A propos de ce que je t'ai dit ce matin.

7e jour de la 1ere ennéade de Favrius ~ Automne
17e année du XIe Cycle
Camp Sud du siège eldéen
17h40

Il était Karliik Glenn. Contrairement à d’autres ce n’était pas un grade qu’il avait poursuivi et au final c’était peut-être pour ça qu’il avait été choisi. Il ne voulait pas poser la question à Krish car la réponse ne l’intéressait pas. Le défis qui l’attendait était de taille et il se demandait s’il serait à la hauteur. Avec un sourire il balaya la question en regardait Krish partir dans la foule, il verrait bien lorsque le temps viendrait, en attendant il pouvait toujours prier Zhak’Bar, après tout c’était la divinité qu’il avait choisie lors de son Clor d’Beannaighil ; il était certain qu’il allait poursuivre une carrière militaire mais à l’époque Meingal n’était pas du tout au goût du daedhel à moitié sauvage. Ainsi le général en chef des troupes drows suivit la reine dans la foule mais contrairement à elle, il ne s’en alla pas, il se jeta dans la mêlé pour rejoindre ses troupes, laissant libre cours à son envie destructrice. S’il n’aurait très probablement pas le droit de raser Sol’Dorn il trouverait une autre offrande à offrir au Maître des Cataclysmes. Bien vite il put voir, entre deux coups, les membres de la Garde Draconnique se frayer un chemin jusqu’à lui en écartant avec une violence à peine retenue ceux qui se trouvaient sur leur passage.

Mais Kerath dut bien vite s’arrêter, à contrecœur, car lui n’avait pas d’armure et frapper dans de l’acier ou encaisser des attaques de soldats gantés de métal était rapidement éprouvant. Entourés de sa garde personnelle il sortit donc de la mêlée qui s’était bien calmée depuis que Krish s’était absentée et ceux qui continuaient de se battre étaient finalement assez rares ; les dévotions pour le Père s’étaient petit à petit changées en offrandes à Isten, pour les plus forts, ceux qui n’étaient pas partis pour chercher des prêtres des Jumelles, que ce soit parce qu’ils étaient particulièrement endurants ou parce qu’ils étaient suffisamment bons pour n’avoir été que peu touchés.

Lorsque le Karliik Glenn retourna au pied de l’estrade on lui expliqua bien vite que Murrpau avait été ramené à un enclos par des prêtres de Zhak’Bar pour qu’il ne se joigne pas à son maître dans les combats ce qui aurait été aussi injuste que mortel pour les adversaires de Kerath. Ce dernier se posa sur les marches de l’estrade en question pour souffler et ressentir la douleur bien plus vivement alors que l’adrénaline commençait à lentement refluer. Il cracha un mélange de sang et de salive en remerciant Kiel. Enfin le soldat se leva avec un large sourire pour aller voir une personne qu’il n’avait, finalement, pas vu depuis ce matin. Il boitillai, la faute à un coup de genoux particulièrement vicieux sur l’extérieur de la cuisse, jusqu’au temple de Valas où il était certain de trouver Valsrik'Hrae Zezxyra qu’il demanda au premier prêtre passant à sa portée.

Ni les militaires, ni les prêtres d’Uriz, ni Ranaghar, ni Ssol’Riss, ni Krish, ni même Ran’Lyn. Tu étais seul. Seul avec toi-même et avec ton dieu, dans un précieux moment de recueillement. Il s’était passé trop de choses aujourd’hui, trop de péripéties en trop rapide succession, et maintenant que tout semblait proche de la fin, tu peinais presque à le réaliser. Il y a quelques heures à peine, tu étais un condamné à mort… et là… là tu venais d’être fait Ust Meld’Zar par celle qui avait cherché à se débarrasser de toi. Et celle qui avait cherché à se débarrasser de toi était celle que tu avais appelé ton amie il fut un temps. Un temps si proche…

Ta main posée contre une effigie, tu respires lentement, t’efforçant de ne plus penser à rien. À rien d’autre qu’au futur. À ce que tu dois, maintenant qu’il t’a été donné – plus ou moins – la responsabilité de l’intégralité des Institutions magiques non cléricales du Puy. À ce que tu pourras enfin faire de plein droit et au grand jour, fort des pouvoirs qui t’ont été conférés… par ce titre autant que par la Chimère.
Le premier sourire depuis ce qui te semble une éternité se dessine sur ton visage. Les arcanes se pressent contre ta chair en un inextricable étau. Ce qu’aujourd’hui tu appelles ta vue se trouble. Tu redeviens complètement aveugle, même focaliseur en ta possession, soumis que tu étais à la tempête s’abattant sur toi. Les offrandes des prêtres, des mages, de tous ceux s’étant recueillis comme tu le fais face à cette idole, elles se déversent en toi en une sensation ô combien grisante. Tu revis la même chose qu’à ta première fois, dans ta petite enfance. Tu revis la même chose que tes jours d’effroi, alors que venu donner tu avais reçu de Valas. Tu te délectes de cette attention, car elle te confirme toujours être le favori de la Chimère. Ton cœur s’accélère, ton souffle s’accélère, tandis que tu vis ce manège invisible. Et comme à chaque fois, soudainement, l’émoi te quitte. Les arcanes t’échappent. Tal’Berith reprend son bien. Ne te laissant que quelques miettes, ainsi que les intenses souvenirs qui t’empêcheront en tous temps de le parjurer.

Ta paume quitta l’effigie. Tu soufflas un grand coup. Ton monde reprit forme. Tu repris ton chemin. Ton chemin ne t’emmènerait pas bien loin. Pas quand un énorme cube de Sombre se décidait à se mettre au travers. Pour autant… tu n’avais pas l’énergie de te montrer aussi acide que tu l’es à l’accoutumée envers les militaires face à celui-ci. Après tout, il était peut-être le seul aujourd’hui a avoir tenu de bout en bout un discours auquel tu n’aies rien trouvé à redire.

- Une reconversion en vue ?

Tu te contentes de lâcher sans que ce soit aussi léger que tu l’aurais désiré. S’il est ici après tout, c’est certainement qu’il a déjà quelque chose en tête. Mais quoi ?

Le prêtre le mena jusqu’à Valsrik en lui disant que ce dernier était en train de faire quelque chose que Kerath n’avait pas compris, et pas cherché à comprendre, alors il l’avait affilié à une prière et n’avait donc pas cherché à déranger le mage ; après tout il ne s’arrêtait pas dans ses dévotions même lorsque l’avatar du Père était présente alors pourquoi est-ce que le Prime Sorcier le ferait pour lui ? D’ailleurs le Karliik Glenn aurait été déçu que Valsrik s’arrête, les dieux passaient avant tout et il n’avait pas l’audace de prétendre avoir été divinisé. Ainsi le soldat resta sur place, échangeant quelques mots avec les quelques membres de la Garde Draconnique qui était resté avec lui, attendant que le mage termine et lorsque ce dernier eut enfin fini il se tourna dans sa direction. Haussant un sourcil, Kerath haussa les épaules avant de sourire. Oui il comptait rentrer dans les ordres et la magie, bien qu’elle lui était étrangère si on ne comptait pas les deux bases théoriques qu’il avait accumulé après des siècles à fréquenter le C’nros ou le clergé de Zhak’Bar et des jumelles, l’intéressait autant qu’elle l’intimidait mais ce n’était pas au service qu’il voulait rentrer ; non, c’était le Père qu’il comptait servir en intégrant sa prêtrise mais avant l’ordalie de Tewyn qu’il avait en tête, il avait le temps de faire deux ou trois choses, notamment prendre Sol’Dorn.

« Pas tout de suite mais bientôt. J’ai quelques questions à te poser si tu veux bien m’accompagner. »

Avec les membres de sa garde derrière lui, Kerath se mit à marcher lentement dans le temple en direction de la sortie, les mains dos, il n’avait pas pour habitude de sortir d’un temple sans avoir prié mais Valas, tout dieu qu’il était, ne l’intéressait guère et se trouvait bien bas dans la liste des dieux favoris du soldat. Cependant il s’arrêta net en y réfléchissant et une moue lui passa sur le visage alors qu’il se trouvait à quelques mètres de la sortie dudit temple.

« Mais avant, prions ensemble sit u le veux bien. »

Que Valsrik accepte ou non, le Karliik Glenn s’en moquait complétement alors il n’attendit pas sa réponse pour aller s’agenouiller devant un autel et réciter la seule prière dédiée à Valas qu’il connaissait. Une fois terminée il se releva et attendit que le mage eut terminé si ce n’était pas le cas puis il se mit à marcher aux côtés du Prime Sorcier, calquant son allure sur la sienne alors.

« Si tu étais le favoris pour devenir Prime Sorcier c’est que l’Etude Noire confirmera ta nomination par Krish. Tu sais que je suis désormais Karliik Glenn. Qui l’aurait cru avec ce qui s’est passé ce matin ? »

Ils avançaient dans le camp sud, entre les bâtiments, c’était finalement le camp où on en trouvait le plus malgré la fin du siège approchant à grands pas. Que ce dernier se termine sur une victoire ou une défaite. En voyant les soldats les saluer sur leur passage, Kerath hocha la tête puis reprits la parole, sa question étant rhétorique il ne prit pas le temps de laisser le mage répondre.

« Tu sais sans doute que le Karliik Glenn peut nommer un Jatha'la Sargtlin. Je ne compte pas m’en servir pour me rapprocher d’un Senger, je n’aime pas la politique. J’ai des liens suffisamment étroits avec le clergé de Zhak’bar et j’ai le C’nros à mes ordres, j’ai suffisamment de mages de guerre à portée de main pour me conseiller si j’en ai besoin. Je n’y connais rien à la magie, j’ose espérer que ce n’est pas ton cas, aussi étrange que cela puisse paraître, il me faut un civile pour cette grande guerre. Valsrik'Hrae Zezxyra acceptes-tu de devenir Prime Conseiller ? »

D’autres idées pour ses campagnes, probablement. De potentielles manières pour les mages de l’Etude Noire d’assister ses armées lors de leurs prochains mouvements. Voilà ce dont tu t’attendais à discuter avec lui, ni plus ni moins. Et c’étaient des sujets extrêmement intéressants en réalité, parce que tout érudits que vous étiez au sein de ta bien-aimée institution, vous ne connaissiez que trop peu la réalité de la guerre. Certes, vous serviez l’Eda Vengeur avec autant de verve – du moins tu l’espères de la part de tes camarades sorciers – qu’il vous est donné de le faire… mais sans les combattants pour vous guider – et c’était peut-être ça la seule chose qui autrefois t’empêchait de voir en eux des bêtes sans cervelle – il vous serait bien plus difficile de choisir une direction dans laquelle orienter vos travaux.

- Hmph ?

La proposition de dernière minute est une nouvelle surprise, et c’est ainsi décontenancé que tu suis le nouveau Karliik Glenn jusqu’à un autel. Sans interférer au départ, tu te contentes de l’écouter réciter une prière que tu ne connais que trop bien. Probablement le premier ode à Valas que tu n’aies jamais entendu, c’était celle que l’on apprenait aux enfants en bas âge, avant même que leurs maîtres ne sachent vers quelles classes ils se dirigeraient.

- Laisse-moi t’accompagner.

Dans sa litanie, tu n’es pas certain que Kerath t’ait entendu, mais malgré cela tu t’es joint à lui. Les paumes ouvertes en direction de l’autel, à voix basse, tu t’es lancé dans une incantation, indescriptible récitation n’ayant de sens que pour ton dieu et toi. Une requête, que celui qui t’accompagne dans la prière comprenne les raisons de ton attachement pour la Chimère. Tes pieds quittent le sol, ta magie tu l’offres, dans un rituel que les disciples de Tal’Berith ne connaissent que trop bien, et tu la laisses rejaillir sur Kerath. Pas besoin d’y être le moins du monde sensible pour sentir les arcanes se déplacer lorsqu’elles le font de manière aussi tumultueuse. Il y a quelque chose dans l’air, une énergie qui se concentre autour du Karliik, une énergie qui lui est étrangère, qu’il ne comprendra certainement pas comme tu la comprends, qu’il n’appréciera certainement pas comme tu l’apprécies, mais qui est un témoignage des forces que vous maniiez, vous les thaumaturges.

La fin de la récitation de Kerath arrivait. Ton rituel devrait se terminer avant le sien. Alors tu le libéras. Que vous puissiez vous regarder face à face – ou du moins quelque chose s’en approchant – dès lors qu’il se relèverait.

Et les premiers mots qu’il prononce, la question à laquelle il ne te donne pas le temps de répondre, tu aurais aimé pouvoir y rétorquer que tout ça ne t’étonnait pas outre mesure. Tu connais Krish. Tu penses la connaître du moins. Assez pour la savoir capricieuse et têtue. Trop têtue pour s’entourer de mollassons qui ne la remettraient jamais en question. Kerath et toi êtes des fern. Et régner sur des fern est bien plus gratifiant que régner sur des chiens. Surtout lorsque l’on se veut l’élue d’un Dieu de confrontations.

- Pour quelqu’un qui n’aime pas la politique, tu m’as tout l’air de bien te prendre au jeu. tu réponds, d’un ton amusé À moins que tu donnes un autre nom au calcul de la portée de tes liens. Mais en tant que quelqu’un y connaissant probablement plus en théorie magique que les mages du C’nros, et n’ayant pas non plus particulièrement d’attrait pour les discours mielleux de la plupart des figures publiques, et tu inclus la Reine elle-même dans le lot servir de Prime Conseiller à quelqu’un qui ne s’offusque pas d'un peu de franchise ne serait pas pour me déplaire.

Tu ralentis légèrement votre rythme de marche, pensif.

- Avoir le Prime Sorcier à l’Olath Blada ne pourra que faire du bien au Puy. Mais j'imagine que si tu me le proposes, c'est que tu y as déjà réfléchi de manière plus pragmatique. Je me trompe ?

Grand fou que tu es, tu te voyais déjà ressusciter les machines infernales ayant conduit à la torsion de la magie en Ellyrion… mais en mieux, bien sûr.

Il avait hésité à s’arrêter pour lui faire sa proposition mais ça donnait un côté théâtral qu’il préférait éviter, après tout ils venaient tous deux de sortir d’un grand discours qui, bien qu’il soit sincère, avait probablement été préparé ; ce qui était bien normal après tout lorsqu’il était question de s’arroger une couronne devant une assemblée de militaires et de prêtres, des gens ô combien habitués aux discours, que ce soit pour les recevoir ou les déclamer. Kerath poussa un soupir las à la remarque de Valsrik.

« On échappe jamais à la politique mais je préfère l’éviter lorsque c’est possible. Pour tout te dire j’ai fait un marché avec Krish : je ne m’occupe pas de politique et elle me protège de ses retombées. »

Puis il l’écouta, ralentissant avec un peu de retard, les mains toujours dans le dos, Kerath regardait les murs de Sol’Dorn au loin et malheureusement il allait avoir du travail, beaucoup de travail et s’il pouvait ne pas assister à la réunion d’Etat-Major de ce soir c’eut été avec plaisir mais malheureusement ce n’était pas possible. Que dirait-on d’un Karliik Glenn qui n’assistait pas à une réunion qu’il était sensé présider ? Une moue désapprobatrice passa sur son visage marqué par des siècles de combat, il ne devait plus se soucier de politique.

« Non. » Se contenta-t-il de répondre au mage à ses côtés. « Je veux être très clair sur ce point Valsrik : je ne te propose pas de devenir Prime Conseiller parce que tu es Prime Sorcier. Je te propose de devenir Prime Conseiller parce que j’ai besoin de civils. Je te propose de devenir Prime Conseiller parce que je sais que tu oseras ouvrir ta grande gueule. Je te propose de devenir Prime Conseiller parce que tu mourrais pour les dieux sans hésitation. Je ne connais rien à la magie et par conséquent je ne sais pas ce qu’elle peut apporter à mes troupes. Mis à part une boule de feu ou de roche. C’est pour ça que je suis venu te voir ce matin pour te parler de ce système de tours au lieu d’aller voir le C’nros. Je n’ai pas d’idées, Valsrik, j’ai des questions. Krish veut prendre Sol’Dorn demain. J’ai une soirée pour préparer un assaut. A Malbork les préparatifs ont pris des jours et la forteresse ne faisait qu’une fraction de Sol’Dorn. Je ne vais probablement pas dormir. Une soirée… » répétât-il, pensif, alors qu’un sourire carnassier se formait lentement sur ses lèvres en lançant un dernier coup d’œil à la ville au loin. « Ça ne sera pas joli. Ça sera sanglant mais en voilà un défi qui mérite d’être relevé ! » Le sourire carnassier toujours aux lèvres Kerath regarda un prêtre passer. « Peut-être que Zhak’Bar nous sourira. Quant à Uriz, son avatar nous a dit qu’il nous regarderait alors je ne doute pas que chacun de mes drows se battra comme jamais. Mais ça ce n’est pas vraiment ton problème. Je veux savoir ce que tu penses des phénomènes magiques qui ont cours à l’intérieur de Sol’Dorn. Et je veux savoir ce que tu penses et sais de Ranagar. »

Kerath se laisse emporter par une tirade en réponse à quelques mots, et tes sourcils se lèvent bien haut. Certes, tu es un Sombre formidable, et tu veux bien entendre que même sans que tu aies été le Prime Sorcier, tu aurais fait un excellent candidat à sa vision de ce que doit être un Prime Conseiller… mais il fallait se le dire, il est toujours confortable de posséder une autorité officielle. Quant à avoir des idées, le soldat te faisait là la plus belle démonstration s’il en est de la différence entre le chercheur et l’exécutant. L’exécutant ne voit d’idée que dans ses savoirs. Le chercheur voit les idées dans les questions. Car c’est en se posant des questions que l’on trouve des réponses, et c’est à l’aide de ces réponses que l’on s’enrichit. Le simple fait que Kerath, dans sa grande ignorance de tout ce qui concerne les arcanes, puisse candidement te demander de l’aider à réaliser les défis les plus dantesques était d’une préciosité inimaginable pour un strict penseur tel que toi.

- Dans ce cas, flatté que d’entre tous les civils du Puy tu m’aies choisi moi. tu reviens volontairement en arrière dans la discussion, le ton légèrement sarcastique Mais maintenant, tu sais que le civil que tu as choisi est le Prime Sorcier, alors tu peux commencer à y penser. l’un de tes sourcils redescend Je t’aiderai si tu as du mal. tu souris un instant, avant que ton visage ne reprenne son sérieux Mais pour revenir au sujet, très honnêtement, je ne sais rien de ce qui se passe dans Sol’Dorn. Tout ce que je sais, c’est qu’il y a quelque chose là-bas d’instable et de dangereux au point d’avoir emporté des Dorniens… qui techniquement ne devraient pas être de si grands incapables que ça lorsqu’il s’agit de magie, vu qu’ils sont descendants d’Eldéens. Je pense très sincèrement qu’il s’y joue un phénomène du même acabit que le nœud d’Ellyrion, mais pour la suite…

Tu marques une pause, claques de la langue. Ce que tu aurais aimé avoir eu ton focaliseur pour inspecter cette fichue tête ! Qui sait ce que tu aurais pu apprendre de plus ! Enfin… il faudrait que tu fasses avec. Au moins, quitte à voir le bon côté des choses, ça restait un sujet moins agaçant que le suivant.

- Quant à Ranaghar… la manière dont ton visage s’était plissé en disait plus long que n’importe quel discours Même Kerhel n’aurait rien à faire de cet imbécile. C’est un vieux lâche à l’égo surdimensionné qui s’est approprié tous les savoirs sur le façonnage que possédait le Puy durant son temps à la Zho’Us Raghar, et qui s’en sert maintenant de monnaie d’échange pour rester. Autant dire qu’en plus d’être une honte à notre race par sa simple existence, il nous force à choisir entre laisser sa face d’hérétique en vie et nous couvrir nous aussi de honte, ou abandonner l’idée de recouvrer les savoirs qu’il a dérobé dans un futur proche. tu pestes entre tes dents Mais qu’il continue de se moquer des dieux et de nous. Maintenant qu’il est à portée, ce n’est qu’une question de temps avant que le culte de Tesso en ait assez appris de lui pour qu’on puisse s’en débarrasser.

Enfin.

Contrairement à certaines, Kerath ne comptait pas laisser la politique dicter qui devait obtenir un poste, il avait le sentiment que la méritocratie n’était plus vraiment ce qu’elle était et il espérait de tout cœur que la nouvelle reine allait changer ça. Il voulut répondre à Valsrik, lui dire que peu importait qu’il soit Prime Sorcier ou non, le Karliik Glenn avait en tête la promotion de la méritocratie eldéenne. C’était d’ailleurs pour ça qu’un de ses streea occupait son poste : il représentait tout ce que Kerath détestait mais il était bon et on ne pouvait pas l’accuser de lâcheté. Mais ça, avec son discours de ce matin, quel était l’intérêt de lui dire ? A quoi bon prêcher un converti ?

« Pour la suite? Valsrik, je déteste les devinettes, je ne sais pas ce qui se passe, comme d’habitude le haut-prêtre du Menteur ne partage pas ses informations alors il va falloir que tu parles. Même si c’est pour dire que tu n’en sais pas plus. »

Il écouta, fronçant les sourcils en se tournant vers le Prime Sorcier, le portrait qu’il dressait du façonneur, et qu’il laissait se façonner sur son propre visage, était équivoque. Du coin de l’œil il put voir les Gardes Draconniques qui les suivaient se tendre, l’un d’eux posa sa main sur la poignée de son arme. Quant à leur supérieur il croisa les bras sur son torse, si le mage disait vrai, et jusque là Kerath n’avait pas de raison de croire le contraire, ils avaient un hérétique dans leurs rangs, à l’intérieur du camp sud, qui assistait aux réunions d’Etat-Major. Il était hors de question que ce dernier reste, après tout c’était une des missions de son ost de s’occuper des hérétiques et autres impies.

« Pourquoi n’est-il pas mis aux arrêt et son esprit fouillé afin de récupérer ce qu’il a volé au Puy ? »

Par la force. Il « suffisait » de récupérer les choses par la force. C’est ce qu’imaginaient toujours les non-initiés lorsque l’on parlait de magie. Non… si les fourchelangues du clergé de Tesso et les arracheurs de dents de la Doth’Ka restaient les premiers extorqueurs d’information d’Elda, c’est bien que la magie était faillible. Fouiller un esprit n’est pas simple, et pour toi qui voit en cela l’évidence même, il est impossible de retenir un long soupir en réponse à la question de Kerath.

- Fouiller un esprit n’a rien de simple. C’est autant un risque pour le mage qui s’y colle que pour l’esprit exploré. Et même sans ça, on n’est jamais garanti de trouver ce que l’on cherche. L’esprit est quelque chose de compliqué. D’autres mages – pour en avoir eu l’expérience de première main – t’en parleraient probablement mieux que moi, mais pour l’instant… dis-toi seulement qu’à l’intérieur du crâne de quelqu’un c’est un véritable chaos. Apprendre à s’y frayer un chemin est déjà difficile, alors tu imagines bien ce qu’il pourrait en coûter de forcer la voie vers des souvenirs précis. tu te tournes vers le lointain Dans un cas comme ça, la magie est la solution de dernier recours. Et nous n’en sommes pas encore là.

Pas question pour toi de prendre ce genre de risque pour Ranaghar, il n’en valait pas la peine. Et puis, vous aviez tout le temps du monde devant vous. S’il vous fallait une dizaine d’années pour récupérer assez de documents pour commencer la formation d’un nouveau façonneur, et bien il en serait ainsi. Il n’y avait pas que les Sylvains pour profiter de l’éternité après tout.

- Ensuite, aussi imbécile qu’il soit, Ranaghar reste tout de même un mysticiste compétant. Quitte à risquer sa mort, autant profiter un maximum de lui pour comprendre ce qui se passe dans Sol’Dorn avant ça.

Et en digne bête de guerre qu'il était, c'est d'un grognement seul que le Karliik te répondit.

« Je vous fait confiance. A toi et Krish. C’est tout pour le moment, on se voit à l’Etat-Major, Jatha'la Sargtlin. »