[Palais d'argent] Déni ou Colère | Solo

20 Verimios 17:XI
Tréfonds du Palais d'Argent jouxtant le Joyau

Jiph'Kah fronça le nez, une curieuse appréhension lui serrant la gorge.

Arrêtée dans le couloir, elle observait fixement la porte entretaillée comme si elle espérait la voir se refermer d'un coup sec. Mais non. L'accès aux appartements de la Maîtresse avaient été ouvert, contre les dernières volontés de l'Intendant et les ordres de Salik. Et pour son plus grand malheur, aucun garde n'était en vue.

Ce n'était pas normal...

Ravalant l'angoisse qui faisait battre son coeur plus fort, la jeune femme posa le poignet de sa protèse d'argent sur le lourd battant ouvragé. La porte avait à peine vibrée sous ses doigts qu'une odeur capiteuse d'encens et la chaleur de trop nombreux braséro la frappaient au visage. Une joie folle lui souleva le cœur avant que son esprit rationnel ne lui rappelle la triste nouvelle qui avait endeuillée le palais. Non. Cette atmosphère avait beau en être la panache luxurieuse, la Maîtresse n'était pas là. Elle ne pouvait pas être là.

Alors, courageusement, la jeune esclave mutilée poussa le battant pour jeter un coup d’œil à l'intérieur.

- Il y a quelqu'un ?

Le salon était inchangé. Vide. Des effets de métal ornaient les murs desquels coulaient des tentures de soie et de grandes tables de dessins laissaient la place centrale à une grande table basse entourée de coussins aussi profonds que colorés. Les rideaux de plusieurs alcôves étaient tirés. Ici une cuve d'eau. Là de la pierre nue à laquelle pendait des anneaux et des chaines dont même Wik n'avait pas réussit à retirer totalement le sang. Là-bas un coussin pour l'esclave elfe qu'elle avait gardé près d'elle. De l'autre côté une chapelle privée.

Et au fond, la double porte qui menait à sa grande chambre à coucher.

Ouverte.

Une silhouette noire à peine humanoïde se tenait là. Droite. Immobile.

Jiph'Kah frémit. Il ne portait ni la tenue des gardes de Griffe-Argent, ni celle des serviteurs du palais. Elle faillit tourner les talons pour appeler gardes, mais un nouveau mouvement la saisit du coin de l’œil.

Derrière la silhouette noire, posée sur le lit couvert de soieries et de fourrures... Elle avait vu quelque chose bouger. Elle n'était pas folle ! Pourtant, il y avait... Une sueur froide coula le long de son dos. Il n'y avait qu'une ombre, en plein milieu de la pièce, alors que les lumières étaient allumées et brillaient suffisamment fort pour se refléter dans les miroirs entourant l'immense lit.

- Tu entres ou pas ? " finit par demander la voix grave et jeune qui s'échappait de la silhouette.
- Je... Vous n'avez pas le droit d'être ici. L'Intendant a ordonné qu...
- L'Intendant a disparu. " Le profile opalin du jeune homme fit tomber la jeune esclave à genoux. Ses yeux arrondis de surprise fixaient le sol.
- Pardonnez-moi, Maître. Je ne vous avais pas reconnu.
- Ce n'est pas grave, je ne me suis pas présenter officiellement. Va plutôt me chercher Salik, je ne veux pas que tu te retrouve inutilement mêler à ces affaire.
- B-bien ! " Elle se relevait déjà quand la voix distante du sombre drow blanc reprit
- Et prépare ses outils, je vais avoir d'une ou deux nouvelles tenues.

Elle acquiesça une nouvelle fois et quitta la pièce, laissant de nouveau le jeune homme seul. Dans la pénombre de sa capuche, ses yeux rougis de larme se posèrent une nouvelle fois sur l'immense lit soigneusement fait sur lequel T'Challa ronronnait, roulée en boule. Il fallait bien la connaitre pour comprendre à quel point elle avait l'air abattue... Mais Elghinn se sentait trop vide pour en être attendri.

Une inspiration lui gonfla la poitrine de cette émotions douce amère qu'il avait encore tant de mal à comprendre.

Pourquoi depuis quelques ennéades, il se sentait à ce point... absent ?

Il agissait. Il pensait. Il riait, même. Mais quelque chose en lui restait froid, distant. Un sourire mauvais marbra ses traits en pensant un instant au comportement de Wik. Oui, il y avait quelque chose de cela.

Mais à force de réfléchir à ce que Shyn'tae lui avait dit, à ce qu'il avait appris au fil des rumeurs et à cette fameuse question sur son avenir, il en était arrivé à une conclusion simple : il était en colère. Il en était presque sûr. Quelque chose à l'intérieur, loin sous la glace et le sourire charmeur hurlait de rage. Il voulait du sang. Il voulait dévorer le cœur de Sekesh comme celui de cet elfe que sa mère lui avait offert comme premier repas. Il voulait sentir la vie de ceux qui avaient tué Wik quitter leur corps et voir la peur dans le regard au moment de leur dernier souffle. Il voulait sentir la nuque de Wydrin céder sous ses doigts pour avoir fuit ce palais. Il voulait faire mal à tous les princes marchands qui avaient fermés les yeux, comme ils lui avaient fait mal. Et même plus. Il leur prendrait tout ! Il les rongerait de l'intérieur jusqu'à ce qu'il ne reste plus que quelques os à recracher !

Il les tuerait !

Jusqu'au dernier !

Jusqu'à ce que cette terre ne soit plus qu'un amas de cendre semblable au monde d'où il venait !


Ses mâchoires étaient serrer au point de lui en faire mal. La marque sur sa hanche lui chauffait étrangement.

Derrière lui, dans le non-temps qui l'entourait, la petite tête au nez grotesque de Salik fit irruption dans le salon.

- Son Altesse m'a demandé ?
- Tu as trouvé ce que je t'ai demandé ?
- Oui, Maître. C'est bien l'homme que vous suspectiez. Les témoignages et les informateurs se recoupent. Il y a eu du mouvement dans sa tanière et quelques noms sont arrivés jusqu'aux plus cher des courtiers. La dague de cérémonie que votre mère avait forgée pour le dernier roi lui a semblé un paiement correcte. " et se faisant, il approcha pour murmurer des noms métalliques à l'oreille du jeune homme dont le visage ne s'illumina pas le moins du monde. Il acquiesça simplement.
- Et Wydrin ?
- Il se pourrait que j'ai l'occasion de lui transmettre votre message d'ici la fin de l'ennéade.
- Merci Salik... Tu peux y aller. Et fait en sorte que personne ne rentre ici, je ne le supporterai pas.

Resté seul, Elghinn reprit son observation muette, les yeux rivés sur les draps rouges et les fourrures qui couvraient ce lit dans lequel elle aurait du se trouver.