Chaton du matin, vilain [Dante]

8e jour de la 5e ennéade, un peu avant l'aube
la parfumerie, dans els Soieries.

On ne peut pas dire que, compte tenu des circonstances, la Sombre est mal lotie. Elle a du papier, de l'encre, une lanterne finalement, en plus d'une paillasse odorante de paille fraiche. Les lieux sont propres, Dante passant deux fois par jour pour faire aérer et passer le balais, vider le seau si nécessaire. Elle a une bonne couverture, les vêtements fournis par les humains sont soigneusement empilés sur la chaise du petit palier qu'il a rentrée.

Le cliquetis d'une clé dans un mécanisme fait se dresser l'oreille de la drow à moitié endormis sur la paillasse. Un bruit. Enfin. L'aube n'est pas encore levée que la porte de la "chambre" de Shyn'Tae s'ouvre grand, mais l'humain n'y entre pas. Il est une silhouette obscure sur un fond encore plus obscur. Les yeux carmins de l'habitante des lieux se sont à demi ouverts, elle se redresse à demi, les traits tirés, émergeant d'un semi sommeil oppressant peuplé de rêves déplaisants.

-Tralamurrpau. En bas, dans la cours, dans 10 minutes…" Un hochement de tête pour lui répondre, mais lui a déjà commencé à redescendre. Si les évènements des derniers jours lui ont appris une chose, c'est que dans sa situation, elle n'a aucun intérêt à risquer l'agacement de l'humain. Peut-être ne la tuerait-t-il pas sciemment, mais sa vie ne tenait qu'à un fil. Alors la sombre s'habille rapidement. Le pantalon large, la chemise. Le bandage reste sur la chaise, elle a besoin d'aide pour le serrer de toute manière.

Quand elle arrive, il l'attend au milieu du jardin, immobile, les yeux fermés, la tête penchée légèrement vers le sol. En seule chemise et pantalons, ses quatre dagues aux hanches. D'ailleurs, Shyn'Tae ne l'a jamais vu sans elles. Pieds nu sur le pavé central des lieux. Mince, délié, il n'a rien de bien impressionnant. La voix grave s'élève doucement dans l'air, sans forcer. C'est toujours étonnant une telle voix chez un humain qui est, en tant que tel, si quelconque.

- Tu faisais quoi comme exercice avant?" Shyn'tae baisse les yeux un instant, pensive. Avant... Cela parait lointain, mais il y a bien assez de fragments à recoller pour pouvoir répondre.
- ... Assouplissement, équilibre, course, combat à main nue et épée... je dois en oublier. Pour mon bras, je... le faire bouger, attraper et soulever des objets.. ce genre de choses.

Les yeux encore fermé, Dante ne bouge pas, se concentrant sur ce que Shyn'Tae dit. Son bras… celui qu'elle s'est fait ouvrir aux jeux? Il ouvre les yeux, la regardant par en dessous.

- Celui là. La drow lève maladroitement son bras gauche, qui malheureusement se soulève à peine jusqu'au haut de sa cuisse avant de trembler."Ca allait mieux avant… j'espère ne pas être revenue à la case départ."

La demoiselle fait quelques pas vers lui, ses mouvements portent la trace évidente des épreuves récentes pour l'oeil exercé de l'assassin qui la regarde bouger sans rien dire, se contentant de l'écouter et de la regarder. En lui même, il se demandait pourquoi un bras qui est esquinté depuis si longtemps peut être encore maladroit. Pourquoi, au lieu de travailler sa force, elle n'a pas travaillé son nouveau centre d'équilibre, sa résistance? Si elle l'avait fait, il n'en reste plus trace, en effet. Il est difficile de deviner, juste à la regarder comme ça, où elle en était avant. Elle s'arrête à bonne distance, les yeux vers lui, attentive et sérieuse. Dante penche la tête légèrement de côté, toujours aussi expressif qu'un mur. "Ma mémoire n'est pas tout à fait ce qu'elle était. Mais ca va s'arranger. Elle l'espérait. Cela s'était déjà beaucoup arrangé. Ses difficultés à se concentrer l'inquiétaient bien plus.

Dante se met alors en mouvement. Un peu sur le travers. La voix grave s'élève, neutre, dans l'air frais du petit matin.

-Il me semble que pour te battre tu dansais. Pour la mémoire ca se travaille.
- Bien sûr… En effet, elle ne l'avait pas compté dans ses exercices. Pourquoi? Elle ne l'avait jamais vu comme tel. Ses danses… La magicienne voyait ses danses comme un tout plus grand que la somme de ses parties. Le résultat de tout le reste. Depuis combien de temps n'avait-elle pas dansé? Un nœud d'angoisse grandit en elle, insidieux.

-Aujourd'hui, on va travailler tes muscles, les réveiller, demain sera un autre jour… On aura tout le chemin pour travailler ta force et ta mémoire. Ce dont on a le besoin au plus vite et qui nous sera le plus utile s'est ta vitesse et ton endurance. Continue il en oliyan en se fichant de son angoisse comme de son repas de la veille. Bouge et danse petit chaton…Arrête de penser pour le moment et bouge.

En lui même, Dante trouve cela étrange de donner des directives à quelqu'un d'au moins 10 fois plus âgé que lui. Elle est où la grandeur des armées Eldéenne? Au final, ils sont comme tout le monde. La Bête y va de son appréciation peu flatteuse et Dante ne peut qu'y acquiescer, réservant cependant son jugement final. Elle a toujours gagné les jeux de Thaar, prouvant que ce n'est pas le plus balèze qui gagne. Elle est encore en vie, il y a une raison… Il faut qu'elle se rappelle pourquoi elle s'est acharnée tout ce temps à respirer encore et encore.


Si la remarque touche le chaton, elle n'en laisse rien paraitre. Elle laisse peut-être trop l'initiative à cet humain, mais elle est chez lui, il vaut mieux la lui laisser en attendant que… en attendant quoi? Il faut qu'elle admette que ce ne sont que des excuses. Elle prend une profonde inspiration, tend un bras, puis commence à danser maladroitement. Des pas simples d'abord. Son équilibre revient vite, mais après quelques mouvements, elle s'aperçoit, sans surprise, que c'est l'énergie qui manque.

La daedhelle l'accompagne aussitôt, il perçoit un debut de grimace vite maitrisé sur ses lèvres. Elle est à nouveau devant lui.
- Un tigre? Moi? Non, vous avez raison, ca je l'ai compris, je m'étais trompée. Je suis un chaton. JUSTE UN CHATON. Je ne sais pas non plus ce qu'elle me trouve. Alors j'accepte qu'elle décide seule. Elle vous aime, je l'accepte aussi. Même si là, je la comprends. La daedhelle arbora brièvement un sourire en coin, avant qu'il ne s'efface. " Hypocrite… c'est vrai. Vous avez raison."

La daedhelle venait seulement de réaliser. Elle recula d'un pas en s'affaissant sensiblement. " On fait quoi alors? Vous me laissez continuer seule?"

Elle vient de lui faire quoi là? Continuant de bouger, il essaye d’analyser ce qu’elle lui dit. Le sourire, s’il reste sur sa bouche, quitte ses yeux. On ne l’attaque pas sur Cécilie. Elle la comprends....

Les yeux dichotomique se plissent de malice pure. une tentative de charme? ah non.... mieux vaut pour tout le monde réorienter la discussion sur un sujet moins glissant. Parce que sinon, sa Ténébreuse risque de ne plus avoir d’animal de compagnie. Shyn’tae retraite et il avance soudainement coulant comme une anguille.

-Ta pas fini de faire ça?" Gronde-t-il soudainement. Elle réagit instinctivement et fait un pas de coté pour l'éviter, sa posture un peu plus souple, mais ses tremblements visibles pour l'oeil exercés de l'assassin. Elle ne cherche même plus à les cacher.
-De faire quoi?

-De te niveler par le bas.... Mon petit chaton, personne ne sortira les griffes a ta place dans ce monde.

Il lui tourne soudainement le dos, dédaigneux. Puis rentre.

- A toi de voir si tu es un chaton ou un tigre. Ce n’est ni à Cécilie, ni à moi de te le dire... A toi de voir mais j’accepte pas de perdre mon temps.

La daedhelle le suit des yeux lorsqu'il s'éloigne, puis hoche la tête. Cécilie, un nom bien exotique qui allait bien à son amie. Un soupir. Chaton ou Tigre. Bien sûr, ce n'est pas à lui de le dire. Il n'a pas tort. La magicienne fait la moue. Elle a besoin de temps. De pouvoir décider. Cela fait du bien d'être seule, et d'avoir un peu d'espace.

Elle se hisse sur la pointe des pieds. S'étire. Ferme les yeux et lève une jambe. Reste immobile quelques longues secondes, puis redescend. L'autre ensuite. Toujours yeux clos, elle continue ensuite les exercices dont elle se souvient. Maladroite, tremblante, puis plus agile. Il y a du travail, elle retient ce qui ne va pas, sa faiblesse surtout. Intimement, elle sait que ses muscles ont surtout besoin de temps. Lorsqu'elle rouvre les yeux, elle se permet d'aller plus vite. Bientôt essoufflée, la danseuse s'arrête, puis reprend, inlassablement.

De la fenêtre de l’étage, arc au poing, l’assassin l’observe depuis les ombres. Imperturbable.