui attribuera des fonctions à la mesure de ses talents.

C'est un choix logique pour la X'Ianxin, offrir l'esclave la plus vieille et indispensable à sa propre maisonnée? Quel esclavagiste ferait ça quand une nouvelle esclave moins formée, donc plus malléable techniquement serait plus appropriée? Pour l'Etude Noire, si Ryth pense que ca sera une colonie de vacances, Viconia sait ce qu'ils font faire aux apprentis de première année et aux esclaves. Nettoyer la merde des plus vieux. Il va déchanter vite.

Maintenant, messieurs, videz les lieux, le reste de mes griefs est de nature privée, il n'y a pas lieu d'avoir un procès verbal à ce sujet.

Le messager vient pour enlever les fers de Ryth, mais l'enchanteresse l'interrompt.

Non, laisse lui ses fers, il me plaît comme cela. Ne vous inquiétez pas pour moi, je ne crains rien.
Parce que personne, pas même Ryth, ne connait l'existence de ses leçons avec Kahvekah. L'arcaniste est pas mal moins vulnérable qu'elle n'en a l'air. Immmobile pendant que les autres quittent, Viconia ne fait que croiser une jambe délicieuse dans un silence pesant. Qu'il sache sur quoi il crache.

Expirant, il écouta les exigences de Viconia au sujet de son esclave et acquiesca à sa requête sans vraiment y répondre. Elle venait de choisir Patience, c’était son choix et il n’avait rien à lui dire là-dessus. Elle était talentueuse et serait utile à l’état-major. Pour le reste, il ne fut qu'à moitié surpris qu’elle demande aux autres de sortir car il savait qu’ils avaient encore un compte à régler elle et lui.

Lorsqu’elle empêcha le messager de lui enlever les chaînes, il ne dit rien de plus. Elle ne voulait pas jouer à la loyale, tant pis. Fers ou non, ca n’avait pas d’importance. Il avait enduré la bouche de Kiel maintes et maintes fois. Il avait joué à ces petits jeux de domination avec Viconia un nombre incalculable de fois, il ne savait pas ce qu’elle lui réservait mais avait une assez bonne idée. Lorsqu’elle croisa les jambes, il pria Kiel de lui donner la force puis les rouvrit pour plisser son regard rougeoyant dans le sien. Cette cuisse ne l’intéressait pas, c’était le regard émeraude de la Mage qui l’intéressait.

C’est ainsi qu’un regard perçant se posa sur celui de Viconia. Il resta silencieux. Il attendait de voir à quelle cuisson il serait mangé. Il était prêt à recevoir la pureté noirâtre.

Viconia le regarde durement, en attendant qu'ils soient seuls. Une fois cela fait, elle reprend la parole.

Tu m'a trahie… Tu as rompu ton serment… Maintenant écoute moi bien. Le lien qui nous liait, je l'utilise maintenant pour couper toute attache avec toi. Ta vie m'appartient et, en ce moment, je te la rend. Vas t'en maintenant. Accomplit les volontés du Triumvirat. Je n'existe plus désormais. Et toi, maintenant, pour moi, tu n'est plus qu'un mâle comme un autre. Va manipuler tes elfes, tes humaines et tes demi sang. Par contre, sur une Fille du Puy, ton pouvoir est nul.

La prêtresse de Valas lève la main et le congédie d'un geste sec.

Hors de ma vue et reste y!

Et de le fixer, imperturbable tandis qu'intérieurement Viconia recherche, trouve et écrase chaque souvenir commun comme on écrase un cafard sous un talon. Chaque instant qui passe voit se raffermir sa volonté et sa détermination à ne plus jamais se montrer vulnérable émotionnellement à quiconque.

Et de se demander, comment a t'elle pu bien voir en Ryth l'allié d'une vie. Un mâle exemplaire. Les failles et les faiblesses du guerrier lui sautent au visage en cet instant précis. L'affection qu'elle éprouvait se transforme en mépris et en dédain. S'il tarde trop, elle va finir par revenir à son idée première. L'enchanteresse va finir par le tuer.

D'une main distraite, Viconia joue avec sa cordelette dorée, la détachant et l'enroulant autour du poing.

La réalité te rattrape d’un coup, Ryth’ten ; tu prends pleinement la mesure de ce qu’est devenue Viconia maintenant qu’il ne fait plus aucun doute que tu l’as perdue. Il t’appartient d’en nourrir des remords ou des regrets ou de la rancœur, mais tu l’as enfin compris : ta vie est en danger. Un mot, un geste, une provocation de plus et elle retourna contre toi toute la puissance que sa téméraire ascension lui a procuré. Tu sens la colère monter en toi, mais un éclair de lucidité retient tout ce que tu as sur le cœur et dans ta gorge remonte une bile aigre qui t’empêche de parler.

Hier, tu pouvais rêver d’une vie au plus proche du pouvoir, à susurrer au creux de l’oreille de Viconia. Elle piétine les cendres de ce doux-songe quand elle te congédie d’un geste et les jours qui suivront seront pour toi comme un mauvais rêve. À Patience, tu annonceras qu’à nouveau les puissants se jouent d’elle. Elle comprendra que son devenir dépendra désormais du bon vouloir d’une des femmes les plus puissantes du Puy, dont elle ne sait rien encore sinon qu’elle a manqué te tuer. Puis, tu apprendras à vivre dans l’ombre de cette amie chère qui aujourd’hui n’attend qu’un faux pas de ta part pour t’éliminer.

Tu peux te consoler en te rappelant que le Puy est grand et le monde connu plus vaste encore. Il est une vie qui t’attend loin de Viconia. Ne l’oublie pas.

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Ombre fugace
Maître de ton destin

-Crédits de l'avatar: ETERNAL RETURN - Art of pierre / Alain D.
Site de l'artiste: http://www.3mmi.org/v9/

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