Arkuisa de la 7e ennéade de Barkios
14e année du Onzième Cycle
Appartements Royaux
Pendant deux heures durant, ton cœur, tes chairs et tes os ont hurlé en harmonie. Pendant deux heures durant tu les as poussés, tirés, étirés, contractés, pressés, distendus, distordus, écrasés et relâchés. Tu n’as plus l’impression d’être qu’un amas de bouillie organique, ne vivant plus que par la continuelle sensation de brûlure sifflant à travers ses moindres pores… et la sensation est grisante.
Derrière-toi gisent, les plus légers bien à leur place, les plus lourds laissés au sol, des lests de formes et de masses aussi diverses qu’il existe de muscles dans un corps. Face à toi, c’est un elfe qui se tient. Debout bien droit malgré l’épuisement. Un elfe immense, rendu plus impressionnant encore par son extraordinaire stature, dont les courbes étaient renforcées par le sang qui y affluait toujours abondamment.
Jamais de ta vie n’avais-tu vu pareille créature. Pour autant que tu le voies de face, et que tu ne puisses poser les yeux que sur ses merveilles d’épaules, arrondies au point de le rendre aisément large comme deux fois son congénère moyen ;
que tu ne puisses poser les yeux que sur ces pectoraux saillants, dont l’ombre ferait presque oublier la perfection du dessin des huit briques d’abdominaux qui s’emboîtaient en dessous ;
que tu ne puisses poser les yeux que sur ces bras énormes, au biceps et au triceps se déplaçant comme deux gigantesques sphères jumelles en réponse au moindre mouvement, toujours prêtes à ce que les immenses mains à qui elles offrent leur force empoignent une nouvelle montagne à déplacer.
Jamais de ta vie tu n’avais vu pareille créature, et dans ta fascination pour l’animal, tu t’en retrouverais presque intimidé. Et tu en es persuadé, la Bête l’a senti. Un frisson te court le long de la colonne vertébrale alors que dans un rictus carnassier, elle te dévoile une rangée de dents blanches. Ton pouls s’accélère quand de ses griffes, elle écarte une mèche de sa crinière d’or pâle pour dévoiler les glaciers brillant au cœur des longues fentes que sont ses yeux. Elle te regarde, t’impose sa domination avec une provocante cruauté, son nez se retroussant de fierté, creusant par la même occasion les fossettes parfaisant les proportions du diamant taillé qu’est sa face.
Ton palpitant saute un battement quand le rictus de l’animal se tend vers sa gauche, et que ses pupilles glissent vers le bas. Tu hésites à fuir alors que tu as peur qu’il te scrute, mais paralysé que tu es, tu ne peux que l’imiter, chercher la nouvelle direction de son regard, te retenant de défaillir alors que la grande patte de la bête, au travers du maigre habit qui était le sien empoigne son organe mâle avec arrogance. Tu ne saurais te targuer de pouvoir lire dans ses pensées, mais à ainsi le voir, il te paraît presque évident qu’en réponse à quelque primal instinct, l’impossibilité, même pour ses gigantesques battoirs, d’entièrement se saisir de l’opulente masse flaccide soit l’une des – sinon la principale – source de sa suffisance.
Quoi d’autre sinon ? Nul doute qu’il te le montrerait.
Avec nonchalance la créature t’adresse un nouveau regard révoltant, pour mieux faire oublier que le geste qui suivrait l’était tout autant. Ecartant sans la moindre pudeur sa masse mâle d’un côté, il te menace d’un pas en avant de sa jambe libérée. Si ses bras t’ont impressionné que dire de ses jambes ? Aurait-il pesé le poids d’une forteresse – et tu te demandes si ce n’est pas le cas – que tu es certain que de pareil piliers n’auraient pas flanché avant de longs Cycle d’abus. Seulement le plus fascinant dans ce membre inférieur n’en était pas la simple taille, mais la beauté du mécanisme lors du mouvement. Il avait suffi d’un pas, d’une flexion, d’une détente et d’un appui, pour que se dévoile un cortège fluctueux de pleins et de creux à en faire trembler tant les roulements des prototypes de machines d’improvisés inventeurs que les paysages enjolivés par les pinceaux des artistes.
La patte de la créature frappe le sol, et tu as un mouvement de recul, tu t’apprêtes à fuir sans demander ton reste, quand tu constates qu’il ne faisait ainsi qu’annoncer son départ. Par-dessus ton épaule, ton regard se soulève discrètement, et sans oser te retourner tu le regardes s’éloigner. D’un pas appesanti par un évident épuisement, mais non moins régalien pour autant. De dos ses épaules paraissent plus larges encore, condensés de muscles qu’elles sont, roulant les uns sur les autres au rythme imposé par le balancement de son pas. De dos ses épaules paraissent plus larges encore, parce que comme le capuchon se déploie au-dessus du filiforme corps du cobra, les dorsaux de la créature se déploient au-dessus d’une taille étroite.
Contrairement au cobra cependant le capuchon de l’animal que tu observes n’est pas la seule courbure que dévoile sa figure sur le départ. Mais tu ne t’en étonnes que trop peu. Comment s’étonner, quand on avait déjà vu ses jambes, que leurs mouvements soient accompagnés par un fessier digne d’elles.
La créature s’éloigne enfin. Enfin elle te libère de son oppressante présence, enfin elle te laisse entrevoir une échappatoire, mais observateur gourmand que tu es, tu ne peux t’empêcher une dernière œillade. Un dernier instant à ajouter à tes souvenirs… et quel souvenir précieux, parce qu’à ton grand étonnement, il avait suffi d’un instant pour que tu retrouves la bête abandonnée orgueilleuse et provocante soumise et craintive.
Ne pas retrouver ton seul reflet lors de ton dernier coup d’œil au grand miroir de ta salle d’entraînement improvisée était une chose. Constater que le second reflet n’était ni plus ni moins qu’une épouse visiblement en rogne en était une autre. Il semblerait que l’animal ne possède pas grand pouvoir sur les femelles de sa race ; à moins que ce ne soit sur cette femelle en particulier.
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Tu pensais peut-être que je ne m’en rendrais pas compte Artiön ?Cette femelle en particulier. Cette femelle en particulier était définitivement sa faiblesse.