Le roi est mort, vive le roi ! [Libre]

9ème jour de la 1ère ennéade de Verimios, an 17 du XIème cycle

Les galeries habituellement grouillantes de vie de Kirgan demeuraient anormalement silencieuses en cette morne journée d'hiver. Les gardes en patrouille ne faisaient pas résonner le tintement métallique de leurs armures, les commerçants et habitants parlaient peu et bas comme si quelque malheur pouvait survenir au moindre bruit, les mineurs cessaient tôt le travail et s'en retournaient dans leurs quartiers en jetant à peine un regard morose aux richesses arrachées par leurs soins à la montagne. Les grandes forges elles-mêmes, récemment restaurées, se voyaient éteintes et seules quelques braises y réchauffaient encore leurs lourdes carcasses métalliques.

Partout se murmurait la même phrase, terrible par ce qu'elle portait en son sein.

Le roi se meurt !

Dans ses vastes appartements privés, au plus profond de la montagne, là où les dawis peuvent percevoir le souffle vital de la roche elle-même, le seigneur du Nord gisait sur son lit de mort. Le souffle court, de grosses gouttelettes de sueur coulant sur son visage inhabituellement pâle, Hardrek Poing-de-Fer menait son dernier combat contre l'inexorable déclin qui détruit les corps comme les empires. Le vieux monarque avait pourtant paru indestructible, traînant sa robuste carcasse par monts et par vaux, épuisant des grognards bien plus jeunes que lui. Combien de pisse-laits avaient affirmé en riant qu'il les enterrerait tous, qu'il avait du être taillé dans un bloc de granit tant sa résistance physique forçait l'admiration ? Tout cela paraissait dérisoire désormais, alors que le flux du temps s'était brutalement accéléré vers sa fin.

L'ennéade précédente, suite à une inspection des forts du Kadrinin en prévision de la campagne militaire qu'il espérait toujours pouvoir lancer, le suzerain était revenu légèrement fiévreux. Un simple coup de froid avait-il lancé en rigolant à la cantonade, rien qu'une bonne bière brassée et une belle pièce de viande ne saurait traiter. Mais le lendemain Hardrek avait été victime d'un évanouissement durant le Conseil, obligeant à le ramener d'urgence jusqu'à sa chambre où il reposait depuis. Malgré tous les efforts des soigneurs, l'état du roi se dégrada à grande vitesse comme si une brèche s'était ouverte dans un barrage et qu'un flux trop puissant pour lui emportait le vieux dawi vers sa fin. Les mineurs savent bien qu'une fois fragilisé par une fissure en son cœur, même le bloc le plus massif peut se briser en mille morceaux. Il en allait de même pour le roi mourant, qui déjà entrevoyait le Monde du Dessous.

Des messagers étaient partis en urgence vers Thanor, Lante, Molgrunn et Almis, convoquant sur l'heure à Kirgan tout ce que le royaume comptait de thanes ou de hauts dignitaires. Aucun des rares prêtres de Mogar encore en liberté ne fut toutefois toléré, jusqu'au bout le vieux monarque rejetant la religion du Dieu Sombre, du Père Traître dont la folie destructrice avait ravagé les fils de la pierre deux décennies auparavant. Seul fut autorisé à venir un vénérable prêtre de Heidum avec qui le suzerain eut un long entretien en tête-à-tête lors d'un des rares accès de lucidité qui lui demeurait. Que se dirent-ils durant cet ultime conciliabule ? Cela restera un mystère car seul ce prêtre et le Gardien du Pont auraient pu le dire, mais les dawis présents remarquèrent que le suzerain parut plus apaisé par la suite.

Lorsque vint le soir de ce jour funeste, le souffle du roi s'affaiblit et la poigne qu'il tenait encore fermement sur le manche de sa hache forgerunée offert peu de temps auparavant par Yggdar Frappe-Rune se relâcha. Les dawis assez proches du mourant purent l'entendre prononcer ces derniers mots, héritage du passé et promesse pour l'avenir :

Clan... armée... honneur...

Alors s'éteignit le regard d'acier qui depuis tant d'années faisait trembler les ennemis du Zagazorn.

 

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Je tiens à remercier chaleureusement tous les joueurs avec qui j'ai pu être amené à partager des rps durant ces longues années depuis la création du personnage d'Hardrek. Je regretterai ces moments, mais je sais que le Zagazorn est entre de bonnes mains !

9ème ennéade de Bàrkios.
An 17 du XIème cycle – Kirgan

Yggdar et Haldin avaient quitté Molgrunn voilà plusieurs jours maintenant, sinon plusieurs ennéades. Les deux Dawis aux barbes blanches comme la neige et aux regards vieillissants étaient correctement entourés, comme décidé par le conseil de Molgrunn qui ne pouvait pas décemment laisser deux Nains, un ancien Thane respecté de Thanor honorant la ville par sa seule présence, et un des derniers Forgerunes encore en vie dans tout le royaume. Ensemble, les deux compères claudiquant usant volontiers de leurs cannes forgerunées, s’apprêtaient à offrir au Roi une des dernières créations de la part d’Yggdar, une splendide hache de guerre forgerunée, puissante et implacable. Le vieux Rhunki ne l’admettrait pas, mais cett dernière création lui avait demandé beaucoup de temps, de travail et de sacrifices, et il en était épuisé. La route serait désagréable, mais au moins arriveraient-ils à bon port. Et la hache serait offerte.

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9ème jour de la 1ère ennéade de Vérimios
17ème année du XIème cycle.

La tristesse. Yggdar n’avait pas d’autres mots que ceux-ci pour parler de ce qui se déroulait en ces instants mornes, à Kirgan, la capitale du Nord. Oh, il avait offert sa hache au Grand-Roi, et celui-ci avait su exprimer sa reconnaissance et sa fierté, avant de plonger dans les méandres connus de ceux dont la Braise-Vie s’approche inexorablement du monde du Dessous. Le Grand Roi était maintenant plus proche d’Heidum et de ses ancêtres, que du vieux Forgerune qui avait tenu sa main aussi longtemps que possible.

Car de nombreux Thanes étaient arrivés pour présenter leurs respects à cet illustre Dawi qui, sur son lit de mort, avait encore tout le charisme et la prestance du Roi qu’il était, de celui qui, au terme de plusieurs années de luttes, d’efforts et de sacrifices, avait unifié le royaume. Yggdar se tenait sur une chaise, dans un coin de la pièce, aux côtés de Haldin. Était-il encore là, Haldin ? Le vieux runiste n’en savait rien, car il était focalisé sur ce lit qui recueillait les derniers instants de vie du Roi pour qui il avait passé toute une année à parachever ce qui était, sans doute, sa plus belle création. Création qu’il tenait encore fermement dans ses mains, avant que celle-ci ne s’affaisse également. Un dernier soubresaut, et Yggdar se pencha en avant sur sa canne, pour entendre ce qui se disait :

Clan... armée... honneur...

Le roi, n’était plus. Yggdar expira profondément, et son visage s’abaissa. Son regard s’assombrit, et sa bouche s’anima de curieux mouvements. Ruminait-il ? Luttait-il contre cette tristesse qui l’envahissait ? Sans doute un peu des deux, alors qu’il serrait de plus en plus fort le pommeau de sa canne, ses jointures vieillissantes, blanchissant et craquant sous la force déployée. Qu’allait-il se passer maintenant ? Posant son regard sur tous les thanes qui venaient présenter leurs respects au Roi maintenant décédé, Yggdar ne pu s’empêcher de fermer les yeux, et de marmonner une douce prière :

- Yaron, puisse-tu, dans ton infinie sagesse, accueillir Hardrek Poing-De-Fer en tes bras, et vanter ses mérites au Gardien du pont. Que sa vie dans le monde du Dessous soit comme celle qu’il eut dans le monde de Dessus. Puisse-t-il festoyer avec les divinités. Toi qui est le gardien de notre savoir, puisses-tu être l’auguste héraut qui saura vanter la vie, les actes, les faits et les paroles héroïques et pleines de sagesses qui firent d’Hardrek, le Grand Roi de l’unicité du Zagazorn. Qu’Heidum le Fortuné s’empare de la hache du Roi afin qu’il complète son trésor, et que le Roi puisses vous rejoindre, Grand Scribe, et faire la fierté du peuple du Dessous.

Et il plongea sa tête, une nouvelle fois, se recueillant dans une sorte de mince demeure faite de ses bras, seul réconfort du moment.

1er jour de la 1ère ennéade de Vérimios.
An 17 du XIème cycle – Lante

Les choses n’avaient pas trainées à Lante depuis que l’expédition commerciale des Nains de Thanor et de la cité du Brissalion, étaient revenues de la foire d’Oesgard. Terminée durant la 8ème ennéade de Barkios, Glumtol Barbe-De-Fer et Athbor Barbedrue étaient rentrés durant la 9ème ennéade. Quelques jours de repos – remonter l’Oliya était toujours moins agréable que le descendre, et puis, passer autant de temps chez les Umgis était suffisamment épuisant comme cela – et Harald commanda un conseil afin de débuter les premiers plans de l’offensive du Nord, commandée par Hardrek, Grand Roi du Zagazorn. Harald, nommé chef de l’état-major, s’était attelé à la tache et avait préparé des plans, des analyses et d’autres expertises qu’il désirait ardemment montrer à ses pairs, afin de pouvoir débuter, le plus tôt possible, cette campagne aussi importante pour le Roi que pour lui.

Aurait-il seulement pu prévoir ce qui allait se dérouler ensuite ? Certainement pas. Pas le moins du monde. A aucun moment. Il ne comprit que lorsqu’il termina l’entièreté de la missive aux runes écrites rapidement, et mesura alors ce qui se déroulait maintenant. Prenant quelques secondes pour encaisser la foultitude de sentiments qui découlèrent de cette missive, Harald posa ses mains sur l’épaisse table de pierre, et tint ses quelques mots à ses pairs, Glumtol et Athbor :

- Le Roi… Il se racle la gorge, mesurant le poids de chacun de ces mots. … Est mourant. Les Thanes sont appelés à Kirgan sur l’heure. Il dépose la missive au milieu des deux Hauts-Conseillers face à lui, afin qu’ils puissent eux aussi mesurer la gravité de la situation. Nous partons pour Kirgan, immédiatement.

Les plans ne furent point touchés, et Harald, tel le vent furieux soufflant dans les plaines du Brissalion, sortit de la salle et manda plusieurs béliers afin que la route puisse être tracée immédiatement. Et lorsque les deux Hauts-Conseillers le rejoignirent enfin, Harald, pensif et inquiet, partit lui-même en tête de cortège, manquant de peu de semer l’escorte.

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8ème et 9ème jour de la 1ère ennéade de Vérimios
17ème année du XIème cycle.

Le voyage avait été éprouvant, et l’arrivée dans la chambre royale, le fut encore plus. Harald manqua de suffoquer durant quelques secondes, alors qu’il pu découvrir le visage grisâtre du Roi qui mourrait sous les yeux des runistes impuissants et des thanes déjà arrivés. Harald s’était départi de ses armes, confiées à sa garde Lantaise. Une magnifique hache se trouvait à ses côtés, et les ondes qui s’en échappaient, la finition de l’ouvrage, et le fait que le Roi la tienne avec fermeté, indiquaient que cette arme était suffisamment importante pour le Roi, pour qu’il tâche de la garder prêt de lui. Un regard dans la salle, et Harald reconnut un des runistes qu’il avait escorté jusqu’à Molgrunn lors de sa reprise. Ainsi, l’arme était forgerunée, sans aucun doute.

Harald resta alors aux chevets du Roi, jusqu’à son dernier souffle. Jour et nuit, durant les dernières 24h de vie du Grand Roi, Harald était resté à son chevet et l’avait veillé sans discontinuer. Il se remémorrait toutes les discussions qu’il avait eu avec cette illustre barbe qui avait tant fait pour le Zagazorn. Il se rappelait des batailles menées à ses côtés, des discours grandiloquents qu’il avait tenu avant chaque combat, durant la séance du Haut-Conseil… Depuis le Voile, Harald n’avait vécu que pour honorer Hardrek Poing-De-Fer, et son fils, le Gormisson, Thorgrel. Deux nains qu’il respectait tant et tant, qu’en ce jour, c’était un père qu’il perdait. Et lorsque la main du Roi retomba sur le lit, lâchant sa sublime hache, et lorsque le dernier souffle de vie quitta le corps inerte de celui qui fut le roi de l’unification du royaume, Harald ne pu s’empêcher de laisser s’échapper une profonde expiration, et baissa la tête, en signe de l’incommensurable respect qu’il éprouvait pour feu Hardrek Poing-De-Fer.

Qu’Ikthor vous guide jusqu’au monde du Dessous, qu’Heidum vous accueille avec les honneurs, et que les ancêtres et les dieux festoient avec vous jusqu’au jour où je vous rejoindrais. Pria-t-il intérieurement.