[le port]Quand le soleil se couche, l'Ombre se lève. (solo)

Barkios, 7e jour de la II ennéades, an 17, cycle XI. Automne.
port de Thaar, coucher du soleil

Le soleil descend sur Thaar, nimbant la cité dans le clair-obscur grandissant. Au fur et à mesure que la nuit étale son voile délicat sur les demeures des honnêtes et moins honnêtes gens, il y en a d'autres qui se lèvent. Parce que la nuit sont leur domaines, les ombres leur demeures.

C'est l'heure d'entre chien et loup, là où tout est plus intense. L'odeur de la mer avariée du port avec sa sous odeur de poisson fermenté, la sueur et le foutre des lanternes rouges… Le parfum ignoble des Soieries. La merde du Nid… Le brouhaha des gens qui rentrent chez eux. Celui des putes qui racolent, des voyous qui s'imbibent et se battent. Les marins qui débarquent et embarquent cargaison et passagers, comme la noiraude là, avec son gosse. Elle est facilement identifiable, avec sa gueule scarifiée à fond, comme Eldéenne.

Sur le toit, quelqu'un observe et apprends, attends et se repose à l'ombre d'une cheminée. Recroquevillé sur lui même, l'individu ferme les yeux pour se concentrer sur ses autres sens, il laisse son nez, sa peau et ses oreilles faire le boulot. Ici, un chiard qui hurle sa déveine à plein poumon. Là, la poissonnière qui se dépêche de vider un cabillaud en jasant des rumeurs locales. Dans un recoin, des Péninsulaires lèvent une catin. Et d'autres étrangers complotent dans une ruelle… A moins qu'ils ne jouent aux osselets? C'est difficile à dire. L'homme se concentre, essaye de définir ce qui se passe, tel qu'on le lui a enseigné. Le vent du large souffle doucement à cette heure, rafraîchissant son visage et ses mains… Ses mains aux grands doigts agiles.  

Un frisson remonte le long de la nuque du voyeur. Un silence se fait brièvement, un peu plus bas sur la rue… Ouvrant les yeux, l'homme ne bouge pas, se contentant de continuer à écouter, sa vision occupée par le spectacle enchanteur du soleil qui vient saigner sur l'eau calme, ce bleu à couper au couteau, cet écarlate flamboyant lui donne chaud au coeur. Les conversations repartent. Probablement un mage qui a fait un petit tour de passe passe. Si ca avait été un voleur, il y aurait eu des cris.

...Thaar, on l'aime et on la déteste. On peut vivre sans… On vit avec. Mais c'est chez-lui. Il y revient toujours. Il aurait pu aller chercher ce dont il a besoin partout ailleurs, mais c'est ici qu'il est revenu. Dans cet antre puant et fétide. De perdition et de chaos.

Et, avouons le, ca lui plait infiniement.  Pendant un long moment, comme quand il était gosse, le voyeur reste sur ce toit précis, à regarder l'horizon se teinter de toutes les couleurs. L'air du soir se met à embaumer le poisson et la viande, lui rappelant qu'il n'a pas mangé de la journée… Il a faim… Il a Faim… Mais pas pour un Autre… Pour Lui…

L'indigo piqueté d'étoiles se dépose tel un voile pudique sur le port, sur Thaar… Il est l'heure du loup, l'heure des coupes-jarrets… Il est temps d'annoncer qu'il est de retour en ville.

L'indigo laisse la place aux Ténèbres mouvantes… L'Ombre se relève, et se met en chasse, c'est SON heure.