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| La Geste d'Hedda | |
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Ruthger de Lourmel
Humain
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| Sujet: La Geste d'Hedda Mar 5 Nov 2019 - 9:39 | |
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Château de Lourmel, Premier jour de la Quatrième ennéade de Favrius, An 17 du XIème Cycle
Ruthger était de très bonne humeur, ce matin. Dans la cour de son château, juché sur Pèlerin, son demi-sang de presque douze ans bientôt, il profitait de la légère brise en attendant que toute l’équipée soit prête à partir. Il était armé de pied en cap tel un héros de légende, de quoi régaler plus encore son orgueil comme son enjouement. Le voilà revenu en les temps de sa jeunesse bénie des dieux, où il battait le Nord tout entier à la recherche de faits d’armes à accomplir. L’heure était aux retrouvailles avec son passé chevaleresque, car dans quelques jours, il serait en vue de la Tour aux Moines, et de la sombre orée de la forêt d’Hedda.
Thenala, à côté de son mari, lui tendait son casque, mais n’avait pas l’air d’être heureuse que celui-ci risque encore sa vie.
« Tu n’es pas obligé de partir. Ce ne sont pas tes terres, ce n’est donc pas ton problème. »
Ruthger posa une main sur sa hanche, toisant sa femme avec un petit sourire.
« Point mon problème ? Adoncques, je devrais laissier tote gloire aux jeunots et aux puçards de bacheliers ? Comment prouver que mienne valor n’estoit point tarie, altrement ? J'estois fidèle à mienne nature ! »
Le sourire et l’air enjoué de Ruthger suffirent à lever un instant le voile de tracas qui pesait sur le cœur de sa compagne, qui se para de son plus bel atour : son sourire. Mais elle redevint vite sérieuse, et ajouta à son attention lorsqu’il se pencha pour récupérer le casque qu’elle lui tendait :
« Reviens-moi entier. »
Ruthger saisit son casque d’une main, et de l’autre, toucha le ventre rebondi de sa dame. Quand il se releva, il vit son fidèle Bottier – à présent sire de la Botte s’il vous plaît ! - débouler sur son roncin. Son ancien écuyer n’avait vraiment pas le profil du chevalier, ce qui faisait doucement rire son seigneur. Après tout, même adoubé, un gueux restait un gueux, semblait-il. Il était toujours aussi mal à l’aise sur son cheval, qu’il montait avec la grâce d’un sac de carottes, et sa vieille armure de récupération lui donnait un air dépareillé en présence des autres braves réunis dans la troupe. Une quinzaine de chevaliers, tous fiers et hardis, s’étaient réunis à Lourmel pour donner la chasse aux bandits d’Hedda, dont les rumeurs disaient qu’ils avaient été jusqu’à piller des monastères dans le sud du duché.
« Bottier ! Hum, sire de la Botte, estoyez-vous prest ? »
L’ancien serviteur acquiesça mollement. La perspective de quitter le confort du castel pour une équipée sauvage ne semblait pas le ravir pour un sou. Ruthger lui donna une bonne claque dans le dos, et se baissa à nouveau en direction de Thenala pour lui offrir un ultime baiser, et la promesse d’un retour au bercail. Puis, il prit la tête du groupe, fit ouvrir les portes et ordonna la trotte. La sortie des chevaliers fut observée avec curiosité par les gens du logis, comme par les habitants de la ville en contrebas et par les serfs qu’ils rencontrèrent sur les chemins de campagne…
Abords de la forêt d'Hedda, Troisième jour de la Quatrième ennéade de Favrius, An 17 du XIème Cycle
L’Hedda s’étendait devant eux. D’aucuns disaient que ces bois étaient hantés par des sorciers wandrais ayant survécu par miracle aux invasions pentiennes. En ces lieux de malaise régnaient bandits arétans et coquins serramirois, écorcheurs odélians et violeurs ethernans. La canaille de la pire espèce se réunissait au plus profond de la forêt pour partager son butin, ou le voler à leurs compagnons de gaste.
Ruthger était comme un enfant excité devant un corsage. Il trépignait sur son cheval. Deux jours et demi de chevauchée en remontant la Semisne, avec un arrêt en un hameau perdu et un autre en Versmilia, avaient aiguisé sa soif de combat. La plupart des vaillants chevaliers à ses côtés partageaient ce fiévreux sentiment belliqueux, à l’exception toute relative de Gontran de la Botte, qui n’appréciait guère d’être embarqué dans ce genre d’expédition douteuse.
Le seigneur de Lourmel se tourna à demi sur son canasson, et défourailla.
« Hardis, mes braves et preux ! Hui, nous bastonnons ! »
Un cri de guerre et des lames dénudées accueillirent son invective, et la procession guerrière reprit sa chevauchée, parvenant aux premiers arbres de la forêt, où ils ralentirent. L’ombre engloutissait cette belle coterie de plates et de sabres d’argent, la lumière laissait place à l’obscurité dans cet endroit maudit où les arbres, hauts, cachaient le ciel et les dieux…
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| | | Gaubert de Prademont
Humain
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| Sujet: Re: La Geste d'Hedda Mer 6 Nov 2019 - 14:55 | |
| Quatrième ennéade de Favrius An XVII Château de Librecourt Gaubert, en armure, était flanqué de Roland et de vingt gardes à cheval tandis qu'il traversait le pont-levis qui enjambait les larges douves du château. Un soleil pâle réchauffait à peine l'air matinal de l'automne, et une nappe de brume venait lécher les tuiles du donjon qui dominait la plaine. A peine la brétèche passée, le comte vit le Seigneur Jacques qui attendait devant les portes de son logis, les bras dans le dos. Le gaillard était petit et ventru, vêtu d'une tunique verte et blanche, les couleurs de sa maison, et portait une grosse chaîne en or au bout de laquelle pendait un médaillon frappé de l'ours. À ses côtés, ses deux fils se tenaient droit comme des I. D'un geste de la main, le comte fit stopper le raclement des sabots sur le pavé avant de descendre de selle. Bienvenue à Librecourt, votre Grandeur ! J'espère que le voyage a été agréable.Vu les circonstances qui m'ont poussées à l'entreprendre ... Non !Gaubert se dirigea vers son hôte d'un pas décidé. Ce dernier semblait cueilli à froid par la réponse de son lige et déglutit, anxieux. Y a-t-il eu de nouvelles attaques depuis votre dernière missive ?Hélas, oui, Seigneur. Ce matin encore, mes gardes ont retrouvés deux chariots vidés et incendiés, équipage et attelage massacrés ...Ah les maroufles ! Les malgripes ! Est-ce loin ?A une demi-heure de cheval vers le nord-ouest. Il y a deux jours c'est une ferme toute proche qui a été retrouvé en feu.Faites rassembler vos hommes, nous partons sur le champ !******** Henri, le fils aîné de Jacques servi de guide à Gaubert et sa clique. Une trentaine d'hommes d'armes au service du seigneur de Librecourt suivaient au pas de course les cavaliers. La petite troupe passa à côté des vestiges encore fumants de la ferme qu'avait évoqué Jacques. Quelques poutres calcinées se dressaient au-dessus des murets noircis qui dessinaient les limites de ce qui devait être jadis l'étable. Une nuée de mouches se repassaient d'une carcasse de de femme éventrée dont les vêtements avaient été arrachés. Quelques minutes plus tard, les chariots brulés étaient en vue. Un bourgeois au chapeau emplumé donnait ses ordres à une équipe qui s'échinait à remettre sur ses roues une des carrioles couchés sur le flanc. Gaubert posa la main sur le pommeau de Larmanon. Qu'est-ce donc que ces malpensifs ?Point d'inquiétude, Monseigneur ! C'est Jehan, notre bailli, mon père l'a chargé de s'occuper de ces malheureux.Le comte se tourna vers Henri qui chevauchait à ses côtés. Le jeune homme, vingt ans à peine, semblait tout aussi contrarié que lui face au spectacle déplorable. Gaubert se redressa sur sa selle, toisant d'un air sombre la lisière de l'Hedda qui s'étendait devant eux. De nombreuses traces de pas quittaient les lieux de l'attaque pour se diriger entre les arbres massifs. Les vils se terraient sous ces sinistres branches. Prademont flatta l'encolure de Targon avant de se tirer sur la corde qui faisait pendre son heaume à l'arrière de sa selle et de l'enfiler, visière levée. Il se tourna vers ses hommes. Messieurs, la chasse aux manants est ouverte. Gardez l'oeil ouvert et l'oreille affûtée ! Nous ne laisserons pas pareils gredins prendre plus de vies sur nos terres ! Roland ! Envoyez-moi trois éclaireurs !Le sergent opina du chef et quelques secondes plus tard, trois hommes entrèrent dans le sous-bois à pied. Gaubert poursuivit. Nous ne ferons aucun prisonnier. Nous serons les juges et bourreaux de cette sinistre bande de couards. Avec moi !La troupe odélianne s'enfonça dans l'Hedda à la suite de Gaubert et du jeune Henri. Ils avancèrent prudemment, à l'affût de la piste des marauds. Au bout d'une heure, un éclaireur réapparut, essouflé. Seigneur ! Du mouvement vers le Nord !Le comte tira Larmanon de son fourreau, alors que sa troupe se mettait en position, armes au clair.
Dernière édition par Gaubert de Prademont le Jeu 5 Déc 2019 - 17:19, édité 2 fois |
| | | Ruthger de Lourmel
Humain
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| Sujet: Re: La Geste d'Hedda Jeu 7 Nov 2019 - 9:04 | |
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« Mais où estoient donc ces vils coqueberts ?! »
Depuis une journée entière, Ruthger et sa cohorte battaient l’orée du nord de l’Hedda à la recherche de traces du passage des miséreux à qui ils donnaient la chasse. Malheureusement, force était de constater que les plus régulières avaient rendu les signes difficiles à interpréter. L’équipée avait campé dans la forêt, et était repartie vers l’est. Il se disait que l’Odélian subissait aussi les ravages des bandits, et Ruthger voulait trouver ces derniers avant la fin des temps.
Gontran de la Botte fit remonter son roncin à la hauteur de son seigneur, qui chevauchait avec l’air solennel des hommes en train de réfléchir. Le chevalier-paysan s’humecta alors les lèvres, et lâcha :
« Messire… Peut-être que la forêt est trop vaste ? On est une quinzaine à tout péter, et ça fait déjà une journée qu’on cherche sans trouver les écorcheurs... »
Ruthger se tourna gravement vers son ami, vexé par ce qu’il disait :
« Adoncques, passé Calimehtarus pour Panahos et te voilà desja à couiner telle pucelle que l’on rudoye ! »
Gontran rentra la tête dans les épaules, et Ruthger continua sa diatribe :
« Ces pendards estoient dans l’ombre de ceste forest, et je me fais devoir sacré de les en bouter sans attendre ! »
Il était inutile de raisonner Ruthger lorsqu’il était question de gloire et de lauriers à poser sur sa tête. Gontran le savait, et laissa son lige à la contemplation de sa propre légende. La chevauchée continuait, et le pauvre Bottier, traîné de force dans une aventure qui ne le concernait en rien, avait bien du mal à voir quelle différence il y avait entre le temps où il était serf et jouait les écuyers de fortune pour Ruthger. Car de tous temps, il n’avait jamais eu d’autre choix que de suivre son fougueux maître dans toutes ses entreprises, qu’elles soient heureuses ou bien téméraires. Et connaissant l’apôtre, elles étaient souvent téméraires.
Soudain, le seigneur de Lourmel tira sur les rennes de son cheval, et leva un bras pour faire stopper la troupe. Celle-ci ralentit, et la chevauchée s’arrêta. Les boucliers ne frappaient plus ni les haubergeons ni les cuirasses, et le cliquetis des mailles s’était estompé pour laisser place à un silence inquiétant, entrecoupé par le piaffement des destriers. Ruthger scrutait droit devant lui. Il avait vu et entendu quelque chose, à quelques encablures. Un mince sourire s’étira sur son visage, lorsqu’il vit à nouveau l’ombre d’un mouvement passer entre les arbres. Une ombre humaine. Voilà, ils y étaient. Un gaillard murmure retentit dans la troupe. Apparemment, Ruthger n’était pas le seul à avoir aperçu cet homme s’enfuir.
Il revêtit son bassinet, et libéra sa lame, impatient de faire couler le sang. Avant de rabattre sa visière en bec, il beugla à l’intention de ses braves :
« A la gloire du riche duc ! Hardis, mes frères ! ELBRE NOSTRE ! »
Les chevaliers reprirent le cri de guerre, étouffé dans leur mézail alors qu’ils rabaissaient celui-ci. Ruthger fit se cabrer Pèlerin, et charge en direction de l’ombre, qu’il espérait être de ses ennemis. Un grondement sourd frappait la terre, et le bruit de l’acier résonnait entre les chênes. Peu de choses étaient comparables au plaisir ressenti lors d’une charge, qui pouvait parfois être plus intense et plus long que celui éprouvé entre les cuisses d’une dame.
Ils débouchèrent sur un sous-bois plus épars, laissant plus de visibilité.
« L’ELBRE AUX IER… »
Il fit doucement ralentir son cheval, baissant son épée. Derrière lui, certains firent de même, le voyant s’arrêter. Quelques chevaliers parcoururent tout de même une petite distance supplémentaire, et leurs destriers, coléreuses bêtes, hennissaient leur impatience de se jeter face à l’ennemi qu’on venait de leur refuser de piétiner.
Justement car ce n’était pas un ennemi.
Ruthger, en relevant sa visière, observa avec curiosité l’étendard de la vaste coterie qui s’était mise sur son chemin. D’azur au cygne d’argent ? Étaient-ils déjà si proches d’Odélian ? Les hommes devant lui avaient le même air interloqué. Ils avaient sans doute voulu eux aussi charger ces cavaliers redoutables déboulant de nulle part. Et pourtant, heureux hasard, ils servaient le même suzerain !
Caracolant à la rencontre de la tête de la troupe adverse, il lança :
« Othar me garde d’estriper les hommes de Prademont ! Je ne vous avais point reconnoissé avant de lancer mon destrier à la trousse de vos esclaireurs ! »
Son cheval piaffait, visiblement tout aussi déçu que son maître de ne pas être rentré dans le lard de quelque égorgeur de matrone.
« J’estois Ruthger Ierhold, seigneur de Lourmel ! »
Il cherchait du regard, devant tous ces hommes en armure, celui qui était le représentant du comte, ou le comte lui-même.
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| | | Gaubert de Prademont
Humain
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| Sujet: Re: La Geste d'Hedda Jeu 7 Nov 2019 - 21:02 | |
| La visière claqua devant le visage de Gaubert, tandis que Targon piaffait sous ses cuisses, impatient d'en découdre. À sa droite, Roland et sa garde, à sa gauche, Henri avait lui aussi fermé son heaume et devançait de quelques mètres ses hallebardiers. Le comte leva sa large épée en entendant le martèlement lointain d'une cavalcade qui couvrait les cris de leur ennemi du jour.
En avant, braves odélians. PAR LE CYGNE NOUS VAINCRONS !
Ses soldats reprirent en choeur le cri de guerre de la maison Prademont, tel un chant guerrier qui fit résonner les arbres qui s'émerveillaient du spectacle.
LE CYYYYYYYYYGNE !!
La première ligne s'élança entre les troncs noueux, faisant voler la terre molle et humide de l'Hedda autour d'elle. La seconde ligne de fantassins s'élança dans leur sillage avec une hargne digne des batailles les plus redoutables que menèrent les hérauts de la Lumière face au péril sombre. Bientôt les arbres se clairsemèrent tandis que la charge odélianne arrivait dans une petite clairière. Le combat se ferait à ciel ouvert et les nuages seraient témoins du massacre de ces vils marauds. Gaubert donna un nouveau coup de talon dans les flancs de Targon, afin que la bête soit lancé à plein vitesse.
L’ELBRE AUX IER… LE CYYYYG ...
Le comte tira sur la bride de toutes ses forces, alors que sa monture bavait d'excitation face à l'impact qui se profilait. Sentant son destrier ralentir, il leva la main pour arrêter l'assaut puissant de sa troupe qui ralentit, perdit son élan avant de se mettre à l'arrêt. Face à eux, il vit qu'il n'avait pas affaire avec une bande de voleurs en guenille, mais bien à une troupe de chevaliers en armure rutilante. Gaubert aperçut les armoiries de ceux qu'il avait prit un temps pour les vilains qu'ils chassaient. D'argent au sanglier de gueules. Aucun de ses vassals n'arborant pareil couleur, le comte en déduit qu'il s'agissait sûrement d'une troupe en provenance de Serramire. Une silhouette en armure sortit de la ligne de chevaliers qui leur faisaient, relevant sa visière.
Othar me garde d’estriper les hommes de Prademont ! Je ne vous avais point reconnoissé avant de lancer mon destrier à la trousse de vos esclaireurs ! J’estois Ruthger Ierhold, seigneur de Lourmel !
Lourmel ! Un serramirois comme le comte le soupçonnait. Et cette façon de parler l'ancienne langue nordienne, aucun doute sur les origines du gaillard. Un lambel trônant au-dessus du sanglier fit comprendre à Gaubert que le Ruthger n'était pas l'héritier de sa famille, mais qu'importe à vrai dire, la valeur d'un homme ne se jugeait pas à l'ordre de naissance. Imitant le seigneur Ierhold, il releva sa visière et joua doucement des talons pour faire avancer Targon vers le serramirois, suivi par Henri.
Holà Seigneur Ruthger ! Je suis le comte Gaubert et voici Henri de Librecourt !
Il inclina la tête en signe de respect pour son camarade chevalier avant de poursuivre.
À mon tour de vous présenter mes excuses. Nous menons la chasse à une bande de malandrins qui pillent et détroussent mes bonnes terres et qui se terrent en Hedda et nous avons pris le bruit de votre chevauchée pour une de leurs attaques.
Targon secoua la tête, encore frustré de n'avoir pu faire tâter de ses sabots à un ennemi qu'on lui avait refusé et Gaubert du passer sa main gantée de fer dans sa crinière pour le calmer un peu. Il poursuivit.
Puis-je vous demander ce que pareil régiment de nobles chevaliers fait dans ces bois sombres ? Aurions-nous pousser nos recherches si loin que nous ayons franchi la frontière sans le vouloir ?
Dernière édition par Gaubert de Prademont le Jeu 5 Déc 2019 - 17:20, édité 1 fois |
| | | Ruthger de Lourmel
Humain
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| Sujet: Re: La Geste d'Hedda Ven 8 Nov 2019 - 8:32 | |
| La réponse ne tarda pas à tomber. L’homme devant lui n’était pas un simple capitaine, mais nul autre que le comte d’Odélian ! Ruthger fit une belle révérence du chef, tirant légèrement sur la bride de son cheval dont la tête allait et venait d’avant en arrière, piaffant son excitation à combattre, encore difficilement calmée. Apparemment, les brigands de l’Hedda n’avaient pas fait des ravages qu’aux alentours de la Tour aux Moines. Que le suzerain fasse lui-même le déplacement était un gage honorable de sa loyauté envers ses vassaux, une qualité que Ruthger ne pouvait que saluer.
Il regarda derrière lui, puis à nouveau vers le comte avec un sourire presqu’enfantin.
« Il est dur de donner frontière en pareil malbosc. Sachiez que nous-mesme estions parti de Lourmel por donner forhu à ces pendards ! Ces manants ont pillé près de la Tour-aux-Moines. »
Il rangea son épée à son fourreau, plaçant ses mains sur le pommeau de sa selle.
« J’estois fort ennuyé à devoir me repaistre des murailles de mon castel chaque jour que faisoient les dieux. Adoncques, apprenant que moult brigands ravageaient le méridion, j’y ai accouru promptement ! »
L’ennui pouvait tuer un homme. Ruthger avait vu son père devenir de plus en plus aigri, et gras, à mesure qu’il laissait ses fils agir en son nom et à sa place. Reclus dans sa forteresse, il n’était pas sorti de celui-ci depuis la campagne oësgardienne, à laquelle il n’avait même pas participée, d’ailleurs. Valdemar serait bientôt seigneur d’Estenhausen. Tout ce qu’espérait Ruthger, c’était que leur légendaire rivalité ne vienne pas causer des troubles au nord-ouest du duché.
Une idée lui vint soudain.
« Monseignor, la gaste forêt estoit vaste et profonde, si bien que nous pourrions traquer ces vilains tote ennéade à venir ! Pensiez-vous que nostre noble but puisse estre érigé en cause commune ? Joignons force nostre, afin de dénicher ces chiens lâches. »
Il savait que ses propres chevaliers étaient légèrement refroidis par leur journée à faire chou blanc et à crapahuter dans les bois sans trouver âme qui vive. La charge avortée n’avait sans doute pas amélioré leur humeur, et Ruthger était à peu près sûr que le même sentiment parcourait la coterie du comte d’Odélian. Les Nordiens avaient le sang vif, et l’esprit agité par les préceptes d’Othar. Le seigneur de Lourmel leva finalement son poing pour le poser sur son poitrail d’acier :
« C’estoierait grand honneur por moi de chevaucher au costé du comte de l’Odélian. »
Et, dans la tête de Ruthger, cela faisait déjà un beau début de chanson.
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| | | Gaubert de Prademont
Humain
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| Sujet: Re: La Geste d'Hedda Ven 8 Nov 2019 - 15:15 | |
| Ainsi donc la bande de malandrins sévissait aussi au nord de la forêt. Ces pendards semaient le trouble tout autour de l'Hedda, ne se limitant pas qu'à ses propres terres. Le seigneur de Lourmel avait donc décidé de prendre les armes, comme le comte, afin de purger ces bois de la vermine. Les lèvres de Gaubert s'étirèrent sous sa barbe, ravi de trouver ailleurs qu'en Odélian, un preux qui souhaitait assuré la paix sur les terres du Nord. Il rangea Larmanon dans son écrin, imitant son interlocuteur.
Monseignor, la gaste forêt estoit vaste et profonde, si bien que nous pourrions traquer ces vilains tote ennéade à venir ! Pensiez-vous que nostre noble but puisse estre érigé en cause commune ? Joignons force nostre, afin de dénicher ces chiens lâches. C’estoierait grand honneur por moi de chevaucher au costé du comte de l’Odélian.
Le jeune Henri dévisageait son seigneur, attendant sa décision, sagement. Targon tapa du pied, répondant à la nervosité des montures de la côterie de Serramire.
Je crois mon ami, que notre cause est déjà la même. Ce sera pour moi un honneur de partager cette chasse aux gredins avec votre glorieuse équipée. Cette malgaigne a saigné nos deux peuples, il me paraît tout naturel qu'ils répondent à notre colère conjointe.
Il cogna le poing sur son plastron en réponse au salut de Ruthger.
L'honneur est pour nous, Seigneur Ruthger.
Il empoigna l'avant-bras du serramirois, scellant l'alliance de circonstance qui unissait les deux groupes vengeurs dans la traque des brigands de l'Hedda. Gaubert exposa alors ses déductions.
Nous venons du sud et vous du nord, et les attaques sur mes terres se sont limitées à la lisière sud de l'Hedda sans jamais déborder sur le fief de ma famille. Si, comme nous, vous n'avez trouver ni campement, ni vestiges de leur activité, je pense que leur cachette se trouve plus à l'ouest, vers Etherna.
Le comte tourna la tête dans cette direction, observant l'ombre qui dominaient sous la canopée qui cachait le soleil qui baignait la petite clairière où l'affrontement avait failli avoir lieu.
J'ai deux hommes qui sont partis dans cette direction pour reconnaître les lieux, je pense que nous pouvons avancer de concert par là-bas et attendre leur rapport ... Seigneur Gaubert !
La voix de Roland interrompit les palabres. Le sergent avait fait le tour de la clairière avec trois de ces hommes tandis que les nobles chefs devisaient, et s'approchait du petit groupe au trot.
Pardonnez-moi de vous interrompre, Messeigneurs, mais il faut que vous veniez voir ça !
Le sergent aux bacchantes fournies les amena dans la direction qu'avait indiqué Gaubert quelques instants plus tôt et leur pointa un chêne aux branches voûtées.
Regardez !
Une étrange idole faite d'une cage thoracique humaine et d'un crâne de bouc était suspendu aux branches. Une étrange mélasse visqueuse suintait depuis l'étrange pantin et goûtait sur le sol qu'elle transformée en boue carmin. Le tronc de l'arbre était couvert d'une teinte rouge foncée, ressemblant à du vernis légèrement écaillé. Gaubert mit quelques secondes à comprendre. On avait aspergé l'arbre de sang qui avait coagulé.
Par le con de la Damedieu, qu'est-ce donc que cette sorcellerie ?
Le comte avait déjà vu des totems wandres hideux, mais cette abomination surpassait de loin ce qu'il connaissait.
Dernière édition par Gaubert de Prademont le Jeu 5 Déc 2019 - 17:21, édité 1 fois |
| | | Ruthger de Lourmel
Humain
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| Sujet: Re: La Geste d'Hedda Sam 9 Nov 2019 - 8:23 | |
| Leur alliance venait à peine d’être conclue par une poignée d’avant-bras guerrière, qu’un homme clamait avoir trouvé des indices. En traversant la clairière, Ruthger supposa qu’Othar en personne devait approuver l’entraide, s’il les mettait sur la voie peu après leurx vœux d’assistance. Et lorsqu’il arriva au lieu indiqué par le sergent d’armes, il comprit vite pourquoi. Les chevaux renâclaient déjà leur nervosité, et les hommes murmuraient de courtes prières. Le seigneur de Lourmel lui-même laissa échapper :
« Sainte Mère des Hommes... »
Devant eux, une idole impie, un sacrifice à la grandeur de quelque divinité d’un autre temps. Accrochée dans l’arbre, une carcasse humaine était liée par un odieux procédé à un crâne animal. Des bribes de sa jeunesse revinrent hanter Ruthger, qui avait déjà traversé les Wandres. Il se rappela d’autels similaires, élevés dans le sang et la douleur pour satisfaire l’appétit d’immondes créatures anciennes et maléfiques. L’arbre sur lequel avait été dressé ce monument était teinté de vermeil, dont la provenance ne faisait aucun doute. Le liquide gouttait encore, tandis qu’il se durcissait déjà sur l’écorce du chêne. Ruthger renifla. Le rituel était frais, mais pas de trop.
Nombre de chevaliers grondèrent des insultes, et crachèrent en direction du squelette suspendu. Quel meilleur moyen y avait-il, pour un cœur apeuré, de laisser libre cours à sa colère ? Sur les champs de bataille comme partout ailleurs, cette vérité avait été maintes fois éprouvée.
Ruthger se tourna vers Gaubert, dont le visage dégoûté reflétait le sentiment général.
« C’estoit nigromancie. Lors que j’estais en Estenhausen, j’ai pu mirer consemblantes idoles. Elles estaient cependant bien plus ouvrées et complexes qu’icelle, vec moult runes et symboles impieux. »
Depuis qu’il avait vu son père Brecca revenir des Wandres avec les cheveux blancs, après trois ennéades de disparition, les sorciers et chamanes du Landnörten n’avaient fait que lui glacer les sangs. Fort heureusement, ici, il ne s’agissait pas d’un ouvrage sigol ou soccori. Il était trop sommaire, trop peu étudié. Il s’agissait d’autre chose, Ruthger en avait le sentiment profond.
Gontran était mal à l’aise sur sa selle, et tremblotait comme une feuille. Il avait la visière baissée, et tentait de ne pas montrer qu’il avait besoin de rendre le maigre repas qu’il avait fait le matin. Lui aussi venait des lointaines contrées des Trente, ces seigneuries en première ligne face aux gens du Grand Nord. Les serfs étaient superstitieux, et tomber nez à nez avec pareille horreur de magie noire lui collait les miquettes plus que de raison. Ses tempes battaient la chamade, et les trous dans sa visière lui permettaient de verrouiller son regard sur Ruthger, au lieu d’étudier cette chose dégoûtante à quelques mètres seulement de lui.
Le seigneur de Lourmel dit alors solennellement :
« Ce n’estoit point wandrais. Ces pendards cherchent à nous esloigner per la terror et l’effroy. »
Que le totem soit wandrien ou non, sa présence seule avait installé le malaise dans la troupe de braves réunie par les circonstances…
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| | | Gaubert de Prademont
Humain
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| Sujet: Re: La Geste d'Hedda Sam 9 Nov 2019 - 11:08 | |
| C’estoit nigromancie. Lors que j’estais en Estenhausen, j’ai pu mirer consemblantes idoles. Elles estaient cependant bien plus ouvrées et complexes qu’icelle, vec moult runes et symboles impieux.
L'héritier de Librecourt salua l'affirmation de Ruthger en ôtant vivement son bassinet avant de vomir un liquide blanchâtre sur le côté. La bile rencontra le sol dans un "sploch" peu râgoutant. Visiblement exposé pour la première fois à pareil spectacle, le jeune homme n'avait pu contrôler ses entrailles. C'etait ainsi qu'on s'endurcissait.
Ce n’estoit point wandrais. Ces pendards cherchent à nous esloigner per la terror et l’effroy.
Henri s'essuyait le coin des lèvres en baissant les yeux, honteux d'avoir rendu son déjeuner dans les fougères, alors que Gaubert et Ruthger continuait à observer le totem immonde sans montrer le moindre signe d'indisposition. Plutôt que de relever l'incident, augmentant la gêne du jeune homme, Gaubert hocha la tête suite à l'affirmation de son acolyte serramirois. Les barbares des montagnes avaient certes des coutumes sanguinaires, mais cet assemblage grotesque était trop simple, même pour ces marauds. Le comte se lissa la barbe en réfléchissant à voix haute.
Ce ne peut être noirelfe non plus. Ces monstres n'auraient jamais pu se retrouver aussi loin dans les terres sans être repérés... et ils sont plutôt friands de totems un peu plus ostentatoire.
Gaubert se tourna vers Ruthger, la réflexion plissant son front.
Allons plus avant, mon ami ! Inutile de conjecturer, il nous faut suivre cette piste.
Roland beugla l'ordre de marche aux odélians et Henri remit son casque, toujours sans un mot. Quelques mètres plus loin, la lumière du soleil peinait à traverser les branches entrelacées de la forêt. Targon avançait au pas, son cavalier tenant la bride courte, il restait attentif au moindre mouvement aux alentours. Levant les yeux, il vit des mains tranchées suspendues à des cordes usées qui suivait un sentier broussailleux entre les plantes basses. La piste se confirmait, bien qu'il n'avait aucune idée encore de ce qu'ils traquaient.
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| | | Ruthger de Lourmel
Humain
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| Sujet: Re: La Geste d'Hedda Mar 12 Nov 2019 - 9:11 | |
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Le chemin était bien obscur. Le peu de lumière parvenant à percer le plafond sylvain peinait à pourvoir les hommes en clarté. Dans la semi-pénombre, le royaume des formes biscornues imposait son empire à tous les yeux dotés de trop d’imagination. Pour les moins originaux, la série de mains clouées à-même les arbres était déjà suffisante pour éveiller la peur et l’appréhension. Là reposait cependant la supériorité de tout chevalier se respectant : le courage d’affronter même l’effroi le plus insidieux.
Gontran n’était pas doté de cette vertu. Il tremblotait sur sa selle comme une feuille, et tâchait de ne pas regarder les arbres. La dernière fois qu’il avait jeté un œil aux chênes, il n’y avait vu que des silhouettes agressives, comme s’ils étaient vivants. Le silence relatif de la chevauchée ne rendait pas l’atmosphère plus détendue. Nul homme dans la troupe ne pipait mot. A la tête de cette procession guerrière, Ruthger et le comte Gaubert discutaient à voix basse.
« Ces reistres estoient peut-estre d’Arétria ? Ces gens ouvrent vec moult violence et furor. »
Ils essayaient encore de deviner à qui ils avaient affaire. Ruthger avait observé les paluches exhibées comme de sanglants avertissements, et en avait conclu qu’ils ne traquaient pas seulement de vulgaires bandits de grands chemins. La piste noirelfe avait été vite abandonnée. Ne restait plus que celle des Arétans aux mœurs funestes. Ou bien…
« Halte ! »
Ruthger tourna la tête, surpris. C’était la voix d’Unferth Longespée, l’un de ses chevaliers. Comment osait-il faire s’arrêter la troupe ?
« Là-bas, devant, j’ai vu… enfin, je crois que… »
Un cri retentit devant eux, et les montures s’affolèrent. Ruthger calma rapidement Pèlerin, habitué des champs de bataille et des massacres. Il regarda ensuite dans la direction d’où provenait le cri. Ses yeux avaient eu le temps de s’habituer à l’obscurité, et il discernait quelque chose d’énorme devant eux. Il plissa les paupières, et vit enfin de quoi il s’agissait.
C’était un immense roc. Un roc surgissant du sol comme une petite montagne, semblable à celles que l’on peut trouver au centre de la vaste forêt de Pélanchon. Ruthger renifla bruyamment. Le cri qu’ils avaient entendu avait retenti de là-bas. Pourtant, à part cet immense rocher au milieu de la forêt, il n’y avait rien d’autre que des arbres. Soudain, Gontran murmura d’un timbre légèrement timoré :
« V-vous voyez la… l’entrée ? »
Quelle entrée ? Ruthger observa plus avant. Il y avait effectivement un renfoncement dans la paroi, mais de là à ce qu’il s’agisse d’un passage… Le cri retentit une nouvelle fois. Une supplique. Mais ce qui mit fin aux doutes du seigneur de Lourmel, c’est que cette voix avait un écho. Il y avait donc bel et bien une sorte de poterne cachée.
Son visage se tourna vers Gaubert.
« Messire, c’estoit bel et bien creux. Mais à l’intérior, nul cheval ne saurait nous acompaigner. »
La perspective de se battre à pied allait sans doute exciter certains acharnés du corps à corps. Certains démontaient déjà, attachant leurs montures à des arbres, et dégainant leurs glaives. Gontran, lui, adressait des prières à tout le Penthéon pour que rien de fâcheux n’arrive à son petit corps frileux et tremblant…
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| | | Gaubert de Prademont
Humain
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| Sujet: Re: La Geste d'Hedda Mar 12 Nov 2019 - 20:06 | |
| Sous la canopée, le groupe suivait le chemin marqué des décorations impies qui semblaient indiquer le chemin à suivre. Du coin de l'oeil, Gaubert observait le jeune Henri, le teint blême, qui avançait la tête baissée vers la crinière de sa monture. Le jeune homme n'avait pipé mot depuis son "incident gastrique" quelques minutes plus tôt. Le comte perçut la honte dans l'attitude du garçon, visiblement amer de l'image qu'il donnait de sa maison à son seigneur-lige et aux serramirois. Dans toute leur noblesse, ces derniers n'avait pourtant pas cédé à la moquerie facile et aux quolibets. D'ailleurs, chez les serramirois, quelques cavaliers n'avaient l'allure et la superbe qu'on attendait d'un chevalier. Le spectacle morbide qui les entourait, sublimé par la réputation maudite de l'Hedda, avait fait naître au sein du groupe une appréhension presque palpable. Ruthger sortit le comte de ses contemplations.
Ces reistres estoient peut-estre d’Arétria ? Ces gens ouvrent vec moult violence et furor. Même si je n'apprécie pas beaucoup ces coquins, jamais je n'ai vu pareil barbarie dans la Péninsule, mon ami.
À dire vrai, si. Une fois. Une seule fois dans sa longue vie, il avait été témoin de si vil procédé. On disait pourtant la guilde maudite qui se faisait appeler le Chaos, détruite depuis des années. Bien avant le Voile qui avait marqué la fin du Xe Cycle. Prademont réfléchissait, tout comme le seigneur de Lourmel, et une voix retentit sur le côté.
Halte ! Là-bas, devant, j’ai vu… enfin, je crois que…
Un beuglement aigu fit s'ébrouait la ligne en réponse au cri d'alarme. Targon agita la tête, nerveux, alors que la monture d'Henri soufflait bruyamment en frappant des sabots. Le jeune homme parvint à maîtriser sa monture qui semblait rechigner à rester sur ses quatre pattes. Un amas de pierres massives transperçait la forêt depuis le sol. L'étrange forme, semblable à un mausolée effondré, était recouvert de mousse et de lierre.
La troupe s'approcha prudemment. Gaubert sentit les muscles de Targon frémir sous ses jambes. La bête était brave mais cet étrange tas de pierre ne lui inspirait guère confiance. Un serramirois pointa du doigt ce qu'il définissait comme une entrée. Le hurlement résonna depuis le rocher, déclenchant une nouvelle rebuffade chez plusieurs chevaux. Ruthger joua des talons pour constater de lui-même les déclarations de son homme puis se tourna vers le comte d'Odélian.
Messire, c’estoit bel et bien creux. Mais à l’intérior, nul cheval ne saurait nous acompaigner.
Gaubert hocha la tête et posa pied à terre sans poser de question. Ils avaient trouver la tanière des gredins et en bon nuisible qu'ils étaient, il fallait aller les chercher pour les exterminer. Il enroula la bride de Targon autour d'une branche basse d'un châtaignier noueux à quelques mètres du tumulus, aussitôt imité par Henri. Roland et les gardes du comte démontèrent un peu plus loin, avant de se rapprocher de leur seigneur. Gaubert serra la garde de Larmanon qui attendait son heure paisiblement contre le flanc de son propiétaire en donnant ses directives.
Roland, avec moi. Henri vous et vos gens formaient l'arrière de notre colonne.
Roland et les gardes tapèrent du poing sur leur plastron gravé du Cygne en hochant la tête, puis préparèrent de quoi faire des torches. Gaubert regarda le jeune Librecourt qui serrait les dents avec anxiété, le jouvenceau se dirigeait probablement vers son premier combat et le comte préférait qu'il forme l'arrière-garde pour qu'il puisse garder un oeil sur lui et ses hallebardiers qui, eux non plus, ne semblaient pas en mener très large. La côterie serramiroise se rassemblait autour de Ruthger qui organisait ses troupes de son côté. Gaubert s'approcha, suivi de ses hommes. Il toisa l'entrée de la caverne, qui était peinte de sang séché dans lequel on avait dessiné des mains.
Seigneur Ruthger, je propose que vos hommes tiennent le centre de notre colonne. Mes gardes fixeront nos adversaires et vos chevaliers n'auront plus qu'à leur rentrer dans le lard en une seconde vague dévastatrice, qu'en dites-vous ?
Roland tendit une torche à son seigneur et ils s'engagèrent dans le boyau où flottait une odeur de charogne immonde. Les murs étaient poisseux de sang, et le sol était un limon infâme qui collait aux bottes du comte, tandis qu'il avançait derrière deux gardes. Le cri horrible résonna de nouveau contre les parois sanguinolentes et bientôt c'est de multiples cris rauques qui lui répondirent. Gaubert se retourna, cherchant le regard du seigneur de Lourmel. Il remarqua alors que depuis le plafond, d'autres totems assemblés à partir d'ossements mélangés pendaient sinistrement. D'un geste de la main, il voulut faire comprendre à son groupe qu'il fallait ralentir encore plus l'allure. Ils approchaient.
Quand il se retourna dans le sens de la marche, il distingua au bout du boyau de pierre, une petite forme voûtée et encapuchonné, tenant une lance, qui se dessinait dans les ombres laissés par un brasier derrière elle. Pendant une seconde, la forme se tenait immobile. Puis soudain, elle leva sa lance au-dessus de sa tête.
GABBLAAAAAAAA !!
La chose hurla et disparut du bout du couloir. BOUM Le son résonna jusqu'au fond des os du comte. BOUM BOUM Une série de hululements mauvais retentit. BOUM BOUM BOUM BOUM Les tambours martelèrent de plus en plus frénétiquement.
En avant, en avant !!
Gaubert et ses gardes débouchèrent dans une grande salle souterraine, couverte de symboles et de totems impies. Léandre, un de ses éclaireurs, était suspendu à un chevalet de bois, tandis qu'une petite créature aux yeux rouges s'appliquait à lui écorcher le dos avec une dague courbe. Le son des tambours emplit toute la caverne alors que le jeune soldat odélian lâchait un nouveau cri terrible quand la lame se planta dans sa peau.
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| | | Ruthger de Lourmel
Humain
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| Sujet: Re: La Geste d'Hedda Mer 13 Nov 2019 - 9:57 | |
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Les chevaux avaient été laissés à la bonne garde de Gontran, qui s’était porté volontaire. Les autres Serramirois, parés pour la guerre, avaient revêtus leurs hauberts, cuirasses et bassinets comme une seconde peau. La plupart s’armaient d’une épée et d’un bouclier, mais quelques chevaliers à la main plus lourde s’étaient dotés de becs de corbin et d’épées longues, tel Unferth, et sire Rochabarth tenait entre ses deux mains un beau marteau de guerre. L’équipée avait été placée derrière les premières rangées odélianes, au grand dam de certains excités de la lame. La procession avait pénétré le boyau suintant avec leurs appréhensions bridées par une rigoureuse discipline militaire. Sous leurs bottes s’étendait une mare poisseuse, suffisamment haute pour que leurs bottes produisent un bruit de succion désagréable à chaque pas. Ruthger, au milieu des rangs, scrutait devant lui. A la lumière des torches, il distinguait d’autres symboles impies, et brûlait de connaître l’origine de leur ennemi si sanguinaire. Ses mains étaient fiévreuses, désireuses de porter des coups, afin de faire encore une fois entrer son nom dans la légende. C’est alors qu’il la vit. Cette silhouette rabougrie, devant l’entrée d’une grande cavité. Elle ne bougeait pas, mais sa forme ne pouvait le tromper, lui qui en avait allègrement exterminés aux Pyks d’Ortheim. Il murmura : « Un vert-piaus... »Le gobelin beugla en levant sa lance, et une onde de stupeur traversa les rangs. La créature parlait. Mais l’étonnement passé, les visages des hommes de Lourmel se fendirent d’un sourire mauvais. Leurs doigts se resserraient contre les poignées de leurs armes. Sous leurs visières, leurs visages se peignaient des couleurs de la guerre. Ils avaient envie d’en découdre, et quoi de mieux pour cela qu’une bande de peaux-vertes ? Un grondement naquit dans la troupe, tandis que les tambours de guerre résonnaient dans la caverne. Ce fut le comte Gaubert qui donna l’ordre de l’assaut. Ses fiers bretteurs filèrent vers l’avant, poursuivant le petit gobelin qui venait de donner l’alerte. Les Serramirois suivirent le contingent, qui déboula dans l’énorme cavité qui servait de base aux créatures du mal. Là, Ruthger vit l’horrible spectacle qui s’y déroulait : un des éclaireurs du comte était attaché et avait été lardé de coups par ses geôliers. Une clameur retentit alors. De partout dans la grotte, un fourmillement de lames rouillées, de capuchons pointus et de formes grotesques convergeaient vers eux tous azimut, braillant des mots incompréhensibles. Les gobelins se réunissaient. Les épéistes odélians étaient en première ligne, et face à ces petites bestioles gênantes, ils avaient l’avantage de l’allonge. Ruthger, lui, sentait le feu d’Othar se répandre dans ses tripes. Une lueur bagarreuse dans les yeux, il leva sa lame, et la fit tourner deux fois en beuglant : « Lourmel ! Vec moi ! »Les armes se levèrent comme une seule, et alors que le combat commençait pour les Odélians de la première ligne, un cri de guerre empli de rage et d’excitation retentit derrière, poussé par les Serramirois. Soudain, depuis le flanc gauche, les chevaliers de Ruthger débordèrent pour venir prendre les gobelins en tenaille, frappant avec une violence inouïe les peaux-vertes couinant de douleur sous l’assaut. S’en prendre à plus petit que soit était bien peu chevaleresque, sauf lorsqu’il s’agissait d’un immonde gobelin. Leurs petites lames rouillées étaient bien inefficaces contre les plastrons lustrés de la coterie serramiroise, et les marteaux de guerre avaient tôt fait de violenter les boîtes crâniennes des peaux-vertes lorsqu’ils faisaient mouche. Dans la bataille qui s’ensuivit, Ruthger se couvrait de sang. Il avait perdu de vue la ligne de combat. En relevant légèrement la tête, il se rendit compte qu’elle n’existait déjà plus. Les Odélians étaient désorganisés, les chevaliers étaient éparpillés, littéralement entourés d’une marée verte les harcelant de tous côtés… Lui-même était isolé, taillant dans le vif. Il sentait que des petites lames tentaient de se loger dans les faiblesses de son armure. Tout à coup, Gaubert de Prademont passa dans son champ de vision. Il se dirigea vers lui à grandes enjambées, poursuivi par sa horde d’ennemis, et lui lança à travers le bec de passereau de son casque : « Hardi messire ! Bastonnons ces chiards dos contra dos ! »Ainsi placés, les deux chefs étaient invincibles. Tournant telle une roue inflexible, ils répandaient la mort dans les rangs gobelins, tranchant leurs bras courtauds, éviscérant leurs ventres rondelets, et scalpant leurs caps par leurs sinistres coups. La bataille tournait largement en faveur des hommes, qui en à peine quelques minutes avaient réussi à exterminer une bonne moitié des effectifs qu’ils avaient sous les yeux. Pourtant, ils étaient loin d’en avoir fini. Depuis les profondeurs de la grotte, là où la lumière des torches et des feux n’allait pas, un immense cri retentit. Un cri qui fit reculer les gobelins, reformant tant bien que mal leurs rangs. Les chevaliers aussi s’étaient arrêtés de combattre, observant cette silhouette massive qui se dessinait dans l’ombre, derrière les lignes des peaux-vertes. Ruthger était incrédule, lorsque la créature s’exposa à la lumière du feu. Juché sur une espèce d’âne couvert de plaques de métal, se tenait le plus gros et le plus grand gobelin qu’il ait jamais vu. Dépassant le mètre, il était aussi large que grand, et sur sa tête reposait une grotesque couronne en os particulièrement laide. Les chevaliers de Serramire se regardèrent, perplexe, et le seigneur de Lourmel jeta un œil interrogateur à Gaubert. Avait-il déjà vu pareil spectacle ? Le ventripotent peau-verte s’exclama : « Je suis le roi ! C’est moi le roi ! Bolet-Mont le roi de Pleine Insulte ! »Les gobelins cancanèrent des borborygmes incompréhensibles, et le spectacle tourna vite au plus pur ridicule. Ruthger releva sa visière, perplexe. « Est-ce une malevolente farce ? »
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| | | Gaubert de Prademont
Humain
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| Sujet: Re: La Geste d'Hedda Mer 13 Nov 2019 - 15:50 | |
| Gaubert n'y aurait pas cru si il ne les voyait pas de ses propres yeux. Des gobelins ! Cette sinistre engeance sortit des tréfonds des entrailles de la terre avait établi sa base au milieu de cette caverne immense. Une marée verte encapuchonnée se ruait vers eux au son cadencé des tambours qui retentissaient de leurs rythmes frénétiques. Une rage terrible s'empara du comte face aux peaux vertes qui avançaient en beuglant comme les porcs qu'ils étaient.
D'un geste de la main, il rabattit la visière devant ses yeux et levant Larmanon au-dessus de sa tête.
LE CYYYYGNE !!
Les gardes du comte répondirent au signal en se ruant en avant en hurlant. Les lames moisies des créatures rebondirent sur les boucliers des solides bretteurs odélians et ils ripostèrent, faisant voler têtes grimaçantes et bras atrophiés dans les airs. Le cri de guerre des serramirois retentit alors et la deuxième vague humaine percuta la masse de petites créatures ignobles qui tentaient de les submerger. Le sang épais des viles créatures coulaient à flot et éclaboussaient lames et armures dans de grands gerbes.
TENEZ ! TENEZ !!
Les encouragements de Gaubert étaient noyés dns le tumulte de la bataille, mais chaque homme qui pouvait les entendre savait à chaque instant que leur seigneur était avec eux et qu'il ne faiblissait pas. Larmanon trancha une tête aux dents pointues lorsqu'il aperçut Henri charger au devant de ses hallebardiers. Les Vertepeaux formaient une concave, tentant d'ecercler la brave troupe humaine, mais c'était sans compter sur la férocité des hommes de Ruthger, qui brisèrent leur élan pour à leur tour les menacer d'une prise en tenaille. Cependant, plus ils en découpaient, plus ils semblaient nombreux.
HARDIS ! HARDIS NOBLES GUERRIERS !
Il avait perdu de vue Roland dans la mélée, plusieurs de ses gardes étaient de ci de là, taillant et éventrant les immondes adversaires. Gaubert abattit son bouclier sur la gorge d'un gobelin qu'il venait de jeter au sol, lequel émit un gargouillis peu ragoûtant avant de pousser son dernier soupir. Une voix lui parvint sur le côté gauche.
Hardi messire ! Bastonnons ces chiards dos contra dos !
Même étouffé par l'acier, il reconnut la voix de Ruthger qui semblait s'être baigné dans le sang, tant son armure avait perdu l'éclat étincelant qu'elle avait lors de leur rencontre, quelques heures plus tôt. Sans un mot, il se plaqua contre le dos du serramirois. Une hache rouillée vint se planter sur le côté de son bouclier et y resta bloquée. Le gobelin tentait de retirer son arme qui mordait profondément dans le bois peint quand la lame de Gaubert s'enfonça en travers de sa gorge. D'un rapide geste de sa main d'épée, il ôta la sangle qui maintenait le bouclier en place et le fit tomber au sol dans un bruit sourd, puis se saisit de son épée bâtarde à deux mains. Le duo de seigneur fit virevolter leurs armes en répandant mort et destruction dans les rangs des immondes peaux-vertes qui continuaient de se précipitaient vers leur funeste destin. Ne se rendaient-ils pas compte qu'ils se ruaient vers un émissaire de Tyra bicéphale aux lames bénies par Othar ? Qu'espéraient donc ces vilains ?
Petit à petit, les rangs des gobelins se clairsemaient. Il savait ces créatures aussi nombreuses que les abeilles dans une ruche, aussi Gaubert doutait qu'ils aient terrassés toute la colonie impie. Un cri retentit du fin fond de la caverne, alors que le comte et son acolyte trouvaient enfin un instant de répit dans le combat alors que la ligne de peaux-vertes reculaient.
Une forme grotesque apparut sur leurs arrières. Un gobelin obèse était juché sur une bourrique couverte de plaques de métals réliées entre elles par de grossières ficelles dans un grossière imitation de chevalier. Une couronne d'os était posée sur sa tête chauve. D'une voix ridicule, la créature beugla.
Je suis le roi ! C’est moi le roi ! Bolet-Mont le roi de Pleine Insulte !
La pantomime était grotesque, aussi grotesque que le petit pantin qui servait à asseoir le pouvoir du régent. Les créatures encapuchonnées piallèrent dans leur langage incompréhensible, alors que Ruthger levait la visière à bec de son casque et se tournait vers Gaubert.
Est-ce une malevolente farce ? Si ç'en est une mon ami, je trouve que ce théâtre est bien sinistre !
Un cri retentit sur la droite. Gaubert aperçut alors, Henri, donnant l'assaut vers le ridicule attelage, suivi de ses hallebardiers. Le roi gobelin leva un sceptre qui se révéla être une colonne vertébrale entouré de colifichets sombres. Une boule de feu s'échappa des doigts du grotesque sire et vint exploser devant le jeune seigneur et ses hommes dans une gerbe de flammes oranges. Le comte vit le jeune homme voler dans les airs et heurtait la paroi en pierre de la caverne avant de s'écrouler sur le sol. Il se précipita vers Henri, sous les cris de douleur d'un de ses hommes d'armes qui s'embrasait. Le comte releva la visière du jeune Librecourt. Il était inconscient, mais il respirait. Le sort du sorcier obèse marqua le début du second assaut de ces immondes serviteurs sous ses ricanements aigüs. Gaubert se redressa et leva son épée une nouvelle fois.
LA LIGNE ! FORMEZ LA LIGNE !
Il regagna sa place au côté de Ruthger alors que serramirois et odélians se serraient les uns contre les autres.
Nous devons prendre la tête de cette obèse immondice, Messire !
Dernière édition par Gaubert de Prademont le Jeu 5 Déc 2019 - 17:23, édité 1 fois |
| | | Ruthger de Lourmel
Humain
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| Sujet: Re: La Geste d'Hedda Jeu 14 Nov 2019 - 8:29 | |
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La charge héroïque du jeune Henri aurait pu le faire rentrer dans la légende. Ruthger avait été impressionné par l’aplomb du jeune homme, qui menait les hallebardiers à l’assaut du roi gobelin et de ses séides. Tout s’était passé fort vite, et personne n’était paré à voir ce qui allait se dérouler. Car en levant un sceptre aussi macabre que l’était sa couronne, l’énorme peau-verte avait fait apparaître entre ses doigts boudinés une espèce de petite balle nimbée de flammes, qu’il s’empressa de diriger vers les guerriers odélians une fois invoquée. Ruthger avait écarquillé les yeux en la voyant filer vers Henri et ses soldats.
« Le vert-piaus estoit magus ! »
La fin de sa phrase avait été engloutie par les cris de surprise, de terreur et de douleur des hallebardiers. La boule de feu, non contente d’incendier, explosa à la figure des preux pour les envoyer voler. Devant l’inconcevable, Ruthger resta un instant interdit. Si cette parodie de roi pouvait faire de la magie, il fallait à tout prix enfoncer les lignes de ses ouailles pour lui dépecer la couenne, qu’il avait fort grasse d’ailleurs. Et comme si cette pensée avait volé jusque dans les rangs adverses, les créatures du mal prirent l’initiative de charger !
Ajustant les sangles de son bouclier sur son bras, il beugla :
« Serramirois ! A moi ! »
Les chevaliers se réunirent tous autour de leur seigneur, tandis que Gaubert revenait auprès de lui également, après s’être enquis de l’état d’Henri de Librecourt. D’un simple regard au comte, il sut que le garçon s’en était tiré. L’assaut faisait rage à nouveau, mais cette fois, le groupement compact des Odélians et de leurs alliés Lourmelois était impénétrable. Ruthger acquiesça à la remarque du comte.
« Adoncques sire Gaubert, je mesnerai la charge face aux vert-piaus vec force et furor d’Othar-mesme ! Lors que je lascherai mien cri de guerre, nous piétinerons les rangs adverses, jusqu’au nigromancien ! »
Rabattant son bec après un regard entendu avec le seigneur de Prademont, il leva sa lame tandis que le roi-sorcier agitait sa colonne vertébrale, sans doute prêt à lâcher quelque mauvais sort de plus. Ruthger brailla :
« Lourmel ! L’Elbre aux Ierhold ! Elbre nostre ! »
Tous reprirent l’appel, le vociférant dans toute la salle, avant de suivre leur seigneur à travers les lignes des gobelins, côte à côte avec les Odélians. Le contre-assaut était particulièrement dévastateur pour les peaux-vertes. Néanmoins, la charge ne se déroula pas sans heurts. Sire Yohan la Hache, qui glissa sans doute sur un cadavre, chuta lourdement au sol, recouvert d’une marée verdâtre et piaillant qui cachèrent ses cris de panique. Unferth, lui, sentit s’enfoncer dans l’un des défauts de sa cuirasse la pointe d’une lance, qui, si elle ne l’arrêta pas dans sa course, le fit tituber et ralentir.
Comme s’il avait deviné la tentative des Péninsulaires, le roi gobelin donna des talons sur les flancs de sa monture.
« Huuuu dada bourricot ! »
L’âne caparaçonné, cependant, ne réagissait pas. Têtue, la bête ne serait d’aucun secours pour le sorcier obèse juché sur son dos…
« Lourmel ! »
Le gobelin tourna la tête, et vit, horrifié, Ruthger enfoncer sa lame dans le cou de son destrier aux longues oreilles. Le braiment du baudet fut masqué par le bruit de gargouillis du sang s’échappant de sa gorge. Il se cabra une dernière fois, faisant vider les étriers à son cavalier, avant de s’effondrer sur le côté, écrasant deux gobelins sur son passage.
La panique s’instilla dans les rangs adverses, qui n’étaient déjà pas bien vaillants. Ils avaient vu leur chef tomber. Mais ils ne l’avaient pas encore vu mourir…
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| | | Gaubert de Prademont
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| Sujet: Re: La Geste d'Hedda Jeu 14 Nov 2019 - 20:42 | |
| Adoncques sire Gaubert, je mesnerai la charge face aux vert-piaus vec force et furor d’Othar-mesme ! Lors que je lascherai mien cri de guerre, nous piétinerons les rangs adverses, jusqu’au nigromancien !
Les deux hommes hochèrent la tête, scellant le pacte de mort qu'ils s'apprêtaient à délivrer. Ruthger rugit, bientôt imité par ses hommes.
Lourmel ! L’Elbre aux Ierhold ! Elbre nostre !
La fougue de la vaillante troupe de Lourmel fit retentir le chant du Cygne en écho.
PAR LE CYGNE NOUS VAINCRONS !!
La ligne nordienne se rua à la rencontre de celle des vertepeaux guidée par la rage du Dieu Guerrier lui-même. Odélians et serramirois emboutirent avec fracas les gobelins qui couinèrent comme des rats lorsque l'acier mordit leur chair purulente. Larmanon tranchait, taillait, éventrait, sectionnait sans relâche sous les cris furieux du comte qui suait à grosses gouttes sous son heaume. Il vit un nouveau trait de feu jaillir de l'arrière des lignes adverses, lequel passa au-dessus de sa tête pour exploser un peu plus loin, sous les insultes du roi gobelin qui beuglait.
Traçant un sillon sanglant dans les rangs de la vermine verte, les deux nobles, flanqués de leurs preux guerriers, s'approchaient de l'obèse chef juché sur sa bourrique qu'il talonnait de plus en plus vite. Fidèle à la réputation de sa race, la bourrique rechigna à bouger alors que les lames vengeresses du Nord étaient toutes proches. À grands renforts de moulinets, Gaubert fauchait les créatures encapuchonnées les unes après les autres en criant ses encouragements à ses soldats. Il plongea Larmanon dans la gueule ouverte d'un gobelin qui hurlait sa férocité en postillonnant lorsqu'il vit le seigneur serramirois bondir en avant, sus au roi grotesque.
Lourmel !
L'âne se vit transpercer dans un braiement noyé dans le flot de sang qui jaillissait. La bête se cabra alors que Ruthger extirpait son épée dans un râle puissant qui créa un geyser de flot rouge qui aspergea les combattants alentours. Le gros gobelin couronné bascula en arrière en lâchant son sceptre morbide lorsqu'il heurta le sol. La bête était à terre, il fallait l'achever.
SKWABWAHGLAAAAAAAAAAAAAH !!
Le cri inhumain survint de la gauche du comte. Un gobelin, écumant de bave, faisait tournoyer un énorme boulet au-dessus de sa tête à l'aide d'une chaîne aux maillons qui avaient la taille d'un poing ganté. Entraîné par son élan, le peau-verte cognait adversaires et alliés sans aucune distinction et arrivait à pleine vitesse vers les deux nobles. Deux gardes à l'écu frappé du Cygne se mirent en travers de son chemin. Le premier prit le boulet de plein fouet sur le côté. Un craquement sourd retentit, couvrant un bref instant le son de l'acier qui cognait l'acier, et l'odélian vola comme une poupée de chiffon quelques mètres plus loin. Le second n'eut pas le temps de lever son bouclier assez haut et fut décapité sans autre forme de procès. Le corps du brave, encore crispé par les combats, garda un temps une pose guerrière, avant que ses bras se mettent à pendre le long du corps qui s'effondra, raide.
La colère du comte fut attisée par ce spectacle brutal et ses mains se resserèrent autour de la garde de Larmanon. Ruthger était focalisé sur le chef gobelin et ne vit pas le danger qui arrivait dans son dos.
Ruthger !! Attention !
Gaubert posa une main sur l'épaulière de son camarade et tira en arrière de toutes ses forces. Le boulet passa juste devant le seigneur serramirois qui avait du faire un pas en arrière pour ne pas tomber. L'odélian passa devant le seigneur de Lourmel, en lançant sa lame vers le sol et dans un grand mouvement qui remontait, parvint à atteindre le bras du joueur de boulet. L'os du bras du vertepeau céda sur le coup et la lame trancha le bras au-dessus du coude. La bête hurla, alors que le boulet partait dans les airs pour aller s'écraser dans les rangs de ses semblables derrière lui. Gaubert n'en avait pas fini avec le vil. Il profita de l'élan de son premier coup pour effectuer une volte et abattre son épée bâtarde sur l'autre épaule. La clavicule du gobelin craqua et la lame mordit profondément le corps malingre, l'entaillant jusqu'à la moitié de la cage thoracique. Le gobelin tomba à genoux, continuant à brailler et à écumer avec une folie fanatique dans l'oeil qui ne pouvait appartenir qu'à cette sombre engeance. Posant un pied sur l'épaule à demi-tranché, il extirpa la lame du corps en tirant de toutes ses forces et, dans un dernier moulinet triomphal, trancha la gorge de la créature rabougrie qui s'écroula enfin dans un dernier râle immonde. Il tourna le regard vers le serramirois.
Hardi Messire !
Il pointa sa lame vers le chef énorme qui avait rampait en arrière en piaillant ses borborygmes impies. Une nouvelle boule enflammé naissait au creux de sa main griffue.
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| | | Ruthger de Lourmel
Humain
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| Sujet: Re: La Geste d'Hedda Ven 15 Nov 2019 - 9:03 | |
| Couvert de sang et de bave animale, Ruthger franchit le bon mètre le séparant de la panse obèse du roi gobelin, qui se traînait piteusement vers l’arrière de la grotte dans l’espoir d’un maigre salut. En regardant par les fentes de son casque la silhouette charnue de son adversaire, il se prit soudain à imaginer quelle taille devait faire la poche d’estomac de cette repoussante créature. Saisissant son épée à deux mains, pointe vers le bas, il souffla un dernier :
« Per cet estoc, j’entre en la lesgende... »
Pourtant, lorsqu’il voulut abattre sa lame dans le ventre fourni du sorcier, quelque chose lui attrapa l’épaule, le forçant à reculer d’un pas. Il vit ensuite une énorme ombre lui frôler le crâne, un gros boulet qui avait failli le décapiter. La stupeur le frappa, et il tourna vite la tête vers le porteur d’une telle arme. Ce dernier était un gobelin plus fort que les autres, et sûrement rendu fou par quelque drogue désinhibante. Sa langue était énorme, et l’écume qu’il accumulait autour d’elle donnait l’impression qu’il avait la rage.
Ruthger fut impressionné par la promptitude avec laquelle Gaubert se débarrassa de l’importun. A près de cinquante berges, il avait encore le geste sûr d’un chevalier expérimenté, et faisait tournoyer son glaive comme un jeune homme. Le seigneur de Lourmel se prit à penser qu’au jour où il franchirait le seuil de l’automne de sa vie, c’est exactement à cela qu’il voudrait ressembler.
Une fois la gorge du berserker tranchée, Ruthger clama :
« Dextre coup, monseigneur ! »
Ce dernier, pourtant, se tourna vivement vers lui, pointant sa lame vers lui. Se retournant, le seigneur lourmelois constata avec horreur que le gobelin avait réussi à ramper vers le fond, et préparait une nouvelle incantation de magie noire. Ruthger fut saisi d’un coup de sang. Il revit l’image de la boule de feu carbonisant les braves d’Odélian, et n’hésita pas un seul instant.
Saisissant son épée bâtarde comme s’il s’était agi d’un javelot, il se mit en posture du sagittaire. Lorsqu’il lança sa lame, elle fila droit sur le sorcier peau-verte qui, occupé à préparer son sort, ne vit que trop tard la lame s’enfoncer avec aisance dans sa gorge, le clouant au sol. La boule de feu s’évapora instantanément, tandis que le corps de son invocateur était parcouru de spasmes. Partout dans la grotte, les gobelins survivants tentaient de fuir les Serramirois et les Odélians, qui leur donnaient la chasse avec la rage du vainqueur.
Ruthger souleva alors son mézail, et souffla un bon coup, sentant la saine fatigue de l’effort s’envoler légèrement alors que l’endorphine le gagnait.
« Par mes ancestres, voici qui vaut bien moult chansons... »
Il lâcha un petit rire, et se tourna vers Gaubert avec un visage presqu’enfantin.
« Vous m’avez gardé de grand peril, noble ami. J’estois vostre éternel abonné. »
Ruthger fit un pas pour saisir l’avant-bras du comte dans une empoignade virile et fraternelle. Aujourd’hui, le seigneur de Lourmel s’était fait un puissant allié, dont le pacte avait été scellé dans le sang et la ruine. Mais, alors que le combat cessait peu à peu et que les derniers peaux-vertes étaient poursuivis par les Nordiens revanchards, il était temps pour Ruthger et Gaubert d’aller s’enquérir des blessés, et pis encore, de compter leurs morts…
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| | | Gaubert de Prademont
Humain
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| Sujet: Re: La Geste d'Hedda Ven 15 Nov 2019 - 21:27 | |
| Le sort du gobelin gonflait entre ses doigts crochus, qu'il tendait vers les rangs humains. Il psalmodiait son incantation impie lorsque Ruthger, réagissant au geste du comte d'Odélian, adopta une posture de javelinier et lança son épée. La lame traversa les airs en sifflant légèrement et vint se ficher en pleine dans le gloître luisant de sueur de l'immonde sorcier. Les flammes qui s'enroulaient devant sa main s'éteignirent en un clignement de paupières. Le roi Bolet-Mont gisait dans son sang, épingler au sol par l'acier serramirois, agité de quelques tremblements éparses avant que la vie ne quitte son corps gras pour de bon. Gaubert s'approcha de quelques pas et cracha un glaviot légèrement teinté de sang sur le cadavre encore tiède.
Les sbires du grotesque sire fuyèrent vers les profondeurs des cavernes, poursuivis par les soldats nordiens qui criaient leur haine en empalant les maudits sur leur lame. Le comte haletait sous son heaume et il releva la visière pour inspirer une grande goulée d'air. L'odeur des viscères se mélait à celle du sang et de la chair brûlée. Ses cheveux gris collaient à son front couvert de sueur et maintenant que le frisson du combat quittait son vieux corps, il sentit à nouveau le poids des ans peser sur ses épaules. Alors qu'il faisait danser sa lame d'un ennemi à l'autre, fauchant les vies comme des blés mûrs, il lui avait semblé rajeunir, ne comptant plus ses efforts, ni le nombre de fois où il avait abattu son épée bâtarde. Désormais, son demi-siècle se rappelait à son bon souvenir. Il posa Larmanon pointe contre le sol, s'appuyant légèrement dessus tandis qu'il reprenait son souffle, légèrement penché en avant. C'est la voix du seigneur de Lourmel qui lui fit relever le regard.
Par mes ancestres, voici qui vaut bien moult chansons... Vous m’avez gardé de grand peril, noble ami. J’estois vostre éternel abonné.
Les deux hommes s'empoignèrent l'avant-bras avec virilité. Gaubert croisa le regard de son allié du jour, à la fois reconnaissant d'avoir croisé la route de la côterie de Lourmel et fier d'avoir pu combattre au côté d'un si farouche guerrier. En jetant un oeil vers les arrières, il vit la tranchée mortelle qu'ils avaient tracés en alliant leur science du combat. Les corps des peaux-vertes mutilés s'entassaient en ornières morbides autour de leur route jusqu'au corps bouffi de leur chef.
Nul doute que quelque troubadour ayant vent de votre ultime action vous honorerait du titre de Perce-Gobelin. Regardez-le, vous l'avez embroché comme un goret !
Gaubert eut un petit rire qui se mua vite en toux grasse. Même ses poumons lui rappelaient qu'il ne s'était pas économisé pendant cette bataille. Il libéra sa main de la poigne fraternelle avant de poser sa main sur l'épaulière de Ruthger, un sourire sous la barbe.
Je n'ai fait fait que protéger un frère d'arme, comme tout bon chevalier se doit de le faire. En mettant à bas le sorcier, vous avez sauvez bien plus de vies encore.
Chacun avait effectué son devoir, ils le savaient tous deux. L'espace d'une seconde, Gaubert se mit à penser à ce qu'aurait donner ce combat si il n'avait pas croisé la troupe serramiroise. Le massacre aurait bien pu être dans son camp. Il se dirigea alors vers le corps de Bolet-Mont et tira d'un coup sec la lame de Ruthger avant de la tendre à son propriétaire. Sans un mot, il leva alors Larmanon et l'abattit sur le cou perforé du sinistre sorcier gobelin, sectionnant la caboche. Il se pencha pour ramasser la tête grimaçante et la leva au niveau de son épaule, tournant les yeux vers son camarade.
Un trophée qui témoignera du mal qui rongea Hedda. Voilà qui devrait intéresser le fils Brochant !
Il tourna les yeux vers le reste des soldats humains, qui s'appliquaient à achever les dernières créatures agonisantes qui couinaient sur le sol. D'un pas légèrement traînant, il se dirigea vers le boyau de pierre par lequel ils avaient pénétrer dans cette immense salle de roche. Il aperçut plusieurs hallebardiers de Librecourt face contre terre, victimes de la férocité et du nombre des vertepeaux tandis qu'il avançait au côté de Ruthger. Roland, le visage couvert de sang, le casque fendillé à l'avant, aidait un de ses hommes blessé à la jambe à retourner vers le jour. Voyant son seigneur, il hocha la tête dans sa direction avant d'ajouter.
J'ai fait mettre le jeune sieur de Librecourt devant la caverne, Monseigneur. J'ai compté six pertes dans nos rangs, mais je n'ai pas le décompte des gens de Librecourt.
Gaubert hocha de la tête à son tour, laissant le sergent emmenait le blessé, puis il lui emboîta le pas, la tête du Bolet-Mont gouttant dans sa main gauche, Larmanon dans l'autre.
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| | | Ruthger de Lourmel
Humain
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| Sujet: Re: La Geste d'Hedda Dim 17 Nov 2019 - 10:16 | |
| Perce-Gobelin !
Le titre avait fait mouche, et avait rempli Ruthger d’une grande joie. Le voilà soudain revenu sur le devant de la scène, il faisait à nouveau partie de la légende ! Légende qu’il se devrait d’écrire lui-même, afin de retransmettre exactement toute l’intensité de son combat en compagnie du comte Gaubert. Plusieurs idées de titres lui trottaient déjà dans la tête. La Geste du Perce-Gobelin, la Légende du Roi Bolet-Mont, le Cygne et le Sanglier… L’heure n’était guère aux réjouissances, et pourtant, Ruthger ne pouvait s’empêcher de sourire.
Pourtant, il n’y avait pas de quoi faire risette. Dans la coterie serramiroise, deux chevaliers de haute naissance avaient rendu l’âme, et un troisième était en piteux état. Parmi les morts, sire Yohan la Hache, méconnaissable, avait été recouvert d’une marée verdâtre à l’instant même de sa chute. Le second héros tombé n’était autre qu’Ansèlme de Hortelant, un brave qui avait pourtant connu les horreurs d’Amblère et de Nebelheim. Tyra avait privé Othar de ses jouets, une fois encore. Mais leurs funérailles seraient grandioses, car ils s’étaient montrés héroïques. Unferth était salement blessé quant à lui : un coup de lance dans la clavicule. Mais la lance s’était brisée, et le bois éclaté avait ripé contre la joue du guerrier pendant qu’il chargeait, lui arrachant la peau. C’était une vilaine plaie, qu’il faudrait nettoyer avant qu’elle ne suppure.
Ruthger, lui, était plutôt occupé à se gausser de l’immonde tête de gobelin.
« L’Arnaud mirera bientost iceux qui estoient siens futurs vassaux ! »
Il se rapprocha, une lueur taquine dans les yeux.
« Et il crèvera ne point faire partie de nostre chanson ! »
Un rire cristallin s’échappa de sa gorge, faisant contrepoint aux râles des mourants et aux grognements de douleurs des blessés. Il finit tout de même par se retourner, pour aller s’enquérir de ses chevaliers. Il était certains devoir qu’un seigneur devait remplir, avant de penser à écrire sa geste. Cependant, une fois qu’il fut assuré que les corps de Yohan et d’Ansèlme seraient transporté vers la sortie, et qu’Unferth reçoive de quoi bander son immonde faciès, il restait une chose à faire dans cette grotte avec les survivants.
Piller l’endroit.
Ruthger était sûr que parmi toutes ces idoles monstrueuses et ces cadavres se cachaient quelques babioles dignes de faire un trophée à exhiber aux invités qui viendraient en son castel. Le butin ne serait peut-être pas aussi maigre que prévu, au vu du nombre de gobelins qui s’étaient rassemblés dans la grotte, et des caravanes et monastères qu’ils avaient attaqués. Le seigneur lourmelois trouva une cache, sous une peau tannée. Elle renfermait un petit coffret, dans lequel étaient rassemblés moult colliers et bijoux de dame. Un fin sourire s’étira sur ses traits.
« Je ne vous oublie point, ma mie... »
Il sortit un pendentif du tas. C’était une jolie pièce d’orfèvre, un médaillon ovale en or, incrusté de petits éclats de rubis. Il s’ouvrait, et à l’intérieur reposait une mèche de cheveux. Ruthger haussa les épaules, et dégagea la mèche. Il s’en coupa une petite avec un couteau, et la plaça à l’intérieur. Ce cadeau ferait sans doute fort plaisir à Thenala.
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| | | Gaubert de Prademont
Humain
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| Sujet: Re: La Geste d'Hedda Dim 17 Nov 2019 - 11:22 | |
| Avançant vers l'entrée de la caverne, Gaubert le va les yeux vers le chevalet où était toujours suspendu Léandre, le jeune éclaireur fait captif et torturé par les peaux vertes. Sa tête pendait vers l'avant, le menton collait à son torse. Des bandes de peau pendait mollement, dévoilant ses chairs sanguinlentes un peu partout sur son corps. Le comte laissa tomber la tête de Bolet-Mont dans un gargouillis rebutant, et monta les trois marches taillées grossièrement dans la pierre qui menait à la structure de bois où était suspendu le malheureux. Gaubert rengaina Larmanon et leva sa main en direction de deux gardes qui déambulaient parmi les corps à la recherche de blessés à relever ou de vertepeaux à achever.
Ici ! De l'aide !
Les deux hommes accoururent, tandis que le comte, se saisissant de la dague qui pendait le long de sa couisse, coupait les cordes qui maintenait l'éclaireur en place sur le linteau de bois vermoulu. Léandre ne respirait plus, le pauvre était mort dans la plus horrible des souffrances, et ses traits étaient figés dans une expression d'horreur et de douleur terrifiante.
Pauvre gamin.
Gaubert chuchotait en récupérant le corps de l'éclaireur délicatement après avoir tranché ses liens. Il tenait le corps couvert de sang séché sous les bras et le passa doucement vers les deux gardes qui l'avaient rejoint. La mine grave, il voulait hurler sa colère mais se contenta de serrer les dents, afin de rester digne et fort face à ses hommes. Il poursuivit, toujours sur un ton bas, en signe de respect pour le jeune martyr.
Enveloppez-le dans un linceul et faites-le porter sur un brancard. Ce petit mérite qu'on honore sa mémoire et son dévouement.
Les deux gardes frappèrent du poing sur le coeur avant d'emmener le corps inerte à l'extérieur en prenant bien garde à le traiter avec le respect que le comte attendait. C'était toujours ce genre de moment qui laissait un goût amer sur la langue de Gaubert. Lui, le vieux seigneur s'en était sorti et ce mioche, à peine entré dans le printemps de sa vie, y était passé sans que Tyra ne daigne lui accorder une mort rapide et indolore. La déesse était impitoyable et joueuse, prenant le jeune dans son royaume et laissant le vieux contemplait son oeuvre pour nourrir ses ressentiments.
Il descendit les quelques marches pour se retrouver face à la tête couronnée du roi gobelin, qu'il toisa avec mépris. Si il pouvait, il la trancherait à nouveau pour évacuer sa hargne. Du coin de l'oeil, il aperçut son frère d'armes qui soulevait une longue couverture de peau sous une rangée de totems macabres qui assemblaient diverses morceaux de squelettes variés. Il récupéra la tête grimaçante sans ménagement avant de se diriger vers Ruthger.
Ce dernier plaçait une mèche de cheveux dans un petit médaillon brillant avec une application pieuse. Devant lui, un coffret remplit à craquer de joailleries et de pièces qui renvoyaient la lumière des torches et des braseros qui éclairaient le champ de bataille.
Ces coquins ont amassés une fortune, messire !
Les sourcils broussailleux du comte étaient figés dans la même expression de colère que précédemment, mais il avait néanmoins réussi à parler sur le ton de la conversation. Le seigneur serramirois avait l'air bien plus satisfait que lui. La victoire semblait lui faire oublier les vies qui avaient été perdues aujourd'hui, à moins que ce soit l'âge de Gaubert qui lui faisait ressasser cela au lieu de se réjouir autant que lui. Le comte leva la tête et la tendit vers le seigneur de Lourmel.
Ceci est votre trophée, Perce Gobelin ! Vous avez occis la bête, il vous revient de la présenter à votre seigneur comme preuve de votre hardiesse !
Il n'en voulait pas. À chaque fois qu'il poserait le regard sur ce faciès répugnant, il reverrait l'image de son jeune soldat pendu et écorché pour le plaisir du chef peau-verte. Baissant les yeux vers le trésor amassé par ces saloperies, il se força à esquisser un petit sourire.
Il y a là de quoi récompenser nos hommes à la hauteur de leur bravoure !
La voix de Roland retentit alors qu'il revenait vers son seigneur, à la recherche d'autres blessés.
Monseigneur ! Nous avons trouvés une autre cache !
Le sergent indiqua un autre groupe de totems à l'autre bout de la caverne, où des hallebardiers de Librecourt se regroupaient pour sortir un large coffre en bois. Les librecourtains l'ouvrirent tandis que le comte s'approchait. Là encore, le trésor était fameux. Des symboles de la Damedieu en or, des calices sertis de pierres précieuses et même quelques armes d'apparat incrustées de gemmes sur la garde. Se penchant au-dessus de la malle, Gaubert en sortit une large hache au manche d'argent poli, un sanglier passant gravé sur la lame. Le comte se tourna vers Ruthger, interloqué.
Dites-moi l'ami, ce sont vos armoiries non ?
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| | | Ruthger de Lourmel
Humain
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| Sujet: Re: La Geste d'Hedda Mar 19 Nov 2019 - 10:56 | |
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Lorsque Gaubert lui offrit la tête affreuse du gobelin, Ruthger sentit son orgueil l’étouffer à nouveau. Oui, il avait bel et bien occis la bête ! Et d’un geste magistral, qui plus est. Que l’immondice lui revienne était un fait, mais que le comte la lui cède de bonne grâce, voilà qui était encore plus gratifiant. Avec un gai sourire au visage, il accepta l’auguste et sanguinolent trophée.
« Le Brochant saura que vous estiez l’homme à dextre de moy, messire ! Ceste victoire est nostre à tous deux. »
L’un des sergents odélians interrompit les flagorneries des deux seigneurs, qui se dirigèrent, curieux, vers cette fameuse nouvelle cachette aux trésors qu’avait débusquée le fameux Roland. Il s’agissait d’un coffre rempli de pierreries, d’objets d’art et d’orfèvrerie. Des symboles sacrés, venant sûrement de la Tour-aux-Moines, et d’anciens bijoux appartenant à de riches familles. L’une d’elle était bien différente des autres, et Gaubert s’en saisit.
En posant les yeux dessus, Ruthger tiqua. Il avait déjà vu quelque chose de similaire, gravé dans un de ces livres que son père le forçait à lire du temps où il souhaitait en faire un clerc. Lorsqu’il vit le sanglier gravé sur le hache au manche d’argent, un effroyable doute l’envahit. C’était de l’ordre de l’impensable, car un tel objet était censé avoir été perdu à tout jamais, lors d’une escarmouche bien loin dans le Nord. Comment cette pièce antique se retrouvait-elle là, à des lieues d’où elle était supposée reposer ? Le nom lui échappa, d’un souffle :
« Boutoir... »
Ruthger observa plus attentivement le métal. La hache était faite d’argent, et était plus un symbole qu’une véritable arme de guerre. Le métal était terni par endroit.
« Cela, je ne puis le concever… Seray-ce bien Boutoir, lame perdue de miens ancestres ? Icelle que mien aïeul laissa sur le champ de bastaille en terres wandraises ? Nonpossible ! »
Le brave Ierhold était éberlué. La hache légendaire de sa famille, aux origines aussi mythiques qu’invraisemblables, avait été perdue par Rothgar Ierhold, son arrière-grand-père, lors d’une escarmouche contre des Sigols. Il était dit qu’elle était faite de l’argent le plus pur, et que son tranchant pouvait percer les flancs d’un dragon. Le livre dans lequel il avait vu l’artefact lui prêtait également des vertus thaumaturgiques, mais force était de constater qu’il ne s’agissait là que d’une arme antique.
S’humectant les lèvres, Ruthger dit à Gaubert :
« C’estoierait grand honneur pour moi de resclarir pareille heritance, et la retorner auprès de mienne famille… J’estoierais vostre éternel abonné, messire. Sur ma vie ! Feistes-moy une offre ! »
Le regard de Ruthger devant la hache avait pris une toute autre lueur. Dans ses yeux se jouaient des scènes tacites, dans lesquelles il se voyait arriver en Estenhausen, porteur de la hache familiale. Son frère Valdemar au visage décomposé, et la fierté suintant de celui de son paternel. Brecca lui frappait l’épaule, et lui offrait la seigneurie, faisant entrer son aîné déshonoré dans un monastère.
Ha, qu’il était beau de rêver.
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| | | Gaubert de Prademont
Humain
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| Sujet: Re: La Geste d'Hedda Mar 19 Nov 2019 - 19:51 | |
| Boutoir... Cela, je ne puis le concever… Seray-ce bien Boutoir, lame perdue de miens ancestres ? Icelle que mien aïeul laissa sur le champ de bastaille en terres wandraises ? Nonpossible !
Les yeux du serramirois étaient grand ouverts, comme ceux d'un enfant à qui on apportait son dessert favori. Sa voix tremblait légèrement d'excitation devant l'arme d'argent gravé du sanglier. Tandis que Ruthger n'osait la toucher, Gaubert fit quelques mouvements, testant l'équilibre parfait de la hache. Il passa son pouce sur le tranchant, la lame semblait légèrement émoussée par le temps, mais le fil parvint, malgré tout, à mordre dans la chair pour lui arracher une gouttelette de sang. Il porta le doigt à ses lèvres pour sucer le liquide rubicond alors que le seigneur de Lourmel renchérissait.
C’estoierait grand honneur pour moi de resclarir pareille heritance, et la retorner auprès de mienne famille… J’estoierais vostre éternel abonné, messire. Sur ma vie ! Feistes-moy une offre !
Gaubert leva les sourcils, surpris par les propos du serramirois. Cette hache, il lui aurait volontiers cédé sans contrepartie, après tout si il s'agissait d'un trésor familial, elle lui revenait de droit. Le serramirois semblait imaginer que le premier ayant mis la main sur un trésor en était le propriétaire et même prit de cours, le comte d'Odélian réfléchit rapidement à un prix qui conviendrait au Ierhold. Il se gratta la barbe et bien qu'une petite idée lui était venu, il se disait que l'échange n'était pas totalement équitable. Après quelques secondes d'hésitation silencieuse, il se décida à parler.
Hé bien, mon ami. M'autorisez-vous à vous garder en dette ? Je suis sûr, qu'un jour, j'aurai besoin d'une faveur de votre part, qui m'est inconnu aujourd'hui. À ce moment-là, lorsque je ferais appel à vous et que vous répondrez à cet appel, je considèrerai la dette comme honorer et nous serons quitte. Qu'en dites-vous, Monseigneur ?
Il tendit l'arme vers Ruthger, lui laissant le choix de s'engager dans un contrat sans en savoir les conditions. Avoir un allié dans les seigneurs serramirois, redevable auprès de lui, ne pouvait être qu'une bonne chose, à court, moyen ou long terme. Si Ruthger accepter l'accord, une myriade de possibilités s'ouvrait devant le vieux comte, tant commerciales que politiques. Il poursuivit par une autre requête qui n'avait pas directement de lien avec la hache.
Je profite de cet instant pour vous demander un service supplémentaire. J'ai un fils qui n'a pas encore commencé son apprentissage de chevalier. Vous ayant vu combattre avec honneur et férocité, dans les plus grandes valeurs de la noblesse. Je me demandais si vous accepteriez de le prendre comme écuyer dans votre maison. Je suis convaincu qu'à vos côtés, il recevrait un excellent tutorat. Seriez-vous enclin à prendre Sulpice sous votre aile, mon ami ?
Cette décision ferait grincer quelques dents dans son comté. Faire partir l'héritier en terre serramiroise pour apprendre les codes de chevalerie brisaient la tradition odélianne, où les fils des grands seigneurs se confiaient leurs enfants pour leurs années d'apprentissage. Pourtant, en mettant son fils au service de Ruthger, Gaubert y voyait un moyen de plus de lui rappeler sa dette à honorer, tout en instruisant à des méthodes différentes que celles de ses propres terres dont on chuchotait qu'elle manquait parfois de modernité. Et puis, le comte était des plus sincères lorsqu'il avançait avoir été ébloui par la discipline et l'efficacité de la troupe de chevaliers, qui s'étaient battus comme des lions contre les maudits peaux vertes.
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| | | Ruthger de Lourmel
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| Sujet: Re: La Geste d'Hedda Mer 20 Nov 2019 - 9:54 | |
| La proposition de Gaubert était dangereuse. Se retrouver en dette sans savoir ni quand ni comment la repayer, c’était la porte ouverte à toutes les formes de paiement. Les yeux posés tour à tour sur le visage du comte et sur la hache d’argent, il pesait le pour et le contre. Il suffit à une seule pensée pour faire pencher la balance en faveur du oui : l’occasion d’admirer la mine déconfite de Valdemar autrement que dans sa caboche. Il se saisit du manche de l’arme, étant ainsi le dernier Ierhold encore en vie à l’avoir touché. Puis il dit :
« Fascheux dilemme, messire. Acceptance, ceste lame estoit par trop préciaude por mon sang… »
Il sourit.
« Mais j’estois bien certain que vous n’estes point homme à me mettre en position povant estre ardue à tenir, ou deshonorable. »
Le pacte ainsi scellé demandait que les deux parties se respectent assez pour qu’ils ne se mettent pas des bâtons dans les roues. La guerre avait souvent cet effet chez certains hommes : elle créait des amitiés parfois plus solides que les vieux copinages d’enfance. Ruthger n’aurait pu accepter son offre s’il n’avait pas éprouvé le plus grand des respects pour ses talents guerriers, son courage, et la manière dont il l’avait empêché d’aller rejoindre ses ancêtres.
La seconde proposition avait également éveillé la curiosité et l’intérêt du seigneur serramirois. Son dernier écuyer en date, Corbin Hortelant, avait été accolé il y a quelques mois de cela, et il n’avait repris ni page ni valet depuis. Parrainer un fils de bonne famille comme l’était Sulpice, voilà qui était prestigieux. Gaubert fit l’éloge des vertus guerrières de Ruthger, dont l’orgueil ne cessait de gonfler depuis quelques années déjà. C’est donc sans surprise qu’il accepta la seconde offre également.
« Il est vrai, je suis grand chevalier en ma contrée. Envoyez donc vostre fils en mien castel, il y recevera son formement de gentilhomme, per les armes si bien que per la plusme ! »
Ruthger était aussi un grand poète, et il n’hésiterait pas à enseigner au jeune Sulpice à manier les mots aussi bien que l’épée. Il se savait exceller dans les deux.
Autour du groupe, les autres chevaliers serramirois et soldats odélians réunissaient le butin, qu’ils devraient tous transporter d’une manière ou d’une autre. Les cavaliers de Lourmel avaient emporté avec eux des sacs attachés à la selle de leurs chevaux. Qui plus est, la mort de deux vaillantes âmes libérait de la place sur les destriers, bien que cela ne soit pas la fonction première de ces chevaux. Aucun n’était venu avec son écuyer, la coterie se voulait à la fois virile et expérimentée. Et à bien y songer, nombre de jeunes garçons de bonne famille réunis dans les profondeurs de cette grotte n’auraient pas tenu aussi bien que l’avaient fait tous ces hommes de guerre expérimentés…
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| | | Gaubert de Prademont
Humain
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| Sujet: Re: La Geste d'Hedda Mer 20 Nov 2019 - 14:41 | |
| Ruthger accepta donc le marché du comte, se saisissant de la hache de son ancêtre avec fougue. Gaubert crut déceler une lueur revancharde dans l'oeil de son camarade, seulement il n'avait aucune idée d'envers qui il souhaitait une revanche.En avait-il seulement quelque chose à faire ? Toujours était-il que le serramirois était endetté à son encontre et que tout ou tard la dette serait à payer.
À la seconde requête que formula l'odélian, Ruthger répondit avec moins de retenue que la première.
Il est vrai, je suis grand chevalier en ma contrée. Envoyez donc vostre fils en mien castel, il y recevera son formement de gentilhomme, per les armes si bien que per la plusme !
Une excellente nouvelle assurément. Le comte sourit et empoigna, une fois de plus, l'avant-bras du Ierhold, pour le saluer chaleureusement.
Vous m'en voyez ravi, Ruthger ! Je suis sûr qu'il saura se faire accoler promptement grâce à votre tutelle.
Tandis que les deux nobles devisaient, ils avaient regagnés lentement l'extérieur de la grotte, retrouvant la lumière du jour qui filtrait entre les branches tordues. Les soldats s'étaient partagés le butin sans heurts, les peaux ayant amassés largement de quoi satisfaire toutes les poches. Plusieurs montures n'avaient plus de cavalier et serviraient de mules pour transporter le magot, ou pour tirer les larges brancards de fortune que les odélians fabriquaient pour leurs frères blessés. Le jeune seigneur de Librecourt avait repris conscience et était assis près d'une souche moussue, non loin de l'entrée. Il porterait les stigmates du sort du sorcier maudit toute sa vie, les flammes magiques ayant léchées sa peau à travers les fentes de son bassinet.
Gaubert se tourna vers la gueule de pierre qui laissait échapper l'odeur âcre des corps qui étaient en train de brûler au fond de la caverne. Il murmura, audible uniquement par son voisin.
Nous devons reboucher l'entrée de cette cave corrompue ! Seuls les Cinq savent quand cette engeance réapparaîtra !
Le comte se tourna vers ses hommes et donna ses ordres.
Soldats ! Nous devons faire ébouler ces rochers ! Un dernier effort braves odélians et nous pourrons rentrer dans nos pénates !
Joignant le geste à la parole, il souleva un rocher pour le placer devant l'entrée en attendant que des soldats s'activent autour de l'arche naturelle pour la faire s'effondrer sur elle-même.
Dernière édition par Gaubert de Prademont le Jeu 5 Déc 2019 - 17:26, édité 1 fois |
| | | Ruthger de Lourmel
Humain
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| Sujet: Re: La Geste d'Hedda Jeu 21 Nov 2019 - 8:25 | |
| Dehors, les chevaux avaient été vaillamment défendus par sire Gontran. Non, point d’ironie là-dedans, il avait véritablement protégé les montures. Quand quelques gobelins étaient sortis de leur satanée cachette afin de fuir, ils s’étaient dirigés vers les destriers hennissant leur peur. Gontran avait été si prompt à réagir qu’ils avaient cru qu’une autre patrouille humaine se dirigeait vers eux. Il n’avait ni dégainé, ni chargé. Il s’était contenté de se lever d’un bond, et de hurler d’une voix fort aiguë. Le cri d’horreur avait été interprété comme un cri de guerre, et les peaux-vertes avaient fait volte-face, pour être tailladées plus loin par des Odélians et des Serramirois.
Personne, heureusement, n’avait assisté à la scène. Gontran de la Botte n’avait pas la réputation d’être un féroce guerrier, mais rien qu’à l’idée que Ruthger rajoute ce passage dans sa geste, il était légèrement appréhensif. Cependant, ce dernier avait d’autres choses à faire que de venir s’enquérir de son plus vieux compagnon, qui lui avait toujours servi de faire-valoir depuis la plus tendre enfance. En effet, il fallait en finir avec cette grotte démoniaque une bonne fois pour toutes.
« Chevaliers ! Assistez l’Odélian, destruisons l’antre du mal ! »
Les chevaliers ne savaient pas trop comment faire ébouler les rochers. Ils avaient été préparés toute leur vie à faire la guerre, pas à saper des mines. Gontran, lui, eut une idée.
« Y a pas moyen d’en venir à bout… On a pas le matériel. Peut-être qu’en retournant à la lisière de la forêt, il y aurait un petit village ? Là, on pourrait demander aux paysans de boucher la mine… »
Ruthger regarda un instant Gontran, puis acquiesça, se tournant vers Gaubert.
« C’estoit riche idée, sire. Mes hommes n’estoient point des sapeurs de courtine. Peut-estre vos ouailles estoient-elles plus efficientes, vec moult pics et pioches ? »
La noblesse avait toujours aimé faire travailler la roture à sa place. Les paysans nordiens avaient cette nature dure au mal, et cet esprit franche camaraderie qui aidait souvent les travaux à avancer plus vite. S’ils étaient bine encadrés, bien sûr.
« A l’orée, c’estoient vostre terre qui s’estend. Moult hamels s’y trouvent sans doute aucun. »
Gaubert connaissait mieux ses terres que les Serramirois. Peut-être leur trouverait-il un village où les serfs seraient réquisitionnés ? En enfourchant sa monture, il sentit que Pèlerin avait envie de se dégourdir les jambes. Et en regardant à travers les arbres et les fourrés, il sentit que le prochain hameau verrait la séparation avec la troupe odéliane, afin qu’ils puissent rentrer chez eux.
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| | | Gaubert de Prademont
Humain
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| Sujet: Re: La Geste d'Hedda Jeu 21 Nov 2019 - 20:38 | |
| Malgré les efforts et les cris pour se donner du courage, les pierres restaient immobiles. Les Nordiens, sans équipement propice, avaient fait bouger le tas de pierre qui formait l'arche d'àpeine quelques pouces. C'est un des chevaliers de Ruthger qui râla le premier.
Y a pas moyen d’en venir à bout… On a pas le matériel. Peut-être qu’en retournant à la lisière de la forêt, il y aurait un petit village ? Là, on pourrait demander aux paysans de boucher la mine… C’estoit riche idée, sire. Mes hommes n’estoient point des sapeurs de courtine. Peut-estre vos ouailles estoient-elles plus efficientes, vec moult pics et pioches ?
Gaubert s'acharnait encore à pousser un énorme roc, assité par plusieurs odélians. Le comte était bien décidé à reboucher cette antre maudite de ses propres mains. Après une dernière tentative, il souffla un grand coup en se rendant à l'évidence que les serramirois avaient annoncés. Il serra les dents, résigné.
A l’orée, c’estoient vostre terre qui s’estend. Moult hamels s’y trouvent sans doute aucun.
Il se tourna vers le seigneur de Lourmel, s'épongeant d'un revers de la main la sueur qui perlait sur son front ridé. Du coin de l'oeil, il vit le jeune Henri, encore faible, qu'on aidait à monter en selle.
Vous avez raison, Ruthger. Henri ?!
Le comte s'approcha du jeune homme au teint rougeaud et à la chair lissée par les flammes magiques qui lui avaient explosées au visage.
Pouvez-vous nous emmener au hameau le plus proche ? Nous avons besoin d'outils et de bras comme l'a suggéré notre allié.
L'héritier de Librecourt tourna la tête lentement, dévoilant un peu plus les ravages que la magie noire avait fait à son visage. Sourcils et cils avaient été rongés et les lèvres, jadis fines, étaient devenues une pulpe exsangue et crevassée. Il se contenta de hocher la tête, sans un mot, avant de lever un doigt dans une direction que Gaubert estima être le sud. La troupe se mit en branle et Gaubert monta sur Targon en dernier, s'assurant comme un père attentif, que chaque homme soit en selle ou allongé sur les traîneaux de fortune qui porteraient les blessés. Il joua des talons dans les flancs de son destrier pour remonter la petite colonne qui s'était formé. Elle avait moins fière allure qu'à leur entrée dans l'Hedda, mais les rescapés gardaient le sourire, probablement grâce aux besaces remplis de trésor qu'ils ramenaient de leur combat dantesque dans les sous-sols. Arrivé au niveau de Ruthger et d'Henri, à l'avant de la troupe, Gaubert ressassa en silence les images morbides qu'il avait vu pendant cette maudite journée. Les soldats, usés par la battue et la bataille, devisaient calmement, sentant leur devoir accompli, et quelques serramirois échangèrent des plaisanteries avec les gardes du comte et les librecourtains. De parfaits inconnus, ces hommes étaient devenus des frères d'armes, partageant à jamais le souvenir de cette lutte épique face à la menace verte. En une demi-heure, la côterie atteignit les sous-bois, et les arbres s'éparpillaient de plus en plus, laissant filtrer la lumière de la journée qui était bien entamée. Le bruit mélodieux des cloches qui sonailler autour du coup des vaches laitières du coin se fit bientôt entendre et lorsque Gaubert et ses camarades sortir du couvert sylvestre, un petit ensemble de ferme se dévoila devant eux. Henri s'exprima d'une voix enrouée, le feu magique ayant visiblement atteint ses cordes vocales également.
Le hameau de Fouflins, Messeigneurs
L'odeur de la bouse fraîche emplit les narines du comte, mais ce fumet semblait des plus délicats à côté de l'odeur de charogne qui avait régnait sous les voûtes de pierre. La troupe pressa le pas pour dépasser les corps de ferme aux toits de chaumes et découvrir que derrière les hauts bâtiments agricoles, une auberge jouxtant une forge, ainsi qu'une maison à étages d'où sorti un petit homme à la longue barbe grise.
Messeigneurs, je suis Eustache le bailli de Fouflins, quel honneur de recevoir une si élégante tr ... Votre Grandeur !
Le vieillard mit un genou à terre en reconnaissant son suzerain. Le comte d'Odélian tendit une main vers Eustache.
Brave Eustache, nous avons besoin des habitants de votre bourgade pour reboucher une caverne maudite qui se trouve dans la forêt. Ils auront besoin de pelles, de pics et de pioches ! Bien sûr, Votre Grandeur ! Tout de suite ! J'ai également des hommes blessés ! Y-at-il un apothicaire dans votre village ? Oui-da, Monseigneur, je m'en vais le quérir de ce pas ! Et faites réquisitionner l'auberge, nous avons une noble victoire à fêter !
Les cris d'appréciation des soldats résonnèrent, même ceux qui étaient allongés sur les brancards y allèrent de leur petit commentaire enjoué, oubliant leur souffrance devant la promesse de boisson. Gaubert se tourna vers Ruthger.
Qu'en dites-vous mon ami ? Fêtons la défaite des vertepeaux et vous pourrez reprendre la route de votre fief demain matin !
Après tant de sang et de sueur, il était temps de faire la fête, pour que la chanson de leur exploit se termine sur une note guillerette.
Dernière édition par Gaubert de Prademont le Jeu 5 Déc 2019 - 17:26, édité 1 fois |
| | | Ruthger de Lourmel
Humain
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| Sujet: Re: La Geste d'Hedda Mar 26 Nov 2019 - 9:05 | |
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Lorsqu’ils sortirent enfin de l’épaisse forêt maléfique, les hommes éreintés par les combats poussèrent des vivats de soulagement. Non seulement ils retrouvaient la ligne des cieux, bien qu’il fut très proche du soir, mais plus encore, ils retrouvaient le monde civilisé. Devant eux, à quelques encablures, des champs et un hameau fort sympathique. Les fermes ne tardèrent pas à ragaillardir les chevaliers de Serramire, qui même après une fatigante bataille trouvaient toujours le moyen de relancer les hostilités, une cruche de vin à la main cette fois-ci.
Ruthger entendit Henri coasser le nom du patelin. Il lui sourit et répondit avec entrain :
« Adoncques, jeune sire, c’estoit en ce hamel de Fouflins que moult ripailles nous fairons ! »
Il réfléchit. Devait-il inscrire le nom de cet endroit dans la légende ? Il en doutait. Il se souvenait des vives critiques qu’avait portées son oncle Ralf, à la lecture de son poème sur ses aventures en pays sternois. Il avait du mal à concevoir que l’on puisse être un chevalier héroïque, et finir dans un ignoble bistrot arétan à ripailler avec la roture et les errants du Nant. Comme Ralf était l’un des rares lettrés de sa famille, il avait une grande influence sur ses travaux littéraires.
Point de Fouflins alors, Ruthger.
Ils passèrent en procession dans le village, et tandis que Ruthger observait les lieux, d’autres miraient ostensiblement les jeunes filles qui finissaient leur travail près des granges. Grâce à l’intervention du comte d’Odélian, le village fut ‘réquisitionné’ pour combler la malebrèche, mais aussi pour accueillir le festin traditionnel accompagnant chaque entreprise réussie et digne de bambochades !
« Vec moult plaisir, messire comte ! Festoyons comme si nous estoyons en palais diantrais ! »
Les chevaliers levèrent leur poing en l’air, clamant un hourra. Il n’y avait rien de tel pour revigorer la troupe que de se perdre dans les brumes de l’alcool. Et ils ne le firent pas à moitié.
Ruthger avait sorti son luth pour régaler l’auditoire de chansons épiques, mais aussi d’amour courtois. Dans la salle de l’auberge, noire de monde car toute la troupe s’y trouvait, des filles s’étaient introduites, et la fraternisation n’avait pas manqué de provoquer quelques jalousies et convoitises. Un chevalier serramirois s’était offusqué qu’une lavandière fasse du gringue à un hallebardier odélian plutôt qu’à lui, avant d’être ramené à l’ordre par Unferth, que l’alcool rendait particulièrement leste avec quiconque causait du trouble.
En réalité, c’est après la quatrième chanson de Ruthger que les choses commencèrent à déraper. Le seigneur de Lourmel, dont les doigts gourds n’arrivaient plus à suivre et dont la voix se transformait, démarra le registre des chansons paillardes que tous connaissaient. Les pieds avaient frappé le sol si fort qu’on eut dit tout une armée en marche vers le champ de bataille, et les mains avaient tant claqué que les villageois, cette nuit, n’avaient pas su dormir. Le son des rires, des chants honteux et des tables que l’on fracasse résonnèrent du soir jusqu’à la brune, lorsque les derniers fêtards s’étaient enfin couchés sur leur gente proie avec un soupir d’extase.
La murge avait sans doute été aussi violente que les combats contre les gobelins. Le soleil se levait sur un terrible charnier. Des hommes étaient entassés les uns sur les autres, contre les murs ou sur les tables, tandis que les alcôves et recoins plus secrets abritaient des couples formés à la hâte avec les paysannes du village. Ces dernières, sans doute pour ne pas faire plus affront aux hommes de Fouflins, s’étaient déjà éclipsées à l’aurore, tandis que tous dormaient ou comataient.
Ruthger et Gontran étaient avachis sur une table placée contre un mur. Dos à dos, ils ronflaient comme des bêtes. Ce fut Ruthger qui s’éveilla le premier. Ses yeux furent à peine ouverts qu’il sentit que le monde oppressait déjà sa caboche. Un grondement guttural accompagna son lever difficile, qu’il fit précautionneusement et sans bruit pour ne pas faire retentir les enfers dans sa tête. Malheureusement, une coupelle en étain tomba par terre lorsqu’il tenta de se relever, et ses traits se crispèrent de douleur lorsque le métal chanta. Une fois relevé, ce fut Gontran qui tomba sur le dos, privé de son soutien, et qui se réveilla avec un mal de crâne au moins égal à celui de son suzerain. Sauf que lui n’avait pas bu pour faire la fête. Il avait bu à la mémoire des morts, et pour oublier les horribles totems des peaux-vertes.
Ruthger n’attendit pas que Gontran se relève pour lui dire :
« Mon ami… L’on sait qu’une feste estoit digne de mesmoire lors que de mesmoire nous n’avons guère plus ! »
Gontran se hissa contre le mur en gémissant. Il répondit sur un ton laconique :
« Moi j’me souviens. »
C’était sa malédiction : se rappeler tout même après les pires beuveries. Il chercha le comte d’Odélian du regard. La dernière image qu’il avait eu de lui, après qu’il ait trinqué de nombreuses fois avec Ruthger, était celle d’un vieux bonhomme ivre qui tâtait les fesses d’une roturière. C’était à ce moment-ci de la soirée que Gontran s’était assoupi contre le mur, saoul et triste. Triste pour les morts, et pour le manque de considération que son seigneur leur accordait.
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