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| La goutte d'eau... | Louise & Aaron | |
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Aaron Kolhe
Humain
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| Sujet: La goutte d'eau... | Louise & Aaron Lun 25 Mai 2020 - 11:23 | |
| 2ème jour de la 2ème ennéade Hiver, Verimios de l'An 17:XI
Le jour était à peine levé mais Aaron était déjà debout. Il n'avait que peu dormi, cette fois encore. Cela faisait bien longtemps qu'il n'avait pas eu tant de choses à réfléchir à la fois. Quant à cette peur sourde qui l'animait, elle n'était pas nouvelle, malheureusement. La dernière fois qu'il l'avait ressentie, Efren s'était noué ce bandeau sur ses yeux juste après... Cependant, l'entraînement l'avait rendu endurant et ce n'était pas quelques heures de sommeil en moins qui allaient l'affaiblir. Son esprit demeurait en alerte et il était plongé dans une profonde réflexion, assis sur un fauteuil, accoudé, retenant sa tête de deux doigts seulement.
Malgré l'heure matinale, la quarantenaire entendit des pas dans le couloir, plutôt précipités. Il se redressa légèrement et observa sa porte. Il est un peu tôt pour cette agitation. Les pas dépassèrent sa chambre puis semblèrent hésiter... avant de revenir en arrière. Cinq coups furent frappés en vitesse sur le bois. Déjà habillé, Aaron se leva et alla ouvrir pour découvrir un garde sur le seuil. Un garde qui ne semblait pas des plus rassuré. Le nouveau conseiller était déjà reconnu pour être plus chaleureux que son collègue. C'était sans doute ce qui avait conduit son visiteur à venir le voir plutôt que Geoffroy. Et, vu son problème, ce n'était pas un mal...
-Qu'y a-t-il ? -Désolé de vous déranger... Mais je... Elle m'a demandé de ne rien de me taire mais... -Soufflez un bon coup et reprenez depuis le début. Tenta de l'apaiser le quarantenaire. Que se passe-t-il ? -C'est Dame Louise, Messire. Elle a pris son cheval et un sac et elle est partie. -Quand ? -Il y que moins de vingt minutes, Messire.
Sans plus attendre. Aaron enfila sa veste et saisit son manteau puis sortit de sa chambre. Le garde lui emboîta le pas. Le Conseiller avait l'air plu soucieux que contrarié et certainement pas en colère.
-Je suis désolé, Messire. -Ne n'avez pas à l'être. C'est votre maîtresse. Vous ne pouviez rien faire pour l'empêcher de partir. -Oui, c'est vrai... J'aurais dû aller voir Messire Geoffroy mais... -Vous avez bien fait de frapper à ma porte. Geoffroy peut être grincheux de bon matin. Plaisanta Aaron, masquant le fait que les conséquences auraient pu être bien plus dramatiques s'il était aller trouver le vieux conseiller plutôt que lui. -Oui, c'est pas faux...
A la porte du château, déjà chaudement vêtu, le quarantenaire s'arrêta et posa une main sur l'épaule du garde.
-Retournez à votre poste, je me charge de la ramener. Et si vous tenez à votre Dame, pas un mot à qui que ce soit d'autre. C'est clair ? -Oui, Messire.
Sur ces mots, et pas totalement convaincu que le bougre saurait véritablement tenir sa langue, Aaron sortit, dévala les escaliers et rejoignit les écuries d'un pas rapide. Sans prendre le temps de brosser sa monture, il installa sa selle et lui passa le filet. En quelques minutes, il était parti à son tour.
La neige avait cet avantage de lui indiquer la piste suivie par Louise. Il n'avait plus qu'à marcher dans ses traces, forçant le pas pour tenter de la rattraper avant qu'elle ne se fasse attaquer ou que sa route croise celle d'un animal sauvage. Elle avait moins d'une demie-heure d'avance, c'était encore faisable...
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| | | Louise de Fernel
Humain
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| Sujet: Re: La goutte d'eau... | Louise & Aaron Lun 25 Mai 2020 - 13:41 | |
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La sensation de pouvoir enfin sentir le vent piquant du matin sur mon visage m’a manqué. La vue splendide d’un timide lever de soleil là-bas à l’horizon m’a manqué. Lasgalen, mon fidèle monture, ne ralentit pas une seconde la cadence, trop heureux de galoper sur les routes enneigées. Il n’y a absolument personne. Pas une âme. Juste une vaste étendue de neige scintillant sous les faibles rayons d’une aube d’hiver. Une aube que je n’ai pas vu se lever depuis ce qui me semble être une éternité. Ressentir toute la puissance, la force brute de mon cheval m’avait manqué. Cette liberté que j’ai prise sans demander la permission ou l’avis de qui que ce soit m’a manqué. J’aurais du le faire bien plus tôt. J’aurais du.
Lasgalen atteint assez rapidement les chutes de glace.
La vue de cet endroit me rappelle la cuisante humiliation ressentie alors que j’avais parlé à cœur ouvert. Aaron…Je ferme les yeux, tentant de fermer mon cœur à tous ces sentiments que je suis seule à éprouver. Ne pas y penser. Ne penser à rien. Juste…Vivre. Enfonçant mes bottes dans les flancs de mon cheval, avant de me pencher sur son encolure, je force l’allure, ce qui fait hennir Lasgalen de contentement. Nous dépassons le promontoire et quittons la route menant à l’intérieur des terres pour nous diriger vers les montagnes. Le château a disparu dans mon dos, je le sais, je suis déjà loin, et mon cœur semble être déjà bien plus léger.
Après de longues minutes de galop, je suis obligée de ralentir l’allure. Les chemins à travers les montagnes sont dangereux, je le sais, mais je sais aussi où aller, pour être à l’abri. La caverne d’Hilgen. Il s’agit d’un abri connu de tous ceux qui traversent les montagnes pour venir à Fernel. C’est là que je me rends. Inspirant profondément l’air pur et vif qui fouette mon visage, je sens mon corps se détendre. Totalement. Au pas, juchée sur mon ami qui sait où poser les sabots, les pensées m’envahissent mais me semblent moins lourdes à porter. Moins difficiles à analyser. Il s’est passé tant de choses. Il s’est dit tant de choses également. Je n’ai même pas eu le temps de pleurer ma mère. Je n’ai eu le temps de rien. Le chemin se fait soudain plus ardu, moins balisé, plus en pente, je sais que je ne suis pas loin. De fait, après d’autres longues minutes de progression lente, je descends de Lasgalen et pénètre dans la caverne, immense refuge naturel. Je ne m’aventure pas bien loin, je sais où prendre place, dans un recoin à l’abri du vent.
Nul bruit en provenance de l’intérieur, aucun bruit en provenance de l’extérieur. Personne ne viendra me chercher ici. Lasgalen, lui, s’installe dans le coin et je fais de même, après avoir défait la couverture, le gros sac, afin qu’il soit bien. Je prends place au sol, le dos appuyé contre son ventre, coupant une pomme en deux, une part pour moi, une part pour lui. Le silence. Que c’est appréciable. D’où je suis-je peux apprécier toute la beauté de cet endroit, caverne naturelle remplie de mousse et d’humidité. Il y règne une odeur étrange, qui m’apaise. Un somptueux mélange de terre et d’eau qui ruisselle sur les parois, donnant naissance à des petites flaques ici et là.
Donnant un quartier de pomme à Lasgalen, je dis, d’une voix tranquille :
- Tu m’as manqué mon ami.
La chaleur du ventre de mon cheval irradie dans mon dos, je me couvre de cette épaisse couverture que j’ai emportée, jusqu’à mon menton, avant de poser la tête sur son flanc, me pelotonnant contre lui, recroquevillée sous la couverture. Lasgalen tourne la tête pour me regarder, je souris, les joues rougies par la chaleur. Je suis bien. En paix. Mon premier moment de paix depuis des ennéades que je fais durer de longues, très longues minutes avant de dire, comme si mon cheval pouvait me comprendre :
- Qu’est-ce que je dois faire ? Comment dois-je agir maintenant, Lasgalen ? Je ne sais par où commencer. J’ai l’impression de tout faire de travers. D’être une idiote. Pas à ma place.
De sous la couverture, ma main caresse mon cheval, ce qu’il apprécie visiblement. Dehors, des pierres roulent. Sûrement à cause de la neige. Je n'y prête même plus attention.
- Tout cela est si…intense. Si soudain. Je pensais être seule, puis j’ai lu le journal de mère. Imagines-tu qu’elle a aimé toute sa vie une personne qu’elle n’a jamais pu revoir ? Elle n’aimait pas le seigneur de Fernel. Elle n’aimait que lui. Pourquoi est-ce toujours à nous, les femmes, de payer le prix d’une vie…Pourquoi devrais-je épouser quelqu’un que je n’aime pas, à mon tour ? Je lui ai dit, tu sais… De la façon la plus…subtile que j’ai été en mesure de donner. Je ne voulais pas vivre un chagrin perpétuel, comme ma mère.
Inspirant profondément, je passe une main sur la longue crinière argentée, tout en continuant ma confession. Les choses me semblent si claires ici, pourquoi n’est-ce pas le cas au château… ?
- Je l’aime tu sais…Il est absolument tout ce que j’aime. Il est gentil, même avec toi, tout le temps, toujours. Il est aimable, intelligent…Il est fort aussi. Calme. Drôle. Et il a un regard d’une douceur, il est séduisant…Je pense que je pourrais passer des heures à le regarder mais…
Je sens à nouveau ma gorge se serrer. Je cesse de caresser le cheval pour me blottir au plus près, les yeux fermés.
- …mais ce n’est pas réciproque. Il dit que je dois penser à Fernel. Que je ne dois plus penser à lui. Je sais ce qu’il pense. Il se dit sans doute que je dois épouser quelqu’un de mon sang. De mon rang.
La cruelle vérité est là. Les larmes coulent sans discontinuer alors que je dis à mon ami cette vérité qui me torture.
- Il ne sait pas que je n’ai aucune légitimité à occuper cette place. Mon père…Mon père, c’est cet homme qu’elle a aimé toute sa vie. Je suis la bâtarde d’un bâtard. Lasgalen…C’est tellement injuste...Personne ne doit rien savoir parce que des vies sont en jeu. Et si je ne dis rien, je devrai épouser un noble sang que je n’aimerai jamais parce que mon cœur ne bat que pour lui. C’est horrible…Je ne sais plus quoi faire, Lasgalen. Je ne sais plus quoi faire ni quoi dire. Alors je me suis enfuie. Je ne pouvais plus rester là bas…
Le fait d’avoir pu prononcer ces mots-là, des mots que je retiens depuis des jours, m’apaise un peu. Je me sens mieux.
- Et si nous partions loin, tous les deux… ? Qu’en dis-tu mon vieil ami ?
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| | | Aaron Kolhe
Humain
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| Sujet: Re: La goutte d'eau... | Louise & Aaron Lun 25 Mai 2020 - 18:42 | |
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Aaron se tenait là, près de l'entrée de la grotte. Entendant la voix de Louise, il s'était arrêté. Ses mots ne lui étaient pas destinés directement mais il n'avait pu faire autrement que de les écouter. Pourquoi ? Parce que les tous premiers qu'il avait perçu distinctement l'avaient cloués sur place.
-Je l'aime tu sais...
Non, ce n'était pas... Elle ne pouvait pas parler de lui ? Ils se connaissaient à peine. Elle ne savait rien de lui, comment pouvait-elle l'aimer ? Alors il était resté immobile et avait tendu l'oreille. Simplement pour vérifier. Mais si, elle parlait bien de lui. Son nom ne fut jamais prononcé mais c'était si évident à l'entendre... Elle le décrivit avec une telle justesse, digne de la réponse qu'il attendait d'elle lorsqu'il lui avait demandé ce qu'elle percevait de lui. Elle ignorait peut-être qui il était mais ce qu'elle aimait ce n'était pas le mercenaire ou le conseiller... C'était l'homme en lui-même. Le quarantenaire était conscient de lui avoir fait du mal. Il était conscient de l'avoir repoussée dans une période déjà critique pour elle. Il pensait agir dans son intérêt mais était-il la goutte d'eau qui avait fait déborder le vase et conduit la jeune femme jusqu'ici ? Cela en avait tout l'air puisqu'il était le point central de cette discussion. Certes, elle évoqua ses origines apparemment plus modestes qu'il ne le pensait mais cela ne faisait qu'ajouter à la tristesse de ce qu'elle vivait -ou plutôt, ne vivait pas- avec lui. Il lui avait rappelé que leurs rangs les séparaient et il découvrait qu'elle n'aurait jamais dû obtenir ce rang... Son unique argument pour lui dire non n'était qu'un mensonge et un secret qui devait lui paraître d'autant plus lourd à porter s'il devait la priver de celui qu'elle aimait...
Aaron ne chercha pas à se manifester. Les yeux fermés, il tournait et retournait la bague à son doigt. Bon sang, Eloïse, pourquoi cela devait-il être si dur ?! Il y avait plus d'une raison pour laquelle il lui avait dit non mais elle ne semblait pas les avoir devinées. Elle croyait qu'il ne ressentait rien pour elle. Alors que faire ? Entrer et lui parler ? La laisser croire que son amour n'était pas réciproque et laisser la flamme s'éteindre d'elle-même ? Elle semblait si persuadée qu'elle n'aimerait jamais plus après lui... Quelque part, il pouvait comprendre ce sentiment. Il y avait longtemps cru lui-même...
Alors que le silence reprenait sa place dans la caverne et aux alentours, la jument d'Aaron éternua. Si les pierres qui avaient chuté sur leur passage n'avait pas attiré l'attention de la jeune femme, la présence d'un cheval devrait bien plus l'alerter. Le conseiller se tourna vers sa monture et la gronda du regard. A l'intérieur, plus aucun bruit ne s'élevait. Louise savait qu'il y avait quelqu'un désormais et elle avait choisi de ne pas bouger. Elle avait bien raison, il pouvait s'agir de n'importe qui. Et il hésita. Devait-il se montrer ? Lui demander s'il pouvait entrer ? Lui parler depuis là où il se trouvait ? S'éloigner un peu pour qu'elle n'ait plus peur et simplement attendre qu'elle sorte ? Il soupira silencieusement. Il ne pouvait pas la laisser penser qu'elle était seule. Ou qu'elle pouvait être en danger. Alors...
-Ce n'est que moi, Louise. Dit-il d'une voix plus faible qu'il l'aurait cru mais qui devait néanmoins être perceptible par la jeune noble. Je ne suis... peut-être pas la personne la plus indiquée pour vous apporter du réconfort, aujourd'hui. Mais quand le garde m'a dit que vous étiez partie, je n'ai pas pu me résoudre à vous laisser seule.
Il s'était inquiété, cela s'entendait dans sa voix. Son ton était nettement moins jovial que les jours précédents. Sa voix semblait si lourde... Il était lui aussi accablé par cette situation dont il n'avait pas donné toutes les clefs à la jeune femme pour lui permettre de comprendre. Il se demandait encore s'il devait le faire ou non... Ce serait lui donner des espoirs... La soulager pour un temps sans pour autant être en mesure de lui assurer que le bonheur se trouvait au bout du chemin. Il ne savait encore que faire, il n'avait pas pris sa décision. Mais il n'était pas là pour lui. C'était à elle de lui dire de quoi elle avait besoin.
-Si vous préférez rester seule, je peux simplement m'éloigner de quelques dizaines de mètres et vous laisser le temps qu'il vous faudra. Mais je ne repartirai pas sans vous...
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| | | Louise de Fernel
Humain
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| Sujet: Re: La goutte d'eau... | Louise & Aaron Lun 25 Mai 2020 - 20:10 | |
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Le bruit se répercuta le long des parois. Posant ma main sur ma bouche, le cœur battant, je caresse Lasgalen pour qu’il garde son calme. Les yeux agrandis par l’angoisse, j’observe les alentours directs et ne vois que des cailloux. Rien pour me défendre. Je n’ai même pas une arme, et même si j’en avais une je ne pourrais même pas m’en servir. Je n’en ai jamais manié de toute ma vie. Je ramasse un caillou plus gros que les autres et le serre dans ma main, m’affairant à trouver toutes les solutions possibles en cas d’attaque jusqu’à ce qu’enfin une voix me parvienne. Une voix chérie entre toutes mais dont la présence en ces lieux relève du surréaliste.
- …Aaron ?
Je me lève, enveloppée dans l’épaisse couverture et approche prudemment de la sortie, penchant d’abord la tête pour mieux voir, pour m’assurer qu’il ne s’agit pas d’une supercherie. Mais non, c’est bien lui. Et je reste là, comme une sotte, pétrifiée. Le garde. Evidemment. Il n’a pas tenu sa langue, le scélérat. Je plisse les lèvres, avant de me montrer, habillée comme je l’étais lors de mon voyage vers Serramire, une chaude et épaisse couverture sur les épaules.
Nous ne nous sommes pas revus depuis les chutes de glace. Depuis la neige sur sa tête. Je n’ose pas le regarder, je préfère regarder mes pieds, affreusement gênée et horriblement mal à l’aise.
- Je lui avais dit de se taire. Personne n’écoute ce que je dis, c’est…lassant.
J’inspire longuement avant de regarder derrière lui, vérifiant quelque chose.
- Vous êtes venu seul ? Ici ? Comment avez-vous pu me retrouver, personne au château ne vient jamais sur ce chemin…
J’allais poser une autre question mais soudain une idée me traversa l’esprit. Une inquiétante et très gênante idée. Serrant la couverture autour de moi autant pour me prémunir du froid que de tout le reste, je demande :
- Vous…Vous êtes là depuis longtemps ?
Le bruit de pierre…Était-ce lui ? Si c’et le cas, il a donc tout entendu. Une violente rougeur, qui n’est pas due à la chaleur qui m’enveloppe, se manifeste sur mon visage. Je suis sur des charbons ardents soudain. S’il y avait moyen de creuser un trou pour m’y cacher à l’instant, j’y serais déjà. Tout ce que je voulais lui dire lors de cette promenade, il l’aurait donc entendu de cette façon, totalement dénuée de filtre ou de convenance ? J’en ressens à nouveau une honte indicible. Je lève alors les yeux pour le regarder lui et ajoute, d’une voix rauque de fatigue et de tristesse :
- Pourquoi êtes-vous là ? Pour me ramener ?
Je n’ai aucune envie de rentrer pour l’instant. Ça non. Il n’en est pas question. Ce sont mes premiers moments de paix depuis des ennéades, je ne compte pas les écourter de cette façon, alors que je viens à peine de souffler quelque peu en compagnie de Lasgalen. C’est alors qu’une bourrasque soudaine me fait frissonner. L’altitude est le domaine du vent et de la glace. Même avec ma couverture j’en ressens la morsure. Qu’en sera-t-il de lui ? Même s’il m’a repoussée, ce n’est pas une raison de le laisser là dehors. Je fais un pas de côté pour lui montrer la caverne et murmure :
- Je ne rentrerai pas dans l’immédiat. Par contre, ne restez pas là. Vous allez attraper la mort. Lasgalen est là. Il me tient chaud. Faites entrer votre monture, ce n’est pas un temps à laisser un cheval dehors…
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| | | Aaron Kolhe
Humain
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| Sujet: Re: La goutte d'eau... | Louise & Aaron Lun 25 Mai 2020 - 21:13 | |
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Aaron se tenait bien là. Debout, la tête penchée vers l'avant. Il regardait l'une de ses mains qui triturait toujours la bague se trouvant sur sa jumelle. Il entendit Louise approcher et il releva les yeux en discernant sa silhouette apparaissant sous la lumière du jour. C'était sans doute la première fois qu'il n'avait pas un sourire pour l'accueillir. Son cœur était lourd de tout ce qu'il avait entendu. Cependant, lorsqu'il baissa les yeux et découvrit sa tenue, ses traits se firent légèrement plus rieurs. Ce n'était pas la première fois qu'il la voyait en pantalon...
-Vos traces étaient faciles à suivre... Répondit-il simplement. Et je n'allais pas réveiller tout le château. Je voulais simplement... m'assurer que vous ne courriez aucun danger.
Qui aurait-il fait venir avec lui ? L'avantage d'avoir toujours dû se débrouiller seul, c'était que l'on n'avait pas pour habitude de solliciter de l'aide inutilement. Louise n'avait pas besoin d'une escorte, ni de sermons et encore moins de ce traître de Geoffroy à ses côtés. Le mercenaire n'était peut-être pas le plus indiqué pour agir depuis leur dernière conversation mais... si ce n'était lui, alors qui ? La question suivante de Louise était plus délicate. Il la vit rosir avant même d'avoir ouvert la bouche et, s'il ne répondit pas tout de suite, il ne pouvait décemment pas lui mentir. Il ne mentait que pour protéger... Sinon, jamais.
-Sans doute un peu trop... Avoua-t-il. Je ne voulais pas écouter aux portes, j'étais juste...
Il ne termina pas sa phrase. Il réfléchit à ce qu'il voulait dire mais ses tergiversations s'éteignirent dans un soupir. Comment lui expliquer la confusion que chacune de ses paroles avaient provoquées en lui ? Ce serait trop long. Et trop décousu aussi, s'il se lançait là-dedans tout de suite. Cependant, son trouble pouvait sans doute se lire sur son visage. Lui, d'habitude si calme et sûr de lui, semblait être indécis en cette heure, se tenant là en ignorant ce qu'il allait faire. Il n'avait aucun plan, aucune stratégie, aucun angle d'approche. Il improvisait, plus que jamais, et il ne savait pas encore ce qu'il voulait.
-Pourquoi êtes-vous là ? Pour me ramener ?
Aaron haussa des sourcils et écarta les mains un bref instant avant que ses doigts ne repartent à la manipulation de son anneau.
-Quand vous y serez prête. Fit-il simplement.
Il n'allait pas lui forcer la main. Il pouvait comprendre que l'accumulation de ces derniers jours soit de trop. D'abord le Duc, puis sa mère, lui, son père, Geoffroy... Qui n'aurait pas craqué dans tout cela ? En l'écoutant, il lui avait semblé évident qu'elle allait rentrer, qu'elle avait juste besoin de souffler. Il regrettait de lui avoir couru après mais il n'aurait pas pu le deviner.
Si le vent fit frissonner Louise, Aaron ne montra pas de réaction. Il faisait froid, oui, mais cette température ne semblait pas le gêner outre mesure. C'était un homme solide, un Nordien. Il était né avec le sang froid, bien qu'il ait été capable de supporter de très fortes chaleurs par le passé. Le conseiller posa son regard sur la jument lorsque la demoiselle évoqua sa présence. S'il pouvait supporter ce temps, elle l'apprécierait sans doute moins. Il aurait pu aussi simplement partir et couvrir l'absence de la jeune femme au château mais il ne pouvait se résoudre à la laisser sans protection. Alors, après quelques secondes de réflexion, il hocha simplement la tête en direction de Louise. Puis il alla attraper sa monture par les rênes et la guida à l'intérieur. Il découvrit alors Lasgalen allongé dans un coin et cela lui étira un léger sourire. De son côté, il laissa le soin à sa jument d'explorer les lieux, visiblement attirée par ce petit bruit de gouttes qui perlaient et chutaient sur le sol. La jeune femme s'était assise contre son cheval et Aaron ne se sentit pas de demeurer debout alors qu'elle s'était assise. Une distance s'était déjà formée entre eux, il ne voulait pas qu'elle se creuse davantage. Alors il s'assit, s'adossant à un mur à deux, peut-être trois mètres d'elle. Le silence était pesant et probablement très inconfortable pour Louise. Cela ne faisait que deux jours... Deux jours qu'elle s'était déclarée. Deux jours qu'ils ne s'étaient pas parlés, ni même croisés. Mais cela semblait faire une éternité.
-Je suis désolé... de troubler votre retraite. Mais même si j'avais su que vous aviez seulement besoin d'espace, je ne peux pas vous garantir que je ne vous aurais pas suivie. J'aurais simplement mieux gardé mes distances...
Il était sincère. Comme d'habitude. Il avait conscience que sa présence remettait certainement en question le bien que devait lui procurer cette sortie. Il pouvait comprendre la nécessité d'avoir parfois besoin de solitude. Même s'il restait là à ne rien dire, ces quelques heures de liberté lui seraient certainement moins profitables qu'elle ne l'avait espéré. il avait peut-être tout gâché... A moins de crever l'abcès, peut-être.
-Et je suis désolé de vous causer autant de peine. Ce n'était pas mon intention.
La situation l'attristait. Réellement. Il était capable de prendre des décisions très difficiles du moment qu'il pensait que c'était la chose à faire et de s'en relever rapidement. Mais Louise n'était pas comme lui. Elle était jeune dirait Geoffroy... Ce n'était pas ainsi qu'il voyait les choses. Lui voyait... de la lumière. Elle rayonnait par ce qui pour certains étaient des défauts mais que lui percevait différemment.
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| | | Louise de Fernel
Humain
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| Sujet: Re: La goutte d'eau... | Louise & Aaron Lun 25 Mai 2020 - 22:24 | |
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Il a tout entendu. Je meurs tout simplement de honte. Il sait tout. Emmitouflée dans ma couverture, je file comme le vent afin de reprendre ma place dans mon refuge, contre les flancs chauds de mon cheval. Appuyée contre lui, je me couvre jusqu’au menton, suivant du regard la progression d’Aaron qui s’installe tout près. De mon côté, je suis incapable de dire quoi que ce soit. Je regarde sa jument, avant de le regarder de nouveau, furtivement. Le silence est pesant. Le malaise est presque palpable. Intolérable.
- J’avais besoin de sortir du château. De m’enfuir de ces murs. J’étais en train d’étouffer, Aaron, alors…alors j’ai agi comme j’aurais agi si je n’étais pas devenue la Dame de Fernel.
J’ai beaucoup de mal à le regarder même si ce n’est certes pas l’envie qui m’en manque.
- Je suis venue ici pour réfléchir et pour…pour savoir ce que je dois faire. Sur tout un tas de points.
Passant une main dans mes cheveux, j’inspire à nouveau profondément. Réfléchir à tout. Penser à tout. Tout cela est impossible, évidemment. J’ai l’esprit en vrac, dispersé aux quatre vents. Tantôt je suis la fille d’un Seigneur, tantôt je ne suis plus rien. Je dois jongler avec des incertitudes, je dois manœuvrer avec un cœur en pagaille, je dois paraître sans être. Et dans tous ces faux-semblants, je n’ai pas eu le temps de pleurer ma mère. La vision de ma si douce et si gentille maman dans son tombeau, la bouche ouverte, déformée par la mort, la peau recouverte d’affreuses tâches dues à l’empoisonnement dont elle a été victime, tout cela ne me quitte pas un instant.
Aaron a entendu que je parlais de lui. Il m’a entendu dire que je l’aime. Et il ne dit rien. Il reste loin, à triturer une bague dans son coin. Je le regarde à la dérobée, regrettant de ne pouvoir me blottir dans ses bras au lieu de me réfugier contre mon cheval. Je donnerais cher pour un geste comme celui-là. Mais non…Je ne suis décidément pas assez bien pour lui. Je regarde alors ailleurs, la jument, les parois, ma couverture, avec l’affreuse sensation d’être sans valeur. D’être une étrangère. Le quidam a qui on dit bonjour sur la route et qu’on ne reverra sans doute jamais plus. Je dois absolument cadenasser tout ceci. Je dois m’endurcir. Construire des murs autour de mes sentiments. Cela m’éviterait d’être aussi nulle, de me sentir aussi mal, comme en cet instant.
- Quelle était votre intention alors… ?
Remontant la couverture jusqu’à mon menton, je dis alors, d’une voix quelque peu enrouée :
- Vous savez…quand je vous ai demandé un moyen de savoir lire dans les cœurs…vous me l’avez enseigné de la plus directe des façons. On ne doit pas le faire. Parce que…parce que ça fait mal. Parce qu’on découvre des choses. C’est comme parler avec son cœur…ça aussi ça fait mal. Ça fait mal de s’ouvrir, de laisser une personne avoir accès à ce que vous êtes et ça fait mal de voir cette personne rejeter ce que vous offrez…
Je profite de la pénombre pour utiliser la couverture comme mouchoir et tamponner mes yeux.
- Mais je ne vous en veux pas. Je présume que…que c’est la vie qui veut ça. C’est moi qui m’excuse. Je ne vous importunerai plus avec cela, vous avez ma parole.
J’esquisse un sourire mais je sens mon menton trembler. Que la DameDieu en soit témoin, je pense n’avoir jamais autant pleuré que ces derniers jours. Qu’est-ce que je croyais…Il a le double de mon âge, il est déjà parent, il a voyagé, beaucoup, il a vu tant de choses, tant de gens, tant de merveilles…Pourquoi un homme tel que lui irait-il s’enticher d’une demoiselle dont il ne sait rien, et ce même si la dite demoiselle éprouve des sentiments sincères envers lui ? Je ne peux certainement pas tenir la comparaison face à toutes ces femmes qui hantent le monde. De vraies femmes aux courbes jolies, aux visages d’ange et aux voluptueuses promesses…moi je ne suis qu’une gamine naïve, sans expérience de la vie, si ce n’est celles qu’on lui a autorisée. Quels attraits puis-je bien avoir pour séduire un homme tel que lui ? Aucun. Absolument aucun. Je suis timide, je suis maladroite, je suis sans expérience. Tout ce que j’ai pour moi, c’est la sincérité de mes sentiments et c’est cette même sincérité qui m’a desservie.
- Je suis…Je suis heureuse que vous soyez venu.
Fouillant dans mon grand sac, j’en sors un petit paquet que je dénoue, libérant quelques petits biscuits secs que je lui tends des deux mains.
- Il est tôt, peut-être n’avez-vous rien mangé en quittant Fernel…
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| | | Aaron Kolhe
Humain
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| Sujet: Re: La goutte d'eau... | Louise & Aaron Mar 26 Mai 2020 - 9:42 | |
| Quelles étaient ses intentions ? Il n'en était plus certain lui-même. Bien qu'il soit sûr de la position qu'il avait choisi de prendre ce jour-là, il ne savait plus quoi en penser aujourd'hui. Les sentiments de Louise étaient bien plus avancés qu'il ne l'avait imaginé. Elle s'était faite une idée de ce qui avait motivé sa réponse mais elle faisait fausse route. Il ne l'avait pas compris sur le moment. Il n'avait pas anticipé sa méprise. Mais il n'appartenait qu'à lui de corriger les choses aujourd'hui. Elle avait besoin de connaître la vérité plus qu'il ne l'aurait cru.
La jeune femme lui offrit des biscuits qu'elle lui tendit dans ses mains ouvertes. Il les regarda et étira un sourire sans joie.
-Non, en effet. Manger n'était pas ma priorité ce matin. Il étendit un bras et se saisit d'une des pâtisseries avant de relever les yeux vers Louise. Merci.
Il lui avait fait du mal et elle demeurait prévenante avec lui. Elle semblait décidée à conserver ses sentiments, même si elle devait vivre seule avec et ne plus les partager. Sa mère avait vécu ainsi, de ce qu'il avait pu en comprendre. Ce ne devait guère être un destin enviable... Dans un silence sans nom, il croqua un coin de biscuit et, tandis qu'il mâchait, le bruit de sa mastication fut couvert par un autre un peu étrange. Aaron tourna la tête vers sa jument et haussa un sourcil surpris. Après avoir humer les parois de la caverne un long moment, elle passait désormais sa langue sur la roche fraîche comme s'il s'agissait d'un bloc de sel...
-D'abord elle me trahit en signalant ma présence et maintenant elle lèche la pierre... Je suis vraiment parti trop vite.
L'attitude de l'animal était assez surprenante et inhabituelle mais n'avait rien d'inquiétante. C'était juste... Amusant. Même si le contexte de cet instant ne prêtait guère à rire. La silence revint, seulement rythmée par le son produit par la jument se rafraîchissant à sa manière.
-Vous vous trompez à mon sujet, Louise. Sur tellement de points... Dit-il en regardant devant lui comme s'il était en train de faire la liste de toutes les erreurs qu'il décelait dans l'image qu'elle avait de lui, de ce qu'il pensait, de ses motivations. Vos perceptions sont si justes, cela dit. Vous avez dressé un portrait qui reflète assez bien ma personnalité. Et si je faisais le vôtre ?
Il tourna de nouveau la tête vers elle et l'observa, avec cette douceur qui le caractérisait et la profondeur de quelqu'un qui réfléchissait intensément. Elle semblait si fragile en cet instant mais il était en partie la cause de son état. Tel un mur déjà accablé d'une charge trop lourde, elle était fissurée. Il avait été un coup supplémentaire qui avait fait de ces minuscules lignes des plaies béantes. Mais ce n'était pas la seule chose qu'il voyait en la regardant.
-Quelqu'un -je ne dirais pas qui- vous décrit comme jeune et, à ce titre, inexpérimentée, impulsive et irréfléchie. Il marqua une pause. Avait-il besoin de préciser qu'il parlait de ce salaud de Geoffroy qui n'avait pas plus d'intérêt pour elle que pour une pièce d'échiquier ? Je suis en total désaccord avec lui. Vous êtes curieuse, vous voulez apprendre, vous avez le soucis de bien faire. Ce sont des qualités plus que louables, et pas seulement lorsque l'on a votre âge. J'ai connu des personnes qui ont tellement vécu qu'elles croient tout savoir mieux que tout le monde et sont incapables d'entendre les avis contradictoires ou de se remettre en question. Je pense que vous ne commettrez jamais cette erreur. Vous êtes franche, même si ce que vous avez à dire ne convient pas à votre interlocuteur. Ce que d'aucun qualifierai de défaut. Ce que je trouve... plutôt audacieux, au contraire. Vous êtes émotive, c'est vrai. Cela prouve que vous avez du cœur et vous forcer à être moins sensible vous ferait du mal. Vous changerait... A son attitude, il était facile de comprendre qu'il n'estimait pas que ce serait une bonne chose. Vous êtes aussi passionnée. C'est ce qui vous donne la force de vous consacrer corps et Souffle à votre tâche. Et votre bravoure vous aide à surmonter les obstacles... Car il faut bien du courage pour avouer ses sentiments à un homme sans être certaine que c'est réciproque.
Il posait sur elle des yeux qui en disaient long sur ce qu'il pensait de tout ce qu'il venait de dire. Toutes les descriptions qu'il avait entendu jusque là provenaient de la même personne et elles n'avaient rien de bien flatteuses. Pourtant, cela ne l'avait pas empêcher de se faire sa propre idée sur elle, de se forger son opinion personnelle. Il la percevait comme une personne digne d'intérêt, l'admirait par certains aspects et la respectait. Il aimait ce qui faisait d'elle quelqu'un d'aussi singulier. Elle n'entrait pas dans le moule des nobles dans lequel on avait voulu la façonner et... cela lui plaisait.
-Louise, je ne vous ai pas éconduite parce que je n'ai pas d'affection pour vous. A vrai dire, ça semble même plus flagrant aux autres qu'à moi-même... Mais je ne me suis pas caché derrière une fausse excuse. L'argument que j'ai avancé était réel, même si ce n'est pas la seule raison pour laquelle j'ai tenté de vous éloigner de moi... Même si vous n'êtes pas censé arborer votre titre, il vous est cher. En vous attachant à moi, vous risquez de tout perdre. Je suis bien placé pour savoir ce que ça fait et je voulais vous éviter d'avoir à prendre une décision que vous pourriez regretter.
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| | | Louise de Fernel
Humain
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| Sujet: Re: La goutte d'eau... | Louise & Aaron Mar 26 Mai 2020 - 13:32 | |
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Je prends moi aussi un petit biscuit et croque dedans, sans conviction. C’est Lasgalen qui se chargera de rompre le silence en se redressant en douceur. Je préfère m’en éloigner un peu, pour lui laisser toute l’amplitude souhaitable. Mon ami s’éloigne de nous pour se rapprocher de sa compagne et ils s’écartent alors pour se diriger vers les étendues d’eau un peu plus bas. Debout, je regarde les deux animaux marcher côte à côté, se poussant parfois de la tête, complices, avant de m’asseoir à même le sol, drapant mon dos et mes épaules de mon épaisse couverture. J’aurais pu, sans aucun doute, en profiter pour prendre place aux côtés d’Aaron mais je ne veux pas l’incommoder par une présence qu’il ne désire pas supporter. Je reste donc là, assise, emmitouflée jusqu’au cou, ne laissant qu’un petit passage pour mon bras, afin que je puisse terminer mon biscuit, en silence.
- J’ai quelques pommes dans mon sac. Quand ils seront de retour…je lui en donnerai.
Au beau milieu d’un autre silence pesant, sa voix s’élève alors pour me parler. Je le regarde avec un sourire poli, avant de me rembrunir. Faire mon portrait ? J’ai pensé chaque mot de ce que j’ai dit à mon cheval. Qu’en sera-t-il de lui ? Ne va-t-il pas être influencé ? Tenter d’adoucir tout ce qu’il voit pour ne pas me faire de la peine ? Jouant nerveusement avec le petit biscuit qui se trouve dans ma main et que je n’ose plus manger, je dis alors, dans un souffle :
- Je ne sais pas si j’ai vraiment envie de savoir…
Cela ne l’arrête pas, il parle, longtemps, de sa voix douce comme du miel. Et je ne bouge pas, toujours emmitouflée dans ma couverture, le petit biscuit à la main, un petit biscuit qui a toute mon attention tandis qu’il continue, sans s’arrêter une seconde. Plus il parlait, plus j’avais envie de me cacher. Personne ne m’a jamais dit cela. Ce qu’il considère être des qualités, Mère les considérait plutôt comme des travers déplaisants à corriger. Des petits travers qui ne sont pas conformes à ce que la société attend d’une jeune fille de bonne famille. Combien de fois a-t-elle perdu son sang froid en me voyant rentrer au château les poches pleines de terre, parce que j’y hébergeais des limaces en détresse ? Toutes ses recommandations, à toute heure du jour, afin de corriger mes défauts…Même sur son lit d’agonie, avant que je ne parte pour ce funeste voyage vers Serramire, elle me grondait presque pour mon attitude, ma tenue, ma façon de chevaucher qui selon elle n’est pas digne d’une dame…Elle a toujours voulu le meilleur pour moi, elle a toujours fait en sorte que je dispose de tout, tout le temps, que je sois entourée des meilleurs, dans tous les domaines. Cela étant, elle ne m’a jamais vraiment comprise. A la lecture de son journal, je passe surtout pour une jeune femme frivole qui ne pense qu’à ses chevaux et ses plaisirs, une jeune femme entêtée et obstinée.
Le fait qu’Aaron parvienne à voir ce que je suis sans vraiment me connaître me procure une joie immense que je n’ose pas démontrer. Tout au plus mes joues auront-elles pris cette teinte cramoisie qu’il ne verra sûrement pas dans la demi pénombre de cette caverne.
- Aaron…C’est cette sensibilité que j’essaye de dominer. Et de restreindre. Depuis notre retour à Fernel…Je suis chaque heure de chaque jour, y compris la nuit, déchirée entre ce que je suis et celle que l’on voudrait que je sois. La lecture du journal de ma mère a changé toutes mes perspectives…Je ne peux plus m’autoriser le moindre sentiment et pourtant…pourtant je voudrais les partager…Mais je ne peux pas. Je n’y arrive plus…Parce que quand je le fais…je n’ai pas de réponse. Et quand j’en ai une, elle est tellement triste que je préfère ne plus rien dire…Vous appelez cela du courage. Moi j’appelle cela de la sottise…
Je dépose le petit biscuit au sol, l’appétit coupé par ce que je viens de dire. Rapprochant mes jambes de ma poitrine, je les enserre de mes deux bras, avant de poser ma tête sur mes genoux, laissant la couverture tomber peu à peu. Je regarde les chevaux là-bas, la gorge en feu. Que vient-il de dire ? Il aurait des sentiments lui aussi ? Je préfère fermer les yeux, pour ne pas éprouver la tentation de le regarder. Et de ressasser ses paroles. Je sens mes cheveux couler depuis mon dos jusqu’à mes bras, de façon à ce qu’ils me dissimulent presque entièrement.
- Le simple fait d’exister risque de me faire tout perdre, Aaron. Ma situation est précaire. Je peux perdre la vie à tout instant. Je peux perdre Fernel à tout instant. Je peux vous perdre à tout instant. Même mon père peut disparaître à tout instant, Aaron.
Des larmes viennent à nouveau se perdre sur mes joues. Qu’il est insupportable de toujours manifester mes émotions de la sorte.
- C’est ce que je voulais vous dire il y a deux jours…Aaron.
J’ôte rapidement les larmes du bout de mes doigts et lui fais face pour lui dire ce que j’aurais du lui dire il y a deux jours, dans ce sous-bois :
- Mère m’a légué son journal. Dans ce recueil…J’ai lu, appris tant de choses que j’ai failli en suffoquer. Aaron, je ne suis pas la fille d’Eudes de Fernel. Il n’était qu’un chevalier comme les autres nobles de cette péninsule maudite : un violeur de femmes. Mère était enceinte quand il l’a épousée. Personne ne voulait d’elle. Et lui ne trouvait personne qui consente à venir vivre ici…Elle a du épouser mon « père » contre une importante transaction financière. Mon vrai père n’a jamais su que j’existais. Il ne l’a appris qu’à son arrivée au château, il y a quelques jours.
Inspirant longuement avant de regarder la voute de la caverne, j’ajoute alors, dans un souffle :
- Elle l’a aimé toute sa vie. Lui aussi. Elazar est arrivé trop tard. Mère l’avait fait mander parce qu’elle savait ce qu’il était. Il est bien plus que ce qu’il prétend…Je savais qui il était quand il est entré. Imaginez-vous ce que j’ai pu ressentir en recevant mon père dans cette chambre où celle qu’il aime a été violée tant de fois ? J’ai du prendre sur moi avec une telle violence…C’est lui également qui m’a annoncé qu’elle a été empoisonnée. Assassinée. Je ne pouvais plus supporter cet endroit. Alors quand je vous ai vu aux écuries…Toujours si aimable, si gentil avec moi…J’ai eu le besoin de vous dire ce que je ressentais. Avant qu’il ne soit trop tard. Parce qu’en l’état des choses, je ne sais si je pourrai voir le soleil se lever demain. Je voulais au moins vous dire que je vous aime. Pas très adroitement, c’est vrai. Mais cela n’en était pas moins sincère…
Je baisse la tête et le regarde pour dire, à voix basse :
- Je suis la bâtarde d’un bâtard. Je n’ai aucun droit de porter le titre de Dame de Fernel. Si j’accepte ce destin-là, je vivrai comme ma mère, sans avoir le droit d’avoir à mes côtés celui que mon cœur a choisi. Si j’y renonce, je vivrai comme mon père. C’est une torture permanente… Cela aussi, je voulais vous le dire. Pour quelle autre raison voudriez-vous que je reste éloignée de vous ? …
Une idée me vient à l’esprit, peut-être encore plus insurmontable que les autres.
- Vous…Il y a déjà une dame dans votre cœur, c’est cela ?
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| | | Aaron Kolhe
Humain
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| Sujet: Re: La goutte d'eau... | Louise & Aaron Mar 26 Mai 2020 - 19:13 | |
| Aaron demeurait là, à écouter, sans un mot. Attentif, il ne bougeait pas et ne détournait pas non plus le regard tandis que Louise évitait le sien. Même lorsqu'il lui avait avoué qu'elle n'était pas toute seule dans cette relation, elle ne bougea pas. Mais il ne lui en voulait pas. Il n'attendait pas d'elle qu'il lui saute au cou en lui disant cela. Il voulait simplement être honnête. Contrairement à ce qu'elle avait cru, elle n'était pas rien à ses yeux mais cette idée progressait bien lentement dans l'esprit du quarantenaire. Bien plus lentement que dans celui de la jeune femme. Avant même qu'elle n'ait prononcé son nom, le mercenaire avait compris qui était le véritable père de la Dame de Fernel mais il ne l'interrompit pas. Elle avait besoin de parler. Elle avait besoin d'être entendue. Elle avait besoin d'évacuer toutes ces pensées qui tournaient en boucle dans sa tête. Elle avait besoin que quelqu'un d'autre les reçoive et les partage avec elle. Il pouvait tout entendre, tout supporter. Elle lui avait reproché de l'avoir rejetée mais elle avait accepté ses excuses, à sa manière... Simplement en l'écoutant la corriger sur ce qu'elle pensait.
L'avantage de cette discussion, c'était qu'Aaron était désormais au courant de tout. Les origines modestes de Louise, l'empoisonnement de sa mère, la traîtrise de Geoffroy, son amour pour lui... S'il ne découvrait rien dans cette conversation, il avait au moins les clefs pour comprendre son ressenti et tenter de lui apporter une réponse au plus juste. Cependant, alors qu'elle achevait de libérer le flots de ses réflexions et de ses craintes, elle requerra une réponse de sa part. Il avait volontairement évoqué le fait d'avoir plusieurs raisons de la repousser. Elle devait comprendre que les choses étaient bien plus complexes pour lui qu'elle ne l'imaginait. Il ne s'était pas simplement contenté de lui dire non... Sa question le fit sourire, à la fois triste et amusé.
-Il y a un peu de ça, oui. Il marqua une pause, observant dans la pénombre le visage que Louise avait enfin daigné tourner vers lui. Sans parvenir à la voir tout à fait, il devinait néanmoins la finesse de ses pommettes, l'ondulation de ses cheveux autour de ses traits fatigués, ses yeux fins rougis par les larmes qu'elle avait tenté de lui cacher. Le sourire d'Aaron était à peine esquissé mais il était un peu plus tendre que d'ordinaire. Sa réponse n'était pas vraiment une mauvaise nouvelle... Je porte le deuil de mon épouse depuis plus de douze ans. Elle est la seule femme que j'ai aimé et je croyais qu'il en serait ainsi à jamais... Jusqu'à aujourd'hui. Aucune autre femme n'avait su m'atteindre jusqu'ici et je n'ai jamais provoqué ces sentiments-là chez une autre depuis elle... mais c'était peut-être que je ne le voulais pas. Je n'avais pas l'intention faire naître ces sentiments chez vous mais on dirait que mon inconscient l'a fait malgré moi. Je n'ai pas su mesurer l'impact de mes gestes envers vous ou bien je n'ai pas voulu le voir mais, pour autant, je n'ai pas songé une seule seconde à les retenir... Parce que j'en avais envie... Et qu'ils vous faisaient du bien.
C'était d'ailleurs devenu un cercle vicieux en y repensant. Il lui souriait, elle lui irradiait de bonheur, alors qu'il continuait. Il plaisantait, cela la faisait rire, alors il continuait. Il la touchait, elle appréciait cela, alors... Si vraiment il avait voulu l'empêcher, il aurait arrêté et reprit ses distances avec douceur. Il n'aurait pas continué si une part de lui n'avait pas désiré que cela se produise. Pourquoi n'avait-il pas pu se rendre compte de tout cela avant qu'elle ne lui en parle ? Eh bien c'était à cause de cette bague qu'il triturait encore. C'était à cause d'Eloïse qui revenait en force dans ses pensées alors qu'il s'attachait de plus en plus à une autre. Mais cela n'était qu'un tour de son esprit trop ancré dans cette certitude qu'il ne pourrait jamais aimer quelqu'un comme il l'avait aimée, elle. Seulement son cœur se moquait bien de toutes ces considérations et s'il s'était éveillé après toutes ces années, ce n'était pas pour le premier sourire venu.
-Rassurez-vous, je n'ai pas la sensation de lui être infidèle. Elle m'avait dit de reprendre le cours de ma vie mais j'ai eu... bien d'autres choses à l'esprit pour ne pas vraiment prendre le temps de tourner la page. Je n'en voyais pas l'utilité non plus.
Pourquoi aurait-il dû lui dire adieu ? Il ne convoitait personne d'autre et n'imaginait pas pouvoir retrouver quelqu'un capable de combler le vide que son départ avait laissé. Mais voilà, c'était arrivé... Et, devant les sentiments dont Louise lui faisait part, il avait été démuni... Car pas préparé à les accueillir.
-Vous m'avez surpris l'autre jour et j'ai été incapable de réagir. Pardon. J'ai seulement besoin d'un peu de temps.
Quand bien même il en aurait été capable, qu'aurait-il fait ? Il n'en avait pas la moindre idée... Même si ses sentiments s'étaient montrés plus tôt, l'aurait-il embrassée ce jour-là ou aurait-il agi de la même manière ? Elle n'en demeurait pas moins noble, tout du moins officiellement. Il ne lui demanderait jamais de renoncer à son titre et à ses terres pour lui. Il ne lui demanderait jamais de sacrifier quoi que ce soit pour lui. Il ne lui demanderait jamais de choisir avec le risque qu'elle le perde. Cette histoire était impossible mais pouvait-il vraiment la lui refuser avec tout ce qu'elle vivait depuis quelques jours ? Il était sa seule lueur dans un paysage noir et dévasté. Il tenait trop à elle pour la laisser sombrer tout à fait. Finalement, Aaron se leva et s'approcha. Il s'arrêta devant Louise et s'accroupit, ses bras posés sur ses genoux. D'un doigt sous son menton, il l'invita à plonger ses yeux dans les siens et à ne pas détourner le regard. Elle l'aimait et n'avait pas à avoir honte de ce qu'elle ressentait.
-Geoffroy n'a aucune raison de s'en prendre à vous, bien au contraire. Il a besoin de vous vivante pour mener à bien son plan. Je vous ai promis de vous éviter le mariage forcé... et je tiens toujours mes promesses. Je reprendrai mes projets de négociations dès que cette affaire sera réglée. Et... jusqu'à ce qu'on soit parvenu à déjouer ses projets, je devrais me tenir loin de vous. Il a probablement compris les sentiments que vous aviez pour moi et s'il voit que nous nous rapprochons, il ne restera pas sans rien faire. Vous devrez faire comme si... mon "non" était ferme et définitif. Vous pensez en être capable ?
Il évitait bien soigneusement de lui faire savoir qu'il était déjà dans la ligne de mire de Geoffroy. De part les solutions qu'il avait proposé de mettre en place, il était devenu une cible sans le savoir. Efren mettrait des mois avant d'arriver à un résultat probant mais, lui... Il pouvait régler son affaire en quelques ennéades. Sans compter que sa présence repoussait toute possibilité de mariage dans l'esprit de Louise à plus court terme encore. Il ne voulait pas lui mettre la pression, elle en avait déjà suffisamment à supporter, mais elle devrait jouer la comédie a minima pour repousser l'échéance à laquelle le vieux conseiller déciderait de s'occuper de son cas.
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| | | Louise de Fernel
Humain
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| Sujet: Re: La goutte d'eau... | Louise & Aaron Mar 26 Mai 2020 - 22:41 | |
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« Il y a un peu de ça, oui ». Mon cœur manque un battement. J’allais ajouter quelque chose mais il ne m’en laisse pas le temps, il explique et toute son explication coule de source. Une épouse défunte. La mère d’Efren, sans aucun doute. Un deuil de douze années…Je ne peux m’empêcher d’ouvrir de grands yeux tous ronds en l’écoutant avant de réaliser ce qu’il dit. Il me faut reprendre mes esprits au plus vite. Ne vient-il pas de dire que…que je l’ai atteint ? Ne vient-il pas d’avouer un sentiment à mon égard ? Je n’ose pas vraiment y croire. Je replace la couverture sur mes épaules, le cœur battant à un rythme tel que je sens mon cœur pulser jusqu’au bout de mes doigts. M’emmitoufler dans cette énorme couverture aura au moins le mérite de dissimuler un peu mon visage et mes joues rouges.
Je me serais donc trompée ? S’il y avait besoin d’un quelconque moyen de démontrer à Aaron mon manque d’expérience, c’est bien celui-là. Je n’avais rien compris du tout, empêtrée que j’étais dans toutes mes certitudes et dans tous mes soucis. Je ne voyais que des ténèbres là où il y avait pourtant de la lumière. Cela étant, on ne peut pas vraiment m’en vouloir. J’ai été élevée comme cela, par une mère elle-même en manque cruel d’affection, éloignée à jamais de celui qu’elle aimait. En tous temps, Mère s’est toujours arrangée pour que je ne sois pas trop en contact avec d’autres jeunes gens de mon âge. Et pourtant, j’ai eu le béguin, plusieurs fois, je me suis amourachée de quelques figures avenantes, de passage au château. Un sourire, un regard intelligent, une parole douce suffisait souvent à combler mes rêves pour quelques nuits. Combien de fois Mère n’a-t-elle pas grondé, blâmant ma sottise, ma légèreté, tout en me rappelant ma noble ascendance qui devait m’interdire ce genre d’inclinaison ? Alors j’ai écouté. Et il s’est avéré qu’elle avait à chaque fois raison. Sitôt disparus de ma vie, ces petits béguins de jeune fille disparaissaient de mes pensées.
Ce que je ressens pour Aaron est totalement différent. Je me rappelle absolument tout. L’auberge sur la route de Serramire. Cette botte impossible à ôter. Nos conversations à cheval. Sa présence douce à mes côtés quand je suis rentrée du palais ducal en larmes et le moral en berne. Je me rappelle sa main posée sur la mienne et de la réaction de mon cœur, totalement incontrôlable. Je me rappelle tout. Il n’a rien fait pour attiser mes sentiments, il est resté lui-même, tout le temps. De mon côté, je m’y suis laissé prendre…je n’ai rien vu venir non plus, jusqu’à ce que je m’aperçoive, un matin, qu’il était devenu le premier objet de mes pensées. Que je songeai à son regard posé sur moi. Que je songeai à sa voix, douce et posée. Que j’aurais aimé à mon tour poser ma main sur la sienne. Alors, toute rouge, j’avais réalisé l’ampleur de ce qui se cachait sous tout cela. Il m’était devenu indispensable sur tous les plans et je ne parvenais pas à le lui dire, faute de savoir comment m’y prendre. Il a fallu un deuil et des journées affreuses pour que je puisse dire les mots. Des mots que j’ai tenté de dire, le plus adroitement que je pouvais, sans y parvenir.
- Je suis sincèrement désolée Aaron…Je me sens si idiote…Je vous en supplie, ne vous excusez pas…C'est ma faute, j'ai tout compris de travers...Prenez tout le temps dont vous avez besoin. Je...Je suis désolée.
Au loin, j’entends les chevaux. Ils ont trouvé une étendue d’eau puisque j’entends également le bruit reconnaissable entre tous de l’eau soulevée par des sabots. Ils semblent s’amuser, ce qui est une bonne chose. Un mouvement attira alors mon attention.
Aaron vient de se lever et il approche. Le regardant s’avancer vers moi d’un pas tranquille, je sens mon cœur s’emballer à nouveau, et ce fut bien pire quand il s’accroupit face à moi pour m’inciter, d’un doigt posé sous mon menton, à le regarder. Comme s’il avait besoin de faire cela pour que je le regarde. Je ressens une joie immense, intense, que je n’ose manifester tant je savoure ce tout petit instant là, un tout petit instant où il est proche et il se permet bien plus de liberté qu’à l’accoutumée. Accrochant mon regard au sien, il n’y verra plus qu’une étincelle de bonheur, alors qu’un sourire, enfin, étire mes lèvres. Il est si proche, jamais il ne l’a été à ce point, et je suis hésitante, j’ai envie de le prendre dans mes bras, j’ai envie d’être au plus près et de ne plus en bouger mais…il a demandé du temps. Et je respecterai cela.
- Je ne ferai jamais quoi que ce soit qui pourrait vous mettre en danger. Je ferai comme vous voudrez. Mais…Aaron…S’il vous plaît…Ne partez pas. Restez près de moi, vous voulez bien ?
Après une petite hésitation, je prends sa main, ôtant son doigt de sous mon menton, et la pose sur ma joue, tout en la maintenant sous ma propre main. Les yeux fermés, je savoure juste une seconde, peut-être deux, la chaleur de cette main sur mon visage, un sourire aux lèvres, avant de rouvrir les yeux et le libérer. Je ne voulais pas l’embarrasser plus que de raison.
- Pourquoi m’avoir parlé de Geoffroy, Aaron ? De quel plan parlez-vous au juste ?
J’avoue ne pas bien comprendre ce que vient faire mon vieux conseiller dans ce moment si précieux. Geoffroy en ferait très certainement une crise cardiaque s’il nous voyait tous les deux réunis dans un endroit pareil et si proche l’un de l’autre. Il est tellement attaché à ses vieux principes…
- Il a besoin de moi vivante, dites-vous ? Mais enfin, que se passe-t-il ??
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| | | Aaron Kolhe
Humain
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| Sujet: Re: La goutte d'eau... | Louise & Aaron Mer 27 Mai 2020 - 6:59 | |
| Aaron se laissa faire bien volontiers tandis qu'elle lui subtilisait sa main. Il l'observa profiter de cette maigre étreinte et une expression tendre se dessina sur son visage. Ce qu'il aimait la voir ainsi... Paisible. Heureuse. Comblée par un geste pourtant si simple. Tandis qu'elle câlinait sa paume, son pouce caressa doucement sa joue, le rendant un peu plus participatif dans cet instant volé. Puis elle le libéra bien vite. Était-ce qu'elle n'osait faire plus ou qu'elle craignait d'aller trop loin pour lui ? Il était son premier, elle était noble et d'une région isolée. Le moindre contact avait nécessairement plus d'impact pour elle qu'il n'en avait pour lui. Il était plus tactile par nature et plus expérimenté du fait de son premier mariage. Il lui avait déjà montré que bon nombre de gestes était sans conséquence sur lui. Et ce dès le premier jour, avec cette botte... Mais cela ne l'avait pas empêché d'apprécier cet instant, lui aussi.
Louise lui rendit sa main et son bras reprit place sur son genou. Tandis qu'il la couvait de son regard, elle revint sur ses paroles, semblant ne pas comprendre pourquoi il avait évoqué Geoffroy. Aaron retint un soupir tandis qu'il réalisait qu'elle n'était pas au courant de qui cherchait à s'en prendre à elle. Pourtant, elle savait qu'un complot était en cours au château, sinon elle n'aurait pas parlé du fait qu'on pourrait vouloir la tuer et qu'elle allait perdre Fernel. Pourquoi l'avait-on laissé dans l'ignorance sur ce point ? Pourquoi Elazar ne lui avait rien dit ? Pour ne pas la perturber davantage sans doute... Mais, maintenant qu'il lui avait mis la puce à l'oreille... Les traits du quarantenaire demeurèrent doux mais le moment était moins propice à la tendresse alors qu'il s'apprêtait à lui apprendre la teneur de ce qu'il se jouait autour d'elle.
-Lorsque je vous ai rencontré, vous ne parliez que de mariage, comme si c'était la seule issue possible à toute cette histoire. Pourtant, nous en avons parlé, et vous saviez déjà que c'était une fausse bonne idée. Les attaques ne cesseront pas parce que vous aurez fini par céder à l'un de vos prétendants. Vous m'avez à peine expliqué votre problème et j'ai déjà identifié deux solutions alternatives, aucune ne vous forçant au mariage... Alors pourquoi était-ce la seule idée que vous aviez en tête ?
Il ne l'accusait aucunement. Il savait qu'elle était manipulée depuis des années par un homme qui avait toute sa confiance. Il lui parlait avec douceur, essayant de l'amener à tirer ses propres conclusions. Une personne de son entourage lui martelait le même message à longueur de journée. Est-ce qu'une seule autre personne attendait la même chose d'elle ? De ce qu'il avait pu en voir : non. Personne au château ne réclamait son union. Personne n'attendait qu'elle prenne époux pour arrêter cette guérilla inutile. Qu'elle agisse, oui. Qu'elle trouve une solution, oui. Mais que cette solution soit un mariage ou autre chose, peu importait à son peuple tant que tout ceci prenait fin.
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| | | Louise de Fernel
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| Sujet: Re: La goutte d'eau... | Louise & Aaron Mer 27 Mai 2020 - 8:59 | |
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Les paroles d’Aaron me traversent et je reste un long, très long moment à le regarder tout en essayant de mettre de l’ordre dans la pagaille d’idées qui assaillent en à peine quelques secondes. Le mariage n’a pas toujours été à l’ordre du jour, du moins pas de façon aussi criante, du temps que mon p…que Eudes était encore en vie. Je me rappelle même son regard, alors que je courais vers lui pour serre mes bras autour de son buste, je me rappelle son sourire, ses paroles. Il avait refusé des alliances, jugeant les prétendants à ce titre totalement dénués de tout ce qu’il fallait pour sa petite perle. C’est ainsi qu’il m’appelait. Sa perle. Puis il est décédé. Le corps à peine refroidi, les demandes sont revenues à la charge, d’abord pour Mère puis pour moi alors qu’elle tombait malade dans le même temps. Et toujours, dans l’ombre, il y avait Geoffroy. Le conseiller à la voix douce et grave, toujours à souffler ses recommandations de la même voix douce, du matin au soir, tous les jours. Quand j’y songe…C’est vrai. Cette idée de mariage, il l’avait partagée à Mère qui avait refusé. Et elle en est morte. Il ne reste plus que moi. Il ne reste plus que moi pour dirige Fernel. Et si je me marie…Il deviendra…
Toute pâle, je regarde Aaron.
Je viens de comprendre.
Et je ne veux pas y croire.
- Aaron…C’est impossible…Comment…Geoffroy ?
Je me lève, troublée au-delà de toute expression. Je ne ressens plus le froid, je m’éloigne un peu, une main posée sur ma bouche, les yeux agrandis par l’effroi, par toute l’horreur de cette situation. Comment ai-je pu être bernée à ce point ? Comment est-ce possible de n’avoir jamais rien remarqué alors qu’Aaron a tout compris ? Mais il y a quelque chose qui cloche…
- Il manipulerait tout depuis le début ? Il…
J’arrête subitement de marcher. Une révélation encore plus horrible vient de faire irruption dans mon esprit malmené.
- Mère…Ce serait lui qui aurait… ? C’est impossible…Il était avec moi sur la route de Serramire quand cela s’est produit. A moins que…Il…Il aurait des complices ???
La main sur la pierre, à moitié plongée dans l’ombre, je me sens soudain à court de souffle et …en colère. Une violente colère qui se mue peu à peu en fureur. Une fureur que je sens pulser à travers tout mon corps. Plus j’y songe, plus ce que je dis me semble être l’évidence même. Et je n’ai rien vu venir. Je n’ai rien vu du tout. Me redressant de toute ma taille, j’inspire profondément, tâchant de conserver un calme apparent pour ne pas effrayer Aaron mais…Mère avait raison. Ma colère est une chose que je domine très mal. Il me vient à l’esprit des choses affreuses, des envies ignobles, des projets terribles. Un désir de vengeance.
- Il a tué ma mère pour avoir le champ libre. Y a-t-il des preuves qui permettent de l’incriminer ? Avez-vous quelque chose de concret ? Sans cela…nous ne pourrons rien faire pour rendre justice à ma mère.
Je regarde alors Aaron, tâchant de bâtir ce mur intérieur contre ces sentiments violents qui tentent de s’emparer de moi. La vue de celui que mon cœur a choisi m’apaise. Je me concentre donc sur lui, en ajoutant, d’une voix maîtrisée :
- Je vous ai mis en danger en vous offrant ce poste. Efren et vous êtes en danger. S’il devait vous arriver quoi que ce soit, à tous les deux, je crois que je pourrais le tuer de mes mains. Efren…Est-il en sécurité ? L’avez-vous averti de tout ceci ? Il faut le mettre discrètement à l’abri, Aaron…Les pièces secrètes ne manquent pas à Fernel.
Je m’approche et sans réfléchir je prends ses mains dans les miennes, réellement inquiète pour ce jeune garçon laissé là bas tout seul au château.
- Nous ne pouvons pas rester ici alors qu’il est tout seul là-bas…
Je suis très mauvaise comédienne. J’ai du mal à réfléchir. Je ne pourrai pas cacher mes sentiments à Geoffroy, il me connait trop bien. Je cherche des solutions tout en serrant ses doigts dans les miens, en panique à l’idée qu’on pourrait s’en prendre à Efren.
- Comment vais-je faire pour lui cacher que je sais…Aaron, je ne sais pas faire ces choses-là. Jouer la comédie.
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| | | Aaron Kolhe
Humain
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| Sujet: Re: La goutte d'eau... | Louise & Aaron Mer 27 Mai 2020 - 13:19 | |
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Aaron se leva à tour et regarda Louise s'éloigner. Il ne chercha pas à la retenir ni à intervenir tandis qu'elle réalisait ce qu'il se passait sous son toit depuis des mois. Qui mieux que Geoffroy pouvait fomenter de telles actions ? Il n'avait visiblement aucun respect pour la gente féminine. A l'instant même où Eudes était mort, Elisabeth et sa fille avait perdu sa loyauté. Cependant, il ignorait encore ce qui le motivait. Qu'avait-il à y gagner ? De l'argent ? Des terres ? Ou simplement un nouveau Seigneur à servir sur le trône de Fernel ? Quoi qu'il en fut, il demeurait un traître. Si Eudes avait voulu marier sa fille, ce serait fait depuis bien longtemps. Les femmes de son âge avaient déjà mari et enfants d'ordinaire.
Lorsque la jeune femme se tourna à nouveau vers lui, elle lui témoigna soudain son inquiétude. Pour lui, mais aussi pour Efren. Son attention le toucha et il étira un sourire rassurant. Toute autre femme qu'elle aurait pu se sentir menacée par le passé d'Aaron alors que quelque chose se construisait entre eux. Menacée par cette épouse qui n'était plus mais qui occupait encore une place dans son cœur et ses pensées. Menacée par le souvenir d'une relation antérieure qui pourrait faire de l'ombre à la nouvelle. Menacée par ce fils qui dépendait toujours de lui et pour sans doute longtemps encore. Mais Louise ne semblait pas préoccupée par tout cela. Elle acceptait qu'il ait eu une vie avant elle. Elle acceptait qu'il en demeure des vestiges autour lui. Elle acceptait cette preuve flagrante de son ancien amour que représentait son fils. Elle lui témoignait même son intérêt, s'inquiétant de sa sécurité alors que son unique protecteur s'en trouvait bien loin de lui.
Aaron libéra une de ses mains pour la laisser venir retrouver la joue de la belle. Il plongea son regard dans le sien avec douceur. Il ne semblait pas inquiet.
-Cela va peut-être vous paraître difficile à croire mais Efren a connu bien pire que ça à mes côtés. Il marqua une pause, fronçant légèrement les sourcils et quittant momentanément ses traits rassurants pour plus de sérieux. J'aurais bien des choses à vous dire... Sur moi. Sur lui. Mais pas aujourd'hui.
Ce report d'aveux était annoncé avec douceur mais il était sans appel. Elle avait déjà bien assez de choses à supporter et à gérer pour le moment sans qu'il ne vienne en rajouter. A travers un doux sourire, il voulut lui laisser entendre qu'il n'y avait rien de grave. Il avait de nombreux secrets mais, si elle l'aimait vraiment, les lui révéler ne serait qu'une formalité. Cependant, il n'était pas non plus prêt à tout lui dire. Avant toute chose, il devait finir son deuil. Le temps viendrait alors pour lui de s'avancer à nouveau vers Louise afin de se dévoiler à elle. Si elle acceptait ce qu'il était, alors ils auraient peut-être un avenir ensemble. Mais le moment n'était pas encore venu. Chaque chose en son temps.
-Il est averti et il saura être prudent. En étudiant les plans du château, il avait déjà repéré des anomalies et il sait de quoi il s'agit à présent. Votre demeure le fascine et il va certainement en explorer chaque recoin. Mais, pour l'heure, il va surtout rester bien en vue de tous. Si vous ne pouvez faire semblant, alors continuez simplement à refuser de le recevoir, il ne sera pas surpris. Elazar et moi nous chargeons de confondre Geoffroy et d'identifier ses complices.
Elle n'avait rien à craindre et il voulait qu'elle le comprenne. Son père et lui savaient qui était leur ennemi et veillaient à tout. Ils avaient déjà un plan d'action. Elle pouvait simplement se reposer sur eux pour gérer cette crise et la mener à son terme de la manière qui lui conviendrait. Plus de mariage. Plus de poison. Et plus de traître. Et ils feraient en sorte que se dénouement arrive au plus vite.
-Et rappelez-vous que c'est moi qui vous aies offert mon aide. Vous n'avez fait qu'accepter. Et je ne regrette pas...
Son pouce caressait encore sa joue tandis qu'il ajoutait ces derniers mots. Il était sincère. Si elle avait refusé, alors il aurait repris la route et Louise n'aurait été qu'un Souffle en peine de plus dont il aurait croisé le chemin. Elle aurait peut-être eu une place particulière dans sa mémoire mais il n'aurait pu l'assurer. A présent, il ne pouvait même plus affirmer qu'il prévoyait de repartir. Seul l'avenir le lui dirait. D'une douce pression, il l'invita à se rapprocher de lui. Il guida sa tête jusque dans son cou et l'enlaça avec tendresse, formant un cocon protecteur autour d'elle à l'aide de ses bras. Il posa l'arrête de sa mâchoire sur ses cheveux, sa douce barbe se mêlant à sa crinière brune. Désormais, elle savait tout. Elle savait pour Geoffroy. Et elle savait pour lui. Il n'avait plus de mauvaise nouvelle à lui annoncer. Il ferma les yeux dans un léger soupir, profitant de cet instant comme pour se redonner du courage avant ce qui les attendait au château. D'une voix, il lui souffla quelques mots afin de ne pas briser ce moment.
-Vous n'êtes pas seule Louise. Tout ira bien.
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| | | Louise de Fernel
Humain
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| Sujet: Re: La goutte d'eau... | Louise & Aaron Mer 27 Mai 2020 - 19:49 | |
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- Pire que cela ?
Je ne peux que fermer un bref instant les yeux alors que sa main revient d’elle-même sur ma joue, inspirant profondément, de bien-être. D’un geste, un seul, il réussit à m’apaiser tout à fait alors que quelques minutes auparavant j’étais en un état de fureur indescriptible. Les rouvrant sur lui, j’accroche son regard avant d’opiner de la tête, en silence. Il a des choses à me dire qui devront attendre. J’attendrai donc qu’il soit prêt.
- Mais même, Aaron, je ne suis pas tranquille. Il ne connait pas encore assez le château, Geoffroy, lui, en connait les moindres recoins, tout comme moi. Même s’il a vécu des tas de choses, ce pire dont vous parlez, il est tout seul. Vous n’êtes pas là…Je n’aurais pas du partir, nous serions encore là bas sur place, il ne serait pas tout seul.
Imaginer le jeune garçon, sans défense, face à un Geoffroy, âgé certes, mais encore retors pour son âge me fait frémir. Je me rappelle très bien sa poigne, et pourtant j’étais petite. Il avait voulu m’empêcher de tomber dans le grand escalier du hall principal et il m’avait retenue par le bras. J’en ai gardé la trace pendant près d’une semaine. Une violente sensation de dégoût s’empara de moi alors même que je l’imaginais s’en prendre à Efren. Cela étant, Aaron ne semble pas inquiet, lui, il semble même plutôt serein. Il est vrai que mon père est de la partie et…même si je ne le connais que depuis peu, j’ai pu mesurer toute la détermination qui le motive. Puis, j’ai lu le journal de mère. Je sais ce dont il est capable et en cela il est probablement bien plus effrayant que Geoffroy. Voire même deux Geoffroy.
La veille, assise sur ses genoux, alors que je touchais son visage afin d’en mémoriser les proportions, j’ai pu prendre la mesure de ce qu’il est. Un visage, un regard, c’est comme une signature, le reflet d’une vie. Et le visage de mon père est rude, anguleux. Abrupte. Il n’a pas du mener une vie facile. Il n’a pas du se sentir aimé tous les jours. Il a les traits durs et inflexibles de ceux qui sont constamment sur leurs gardes, le visage de ceux qui ne doivent rien montrer sous peine qu’on y décèle une faiblesse. Je pense que mon père n’a pas eu beaucoup de moments de joie. Et que s’il en a eu, ils ne devaient pas être assez marquants pour qu’il en conserve une trace sur son visage ou dans son regard. Peut-être sera-t-il possible d’apporter un petit changement de ce côté-là pour mon père, quand tout ceci sera terminé. Peut-être. Je ne le connais pas assez pour présumer de ce qu’il voudra ou ne voudra pas, après tout.
- Aaron, avec mon père et vous à mes côtés, je n’ai plus peur de Geoffroy. J’ai juste peur de ce qu’il pourrait faire à Efren. De ce qu’il pourrait imaginer pour vous faire du mal, à tous les trois.
Un sourire timide étire pourtant mes lèvres alors que son pouce ponctue une caresse d’une douceur infinie. Je ne peux m’empêcher de le regarder, lui qui est désormais si près, si proche. Jamais je n’aurais pu rêver mieux. Un tel partage me semblait jusqu’à il y a peu totalement impossible tant j’étais persuadée de n’être rien à ses yeux et voilà que désormais je suis face à lui, une de ses mains dans la mienne, tandis que l’autre caresse tendrement ma joue.
Le geste qu’il fait ensuite me prend de court mais j’y cède avec un sourire qu’il ne peut voir. Attirée tout contre lui cette fois, il m’enveloppe de ses deux grands bras pour me garder au plus près. Je n’y résiste pas, je l’enlace à mon tour, nouant mes bras autour de sa taille, avant que je ne dépose ma tête contre lui, les yeux clos. J’entends les battements sourds de son cœur, je l’entends murmurer des paroles rassurantes, il est là. C’est je crois l’un des plus beaux moments de toute ma vie. Il pourra sentir que je me détends complètement, même si je ne le lâche pas une seule seconde. J’avais craint qu’il n’ose s’approcher de moi. J’avais craint de faire moi-même ce premier pas, même si j’en mourrais d’envie. Je ne sais pour quelles raisons. De la peur ? Peut-être. La crainte de paraître ridiculement empressée ? Sûrement. Le désir de lui laisser tout l’espace nécessaire ? Sans aucun doute. J’ai bien compris que son cœur n’est pas totalement libre. J’ai également compris que c’est là un travail qu’il devra effectuer seul et je respecte cela. Cette dame dont j’ignore tout a eu la chance de partager sa vie et de lui faire un cadeau merveilleux en ce jeune garçon qui vit au château avec nous. Oui, elle a eu de la chance. Beaucoup de chance.
- Vous êtes là, tout ne peut que bien aller dorénavant.
Inspirant profondément, je capte son odeur et en emplit mes souvenirs, avec un ravissement que je ne parviens pas à dissimuler. Je lui ai déjà dit, je ne suis pas une habile comédienne, je ne sais pas cacher les choses qui me déplaisent et c’est également valable pour tout ce qui me plaît. Je n’ai pas envie que cela cesse parce que je me sens bien, en paix, sans qu’aucune pensée négative ne vienne me troubler. Il a ce pouvoir singulier de m’apaiser.
- Est-ce que vous m’en voudrez si je vous dis que je n’ai pas envie de rentrer dans l’immédiat et que je compte abuser de cette étreinte aussi longtemps que vous me le permettrez ?
Un profond soupir de bonheur s’exhale de ma poitrine, sans même que je n’y prête attention. Je m’écarte légèrement afin de relever la tête et accrocher à nouveau son regard, pleine d’espoir :
- M’en voudrez-vous si je vous dis que je suis bien là où je suis et que je n’ai aucune envie de m’en éloigner ?
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| | | Aaron Kolhe
Humain
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| Sujet: Re: La goutte d'eau... | Louise & Aaron Mer 27 Mai 2020 - 20:55 | |
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Il était vrai qu'Efren n'était pas en sécurité au château. Il était aussi constitution plutôt fragile. Sans compter qu'il n'avait jamais appris à se battre et qu'il souffrait d'un handicap sévère. Cependant, les deux serviteurs que son père avait formé pour l'aider étaient de jeunes gens, tout comme son fils. Trop jeunes pour avoir le cran de se mêler aux combines de Geoffroy et s'en prendre à leur Dame. Trop jeunes pour avoir acquis la confiance du vieux conseiller au point de se retrouver impliqué dans une histoire pareille. Et surtout, trop bavards pour tenir leur langue... Aaron avait fait exprès de rapprocher son fils de personnes de son âge car c'était un contact dont il manquait et dont il avait besoin. Auprès d'eux, il doutait qu'il soit en danger. Et sans eux, Efren demeurait plein de ressources. Il avait suffisamment de bon sens pour savoir qu'il ne devait pas s'isoler ou se rendre dans un lieu qu'il ne maîtrisait pas. Son atelier resterait avec les portes grandes ouvertes dans une partie du château où la vie était permanente avec les allées et venues des serviteurs et des gardes. Un atelier où il serait rendu bien avant qu'on ne réalise que Louise et lui n'étaient plus là...
Le danger demeurait réel pour les trois nouveaux soutiens de la jeune femme mais aucun d'eux ne prévoyaient de le laisser subsister trop longtemps. Et Aaron avait désormais une raison supplémentaire de ne pas vouloir que les choses traînent en longueur...
Louise profita si bien de son étreinte qu'il sentit ses muscles se détendre les uns après les autres. Elle laissa même échapper un soupir qui lui arracha un sourire tendre. Si elle avait besoin de ses bras, pourquoi ne les lui avait-elle pas réclamé plus tôt ? Ce devait être à lui de lui montrer ses limites, sans doute. Eh bien, elle saurait désormais qu'elle avait droit à cela lorsqu'elle en aurait de nouveau envie. Ce n'était pas comme s'ils pouvaient se le permettre à tout moment, même sans Geoffroy. Pour qu'elle puisse conserver Fernel, leur affection devrait demeurer cachée. Aussi, les instants comme ceux-là seraient rares.
La voix de Louise effleura son oreille tandis qu'elle continuait de chuchoter comme si elle craignait de briser la beauté de ce moment privilégié. La main sur sa joue avait disparu dans ses cheveux durant l'étreinte mais cela n'empêchait nullement la jeune femme de se redresser comme elle le fit. L'un contre l'autre, leurs visages plus proches que jamais, elle lui souffla un nouvel aveux dissimulant une requête qui n'avait rien d'un fardeau. Aaron sourit, amusé et attendri.
-C'est moi qui vous l'ai offert. Vous n'avez fait qu'accepter... Fit-il, reprenant volontairement les mots dont il avait usé un peu plus tôt. Abusez, Louise. Il l'attira de nouveau contre lui. Reprenez des forces pour tenir pendant les jours à venir.
Cœur contre cœur, ils demeurèrent là, enveloppés dans le silence et dans les bras l'un de l'autre. Ce moment n'appartenait qu'à eux et personne ne pourrait le leur prendre. Avec ce qu'elle avait déjà traversé et ce qui les attendait encore, elle avait bien le droit de profiter de quelques minutes de bonheur, de se forger une pensée pour garder espoir et à laquelle s'accrocher en attendant que ce complot prenne fin. Elle pourrait le retrouver, quand tout serait terminé. Avant, cela lui paraissait compliqué. Tendrement enlacé, Aaron ne bougeait guère que pour respirer, à l'exception de quelques caresses qu'il adressa parfois à la belle. Il commença dans son dos mais cette épaisse couverture en diminuait les effets. Aussi retira-t-il sa main de la chevelure de Louise afin d'aller effleurer sa joue à quelques reprises avant de revenir la poser derrière sa tête et de la serrer avec douceur. Après un moment, le quarantenaire étira un sourire puis, finalement, s'efforça de retenir un petit rire qui se mua en soupir amusé.
-Pardonnez-moi. Dit-il sans chercher à se défaire de leur étreinte. Je repensais à une phrase qu'Elazar m'a dite hier... Maintenant que je connais votre lien avec lui, ses propos prennent un tout autre sens. La formulation en elle-même m'avait interloqué. Comment a-t-il dit déjà ? Que lorsque je parlais de vous j'étais... "trop flagramment épris"... Et que c'était... "Malaisant". Aaron avait de plus en plus de mal à se retenir de rire doucement tellement la chose lui paraissait cocasse à présent. Il pouvait effectivement comprendre qu'un père ait du mal à voir sa fille dans les bras d'un homme, d'où le malaise. Et je crois qu'il a inventé de mots d'ailleurs...
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| | | Louise de Fernel
Humain
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| Sujet: Re: La goutte d'eau... | Louise & Aaron Jeu 28 Mai 2020 - 8:58 | |
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Reprendre des forces pour tenir dans les jours à venir. Il a tout à fait raison et cette perspective de ne plus pouvoir reprendre la place à laquelle je me trouve en moment avant que tout cela ne soit terminé me navre le cœur, un bref instant. Il est clair que dès que nous sortirons de cet endroit, il nous faudra reprendre cette distance protocolaire que tout le monde attend de nous. De moi. Nous afficher aux yeux du monde est bien trop dangereux en plus d’être totalement précipité. Pour plusieurs raisons. Tout le monde doit ignorer ce sentiment qui nous unit parce qu’il nous placerait dans une position de faiblesse sur laquelle mes ennemis pourraient faire pression afin d’obtenir, à défaut de ma main, l’ensemble de mes terres. Je n’ai peut-être pas la naissance adéquate pour rester à cette place, mais officiellement, je suis la Dame de Fernel et j’entends donc faire ce qui est en mon pouvoir pour au moins protéger ce peuple qui, lui, est totalement démuni face aux armes et aux velléités belliqueuses des seigneurs voisins. Et si je veux continuer dans cette voie, il faut donc que je reste éloignée de mon conseiller favori.
Geoffroy ne doit pas savoir. Il ne doit rien soupçonner. S’il savait ce qui se trame ici, dans cette caverne, il est à craindre qu’il passerait immédiatement à l’acte. C’est un homme de guerre, taillé pour les conflits et je sais qu’il n’hésitera pas une seconde à se défendre s’il se sent menacé. Or, ce qui nous unit est précisément une menace pour lui. Même si j’ignore encore pourquoi il a agi de cette façon envers nous. Or, je ne veux pas qu’il puisse s’en prendre à Efren. Ou à Aaron. Ou même à mon père, même si pour ce dernier, je sais que le menace est moindre. Il est fort. Bien plus fort que ce qu’il laisse paraître.
Pour le reste, ce serait précipité dans un cadre uniquement privé. Aaron a besoin de temps, il l’a dit, et c’est une chose que je respecte. Je lui laisserai donc toute la latitude dont il a besoin pour mettre de l’ordre dans ses sentiments et dans son cœur. Je tâcherai de me montrer discrète, même si je sais que je ne pourrai probablement pas m’empêcher de l’approcher, juste pour entendre sa voix. Maintenant, j’ai peur de briser cette étreinte, parce que j’ignore quand je pourrai à nouveau la vivre aussi pleinement. Un peu comme si c’était un adieu déguisé en au revoir. Un adieu à sa main dans mes cheveux. A son autre main dans mon dos. Aux battements de son cœur. A son rire même, qui me secoue légèrement, avant de me sortir tout à fait de mes pensées et me fait rêveusement sourire avant que je n’enfouisse mon visage dans son torse, secouée moi aussi par un rire léger. Mon père. Evidemment.
- Et je l’imagine tellement vous dire cela tout en restant parfaitement sévère et digne, la canne à la main. Pfff…hahaha…Il avait un avantage sur vous, il a tout deviné sans que je ne lui dise quoi que ce soit.
Amusée par cette image de mon père grondant à mots couverts un homme de quarante ans, j’en secoue les épaules de rire discret.
- Je ne le connais pas assez pour interpréter ses pensées ou ses paroles mais…je crois, je pense, qu’après avoir perdu son amour, il ne laissera pas n’importe qui approcher sa fille. Je le soupçonne d’être possessif.
Resserrant mon emprise sur Aaron, heureuse de parler librement de mon père, j’ajoute, avec un sourire :
- Il ignorait tout de mon existence. J’ai découvert la sienne en lisant le journal de ma mère. C’est d’une tristesse absolue, Aaron…Toute sa vie elle a attendu qu’il surgisse sur la route, elle restait à la fenêtre, à scruter l’horizon, tous les jours. Sans exception. Ce n’est qu’en lisant que j’ai compris pourquoi elle était si triste. Quand il est apparu dans ma chambre, venu pour voir ma mère qui l’avait fait appeler, je savais qui il était. Je savais tout. Je n’ai pas pu lui dire. Je n’ai rien pu lui dire. Alors…je lui ai confié le journal de ma mère pour qu’il lise. Pour qu’il puisse comprendre. Et quand il a compris, tout ce qu’il a fait, c’est me prendre dans ses bras, comme vous le faites en ce moment. Sans dire un mot.
Je relève la tête pour le regarder, un peu plus sérieusement.
- Mère savait que quelque chose se tramait. Elle l’a fait chercher et a réussi à le trouver, elle lui a écrit pour qu’il vienne à Fernel mais il était trop tard. Imaginez-vous…que…que…
J’ouvre de grands yeux tous ronds en songeant à ce que je vais dire :
- Aaron, il est tout seul au château avec Geoffroy. Je crains qu'il ne prenne une initiative malheureuse...
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| | | Aaron Kolhe
Humain
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| Sujet: Re: La goutte d'eau... | Louise & Aaron Jeu 28 Mai 2020 - 18:27 | |
| Aaron regarda Louise et libéra un soupir, non pas d'ennui ou d'agacement mais telle une forme d'acquiescement lourd. D'un côté, Geoffroy n'avait pas besoin qu'ils s'absentent pour s'en prendre à l'un d'eux et le quarantenaire était presque certain qu'Elazar saurait s'en sortir face à lui. D'un autre, pouvaient-ils vraiment prendre le risque. En l'absence de la Dame des lieux, il avait tout pouvoir. Alors, certes, si la jeune femme devait revenir, il n'avait pas intérêt à en abuser, d'autant qu'elle pourrait tout réparer en rentrant. Cependant, il y avait moins d'yeux avertis pour observer ses faits et gestes.
Efren, et maintenant le vieux parfumeur... Il était évident que Louise continuerait de s'inquiéter tant qu'aucun d'eux ne serait là-bas. Le seul moyen de la rassurer n'était plus de demeurer à ses côtés dans cette caverne mais bien de partir. De toute façon, elle semblait aller bien mieux. La fatigue était toujours là mais c'était la seule chose qui tirait encore ses traits. Si ce n'était l'inquiétude qui venait de la saisir, la nouvelle qu'il lui avait annoncée et ses quelques gestes à son intention l'avaient visiblement apaisée. Il pouvait donc se permettre de rentrer sans craintes.
-Alors c'est comme ça ? Vous obtenez ce que vous voulez et vous me jetez ? Dit-il en faisant mine de prendre quelques distances en éloignant son dos avec un sérieux un peu bancal.
Immédiatement après avoir prononcer cela, ses lèvres s'étirèrent dans un sourire espiègle. Ce n'était qu'une boutade, il n'en pensait pas un traître mot.
-Désolé. Vous apprendrez que je peux faire preuve d'humour même dans les situations délicates. C'est ma façon de gérer la tension.
Posant délicatement ses mains sur les bras de Louise, il se détacha d'elle avec un sourire plus doux.
-J'y vais.
Puis il la lâcha et s'enfonça dans la caverne pour retrouver sa jument. Au bord de quelques surfaces d'eau, il la trouva en train de se frotter la tête contre la selle de Lasgalen, le poussant par la même occasion. Aaron s'arrêta dans son élan et l'observa faire tandis que l'hongre cherchait à s'en s'éloigner toujours un peu plus. Cet animal était véritablement étrange... Poussant un soupir, le conseiller s'avança finalement vers elle.
-Eh, laisse-le. Dit-il en saisissant ses rênes et en la forçant doucement à reculer. Ce que tu peux être brute... Ça n'a rien d'un câlin ça.
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| | | Louise de Fernel
Humain
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| Sujet: Re: La goutte d'eau... | Louise & Aaron Ven 29 Mai 2020 - 20:12 | |
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Je le regarde s’éloigner en feignant de s’éloigner à cause de la tristesse de paille qu’il prétend ressentir. Amusée, j’esquisse un sourire en coin, avant de le regarder d’un air espiègle et de dire, sur le même ton de la plaisanterie :
- Evidemment, allons, voyons ! Maintenant que j’ai eu ce que je voulais, je n’ai plus besoin de vous, à quoi donc pensiez-vous ?
Je me mets à rire et secoue ensuite la tête, tout en soupirant.
- Je pourrais rester ici des heures, en votre compagnie, mais cela ne sera pas raisonnable. Il y a des gens que nous aimons, qui sont importants pour nous au château et nous devons être là pour eux. J’ai emporté de quoi tenir un jour ou deux et finalement, je n’y serais pas restée bien longtemps mais un jour…Je vous ferai visiter cette caverne. C’est magnifique, là bas plus loin. Et rassurez-vous…
Je me hisse sur la pointe des pieds pour murmurer à son oreille, peu avant qu’il ne s’écarte de moi :
- …j’aime beaucoup cette façon que vous avez de dédramatiser les choses.
Il s’éloigne avec un sourire doux, pour récupérer nos chevaux, ce qui me laisse le temps de calmer les palpitations effrénées de mon cœur, tout en repliant la couverture qui m’avait si bien tenue au chaud dans la froideur de cette caverne. Enfin du moins, avant qu’Aaron ne se décide à me prendre dans ses bras. J’ai un sourire en repliant cette couverture. Ce moment restera à jamais gravé dans ma mémoire, comme tous ceux qui le concernent, d’ailleurs.
Je l’entends vaguement disputer sa jument là-bas, tandis que je roule le tissu de manière serrée et compacte afin de pouvoir la transporter aisément et l’accrocher à l’arrière de ma selle. J’entends Lasgalen hennir, ce qui me fait redresser la tête pour tenter de mieux voir ce qu’il se passe là-bas.
- Tout va bien, Aaron ?
Je me redresse tout à fait et attend, le sac à la main, la couverture dans l’autre, voyant enfin revenir Aaron avec nos deux montures. Immédiatement, je m’affaire à replacer le sac, la couverture sur mon cheval avant de prendre l’encolure entre mes bras et de murmurer :
- Nous allons rentrer. Je pense que je ne pourrai pas venir te voir pendant quelques jours. Tu seras gentil avec le palefrenier, il t’aime bien tu sais… ?
La main posée sur le harnais, j’ai un regard pour Aaron. Un regard un peu plus sérieux. Presque triste et résigné.
- Dès que nous serons sortis d’Hilgen, nous devrons réinstaurer une distance. Est-ce que vous trouverez ça présomptueux si je vous dis que je n’en ai pas envie ? Maintenant que j’ai goûté au plaisir d’être dans vos bras, la solitude sera encore plus intolérable…Il n’y a plus qu’à espérer que tout ceci se termine vite…
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| | | Aaron Kolhe
Humain
Nombre de messages : 304 Âge : 44 Date d'inscription : 31/10/2016
Personnage :.: MANUSCRIT :.: Âge : 44 ans (né en 972:X) Taille : 1,85 m Niveau Magique : Arcaniste.
| Sujet: Re: La goutte d'eau... | Louise & Aaron Ven 29 Mai 2020 - 21:27 | |
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Aaron s'était éloigné avec un sourire amusé, satisfait et tendre tout à la fois. Amusé de voir Louise lui répondre sur le ton de l'humour. Satisfait de constater qu'elle appréciait un autre de ses traits de caractère qui n'était pas toujours au goût de tous. Tendre après qu'elle soit venu lui souffler quelques mots à l'oreille, une initiative qui serait proscrite s'il n'y avait pas ce petit quelque chose entre eux...
Le quarantenaire avait dû se débattre un peu pour faire lâcher prise à la jument, tant et si bien que Lasgalen avait fini par râler à son tour, alertant sa maîtresse sur la situation. Et le mercenaire de la rassurer sur ce qu'il se passait un peu plus loin dans cette caverne. Leur étreinte avait simplement inspiré leurs compagnons...
-Ce n'est rien. Mademoiselle réclame un peu d'attention à Monsieur mais son approche n'est pas à son goût...
Finalement, Aaron reparut, une paire de rênes dans chaque main. S'il ignorait si Louise comptait rester encore un peu ou l'accompagner, il eut sa réponse. Sa couverture avait disparu de ses épaules et elle avait d'ores et déjà récupéré son sac. Il la laissa remettre ses affaires en place sur la selle de son cheval tandis qu'il re-sanglait sa propre monture. Lorsqu'elle eut terminé, elle se tourna finalement vers lui pour lui adresser les derniers mots sincères qu'elle pourrait lui transmettre avant longtemps. Ses paroles lui étirèrent un nouveau sourire accompagné d'un soupir. Il était touché par sa déclaration, si bien qu'il porta à nouveau une main sur sa joue.
-Vous me manquerez aussi. Lui assura-t-il en plongeant son regard tendre dans le sien.
Il lui avait fallu plusieurs jours pour comprendre. Puis plusieurs jours pour réaliser. Il avait certes besoin d'un peu de temps encore pour dire adieu à Eloïse mais la présence de Louise avait un effet plutôt positif sur lui. Son cœur battait plus fort, pressant son esprit de faire de la place en lui pour cette nouvelle jeune femme. L'avoir à ses côtés lui donnait envie d'accepter ce que son épouse lui avait offert il y avait bien longtemps de cela et de passer à autre chose. De continuer à vivre sa vie. Ne pouvoir l'approcher sans savoir quand il pourrait la retrouver et sans pouvoir lui témoigner son affection à travers ne serait-ce qu'un regard freinerait ses progrès à coups sûrs. Mais c'était pour leur bien à tous les deux. Après une ultime caresse, leurs peaux se quittèrent finalement. Puis ils sortirent de la caverne, se mirent en selle et s'élancèrent en direction du château, ignorant ce qu'il s'y déroulait à cet instant même.
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