Murmures dans la nuit

Favriüs, huitième nuit de la première ennéade
An dix-sept du onzième cycle

Camp Nord du siège de Sol'Dorn

Dans le camp sud, des tentes. Avec les affrontements survenus dans la journée certaines avaient été bousculées, chahutées.
Dans une des tentes, un lit. Un lit de camp qui pour la nuit avait été aménagé en un nid par un amoncellement de couvertures. Tout au dessus, il y avait un manteau de cérémonie, en soie d'araignée noir. Sous les couches, deux corps unis dans ce lit trop petit pour deux. Dans ce cocon, ils étaient seuls au monde.

" Ça va ? " demanda presque tendrement une voix grave.
"Bien et toi ? " lui répondit une voix presque ensommeillée mais de l'autre genre.
" Bien. "

Les mots murmurés n'appartenaient qu'à eux.

" C'est fini…
- Oui "

L'une se recroquevilla pour s'étirer ensuite, laissant un pied sortir un instant.  Il était plutôt fin et gracile.

" Et maintenant ?
- A peine satisfait ! Tu en redemandes ? " roucoula t'elle en revenant bien au chaud dans les couverture. Lui s'offrit un temps de réflexion.
" Et demain ?
- Demain. Il faudra que tu restes ici j'imagine… Demain faudra se séparer.
- Je n'ai pas envie.
- Moi non plus. "

Les corps bougèrent. Le bruissement des draps couvrirent un autre langage : celui des corps.

" Mais toi ?
- Je dormirai
- Pourquoi ?
- A cause d'elle.
- Encore !  
- Je ne pouvais pas laisser passer. Elle…  
- Elle va partir de toute les façons.
- Ce n'est pas une raison. Qu'elle aille, j'en parlerai avec elle. Pour le moment, fait attention…
- Tu devrais rester.
- Par ce que tu crois que j'ai une quelconque légitimité ?  
- Tu… "

Le silence s'installa à nouveau. Ni l'un, ni l'autre ne bougèrent.

" I'ran ?
- Hum ? " Elle avait commencé à s'endormir.
" C'est parce que tu veux rester avec lui ?  
- Aussi…  "

D'un geste ample et rageur, il sortit du lit. Un bref instant il regarda le corps de sa compagne. Pelotonnée sur son flan droit, les cheveux éparts sur la housse de son oreiller, définitivement réveillée par la froide atmosphère nocturne, elle l'observa sans un geste.

" Tu vas te brûler !  
- Je sais… Ne t'en mêle pas."

Même dans la faible intensité lumineuse, les yeux sanglants de la sombre étaient glacials. Il ne dit rien. Que pouvait il dire, elle avait déjà décidé. Alors délicatement, il remis les couvertures une par une. Il ne voulait pas qu'elle ait froid. Elle devait dormir après tout.

" En attendant fait attention à toi… Je… "

Pour toute réponse une main aux doigts effilés sortit du tas. Elle fit un geste et il quitta la tente.