Un cycle, c'est l'âge de la puberté académique.

Arkuisa 32, troisième ennéade de Verimios 17 : XI

Heru Lómion,

J’espère que ma lettre te trouvera apaisé. J’ai essayé de t’écrire la veille mais lorsque je suis rentré chez moi je me suis écroulé dans mon lit. Cela dit je tiens à te remercier à nouveau pour notre discussion d’hier, c’est grâce à elle que j’ai pu m’écrouler de fatigue et m’endormir aussi vite. Ça m’a retiré un poids que me pesait depuis quelques temps déjà et même si je pourrais réellement dormir sereinement qu’une fois Artiön et ses soldats rentrés sains et saufs, je tiens à, au risque de me répéter, à te remercier ; pour cette conversation aussi instructive qu’elle fut édifiante. Par la même occasion je tiens également à te présenter mes excuses, cette fois sans avoir à fuir comme une nolwëdil en entendant une branche se briser. J’aurais grandement aimé rester pour discuter davantage mais je crains que cela ne se reproduise ; ne voyant pas le temps passé il y a des chances que mes impératifs se rappellent à nouveau à moi, me forçant à prendre congé. Ainsi je profite de cette lettre pour te présenter mes excuses en avance car je suis plus ou moins certaine que ça se reproduira.

Pour essayer de limiter cet inconvénient au maximum, j’aimerais connaître tes disponibilités, dans l’espoir qu’elles concordent avec les miennes, afin de trouver un moment où nous pourrions nous rencontrer à nouveau pour ces fameuses leçons. N’ayant toujours pas abandonné l’idée, et j’espère que tu es toujours d’accord, je t’avoue avoir hâte de commencer. Je n’ai que trop procrastiné à ce sujet et plus vite j’aurais commencé à rectifier mes mauvaises habitudes et résorber mes lacunes et mieux ce sera. Si jamais je devais laisser ma place de Servante à une nouvelle génération, comme l’a fait ma prédécesseure, je pense que je retournerais enseigner en tant que mentor ; si mes connaissances théoriques sont bien suffisantes pour enseigner les bases de la magie, j’ai peur qu’un élève me pose une question à laquelle je ne puisse répondre.

De plus j’ai réfléchi à ce que tu m’as dit hier et j’ai eu une idée. Il faudrait sans doute y réfléchir davantage pour l’implémenter mais je me suis dit que tous auraient à y gagner en encourageant davantage la collaboration des mages du clergé et des académiciens. De la même façon que j’ai beaucoup à apprendre de toi, les arbitres, guides et arpenteurs au service d’I Emël auraient beaucoup à apprendre des professeurs de l’Académie.  

J’espère qu’I Mîngely t’aidera à trouver les réponses que tu cherchais sous l’Estel,

Calemirhel Rethoaran

Elenwënas de la troisième ennéade de veriumios 17 : XI
A une heure avancée de la nuit.

Après un dernier rire, Uru et toi sortez de ses appartements. C’est à ce moment-là que vous vous rendez compte de l’heure qu’il est. Elle te propose de te raccompagner mais tu déclines et à la place tu lui demandes de quoi écrire et où se trouve le bureau du doyen puis tu écris quelques mots, tu plies la feuille et tu lui dis aurevoir en te dirigeant vers ledit bureau. Cette fois tu es contente de ne pas avoir amené Pôdcalen qui aurait sans doute fait son possible pour s’emparer du pli même si, par habitude plus qu’autre chose, tu le couvres alors que tu fais ton possible pour faire le moins de bruit possible avec ton sceptre. Lorsque tu y arrives enfin, au lieu de toquer comme une idiote, ce que tu allais faire, encore une fois par habitude, tu glisses la petite lettre sous la porte avant de t’en aller.

Heru Lómion,

Ma sœur m’a invité à manger ce soir et je me suis dit que j’allais passer par votre bureau après, malheureusement nous avons fini de discuter à une heure tardive. Toutefois avant de partir de l’Académie je me suis dit que j’allais en profiter pour vous faire part de ma réponse : j’ai dû un peu faire des pieds et des mains mais j’ai réussi à me libérer. Je vous dis donc à bientôt.

Puisse I Mîngely guider vos réflexions.

Calemirhel Rethoaran

Kÿrianos de la quatrième ennéade de veriumios 17 : XI
Deux jour savant le crépuscule, sous l’Ërbainiel.

Le moins que l’on puisse dire c’est que tu as eu du mal à le trouver, l’endroit décrit par Lómion. Il faut dire que même après tout ce temps tu as encore besoin de demander ton chemin pour trouver les appartements d’Uru alors pour trouver un endroit dans lequel tu n’es jamais allé… surtout que l’endroit en question, non content d’être difficile à trouver, était en périphérie de l’Académie. Ce qui est normal au vu de ce qu’on y faisait, certes, mais ça n’empêche pas que tu as dû demander ton chemin de nombreuses fois ; heureusement que, te connaissant un peu, tu as pris pas mal d’avance pour être certaine d’arriver, si ce n’est un moment avant l’heure du rendez-vous, au moins à l’heure précisée. Tu es arrivée avec un peu de retard à ta leçon de danse avec Aegden, il est hors de question que ça se reproduise. Heureusement, même à cette heure avancée, il y avait tout de même des gens pour t’aider ; des gens qui avaient vu le doyen passer comprirent bien vite ce que tu cherchais.

Une fois arrivée, tu prends une grande inspiration avant de chercher le doyen des yeux, que tu ne mets pas longtemps à trouver.

« Bonjour… enfin bonsoir, Lómion, encore merci de m’accorder un peu de ton temps. Comment vas-tu ? »

Tu fais les quelques qui te sépare du doyen pour le rejoindre et tu t’assois en tailleur au pied de l’arbre en plaçant ton sac, que tu tenais jusqu’à présent sur une épaule, entre tes jambes pour en sortir une outre remplie d’eau, une bouilloire et du leoras.

« Je ne sais pas ce qui te fait souffrir ainsi, si tu veux le partager je suis tout ouïe, si tu préfères ne pas le faire, j’espère que tu accepteras de boire une infusion avec moi. »

Un sourire contrit te réponds. Tu supposais bien que s’il ne parlait pas c’était surtout parce qu’il ne pouvait pas et non qu’il ne voulait pas, mais tu préférais t’en assurer, mettre des mots sur sa peine lui est difficile ; ça crève les yeux et c’est bien pour ça que tu l’y encourages, tu es prête à parier, comme pour tous les elfes, qu’il sait combien cela peut être salutaire. Tu lui souris alors qu’il commence à se confier.

« – J'ai... j'ai appris la disparition de mon fils... Estiam était parti dans l'ancien Linoïn... Mais il n'en reviendra jamais... »

Quelques mots seulement, quelques mot de trop pour que Lómion puisse rester impassible ; quelques larmes s’écrasent sur le sol tandis que sa voix s'enrouent dans le chagrin. Tu hoches la tête. Si tu te doutais que quelque chose de grave était arrivé au doyen, tu n’imaginais pas que c’était ça. Tu ne veux jamais l’imaginer. Tu restes muette et à la place de dire quoi que ce soit tu te lèves, laissant tout ce que tu as sortis sur place pour aller prendre une main de Lómion dans les tiennes.

« Je comprends. » Dis-tu en plongeant ton regard dans ses yeux embuées de larmes avant de tirer légèrement dans ta direction et de lâcher sa main afin de libérer les tiennes pour sécher ses larmes. « Viens t’asseoir. »

Lómion frissonne un instant à ton contact, qu'il ne fuit pas.

« – Merci, Manëmà. » souffle-t-il.

Le contact s'estompes et l'Archimage en profites pour effacer de son visage ses larmes. Il obtempère à ta demande, quittant sa branche pour le sol, en tailleur. Tu retournes t’asseoir pour préparer ces infusions et pendant que l’eau chauffe tu tournes la tête vers le doyen.

« Je ne sais pas quelle relation vous entreteniez ni quels moyens tu emploies pour tenir le coup mais promets-moi que tu ne te couperas pas du reste du monde. Tu es toujours bienvenu chez moi ou dans les sanctuaires d’I Emël. » Tu imagines sans mal les nombreuses raisons que pourrait trouver un érudit pour rester seul à l’Académie et tu sais que rester seul dans une telle situation de faiblesse n’est jamais une bonne idée. Tu poses une main réconfortante sur l’épaule de Lómion que tu retires après une seconde ou deux, incertaine de sa tolérance au contact.  « Tu veux me bien parler de lui ? Comment était Estiam quand il était enfant ? »

Tu observes la réaction de ton aîné lorsque tu prononces le nom de son fils, préférant savoir s’il était encore trop tôt pour l’employer, et tu te prépares à le prendre dans tes bras. Tu peux voir que ton contact est bienvenu et tu retiens un soupire soulagé. La réponse de Lómion tarde à venir mais tu ne le presses pas, tu attends patiemment qu’il arrive à trouver les mots qui lui semblent juste et qu’il rassemble le courage de les prononcer.

« – Il était... C'était... Il était brillant. Il ne comprenait pas encore ce qui relevait du Chant d'Anaëh ou de celui des Flux.... »

Les oreilles tendues, tu écoutes attentivement en gardant un œil sur la bouilloire puis tu hoches la tête pour l’encourager à poursuivre.

« – Il aurait voulu tout apprendre, tout comprendre, tout assimiler... il lui a fallu se concentrer, se spécialiser, choisir et renoncer... Grandir en somme... »

Un sourire mélancolique éclaira un instant le visage de Lómion.

« – Il a toujours été le pont entre nos deux mondes... Ni tout à fait des Cités, ni tout à fait des clans... »

En continuant d’écouter tu places une leoras au fond des tasses puis tu prends doucement la bouilloire qui a remplis son office. Le chant de l’eau sifflante changeant de contenant comble le silence une fois que Lómion eut terminé de parler puis tu lui tends une desdites tasses avant de remplir la tienne.

« Qu’est-ce qu’il aimait? De quoi rêvait-il? » Tu demandes à voix basse alors que la vapeur monte lentement jusqu’à ton visage.

La tasse rejoint les mains du Doyen avec une douceur chaleureuse et si tu n’avais pas les oreilles dressées, à l’affût du moindre son, tu aurais sans doute loupé son remercîment.

« – Je crois que... plus que tout, il révérait l'harmonie de l'Oeuvre... Il s'en était fait l'agent et l'incarnation. »

Il porte la tasse à sa bouche pour en boire quelques gorgées salutaires et tu l'imites.

Pour permettre à Lómion de se remettre de ses émotions vous avez convenus d’une heure plus tardive pour le diner en question. C’était aussi pour prévenir ton époux. Après tout tu préfères éviter d’avoir à cuisiner, au vu de ton piètre niveau, si c’était possible, de plus tu sais que ça le détend et même s’il est fatigué en rentrant des casernes de la milice d’Alëandir. En rentrant tu trouves Eryvïnn assit à la table principale du salon, à côté de l’arbre qui occupe le centre de votre maison ; les paupières tombantes, un livre dans une main et l’autre tenant sa tête, couverte par quelques mèches blondes, son coude posé sur ladite table. Tu n’as le temps que de voir un masque sur la couverture du livre avant qu’il ne le pose pour lever la tête.

« Mon amour j’ai invité le doyen à diner ce soir, tu pourras faire à manger ? » Tu l’entends pousser un long soupir alors que tu retires tes bottes et lorsque tu relèves les yeux tu le vois poser son livre.
« Je ne désespère pas, un jour tu me préviendras avant d’inviter quelqu’un... » il se lève et se masse les paupières.
« Je te présente mes excuses. Il vient de perdre son fils alors... »
« Combien de temps est-ce que j’ai ? » Te coupes-t-il, toute trace de fatigue s’étant soudainement évaporé de son visage.
« Environ deux heures. » Il se gratte distraitement le menton, réfléchissant aux recettes qu’il peut faire avec ce que vous avez avant de pousser un autre soupir alors que tu franchis la distance qui vous sépare.
« Je savais que j’aurais dû aller voir l’intendant avant de rentrer... » tu l’embrasses et il te rend ton étreinte.
« Merci. » Tu murmures à son oreille en posant ton menton sur son épaule.
« Ne crois pas que tu vas t’en sortir comme ça. » Si tu ne peux pas le voir, tu entends clairement son sourire. « Tu m’en dois une. »
« Oh tu sais, une de plus ou de moins… »

Le repas ne se compose pas de plats variés mais bon avec des placards pas loin d’être vides Eryvïnn a été des plus inventifs ; l’un des intérêts de vouloir bien manger dans l’armée.

Julas de la quatrième ennéade de Verimios 17 : XI
A nouveau sous l’Ërbainiel deux heures avant le crépuscule.

Ereintée par une longue journée et avec un mal de crâne qui pointe le bout de son nez, tu t’arrêtes aux portes de l’Académie pour t’asseoir en tailleur dans l’herbe et tu murmures une prière à I Emël pour user de ta magie afin de le faire disparaître. Un professeur et une poignée d’élèves te regardent un peu bizarrement mais aucun ne cède à la curiosité et une fois ton sort terminé tu te relèves pour reprendre ton chemin. C’est en prenant le chemin qu’il te semblait avoir emprunté la veille pour rejoindre l’Archimage que tu te rends compte que tes souvenirs directionnels ne sont pas forcément aussi fiables que tu le voudrais et tu regrettes un peu que la curiosité des elfes qui t’ont observé lancer ton sort ne l’ait pas emportée ; au moins tu aurais pu en profiter pour leur demander comment retrouver le lieu de rendez-vous. Craignant de ne pas rencontrer qui que ce soit sur les terrains d’entraînements derrière l’Académie pour t’aiguiller, tu demandes avant et même si tu t’es probablement trompé une fois ou deux en route, tu retrouves finalement l’arbre que tu cherches. Tu t’en approches pour t’adosser à son tronc, à l’ombre de ses feuilles comme tu le fais d’ordinaire sous l’Estel, tu fermes les yeux et tu prends une grande inspiration.

« Contente de te revoir. » Tu accompagnes ta déclaration d’un sourire qui devient vite espiègle. « Je ne sais pas si c’est une bonne idée, ça va finir par lui monter à la tête. » Ce qui est faux, ou en tout cas pas tout à fait vrai, et une fois debout tu prends en main ton sceptre, posé contre l’arbre et tu arrêtes de plaisanter. « Je lui transmettrais. »

Tu passes une main dans tes cheveux qui sont liés dans une tresse bien plus serrée que d’ordinaire et qui repose sur ton épaule droite. Tu hoches vigoureusement la tête pour répondre à sa question avant d’en poser une à ton tour.

« Par quoi commençons-nous? »

Tu hausses un sourcil en voyant le sourire espiègle du doyen apparaitre sur ses traits, bien qu’il soit teinté de mélancolie.

« – Impressionne-moi. » répond-il simplement.

La réponse te prend par surprise et ça se voit sur tes traits. Tes oreilles se replient légèrement en arrière, incertaine de ce que tu peux dire ou faire.

« Si je pouvais je ne t’aurais probablement pas demandé ton aide. » Si tu te doutes qu’il ne s’attends pas à ce que tu l’impressionne réellement, tu te demandes bien comment tu vas pouvoir tenter une telle chose. Ton cœur se met à battre plus rapidement, ta respiration s’accélère alors que tes pensées se bousculent. Puis tu décides tout simplement de t’asseoir, autant pour te calmer que parce que tu viens d’avoir une idée. « Est-ce que tu veux bien t’allonger devant moi s’il-te-plaît ? »

En silence, Lómion s’exécuta et tu prends une grande inspiration, assise en tailleur, ton sceptre posé en travers de tes genoux, tes deux bras passent par-dessus pour te permettre de toucher du bout des doigts son torse d’une main et son front de l’autre. Une prière à I Emël passe tes lèvres, tu détaches chaque mot, te concentrant sur chaque syllabe alors que la déesse répond à ton appel en te permettant d’user de la magie dont elle a pétri le monde. Tu prends ton temps pour créer ce sort, la trame se tend et se reforme sous tes doigts qui bougent légèrement sans rompre leur contact avec la peau de Lómion tandis que, comme à ton habitude, des lueurs vertes s’échappent de tes tatouages et de tes yeux ; les yeux à moitié clos, les sourcils froncés sous l’effort, tu vois ton sceptre s’illuminer à son tour, la lumière verte s’enroulant dans les replis de l’ébène noueux. Une fois que tu juges avoir une quantité d’énergie suffisamment importante entre les mains et que tu as finis l’architecture de ton sort tu le lances. La magie pénètre le corps du doyen par le contact de tes doigts et tu explores l’intérieur de son être. Tu libères la tension accumulée dans les muscles là où tu passes, tu les assouplis, tu soulages les éventuelles douleurs que tu peux trouver en les réparant, tu les tonifies puis tu les décontractes avant de dénouer les nerfs, tu évacues les toxines et les liquides infiltrés dans les tissus sous-cutanés, tu améliores la circulation sanguine et finalement tu chasses la fatigue.

Lorsque tu as enfin fini, tu ne sais pas combien de temps tu as bien pu mettre mais en rouvrant les yeux tu te rends compte qu’il n’y a plus autant de lumière que lorsque tu as commencé. Les mains toujours posées sur le doyen, tu baisses les yeux pour voir s’il ne s’est pas assoupi ; un effet secondaire de ce genre de rituel : la détente profonde induite par le sort a tendance à produire cet effet. Dans tous les cas tu retires lentement tes mains, avec l’une d’elle tu essuies la goute de sueur qui glisses lentement le long de ta joue.