Mon amour, j’ai écrit cette lettre trop de fois, de bien des façons, mais le résultat n'a jamais été satisfaisant. Maintenant j’ai le sentiment que c’est le cas car je l’écris désormais à tes côtés. Ce ne sera pas long, je n’ai pas beaucoup de chose à dire.Je te faisais confiance, réellement, sincèrement, et je ne te reproche rien, j’avais simplement espéré que tu tiennes ta promesse un peu plus longtemps. Je n’étais pas dupe, je savais très bien que lorsque je te l’ai demandé tu ne pourrais pas la tenir indéfiniment et après tout comment aurais-tu pu ? C’était, en quelques sortes, ma façon à moi de te maudire avec une promesse, un serment, que tu ne pourrais pas tenir, comme je l’ai fait lorsque j’ai juré devant Uriz de ne jamais te mentir. En un sens je n’ai pas fauté, ce serment, je l’ai observé à la lettre et, le Père et le Juste en soient mes témoins, je ne me suis pas parjuré. Tu ne m’en as pas laissé le temps.Je ne veux pas savoir comment tu es morte et encore moins pourquoi. Ça n’a pas d’importance. Toutefois je l’ignorais en apprenant la nouvelle de ta mort et j’ai prié, j’ai fait des sacrifices, essayant, en vain, de combler le vide que ta disparition avait laissé mais ça n’a rien fait, je n’ai rien sentis. Ce n’est pas tout à fait exact, j’ai ressenti la douleur mais ça n’avait pas plus d’importance et j’aurais dû le savoir, tu ne peux pas remplacer l’amour par la douleur ; crois-moi, j’ai essayé, j’ai trop essayé. Une leçon que j’aurais dû retenir plusieurs fois par la passée mais qui, pourtant, a fini, à chaque fois, par quitter mon esprit. Peut-être que je ne retiendrais jamais certaines choses mais il y en a quelques-unes, une poignées tout au plus, que j’ai appris, que j’ai très bien mémorisé et parmi celles-ci ton rire, celui que tu m’as envoyé au visage lorsque je t’ai dévoilé mes péchés ; ton odeur ; la chaleur de ta peau pour ne citer que ça. En réalité ce n’est même pas ce qui me manque.Te souviens-tu de la conversation que nous avons eu dans mon sanctuaire ? Je voulais qu’on se souvienne de moi et écraser le plafond du Prime Quartier sur les Prima Sanguis me semblait encore plus alléchant maintenant que tes assassins s’y terraient. Mais quel intérêt y’a-t-il à faire ça ? Voilà la question que je me suis posé en entrant dans ma villa après avoir escorté Aerianna et Ethirëlon hors du Puy. Ce serait certes satisfaisant mais ce serait surtout temporaire. Je savais, au plus profond de moi, que, si je ne détruisais pas le Vatna au passage et que je survivais à ma vengeance, je voudrais trouver un autre moyen pour l’accomplir à nouveau et surtout de nouveaux coupables pour la subir. Alors, à ce moment-là, je l’aurais sans doute détruit et quelle différence cela fait-il si ceux qui sont à l’intérieur de ce gros volcan sont vivants ou non lorsque toi tu ne l’es plus ? Alors j’ai abandonné et je t’ai rejoint ici, à Thaar. Les vaanis ont beau s’en être pris à tes possessions, il y en a une qu’ils ont oubliés. Une qui nous immortalise. Une sur laquelle j’écris ces lignes.Tu te souviens lorsque, plus haut, je te disais que ce ne serait pas long, que je n’avais pas grand-chose à dire ? Comme tu peux le voir j’ai menti.J’espère que nous partagerons la même cellule.Dossta, nin lueth mal'rak, Myr’Hennis Vect.